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1 –Du Turkestan à l’Amérique… !

Cela fait deux années que Philippe bûche sur notre prochain voyage… et dix années qu’il en rêve ! Le 21 mars 2015 – c’est décidé depuis notre retour d’Amérique du Sud il y a deux ans – nous partons, « enfin ! » dit-il, à motos sur la « Route de la Soie », quel programme ! Déjà, il y a quatre ans, il m’avait emmenée jusque sur les bords de la mer Caspienne, en Iran (Chap 4), en reconnaissance, disait-il, du voyage que nous ferions ensemble, depuis Paris, quand il aurait appris un peu plus de turc et de persan ; le turc parce que presque tout le « Turkestan » parle des langues turques, et le farsi non seulement pour l’Iran, mais aussi le Tadjikistan… et, pour plus tard, les langues du nord de l’Inde. Depuis, j’ai vérifié au printemps dernier qu’il se débrouillait pas si mal en turc (nous parcourions le tour de la mer de Marmara, et il a eu la flemme d’en faire un blog), il a passé des semaines à bûcher son farsi – « là, on est en pays familier, c’est une langue indoeuropéenne » ! ‑, et il a même appris un peu de russe « pour le retour par la Russie ». « Moins de » 20.000 km aller/retour ; du goudron « presque » partout. Cela fait donc au moins deux ans que je le vois rêver sur les provinces du sud est de la Turquie (Antep, Urfa, Mardin…), sur le triangle magique Ispahan/Shiraz/Yazd, sur la vallée du Ferghana, Samarcande, Boukhara et Khiva. Il est plongé dans des biographies de Gengis Khan, Tamerlan et Babur, il rêve de cavaliers kirghizes galopant devant les cimes enneigées du Pamir, il veut me faire dormir dans des yourtes de la steppe kazakhe, il m’emmène dix fois aux musées Guimet et Cernuschi à Paris, et même à l’Ermitage d’Amsterdam… Et quand il patauge dans l’itinéraire de retour par la Haute Volga, sur les traces de la Horde d’Or du côté de Kazan et Nijni Novgorod, il songe à nous faire aller jusqu’en Chine à Xian par Kashgar, Urumqi et Turfan, à la recherche de la vallée aux mille bouddhas, et l’armée des soldats enterrés de l’empereur Qin. Bon, mais moi, je ne veux pas partir plus de quatre mois, et 20.000 km à motos en quatre mois… « presque » tout du goudron, qu’il dit, je le connais… Alors il invente un nouveau copain, que j’ai à peine vu, qui nous accompagnerait en 4×4, et prendrait le guidon quand je serais fatiguée… oui, c’est ça, et nous les femmes, on reste scotchées dans la voiture pendant que les hommes font les marioles ? Bref, tout ça, je ne le sens pas trop… j’attends patiemment que ça coince…

Et puis là-dessus, voilà qu’au printemps, les Russes se fâchent avec l’Europe à propos de la Crimée, puis de l’Ukraine ; nous sommes au bord de la guerre ouverte avec eux, nous dit-on… Et, trois mois plus tard, l’Etat Islamique, une des factions du conflit syrien, conquiert la moitié de l’Irak ; puis on apprend quelques semaines plus tard que l’Etat Islamique, malgré ses atrocités, est soutenu par la Turquie, pourtant membre de l’OTAN, et que le « Califat » a des « cellules » partout dans le pays, pour les nécessités logistiques de la guerre (armes et djihadistes contre pétrole, organes et antiquités). Je ne parle même pas de l’idée d’aller pratiquer le farsi à Ispahan, en passant à quelques kilomètres de là ou les Iraniens fabriquent leur bombe atomique ! Non mais il est complètement fou de vouloir m’emmener me balader par là bas, vous ne trouvez pas ? « Ça va s’arranger » il dit… Mais moi, 2015 arrive, et je vois bien que le porte hélicoptère Mistral est toujours à St Nazaire, que la Turquie refuse toujours de laisser la « coalition » se servir de ses bases pour lutter contre l’Etat Islamique, et que les Iraniens n’ont toujours pas renoncé à faire leur bombe… J’ai déjà connu les « printemps arabes » il y a quatre ans, merci, j’ai déjà donné. Et je n’ai pas du tout, mais alors là pas du tout, envie de devenir célèbre avec une blouse orange dans le désert ! J’essaie de le distraire de son projet en le poussant à respecter la promesse que nous avions faite à notre copine Renée d’aller la voir en Israël (Chap 6), mais, c’est sûr, trois petites semaines, même si ce fut passionnant, ce n’est pas LE voyage au long cours dont il rêve.

