Avant le lever du jour de l’arrivée à Dakar, petit tour sur le pont car nos téléphones se mettent à recevoir des sms, et, par notre hublot de tribord, il n’y a que la nuit noire… bien vu ! A bâbord, non seulement les lumières de la côte (St Louis du Sénégal ?), mais surtout, dans cette nuit africaine, une extraordinaire « odeur de terre », riche bouquet aux goûts de racines, fleurs, terre mouillée et décomposition végétale ; eh oui, nous découvrons qu’en mer loin des côtes, çà sent surtout ‘le bateau’ ! Il est 4 heures, mais impossible de se rendormir : d’abord, rebranché sur ‘itinérance’, une semaine de nouvelles débarquent sur le téléphone. Et ensuite, Dakar est là, Dakar nous attend, Dakar où je n’ai pas mis les pieds depuis…. une de mes vies antérieures… sans doute près de 25 ans ! Notre cargo frôle l’île de Gorée alors que le soleil se lève, puis file vers son quai à quelques pas de l’entrée principale du port, en plein centre ville, où nous nous trouvons dès 9h du matin, avec strictes consignes d’être de retour à bord à 16h00 au plus tard. Quelle émotion ! Rien n’a changé… les rues ne sont pas moins propres, les immeubles pas plus délabrés, la vie grouille et envahit les chaussées, les gens toujours aussi drôles et accueillants ; nous nous laissons adopter par un ‘guide’ dès la sortie du port… c’est que nous avons du travail ! D’abord, trouver un point Internet pour mettre en ligne le ‘blog’ écrit cette semaine, puis trouver une ‘ficelle’ pour l’appareil photo de Véronique, avant de pèleriner dans les rues et marchés, puis retrouver Vincent à l’Ambassade de France pour déjeuner. Rien n’a changé…. Comme l’Internet proposé n’accueille pas la clé USB où j’ai mis tout ce que je veux mettre en ligne, la secrétaire me prête son poste de travail… mais en a évidemment besoin de temps en temps… alors, on échange nos places, et, de place en place, devenons vite copains ! En une heure, comme espéré, c’est bouclé. Petit tour du ‘Plateau’ ensuite (le centre du centre ville) ; nous nageons en plein bonheur ! Il fait chaud, mais pas trop, les senteurs du marché Kermel titillent nos mémoires olfactives, il faut batailler pour arriver à pénétrer dans l’Ambassade de France… là, sécurité et histoire récente obligent, quelque chose a changé ! Vincent nous emmène déjeuner chez lui, à Mermoz ; d’habitude, il circule en 125cc ; là, nous faisons les 10km en taxi avec lui et découvrons les nouvelles autoroutes de la banlieue. Vincent et Hélène sont des amis de notre fille Charlotte ; ils nous ont prêté leur maison à Nairobi il y a six ans, accueillis à Bordeaux pendant notre marche vers St Jacques…. Leur fille Flore déjeunera avec nous, Jules et Alice sont à la cantine, et Hélène rentre à Dakar dans quelques jours. Mais les 16h00 fatidiques arrivent à grand pas, Abdou nous ramène au bateau. Nous traînons un peu des pieds : quelle vie débordante ici, ‘à terre’, de sons, de couleurs, d’odeurs et surtout, de gens ; remonter ‘à bord’ nous donne un peu l’impression de repartir pour une retraite dont nous nous serions évadés pendant quelques heures, de revenir dans nos cellules.
