8 – de Masada à Betshean

23 novembre 2014

23 novembre 2014

 

 

 

 

Ouh là là ! Quelle journée ! On se paie d’abord l’ascension de la forteresse de Masada par le côté Est, le plus haut ; on ne peut pas dire que c’est l’altitude, on est entre moins 350 m et le niveau de la mer, mais çà grimpe ! En haut, c’est toujours aussi magique ! Je ne vous refais pas l’histoire du site, j’en ai mis l’essentiel dans les légendes des photos ; mais c’est un moment exceptionnel ; les Juifs, encore aujourd’hui, disent « plus jamais çà ! ». Petite halte obligée à Ein Guedi, où Saül vient faire la sieste dans une grotte alors que David, l’ennemi qu’il cherche depuis tant d’années, y est caché. Nous passons au pied de Qumran, où ont été découvert dans les années 1940 les Manuscrits de la Mer Morte, mais nous savons qu’il n’y a pas grand chose à voir ici, au Musée d’Israël, c’est beaucoup mieux.

Et nous filons donc au-delà du nord de la mer Morte, le long du Jourdain, vers un haut lieu de pèlerinage chrétien, Qasr al Yahud (« le fort des Juifs ») là où Jésus a été baptisé par son cousin Jean « le Baptiste ». Là où, aussi, peut-être, Joshué a traversé le Jourdain en entrant dans la Terre Promise avec l’Arche d’Alliance ? On prend à droite, on passe une barrière gardée par un soldat suspicieux, on entre dans des champs de mines fermés par de vagues barbelés, il fait gris presque comme en France à pareille époque, et nous descendons vers la rive du Jourdain ; un parking accueille une demi-douzaine de bus, une boutique de souvenirs, une grande salle de pique nique, puis de larges escaliers en bois mènent à cette petite rivière boueuse d’une dizaine de mètres de large. De l’autre côté, c’est la Jordanie ; il n’y a ni douaniers, ni police, ni forces de sécurité ; c’est un lieu saint chrétien, et ces gens là, ici, ne sont encore visés par personne. Bon, d’accord, ici ou là, quelle différence ? Un « lieu saint », c’est d’abord un lieu sanctifié par la prière des pèlerins. Je me demande quand même pourquoi Jésus devait se faire baptiser puisque, par définition, il était né sans péché ?

En remontant de Qasr al Yahud vers Betshean, le long du Jourdain, après avoir contourné Jéricho et traversé Uja, nous croisons dans la steppe aride une demi-douzaine de Bédouins à dos d’âne ou de mule, chacun avec un troupeau de moutons : avant l’installation des colons juifs, aucune agriculture n’était pratiquée, dit-on, dans cette zone frontière, sauf de l’élevage extensif qui se poursuit donc toujours. Entre temps, du côté jordanien, on constate un fort développement de l’agriculture irriguée, à l’image de ce qui est fait du côté israélien. Mais il faut nous dépêcher, la nuit tombe, et nous sommes invités à prendre un verre chez Evelyne, à Shadmot Mehola. Quelques mots d’explication d’abord.

En 1948, Ben Gurion crée un corps de « soldats-pionniers » juifs d’élite, destinés à pratiquer l’agriculture dans des zones frontière : ce furent les « Nahal ». Le village de Shadmot Mehola fut fondé par des Nahal en 1979 sur la rive Ouest du Jourdain, dans les Territoires conquis par Israël en 1967 ; dès 1984, il prit le statut d’une simple colonie. C’est là que nous rencontrons Evelyne, sur la terrasse de sa maison, où elle nous a préparé du thé, des gâteaux, et des dattes fraîches du kibbutz ; à quelques centaines de mètres brillent les lumières des villages jordaniens sur la rive est du Jourdain ; tout est paisible. Le village comprend environ 500 habitants. Evelyne est la mère de six garçons ; elle est titulaire d’un doctorat de mathématiques ; son mari travaille pour un laboratoire chargé de la surveillance de la qualité des eaux du lac de Tibériade.