Et puis tout fini par s’arranger ! Il renonce à son voyage – tout au moins pour le moment… ‑, et donc… ensuite… je trouve à louer notre appartement parisien pour six mois, dès le 1er mars, c’est dans un mois !!! Et puis, taquine, je lui demande : « Alors, on va où ? Dis donc, ça fait bientôt deux ans que nous ne sommes pas partis ! ». Et c’est là qu’il me sort « l’Amérique du Nord » ! « Quatre mois » (il a intégré que c’est mon maximum), « cela ne devrait pas être trop difficile d’organiser quelque chose par là bas, on parle déjà la langue, on va partir pour la Floride, il fait chaud là bas, et remonter doucement avec le printemps ; il ne devrait pas y avoir de problème de visas, on ira visiter Béchir et Cathy à Washington, et nos petits enfants dans l’Ontario, et les Bridgman à Vancouver, et nos cousins californiens ; cela ne devrait pas dépasser de beaucoup les 20.000 km » – « Mais on y va comment ? » – « Ben, en avion ! » – « Non, je veux dire, on voyage comment là bas ? » – « Ben, à motos » – « Euh, tu es sûr que je suis capable de faire 20.000 km à motos en quatre mois ? ». Il regarde alors le prix du transport de deux motos par avion de Paris à Miami, ouh la la, c’est presque aussi cher que Lima (Chapitre 5). Il essaie ensuite de voir si on ne pourrait pas acheter une voiture, pour la revendre avant de repartir… Mais il découvre que depuis quelques années, aux Etats Unis comme au Canada, si on peut acheter un véhicule, on ne peut pas l’assurer sans posséder le permis de conduire de l’état dans lequel on l’immatricule… Finalement, il me propose de louer un camping car… Nos copains Revenaz (on les a rencontrés à Puerto San Julian, ceux là, dans les fins fonds de la Patagonie, à motos eux aussi) ont longtemps vécu aux US, et me convainquent de faire l’essai. On découvre ensuite que pour partir plus de trois mois, il nous faut un vrai « visa » américain, car les escapades au Canada ne font pas repartir de zéro le décompte des jours passés dans le pays. Après « l’ESTA », nous voilà donc à remplir des formulaires invraisemblables, où il faut expliquer que (sic !), non, nous ne venons pas aux Etats Unis dans l’intention de faire du proxénétisme, ni de commettre des attentats, ni de pratiquer l’espionnage, et que, non plus, nous n’avons jamais participé nulle part à des campagnes de stérilisation forcée… Nous passons avec succès l’examen au Consulat parisien ; il était aussi tendu que pour une plaidoirie, avec cinquante pages de justificatifs démontrant nos moyens financiers de subvenir à notre voyage et notre « non intention » de nous établir frauduleusement dans leur pays !

Et c’est parti ! Nos billets d’avion sont pour le 23 mars prochain, retour le 8 juillet. Nous avons décroché l’exposition de Gaia (http://www.artbygaia.com/) le 28 février, installé notre locataire Inas chez nous le 1er mars, et filé en Charente avec nos motos le 2 mars, chargées de tout ce dont nous pourrions avoir besoin pour le voyage. L’itinéraire devrait ressembler à quelque chose comme ça :

Projet d'itinéraire
Projet d’itinéraire

Et en cliquant sur : “Album Préparatifs Amérique” vous aurez une idée du « camping car » qui remplacera nos motos (snif !) : il va falloir l’apprivoiser !

A très bientôt… d’Amérique !

 

 

16 – La Via Dolorosa et le Yad Vashem

01 décembre 2014

01 décembre 2014

 

 

 

Aujourd’hui, nous avons subi deux épreuves, avec d’une part le parcours de la « Via Dolorosa » jusque et y compris la visite du St Sépulcre, et d’autre part la visite de l’incontournable mémorial de la Shoah, le « Yad Vashem » (litt : « Mémoire – le Nom »).

La Via Dolorosa et le Saint Sépulcre

La « Via Dolorosa » (le Chemin Douloureux »), c’est le « Chemin de Croix » des origines ; c’est le trajet qu’est supposé avoir suivi le Christ, portant la croix de son supplice, juste avant la fête de la Pâque juive ‑ très probablement le 14 du mois de Nisan de l’année 30 EC ‑ depuis sa condamnation à mort dans la forteresse Antonia, jusqu’au lieu de son exécution au Golgotha, le lieu des crucifixions à l’extérieur des murailles. De tous temps, et notamment depuis la restauration des Lieux Saints faite sur place par Sainte Hélène dans les années 313 et suivantes (date de la conversion au christianisme de son fils, l’Empereur Constantin), des pèlerins, à l’image d’Egérie (382), viennent mettre leurs pas dans ceux du Christ : on se réunit dans la basilique du Martyrium, on visite les endroits dont parlent les évangiles, etc… Mais ce sont les Franciscains qui « inventent » le chemin de croix au début du XIVe, d’abord en Terre Sainte ; des répliques de ce chemin de Croix de Jérusalem sont ensuite importées en Europe dans les églises des Franciscains.

Au XIVème s., le sultan est un Mamelouk égyptien ; en 1333, il accepte les Franciscains comme « gardiens des Lieux Saints » de la chrétienté, et notamment du Saint Sépulcre. Deux siècles plus tard (1534), c’est aux Grecs-Orthodoxes de Constantinople/Istanbul que les Ottomans confient cette charge, avant que les Latins ne l’emportent à nouveau par des « Capitulations » au XVIIème. La question de « La Garde des Lieux Saints » ne cessera ensuite d’agiter les nations chrétiennes, opposant surtout la France catholique et la Russie orthodoxe ; elle sera l’une des causes immédiates de la Guerre de Crimée (1853-1856 : 450.000 morts). A partir de 1922, cette garde est assumée par les Anglais. En 1950, l’Assemblée Générale de l’ONU décide « l’internationalisation » des Lieux Saints, mais la décision ne pourra jamais s’appliquer sur le terrain ; depuis 1948, les Jordaniens ont succédé aux Anglais ; les Israéliens leur succèdent avec la conquête de 1967. Vous verrez dans l’album de photos ci-joint que cette « Garde des Lieux Saints » n’est pas une responsabilité de tout repos !

