J18 : les grottes bouddhistes de Longmen
Ce matin, au lever du jour, notre Bullet Train file à plus de 300 km/h (303 !) dans la campagne du Henan ; le soleil a du mal à dissiper le duvet de brouillard qui la recouvre.
Nous fonçons vers Luoyang, 1,5 million d’habitants, posée sur les bords du fleuve Luo, ou Fleuve Jaune. A l’arrivée, pas de taxi !!! Un jeune papa tout heureux de l’aubaine, nous emmène avec sa fille dans notre gite de ce soir pour que nous y posions nos valises. Bernard a tenté cette fois l’expérience d’un « appartement », qui s’avère situé au 8ème étage d’une de ces tours de 25 étages qui poussent partout et nous horrifient. C’est la voisine de palier qui nous donne les clés. Et le même jeune papa qui nous emmène ensuite, tout content et toujours avec sa fille, à l’entrée du site des célèbres grottes bouddhiques de Longmen, à 15 km d’ici.
Luoyang n’est plus ce qu’elle fut. Quatre fois capitale de l’Empire du Milieu (pour les méticuleux : pendant cinq siècles sous les Zhou de -700 à -200 ; puis pendant trois siècles sous les Han, Wei et Jin de 25 à 300), et enfin pendant une quarantaine d’années sous les « Wei du nord » (494-534). Elle resta ensuite longtemps « sous-capitale » de la Xi’an des Tang (618-907). Nous partirons à la chasse de ces traces demain matin. En attendant, cet après-midi, nous allons à Longmen, site classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Après avoir fondé le tout premier temple bouddhique de Chine, celui du Cheval Blanc (68 EC), c’est de Luoyang que le bouddhisme se répandit en Chine. Une solide tradition donc ! C’est ainsi qu’aux VIème et VIIème s., dans le petit kilomètre de falaises de la gorge qui domine un petit affluent du Luo ‑ un lieu appelé « la Porte du Dragon » (« LongMen ») – des générations d’artistes sculpteurs ou calligraphes ont sculpté quelques 100.000 statues ou épitaphes dans 2.500 grottes creusées à la main. Très faciles d’accès, elles ont été notamment pillées par les archéologues européens au début du XXème s., puis vandalisées par les Gardes Rouges. Mais les restes sont vraiment impressionnants…
Ci-dessous, Amitabha, bouddha mahayana régnant sur la Terre Pure de la Béatitude : le mur à gauche, recouvert de centaines de minuscules bouddhas, a donné son nom à la « grotte aux mille bouddhas ».
Là, une stèle offre aux jeunes chinois le plaisir de décrypter des idéogrammes du VIIème s.
Ci-dessous encore, la majesté de cet immense Bouddha « Losana », de 17 m de haut.
La tradition veut qu’il ressemblerait à l’impératrice Tang “Wu Zetian”, la seule femme qui régna jamais sur l’Empire chinois (684-704). Il est sûr qu’elle encouragea le taoïsme (“Les conceptions du taoïsme sur les pratiques sexuelles justifient, pour la préservation de la santé de l’impératrice, qu’elle ne se contente pas de l’empereur et se constitue, à l’instar des empereurs hommes, un harem à sa convenance” – Wikipedia), et finança la construction de ce bouddha, entouré d’une cour de neuf gigantesques personnages. Nous avons déambulé pendant quatre heures dans le réseau des grottes, en montant beaucoup d’escaliers ! Nulle restauration encore à la Viollet le Duc, même s’il y a quelques mesures protectrices à la Malraux : mais il reste du travail !
Nous pensions que « notre appartement » se situait plutôt au nord de Luoyang, du côté de la gare. Un bus nous emmène directement de Longmen vers la gare, où nous espérons trouver à déjeuner.
Mais si le bus part bien vers le nord, il ne passe finalement pas par la gare ; et nous ne savons pas où il va… Finalement, au bout d’environ une demi-heure, à un arrêt où plusieurs personnes descendent, nous nous décidons impulsivement à rejoindre le trottoir ; nous ne savons absolument pas du tout où nous nous sommes, mais dénichons rapidement un restaurant accueillant, qui se révèlera excellent.