La vie à bord est en effet un peu austère : la mer, d’abord, aura été pour nous pendant cette traversée de l’Atlantique un peu ‘toujours la même’ ! Infinie, plate, déserte, chaude, ventée, elle est labourée avec persévérance par notre cargo. Et à part quelques poissons volants miroitants quelques secondes de vagues en vagues – mais notre pont est à 40 mètres au-dessus de la mer ! ‑, et quelques jolis couchers de soleil, il ne s’y passe rien, on n’y croise que rarement d’autres navires, et on ne se tient pas sur le pont de façon confortable. Eh non ! Pas de tempête, pas de Sargasses, pas de plancton scintillant la nuit…. Ensuite, rupture totale avec notre environnement habituel : pas d’emails, pas de news, d’actualités internationales, de la famille, des copains… l’équipage ne communique AUCUNE nouvelle d’aucune sorte, ni sur la marche du bateau, ni sur les évènements du monde ; et ce, dans un bruit de fond constant, de machines et de ventilations : nous sommes dans un univers de TRAVAIL ; le rêve de l’équipage, c’est que nous soyons aussi discret que l’un des containers sur le pont, là-bas ; nous avions été prévenus ; vous l’êtes maintenant vous aussi ! Il s’agit vraiment d’une RUPTURE totale !
Et c’est là que l’expérience devient passionnante : nous disposons chaque jour, dans une tranquillité absolue, doucement bercés par le léger roulis et le bruit de fond du cargo, d’une richesse en voie d’épuisement rapide, nous disposons de TEMPS ! Quel luxe ! Aucun risque d’être dérangés ! Du temps pour lire une partie de tous ces livres dont on nous a parlé, chargés sur nos tablettes de lecture. Du temps pour voir quelques uns de ces films que l’on n’a toujours pas vus, et qui entre temps, bien sûr, ne sont plus à l’affiche ‑un ou deux par jour, pendant deux ou trois semaines, cela ne va pas encore bien loin ! Du temps pour apprendre et perfectionner notre espagnol. Du temps pour dessiner et peindre à l’aquarelle. Du temps pour écrire. Du temps pour faire du rangement dans les photos de nos ordinateurs. Du temps pour connaître nos voisins de cabine. Avec malgré tout une petite réserve : en général, quand on ‘travaille’ à écrire un texte, lire un livre ou voir un film, on est vite et souvent à chercher quelque chose sur Google pour vérifier un contexte, une information, un mot… Là, pas le moindre Internet, il faut ruser avec ce qu’on a sous la main ! J’ai par exemple fini par trouver à quoi correspondent les ‘tropiques’ (du Cancer, du Capricorne), ces curieux parallèles, dans le dictionnaire espagnol intégré à mon Kindle quand je lis dans le texte ‘Aleph’, de Borges.
Et puis un beau soir d’orage apparaît à tribord une drôle de flamme dans la nuit, une torchère ! Puis une ligne de lumières dans le lointain, une côte… Cela fait deux jours que nous savons longer les côtes du Brésil, mais maintenant, elles sont là. Et le lendemain, ce matin 29 novembre, entrée magique dans la baie de Rio encombrée des brouillards de l’orage d’hier soir, notre cargo sonnant de la trompe de brume à nous rompre les tympans : notre pont à 40 mètres de haut brille au soleil alors qu’on n’aperçoit ni notre proue, ni l’eau de la mer ! Bientôt voilà le fameux Pain de Sucre, sur notre droite, et la pointe sur laquelle se dresse le Christ Rédempteur du Corcovado, au-dessus des rangées d’immeubles des plages de Copacabana et Ipanema. Branle bas de combat chez nous les touristes ; chaussures, poches, argent liquide, appareils photos, papiers… quand arrivons-nous à quai, et où ? En vain !! A 9 heures, nous jetons l’ancre au milieu de dix autres bateaux qui semblent attendre, et là, maintenant, quand je vous écris, il est… le lendemain, vendredi 30 novembre, 17h30… 36 heures que nous sommes ‘en rade’, toujours à l’ancre ! Quel bonheur d’être devant un tel site exotique et de n’avoir qu’à profiter du temps qui passe ! Et au moins, j’aurais eu le temps de vous préparer les quelques nouvelles que voici… reste à trouver un endroit où les mettre en ligne !
A bientôt, de Santos ou Montevideo !
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