Le Yad Vashem

Nous traversons ensuite la ville pour nous rendre en tramway au Mont Hertzl, où se trouve le « Yad Vashem ». Le Mont Hertzl porte le nom de Théodore Hertzl, journaliste austro-hongrois qui, en 1897, au cœur de l’Affaire Dreyfus, fonde le mouvement sioniste : il faut trouver des fonds pour acheter des terres en Palestine afin d’y constituer un Etat Juif. Décédé en 1904, Hertzl est enterré ici depuis 1949. La population juive dans la Palestine ottomane était de l’ordre de 50.000 habitants en 1895, pour 500.000 musulmans (10 %) ; l’immigration n’y décollera guère avant le Mandat Britannique d’après la 1ère guerre mondiale : si, en 1924, la population juive est la même qu’en 1914 (80.000), elle atteint 600.000 en 1945 à la veille de la guerre d’indépendance, pour 1.100.000 musulmans (45 %) : ces quelques chiffres pour souligner que le projet sioniste, et sa mise en œuvre en Palestine, date de bien avant la Shoah.

Le « Yad Vashem » est le mémorial israélien de la Shoah ; il s’est beaucoup développé depuis la dernière fois que nous l’avions visité, il y a vingt ans. Outre « l’allée des Justes », le « hall des noms » et le « mémorial des enfants », il y a maintenant une dizaine de salles d’exposition dans un « Prisme », qui rassemblent des objets, maquettes, photos, vidéos, fac-simile d’affiches ou tracts, etc… pour expliquer la montée de la persécution nazie depuis 1933 (1/ Le monde d’antan 2/ D’égaux à réprouvés 3/ Les débuts terribles 4/ Entre murs et barbelés), la mise en œuvre de l’extermination (5/ Massacres en masse 6/ La Solution Finale 7/ Résistance et Sauvetages 8/ Les derniers Juifs), puis les conséquences de sa révélation au monde (9/ Le retour à la vie 10/ Les survivants) ; la dernière salle semble maladroite en ce qu’elle évoque la création de l’Etat d’Israël comme un fruit logique de la Shoah. Le mémorial des enfants est toujours aussi poignant : des bougies se reflètent à l’infini dans un noir espace de millions d’étoiles, pendant qu’une voix venue d’ailleurs égrène les noms, âges et pays d’origine des 1,5 millions d’enfants assassinés.

Toutes les photos de cet improbable mais incontournable cocktail sont sur :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/01Decembre2014?authuser=0&authkey=Gv1sRgCMXzpOnXrp_ieA&feat=directlink

Aïe, aïe, aïe ! Plus que deux jours à passer ici ! On panique ! Le beau soleil est revenu, il fait 18/20° dans la  journée, avec de belles lumières !!! Pouvez-vous nous préparer quelque chose de sympa pour notre  retour ?? On vous embrasse !

15 – Les Souterrains de la Vieille Ville

30 novembre 2014

30 novembre 2014

Aujourd’hui, nous avons passé l’essentiel de  la journée dans les souterrains de la Vieille Ville, ceux qui sont en-dessous de la ville byzantine qui sont en-dessous de la ville arabe qui sont en-dessous de la ville croisée qui sont en-dessous de la ville ottomane. En bref, sur des dallages et entre des murs datant des Cananéens (-1500), des Davidiens (-1000), des Hérodiens (-100) ou des Romains (+ 100). Oui, huit couches visibles au moins, en quatre mille ans ! C’est-à-dire que nous avons, nous, à la différence de l’immense majorité de ceux qui pèlerinent sur la « Via Dolorosa », 20 mètres plus haut, marché sur les pierres sur lesquelles ont réellement marché Jésus et ses disciples.

Nous nous sommes donc d’abord retrouvés juste au sud de l’Esplanade, à l’entrée de ce que les gens appellent déjà ici la « Cité de David », sur la « colline de l’Ofel ». Là où David habitait lorsqu’il aperçut, de la terrasse de son palais, une femme prenant son bain, Bethsabée, la femme de son soldat Uri le Hittite.

Après une visite de quelques fouilles techniquement compliquées parce que situées sous le village arabe de Silwan, nous avons emprunté sur 200 m un premier tunnel apparemment creusé dès l’époque cananéenne, et utilisé ensuite par David et ses successeurs. Nous avons enchaîné ensuite sur un deuxième tunnel, célèbre celui-là, le « tunnel d’Ezechias » (-700), par lequel ce roi d’Israël a capté la source « de Gihon » des cananéens pour la conduire, 200 m plus bas, à la « piscine de Siloé ». Remontant (en taxi, nous étions déjà fatigués !! Et aussi parce que remonter à pied de Siloé à l’Esplanade implique de traverser le village arabe de Silwan… où le climat est orageux…) en haut du champ de fouilles, nous avons emprunté sur 150 m un troisième tunnel, manifestement d’époque hérodienne, qui débouchait directement au pied de l’angle sud ouest de l’Esplanade, dans le dallage d’une grande avenue majestueuse qu’Hérode avait aménagée le long de la face ouest.

Et une heure plus tard, après un déjeuner bien mérité, nous pénétrions dans un quatrième « tunnel », devenu célèbre sous le nom de « tunnel du Temple »… non, ce tunnel ne passe pas « sous » l’Esplanade – et Dieu sait pourtant si les archéologues Israéliens aimeraient bien faire des fouilles archéologiques sous l’Esplanade, mais ce serait une cause de 3ème guerre mondiale !! – non, il ne s’agit d’ailleurs même pas d’un « tunnel » à proprement parler, mais des traces de la grande avenue majestueuse d’Hérode, aujourd’hui enfouie sous toutes les couches de villes qui se sont succédées à cet endroit. Les Israéliens sont très émus de pouvoir parcourir ce « tunnel du temple », notamment parce qu’il leur donne accès à un endroit qui est le plus proche géographiquement de là où se situait le Temple : interdits de prière sur l’Esplanade (on en reparlera après demain en la visitant !), ici, ils peuvent se lâcher tranquillement ; les prières y sont forcément plus efficaces !