Bernard passant commande de son repas
Au moment de payer, nous demandons si nous pourrions avoir un taxi. « Où allez-vous ? » Nous montrons notre semblant de plan Google Map imprimé av. Simon Bolivar avant de partir. La femme s’excite, téléphone tout sourire, met son manteau, et nous accompagne jusqu’au coin de la rue… en nous pointant du doigt l’immeuble où nous avons déposé nos valises ce matin !
Merci à nos anges gardiens, ils doivent être épuisés !
Bonne nuit à tous !
Poème de route n° 18 :
En arrivant en Chine, nous avions tous en tête
Un pays très crasseux, bruyant… Ces épithètes
Ne reflètent pas du tout la situation
Les métros et les trains, les rues et les maisons
Sont d’une propreté que Paris a perdue
On mangerait par terre ! Qui de vous l’aurait cru ?
Ce tableau idyllique doit être corrigé
Un aussi grand pays ne peut être parfait.
C’est vrai que le Chinois crache en raclant sa gorge
Et parle vraiment fort à croire qu’ils s’égorgent.
Les scooters électriques avancent sans un bruit
Mais roulent un peu partout, sur les trottoirs aussi.
Les vélos à louer sont garés n’importe où ;
Conduire dans ce pays est d’ailleurs un peu fou.
La négligence existe, notre hôtel à Huà-Shǡn
Je vous l’ai déjà dit, sa tenue par des dames
Laissait à désirer. Et puis il y a l’odeur
De charbon de chauffage qui fume par malheur.
Pingyao le matin encrasse l’horizon
Des tuyaux crachent en l’air cette pollution.
Nous avons assisté aux livraisons d’ charbon
Des gros blocs de houille noire devant chaque maison.
Il n’empêche que la Chine dans sa partie urbaine
Est d’une propreté suisse et tout cela entraîne
Une nouvelle vision d’un pays très moderne
Paris, pour comparer est d’une saleté malsaine
Des poubelles éventrées, des rats qui se promènent
Hidalgo ouvre les yeux, agis avec courage
Les rats et les touristes ne font pas bon ménage.
———————————
Revenons à Longmen, l’étape de ce jour
Où je fus étonné plus souvent qu’à mon tour,
D’abord en descendant du train qui avait roulé
À 303 à l’heure, sans bruit et sans fumée.
Nous étions arrivés à Luolang-Longmen,
Bien connue pour ses grottes en falaises, les mêmes
Classées par l’UNESCO au Patrimoine Mondial
Et sabotées naguère par la drôle de bataille
Des Gardes Rouges contre toute pensée religieuse,
Dans ce cas le Bouddhisme philosophie trop pieuse.
En sortant de la gare un ‘taxi’ nous aborde
Qui était avec sa fille en garderie à bord
Bien d’accords sur le prix, nous nous mettons en route
Et l’adresse d’arrivée nous laisse un sérieux doute :
C’est un des grands ensembles de 30 étages et plus
Au 8° étage un appartement d’luxe
Pour les critères chinois tels que nous les pensons.
Comme il n’y avait personne nos bagages laissons
Et filons aussitôt voir les falaises creusées
De milliers de cavernes et statues de Bouddha
En l’an 429 pour de bonnes raisons,
Que je n’ai guère comprises faute d’explications.
Tout cela se déroule au bord d’une rivière
Et finit par un temple comme suspendu en l’air.
Nous montons dans un bus la visite achevée.
Après quelques stations nous sautons à l’arrêt
Comme moult passagers, sans savoir où nous sommes,
Entrons dans un resto où la bouffe à l’air bonne
Déjeunons tranquillement d’un grand choix de p’tits plats
Puis demandons la route à la dame qui était là :
Nous sommes, ô miracle, à 100 mètre de chez nous
Quand le hasard s’y met, c’est à devenir fou !!!
J19 : 24 décembre à Luoyang !
Grasse mat’ ce matin ! Le soleil entre à flot par la baie vitrée de notre bel appart… Nous nous décidons à aller faire un tour dans la vieille ville de LuoYang. Un taxi nous emmène sans coup férir à la Porte de Lijing, aux imposantes fortifications.
Elle donne accès à une longue rue, la Dong Dajie (Rue de l’Est), très animée, emplie de commerces en tous genres,
pas vraiment piétonne,
où les scooters électriques, dont le silence est très dangereux, zigzaguent entre les piétons.