Nous ne savons pas trop comment l’aborder, et c’est Evelyne qui nous assaille d’abord de questions : d’où venons-nous ? Pourquoi venir faire du tourisme en Israël ? Pratiquons-nous une religion ? Elle est très surprise de nous savoir parents de 4 et 5 enfants, grands parents, catholiques, elle pensait tout l’Occident complètement sécularisé et consumérisé ! Et qu’est-ce que Jésus a fait sur le Mont Thabor ? Une Transfiguration ? C’est quoi çà ? Je compare à ce qui arrivait à Moïse dans le désert, quand il s’entretenait avec Yahwé dans la tente de la Rencontre, son visage était rayonnant, du fait de la Présence de Dieu, la « shekhina » – je prononce mal, on dit « shrina » ! C’est compliqué ; c’est comme en mathématiques ; on comprend un espace à trois dimensions, à la limite à quatre dimensions, en ajoutant le temps, mais c’est quoi, à « n » dimensions ? Et il faut coucher tout cela sur le papier à deux dimensions ? « Je prie tous les jours ; Dieu est avec moi tout le temps ».

Ses deux aînés vont partir au service militaire pour trois ans… et sans doute plus, car ils souhaitent le faire en qualité d’officiers ; « Pendant au moins quinze ans, j’aurai des enfants à l’armée ». Il y a deux synagogues dans le village, une ashkénaze, et une séfarade ; son mari est ashkénaze ; quant à elle, sa mère est Grecque, et son père « Algérien du Maroc », elle est donc sépharade, mais va dans la synagogue de son mari.

« Nous sommes fiers d’être des civils comme garde-frontières, et de participer au Renouveau Juif, et à la mission du Juif sur la terre » ; elle a une amie catholique qui vit en Israël et qui la soutient dans ce travail d’ensemencement. « Je suis heureuse ici, on a tout ce qu’il faut, je prie toute la journée. J’ai peur ; je fais de l’hypertension ; je ne veux pas que mes fils fassent du stop, c’est trop dangereux. Et je n’aime pas me retrouver entourée d’Arabes, à la différence de mon mari à qui cela ne fait rien ; je trouve que ce sont des Barbares : regardez tout ce qu’ils font et qu’ils ont fait, cet attentat de cette semaine dans la synagogue ! ». Je lui rappelle alors l’attentat juif dans le tombeau des Patriarches à Hébron (En 1994, peu après les accords d’Oslo, un colon tire sur des Palestiniens priant devant le tombeau des Patriarches un Vendredi de Ramadan : 154 victimes, dont 29 morts), et le jeune Palestinien brûlé vif cet été… ? « Oui, bien sûr, c’est horrible, mais il ne faut pas nous reprocher DEUX attentats en 20 ans, alors que eux, c’est tous les jours ».

A la grande déception de Renée, nous n’entrerons pas dans un débat avec Evelyne. Ses deux derniers garçons font des allers-retours entre la maison et la terrasse où nous sommes assis : à chaque fois qu’ils franchissent le seuil, ils effleurent des doigts la mezuzah de la porte. Instinctivement, nous avons eu le sentiment que cela aurait été remettre en question sa personne même, son assurance dans sa foi militante, en violation de la gentillesse de son accueil et de la franchise de ses questions. Evelyne nous a parue sûre d’avoir raison, et dans l’incapacité totale de se mettre à la place des Palestiniens ; elle ne pouvait avoir aucune pitié pour ces derniers, agresseurs, qui ne veulent pas la paix, mais ne veulent qu’une chose, chasser les Juifs, ou les tuer. Quand tu te sens attaqué, tu ne peux pas t’ouvrir à la différence de l’Autre. Et comme disait Ben Gurion : « les Juifs sont paranoïaques ; mais il faut reconnaître qu’ils ont des raisons pour cela ».

Mais quel pays !!!!! Chaque jour, on adore plus le kitsh et choc ! Vous avez tout cela en images sur :

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