Certes, ces travaux des archéologues israéliens ont une visée nationaliste : il s’agit de prouver l’antériorité des « droits » des Juifs sur cette Terre Promise. Mais il s’agit d’un autre débat : en quoi ces découvertes pourraient-elles amoindrir les droits des Palestiniens ? Il reste qu’ils font un travail extraordinaire, et qu’il est très émouvant de retrouver, sur le terrain, les traces matérielles évidentes des allusions des Ecritures d’il y a plus de 2.000 ans.

Toutes les photos, avec maintes légendes, sont sur :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/30Novembre2014?authuser=0&authkey=Gv1sRgCIPl8MqG_aGluQE&feat=directlink

14 – Mt des Oliviers – Abu Gosh – Deir Rafat

29 novembre 2014

29 novembre 2014

 

 

Pour notre deuxième jour à Jérusalem, nous profitons de ce que nous avons encore la voiture pour aller nous promener en banlieue. Nous commençons par aller sur le Mont des Oliviers, belvédère d’où se déroule le plus beau panorama du monde : par delà le vallon du Cédron s’élève en effet la célèbre Esplanade des Mosquées, immense terrasse construite par Hérode le Grand, qui a mis 10.000 hommes pendant 10 ans pour creuser l’angle nord ouest, et construire, sous l’angle sud-est, de formidables soutènements dans lesquels se trouve aujourd’hui la mosquée Marwani, autrefois appelée « les Ecuries de Salomon », qui peut accueillir 7.000 personnes.

C’est au milieu de cette Esplanade, à peu près à l’endroit où se trouve aujourd’hui le Dôme du Rocher, que Hérode fit construire le « Temple d’Hérode ». Les Juifs l’appellent le « 2ème » temple, alors qu’il s’agit en fait du 3ème : le 1er, c’est celui que Salomon, fils de David, fit construire autour de l’an 1000 BC, et qui fut démoli par le roi Babylonien Nabuchodonosor en 586 BC – les Juifs sont alors déportés à Babylone, jusqu’à leur libération par le roi Perse Cyrus en 538 BC ‑ le 2nd, c’est celui que les Juifs construisent au même endroit à partir de 535 BC sous la direction de Zorobabel ; les sacrifices et le service du Temple y reprirent à partir de 516 BC (de 586 à 516 s’écoulent les 70 années de la déportation) – Vers 19 BC, Hérode décide « d’agrandir » le temple de Zorobabel, dont les Ecritures ne cessent de souligner qu’il n’était qu’une pâle copie de celui de Salomon ; Hérode n’en laissera pas pierre sur pierre ; mais comme le service du Temple n’y fut jamais interrompu, on continue à l’appeler « 2ème Temple ». Le 3ème temple est celui que quelques Juifs extrémistes rêvent de reconstruire à la place du Dôme du Rocher pour hâter la venue du Messie. Jésus venait souvent sur le Mont des Oliviers ; c’est notamment là qu’il apprit le « Notre Père » à ses amis, qu’il fut arrêté par la police du Temple sous la direction de son disciple Judas, et qu’il « monta aux cieux » après sa Résurrection.

Nous filons ensuite sur le très ancien village d’Abu Gosh, situé sur la route historique de Jérusalem à Jaffa. Abu Gosh tire son nom d’une famille de Musulmans tchétchènes installée ici depuis le 16ème s. Le village s’appelait Kiryat Yéarim du temps de David ; les Philistins en effet ayant sévèrement battu les Israélites, leur avaient pris l’Arche d’Alliance, qu’ils placèrent dans leur temple à côté de leur Dieu Dagon ; mais ils ne cessèrent alors d’avoir des catastrophes et, au bout de sept mois, la rapportèrent à Beit Shemesh, où les Juifs à leur tour connurent des catastrophes ; les habitants de Kiryat Yearim se chargèrent alors de l’Arche ; ils la gardèrent pendant plus de vingt ans, jusqu’à ce que David, nouveau roi, la transfère à Jérusalem. C’est un peu du fait de cette histoire, racontée au 1er livre de Samuel, que les Bénédictins de Belloc (F-64) récupérèrent une ancienne église des Hospitaliers de St Jean (XIIème s.) pour y bâtir un monastère dédié à la Vierge, « nouvelle Arche d’Alliance » en ce que, comme la 1ère Arche, elle a porté Dieu. Nous y sommes reçus extrêmement gentiment par un frère Oliver, qui nous consacrera une grande demi-heure avant de nous inviter à participer à la célébration eucharistique dans la belle église croisée.

Nous terminons notre journée en roulant jusqu’au sanctuaire de Deir Rafat, fondé par le Patriarcat Latin en 1927, et animé par un monastère des Sœurs de Bethleem. C’est là que notre nièce Anne de Laâge a choisi d’habiter depuis le mois de février dernier ; nous y passons près de deux heures… elle décoiffe, notre nièce ! Toutes les photos de la journée sont sur :

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Demain, Renée nous emmène visiter les sous sols de la Jérusalem antique… nous y passerons pratiquement toute la journée… incroyable !