Nombre de boutiques semblent spécialisées en papiers et calligraphie : Véronique en profite pour faire des achats d’éventails
pendant que nous contemplons les artisans au travail.
Tout au bout à l’Est, la Tour du Tambour (XIVèmes. )
ferme un quartier de la vieille ville dont toutes les maisons sont murées : il paraît voué à la démolition totale et très prochaine ! Nous revenons alors vers la Porte de Lijing,
en terminant des achats indispensables aux peintres de la famille.
Nous revenons enthousiasmés à notre « appartement » : cette « vieille ville » de Luoyang nous a séduit par une animation et une authenticité supérieure à celle de Pingyao. Espérons que les démolitions à venir ne vont pas la transformer en musée pour touristes !
Après avoir même pris le temps d’une courte sieste, nous rejoignons la gare du Bullet Train après avoir hélé un taxi. Avec une précision que je n’hésite pas à qualifier d’helvétique ‑ c’est la neudixième fois que nous prenons le train en Chine, nous sommes toujours partis et arrivés à l’heure à la minute près ! – nous arrivons à Nankin (NanJing pour les sinisants !), 1.000 km plus à l’Est, vers les 22 h du soir de Noël pour nous retrouver dans le dernier, et le plus bel hôtel de notre escapade chinoise.
Voilà d’abord le “Poème de route n°19” de Bernard :
Ce 24 décembre a beau être un dimanche
Et la veille de Noël, rien à Luolang ne change
Comme les autres jours. Les commerces fonctionnent
Les restos, les transports, les artisans s’adonnent
À leurs activités comme un jour de semaine
Car en Chine 35 heures égale trois jours à peine
Les boutiques sont ouvertes au moins 12 heures par jour
Et les pauvres vendeuses sont les mêmes toujours.
Nous avons visité la vieille ville de Luolang
Une cité naguère capitale des Tang
Dont il ne reste rien sinon deux portes neuves
Et un bout de rempart qui n’a pas fait ses preuves.
Une rue principale où l’on vend des pinceaux
Et tout le matériel (de l’encre et de l’eau)
Pour la calligraphie ou bien l’aquarelle
Véro s’est régalée en s’offrant pour Noël
Des pinceaux en bambou, des feuilles de papier
De quoi vider de Phil tout le porte-monnaie.
Des trois guides touristiques que nous utilisons,
Lonely Planet, Routard (sa dernière édition)
Et le Vert Michelin ; aucun n’est très complet
Luolang n’est cité que dans le LP.
(Elle ne mérite pas plus, faute de vraies beautés
À offrir à nos yeux qui deviennent blasés).
Si vous venez en Chine en copiant notre tour
Nous vous indiquerons les pièges et les détours
Mais en matière de guide, Routard est le meilleur,
Sous réserve de prendre une édition à l’heure
Car les choses vont si vite dans ce très grand pays
Que toute information a courte durée de vie.
Bon sang, mais c’est Noël. Ces considérations
Sont très surréalistes pendant votr’ réveillon.
Le train roule vers Nanjing qui s’appelait Nankin
Du temps où les combats entre Européens
Pour garder monopole sur le trafic d’opium
Comme toutes les guerres faisaient périr des hommes
À Noël on se souhaite de vivre dans la paix
Nous l’espérons pour vous en toute amitié.
Et puis nous souhaitons à tous un Joyeux Noël !
Poème de Noël,
Fêter Noël en Chine, ici fête païenne
C’est-à-dire marchande, qui n’a rien de Chrétienne
Sera d’autant étrange que nous serons en train
Pour passer la soirée, en route vers Nankin.
Avec sept heures d’avance nous souhaitons à vous tous
De célébrer gaiement avec vos p’tits qui poussent
Cette fête de famille qui plaît tant aux enfants
Les petits et les grands, c’est-à-dire leurs parents
Nous chantons avec vous, en chinois, pas très bien,
‘Mon beau sapin’ ou bien, voyons ‘Minuit chrétiens’ ?
En attendant d’écrire un cantique nouveau
Sur les quatre Français égarés du troupeau.
Joyeux Noël à tous
Depuis notre cambrousse
Véronique, Marie, Philippe, Bernard