13 – L’Herodion et le Grand Marché Juif de Jérusalem un soir de shabbat

28 novembre 2014

28 novembre 2014

 

Bonsoir tout le monde. Çà y est, hier soir, la grippe s’installait à la maison… mais n’a attaqué ni la bonne humeur, ni l’impatience de découvrir les merveilles de Jérusalem. Aujourd’hui, nous prenons d’abord la voiture pour filer à une trentaine de kilomètres au Sud de Jérusalem visiter « l’Hérodion », une forteresse qu’Hérode le Grand (Ier s. BC) a fait construire à proximité de sa capitale. Il a choisi une pyramide naturelle tronquée qui est le point culminant du Désert de Judée, a bâti un château là haut, puis, agacé qu’on puisse voir ses fastes de loin, l’a caché en rehaussant la pyramide. De loin, l’Hérodion ressemble donc à « un sein de femme » (Flavius Josèphe) ; et de près, à la caldera d’un petit cratère au fond duquel se cachent aujourd’hui les ruines d’un palais fortifié. Détruit par les Romains en 71 EC, il sera réoccupé par Bar Kobkha pendant la révolte de 135. On y trouve d’intéressants restes du palais, de la forteresse, et d’un inextricable réseau souterrain de galeries et de citernes. Le tombeau d’Hérode lui-même y fut découvert en 2007.

En début d’après midi de ce même vendredi, et donc à quelques heures du début de notre troisième shabbat en Israël, nous nous trouvions à Mahane Yehuda Market, le grand marché juif de Jérusalem. D’un côté, il tient à la fois du souk, du bazar ou d’un gigantesque marché d’Aligre ; il est immense, la foule y est bruyante ; on y trouve de tout, des multiples fruits et légumes aux pâtisseries, fromageries ou viandes, avec des restaurants offrant toutes les spécialités du monde entier du fait que la population juive vient elle-même du monde entier. D’un autre côté, la proximité de plusieurs quartiers juifs orthodoxes fait que la foule est parsemée de personnages aux chapeaux et tenues plutôt excentriques. Renée nous emmène chez son copain yéménite Uzi : c’est un guérisseur qui a toutes les potions qu’il faut pour nous guérir de tous les méchants virus que nous avons attrapés : ne manquez pas d’aller voir sur l’album de photos comment il nous a traités !

Après un petit tour dans le quartier fermé – et orthodoxe – de Ohel Moshe, le soleil se couche, c’est shabbat qui commence à Jérusalem, les bus ne fonctionnent plus, et nous nous faisons ramener à la maison par un taxi arabe.

Une heure plus tard, Renée vient nous chercher pour nous emmener dans sa synagogue, à quelques pâtés de maison de chez nous. Nous passons devant la synagogue d’état, un peu trop orthodoxe pour elle, et poursuivons jusqu’à « sa » synagogue « libérale ». C’est un peu comme le système éducatif français ; le secteur public est gratuit ; le privé est payant. Ici, l’Etat paie pour la construction, l’entretien et les rabbins des synagogues d’état ; pour les synagogues libérales, ce sont les communautés d’Amérique qui, pour l’essentiel, ont financé la construction. Nous arrivons en retard, après les lectures de la Torah ; nous en sommes aux chants de louanges ; il y a des livrets bilingues hébreu/anglais, et nous pouvons suivre les chants ; ce sont essentiellement des Psaumes de David ; le rabbin est devant une table, au milieu de la salle, sur une estrade ; il mène les chants les yeux fermés, le sourire aux lèvres. A un moment, nous nous tournons tous vers le fond de la salle, pour saluer le shabbat qui vient. Dans l’assistance, beaucoup ferment également les yeux en chantant et en se balançant doucement d’arrière en avant. Une fois revenus à la maison, Renée allume les bougies sur la table, chante la prière du soir, la bénédiction et le Kiddouch (« … et le septième jour, Il se reposa ») avec une coupe de vin à la main (enfin, de jus de raisin, elle ne boit pas d’alcool). Deux pains sur la table sont dans une assiette recouverte d’une étoffe (la double portion de manne qui tombait la veille du shabbat pendant l’Exode) ; Renée les rompt et en donne une part à chacun après l’avoir salée (pour que le souvenir de ce repas se conserve !).

Shabbat Shalom !

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A demain !

12 – St Jean d’Acre

27 novembre 2014

27 novembre 2014

 

Nous avons adoré Acre, par ses empilements historiques, la beauté du site, la médina enserrée dans les remparts, la population essentiellement arabe, cette antique porte de l’Orient avec tous ses minuscules ports fortifiés, ses caravansérails, et, bien sûr, son exceptionnelle citadelle. Un mot d’histoire d’abord !

Akko est une très ancienne cité (3000 BC), mentionnée dans la Genèse ; c’est un petit port, entouré de murailles, qui prend le nom de Ptolémaïs sous les Séleucides (IIIème s. BC)… et pour mille ans. St Paul y passe (Ac 21, 7). La ville est prise par les Arabes en 638, puis par les Croisés dès 1104, dont elle devient le principal port, une fantastique place forte des Chevaliers de St Jean Hospitalier, puis leur principale source de revenus ; en 1170, elle aurait rapporté à elle seule aux Croisés autant que tout le Royaume d’Angleterre…

Là-dessus, un jeune kurde de 30 ans prend le pouvoir en Egypte en 1169. Saladin ben Ayyub prend Damas en 1174, Alep en 1183, proclame le jihad, et écrase l’armée croisée en 1187 aux Cornes de Hattin, à quelques kilomètres de Tibériade. Dans la foulée, Saladin prend Jérusalem ‑ la ville, sauf pour une période de 15 ans, restera musulmane jusqu’en 1917 – et surtout le port si riche de St Jean d’Acre. Il faudra deux années de siège aux Croisés pour reprendre la ville. Saint Jean d’Acre devint alors à nouveau pour un siècle la capitale politique et administrative du Royaume Latin de Jérusalem. Le 18 mai 1291, après moins de deux mois de siège, ce sont les Mameluks qui reprennent le port : cette date marque la fin de l’aventure des croisades en Terre Sainte.

Mais on ne parle guère de ces évènements lorsqu’on visite St Jean d’Acre, on parle essentiellement de l’échec de Napoléon, qui ne réussit pas à prendre la ville malgré trois mois de siège en 1799, pendant la campagne d’Egypte. Il y a même, à l’entrée de la ville, un « tell Napoléon », surmonté d’une statue de notre célèbre général !

Toutes les photos de la formidable ville-forteresse sont sur :

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Et maintenant, nous avons pris possession pour une semaine de notre appartement à Jérusalem, avec wifi, terrasse et commerçants à proximité : nous voilà hiérosolomytains pour une semaine. Le temps est revenu au beau, et nous nous régalons d’avance ! On vous embrasse !

11 – Les lieux saints de Tibériade

26 novembre 2014

26 novembre 2014

 

 

Eh beh, on ne sait pas ce qu’on va devenir ! Hier soir, au retour à Jérusalem, pourtant pas trop tard, mais par une météo épouvantable (9°, pluies), j’étais crevé, glacé… mais teigneux, j’ai quand même mouliné l’ordi jusqu’à 23 h (sachant qu’ici, la « journée » de soleil va de 6 à 17 h). Et je ne sais pas quelle grippe il a attrapé lui aussi, mais il rame comme un malade ; sans doute le Shin Bet qui a repéré mes messages où je parle de Beit Safafa et d’Al Nostra !? Et qui a installé un logiciel sur ma vieille bécane poussive ? Le fait est que je ne vous ai rien envoyé. Et voilà donc ce que j’avais pour programme de vous envoyer hier : notre  première journée de « pèlerinage » sur les « lieux saints » de Tibériade, conclue chez les Kabbalistes séfarades de Safed/Tzvat.

Vous verrez sur l’album de photos joint que de vraies tempêtes peuvent agiter la « mer de Galilée », comme on appelle aussi le lac de Tibériade ; je ne m’imagine pas tenter de « marcher sur les eaux » dans de telles conditions météo !!

Vous verrez également quelques uns des plus fameux lieux situés au centre de la prédication de Jésus le Galiléen, où il a enflammé les foules avec ses miracles, ses discours, ses guérisons. Encore aujourd’hui, c’est assez paumé comme endroit ; on a du mal à comprendre comment son message a pu se répandre dans l’univers entier ! Surtout avec l’équipe de bras cassés qu’il s’était choisi…

Même chose pour les rabbins de Sepphoris/Tsipori (IIème s.), visité avant-hier, ou ceux de Safed/Tzvat (XIIème s.), visités tout à l’heure : ces quelques hommes ont sauvé le judaïsme de la destruction du Temple, lui permettant de fleurir jusqu’à ce jour, après avoir remplacé les trois sacrifices quotidiens du Temple par trois prières : le seul vrai temple des Juifs, c’est la Torah ! “C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice !” (Os 6, 6).

Quel mystère ! Cela tient sûrement au pays lui-même ! « Car quand tu viens dans ce pays, tu n’échappes pas aux questionnements : Qui suis-je ? D’où je viens ? Où vais-je ? Pourquoi ? Pourquoi ? »

Demain, nous retournons à Jérusalem (la ville où l’on prie), en passant par Haïfa (la ville où l’on travaille) et Tel Aviv (la ville où l’on s’amuse).

Quelques photos donc de la « mer de Galilée » dans la tempête, et de Tzvat en hiver en cliquant sur :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/26Novembre2014?authuser=0&authkey=Gv1sRgCJGvvqqipsTqEg&feat=directlink

10 – Sur le Golan

25 novembre 2014

25 novembre 2014

 

Ben non, on n’aura pas encore rattrapé notre retard, même si la santé s’améliore… Journée pleine d’émotion hier ; ci-dessous donc, notre  tour « mouvementé » du plateau du Golan : quelle expérience ! Quand nous y étions allés, il y a plus de vingt ans, j’avais été marqué par la topographie des lieux ; le lac de Tibériade à -210m, les sommets du plateau du Golan à 1.200 m, le Mt Hermon à 2.800 m servant de frontière aux trois pays du Liban, de Syrie et d’Israël, avec les sources du Jourdain ; quelle variétés de paysages en quelques kilomètres ! Entre temps, la situation n’a guère évolué avec les pays riverains ; c’est toujours l’état de guerre avec le Liban comme avec la Syrie. Sauf que maintenant, depuis trois ans, c’est la guerre civile en Syrie ; et les Israéliens ne semblent pas se contenter d’être de simples spectateurs, cherchant tous le moyens d’affaiblir le régime d’Assad, tout en n’ayant aucun intérêt à ce que des Jihadistes y prennent le pouvoir. Je savais que d’intenses combats se déroulaient depuis des mois à proximité du Mt Hermon ; des Casques Bleus avaient été enlevés par Al Nostra, la filiale locale d’Al Qaïda ; d’autres, encerclés par les mêmes, avaient pu s’exfiltrer grâce à une collaboration entre Tsahal et l’armée syrienne ( !) ; des convois de blessés s’étaient présentés à la frontière libanaise juste au nord du Mt Hermon ; deux obus de mortier étaient tombés par erreur sur le plateau du Golan, provoquant une réaction militaire violente des Israéliens… Mais, bon, Renée s’était renseignée, il n’y avait a priori pas de problème pour aller s’y promener. Mais alors là ! Quand on a toujours vécu dans un pays en paix, c’est quelque chose d’assister à des combats en direct ! Comme au cinéma, sans aucun sentiment de  danger tellement nous nous sentions protégés par les Casques Bleus, l’armée israélienne… et le « Coffee Anan » !

Et c’est la tête encore pleine de ces images que nous visitions les émouvantes traces du « Tell Dan », aux sources du Jourdain.

Demain, nous revenons à Jérusalem par la côte méditerranéenne, et nous vous raconterons notre journée d’aujourd’hui, très  « catho », autour du lac de Tibériade, mais aussi dans les synagogues de Tsaft (« Safed »).

Toutes nos photos du plateau du Golan sont sur :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/25Novembre2014?authuser=0&authkey=Gv1sRgCLuLovXr7fKQzAE&feat=directlink

A demain !

9 – de Beit Shean à Nazareth

24 novembre 2014

24 novembre 2014

 

 

Là, on commence à tirer la langue ! Plus de 10 jours que Renée nous mène à un train d’enfer… Dès qu’on l’a crue amortie, Anne et Christian l’ont regonflée avec leur enthousiasme, et on continue comme avant ! J’ai un gros rhume depuis une semaine, que je suis en train de passer à Véronique. Il faut dire que partout où  nous allons, c’est passionnant, mais tout aussi passionnant dans les temps « morts » (voiture, repas, …), où  on discute avec impertinence de l’actualité française, israélienne, religieuse, ou surtout biblique ! Donc, hier soir, coup de blues, pas de « blog », mais dodo direct : voici donc notre journée d’hier : Beit Shean, Megiddo, Sephoris et Nazareth.

Beit Shean, vous en avez peut-être déjà entendu parler, c’est la plus belle ville romaine de tout Israël. Megiddo est un site extraordinaire, celui d’une « ville-état » de plus de 6.000 ans d’âge, plusieurs fois citée dans la Bible, avec un invraisemblable tunnel menant à la source d’eau de la ville, apparemment construit par les Cananéens (vers 1700 BC), puis amélioré par les rois d’Israël… 1.000 ans plus tard !

Et si Nazareth, je pense que tout le monde connaît, Sephoris en revanche, aujourd’hui Tsipori, mérite le détour ; non seulement parce qu’il est vraisemblable que le charpentier Jésus y travailla ; non seulement parce qu’on y a mis à jour d’extraordinaires mosaïques romaines ; mais aussi parce que c’est là que le judaïsme d’après la destruction du Temple prit son essor, et que fut éditée la Mishna, le premier recueil de la Loi orale façonné par les rabbins ; avec la Gemara, elle forme le Talmud. Qui a dit que tous les Juifs avaient été chassés de Palestine après la destruction du Temple et la révolte de Bar Kokhba ?

Pour plus de détails sur cette journée, et des photos ! il faut cliquer sur :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/24Novembre2014?authuser=0&authkey=Gv1sRgCKqbqaTLkYO15QE&feat=directlink

8 – de Masada à Betshean

23 novembre 2014

23 novembre 2014

 

 

 

 

Ouh là là ! Quelle journée ! On se paie d’abord l’ascension de la forteresse de Masada par le côté Est, le plus haut ; on ne peut pas dire que c’est l’altitude, on est entre moins 350 m et le niveau de la mer, mais çà grimpe ! En haut, c’est toujours aussi magique ! Je ne vous refais pas l’histoire du site, j’en ai mis l’essentiel dans les légendes des photos ; mais c’est un moment exceptionnel ; les Juifs, encore aujourd’hui, disent « plus jamais çà ! ». Petite halte obligée à Ein Guedi, où Saül vient faire la sieste dans une grotte alors que David, l’ennemi qu’il cherche depuis tant d’années, y est caché. Nous passons au pied de Qumran, où ont été découvert dans les années 1940 les Manuscrits de la Mer Morte, mais nous savons qu’il n’y a pas grand chose à voir ici, au Musée d’Israël, c’est beaucoup mieux.

Et nous filons donc au-delà du nord de la mer Morte, le long du Jourdain, vers un haut lieu de pèlerinage chrétien, Qasr al Yahud (« le fort des Juifs ») là où Jésus a été baptisé par son cousin Jean « le Baptiste ». Là où, aussi, peut-être, Joshué a traversé le Jourdain en entrant dans la Terre Promise avec l’Arche d’Alliance ? On prend à droite, on passe une barrière gardée par un soldat suspicieux, on entre dans des champs de mines fermés par de vagues barbelés, il fait gris presque comme en France à pareille époque, et nous descendons vers la rive du Jourdain ; un parking accueille une demi-douzaine de bus, une boutique de souvenirs, une grande salle de pique nique, puis de larges escaliers en bois mènent à cette petite rivière boueuse d’une dizaine de mètres de large. De l’autre côté, c’est la Jordanie ; il n’y a ni douaniers, ni police, ni forces de sécurité ; c’est un lieu saint chrétien, et ces gens là, ici, ne sont encore visés par personne. Bon, d’accord, ici ou là, quelle différence ? Un « lieu saint », c’est d’abord un lieu sanctifié par la prière des pèlerins. Je me demande quand même pourquoi Jésus devait se faire baptiser puisque, par définition, il était né sans péché ?

En remontant de Qasr al Yahud vers Betshean, le long du Jourdain, après avoir contourné Jéricho et traversé Uja, nous croisons dans la steppe aride une demi-douzaine de Bédouins à dos d’âne ou de mule, chacun avec un troupeau de moutons : avant l’installation des colons juifs, aucune agriculture n’était pratiquée, dit-on, dans cette zone frontière, sauf de l’élevage extensif qui se poursuit donc toujours. Entre temps, du côté jordanien, on constate un fort développement de l’agriculture irriguée, à l’image de ce qui est fait du côté israélien. Mais il faut nous dépêcher, la nuit tombe, et nous sommes invités à prendre un verre chez Evelyne, à Shadmot Mehola. Quelques mots d’explication d’abord.

En 1948, Ben Gurion crée un corps de « soldats-pionniers » juifs d’élite, destinés à pratiquer l’agriculture dans des zones frontière : ce furent les « Nahal ». Le village de Shadmot Mehola fut fondé par des Nahal en 1979 sur la rive Ouest du Jourdain, dans les Territoires conquis par Israël en 1967 ; dès 1984, il prit le statut d’une simple colonie. C’est là que nous rencontrons Evelyne, sur la terrasse de sa maison, où elle nous a préparé du thé, des gâteaux, et des dattes fraîches du kibbutz ; à quelques centaines de mètres brillent les lumières des villages jordaniens sur la rive est du Jourdain ; tout est paisible. Le village comprend environ 500 habitants. Evelyne est la mère de six garçons ; elle est titulaire d’un doctorat de mathématiques ; son mari travaille pour un laboratoire chargé de la surveillance de la qualité des eaux du lac de Tibériade.

Nous ne savons pas trop comment l’aborder, et c’est Evelyne qui nous assaille d’abord de questions : d’où venons-nous ? Pourquoi venir faire du tourisme en Israël ? Pratiquons-nous une religion ? Elle est très surprise de nous savoir parents de 4 et 5 enfants, grands parents, catholiques, elle pensait tout l’Occident complètement sécularisé et consumérisé ! Et qu’est-ce que Jésus a fait sur le Mont Thabor ? Une Transfiguration ? C’est quoi çà ? Je compare à ce qui arrivait à Moïse dans le désert, quand il s’entretenait avec Yahwé dans la tente de la Rencontre, son visage était rayonnant, du fait de la Présence de Dieu, la « shekhina » – je prononce mal, on dit « shrina » ! C’est compliqué ; c’est comme en mathématiques ; on comprend un espace à trois dimensions, à la limite à quatre dimensions, en ajoutant le temps, mais c’est quoi, à « n » dimensions ? Et il faut coucher tout cela sur le papier à deux dimensions ? « Je prie tous les jours ; Dieu est avec moi tout le temps ».

Ses deux aînés vont partir au service militaire pour trois ans… et sans doute plus, car ils souhaitent le faire en qualité d’officiers ; « Pendant au moins quinze ans, j’aurai des enfants à l’armée ». Il y a deux synagogues dans le village, une ashkénaze, et une séfarade ; son mari est ashkénaze ; quant à elle, sa mère est Grecque, et son père « Algérien du Maroc », elle est donc sépharade, mais va dans la synagogue de son mari.

« Nous sommes fiers d’être des civils comme garde-frontières, et de participer au Renouveau Juif, et à la mission du Juif sur la terre » ; elle a une amie catholique qui vit en Israël et qui la soutient dans ce travail d’ensemencement. « Je suis heureuse ici, on a tout ce qu’il faut, je prie toute la journée. J’ai peur ; je fais de l’hypertension ; je ne veux pas que mes fils fassent du stop, c’est trop dangereux. Et je n’aime pas me retrouver entourée d’Arabes, à la différence de mon mari à qui cela ne fait rien ; je trouve que ce sont des Barbares : regardez tout ce qu’ils font et qu’ils ont fait, cet attentat de cette semaine dans la synagogue ! ». Je lui rappelle alors l’attentat juif dans le tombeau des Patriarches à Hébron (En 1994, peu après les accords d’Oslo, un colon tire sur des Palestiniens priant devant le tombeau des Patriarches un Vendredi de Ramadan : 154 victimes, dont 29 morts), et le jeune Palestinien brûlé vif cet été… ? « Oui, bien sûr, c’est horrible, mais il ne faut pas nous reprocher DEUX attentats en 20 ans, alors que eux, c’est tous les jours ».

A la grande déception de Renée, nous n’entrerons pas dans un débat avec Evelyne. Ses deux derniers garçons font des allers-retours entre la maison et la terrasse où nous sommes assis : à chaque fois qu’ils franchissent le seuil, ils effleurent des doigts la mezuzah de la porte. Instinctivement, nous avons eu le sentiment que cela aurait été remettre en question sa personne même, son assurance dans sa foi militante, en violation de la gentillesse de son accueil et de la franchise de ses questions. Evelyne nous a parue sûre d’avoir raison, et dans l’incapacité totale de se mettre à la place des Palestiniens ; elle ne pouvait avoir aucune pitié pour ces derniers, agresseurs, qui ne veulent pas la paix, mais ne veulent qu’une chose, chasser les Juifs, ou les tuer. Quand tu te sens attaqué, tu ne peux pas t’ouvrir à la différence de l’Autre. Et comme disait Ben Gurion : « les Juifs sont paranoïaques ; mais il faut reconnaître qu’ils ont des raisons pour cela ».

Mais quel pays !!!!! Chaque jour, on adore plus le kitsh et choc ! Vous avez tout cela en images sur :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/23Novembre2014?authuser=0&authkey=Gv1sRgCKm9jrGG357fyQE&feat=directlink