10 – Le chaud soleil du Sud marocain ?

10 - Le Sud marocain

10 – Le Sud marocain

Après une petite visite d’Agadir ‑ sa Casbah tout là haut sur la montagne, avec ses milliers de morts sous les décombres, la chaux et l’herbe sauvage, sans même une stèle commémorative du tremblement de terre d’il y a tout juste 50 ans (le 29 février 1960), son zoo de la « Vallée des Oiseaux » , sa marina ‑ nous avons fait d’abord une petite boucle de 350 km jusqu’à Tafraoute pour y admirer, comme annoncent tous les guides, son coucher de soleil vu de la terrasse de l’hôtel des Amandiers. L’Anti Atlas était tout en fleurs, et le coucher de soleil au rendez-vous ; le retour par Tiznit s’est fait sous une pluie battante qui ne nous a quittés qu’aux portes d’Agadir. Le point le plus au Sud de notre périple (le col de Kerdous) aura été passé sous un brouillard pluvieux très breton : à quand les chaudes lumières annoncées du Sud marocain ? Toujours plus vers l’Est, au nord du désert ?

La pluie, comme d’une mousson, nous a à nouveau rattrapés lors d’une halte à l’incontournable Tarroudant, qui, derrière ses remparts de 7 km, usurpe le nom de petite Marrakech du Sud ; toute la population semblait prise d’une excitation joyeuse et enfantine, proche de celle qui nous envahit lors d’une première grosse bourrasque de neige en France, suivie d’un brin d’inquiétude lorsqu’elle se met à durer. Semblant faiblir le surlendemain, la pluie avait malgré tout tellement gonflé l’Oued Souss que la route éventuelle de retour vers Agadir était coupée … alors qu’elle était apparemment encore ouverte vers l’Est. C’est sous la pluie battante que nous avons alors passé notre premier pont submergé par l’oued rugissant, quelques cm d’eau seulement, mais creusant sa voie sous le remblais, sous l’œil attentif de gendarmes prêts à y interdire la circulation ; quelques km plus loin, nouveau pont (très !) submergé, en bas d’une côte, cascadant avec fracas vers l’aval … il y en avait cinq avant de trouver la montagne et notre étape vers Taliouine.

C’est alors que nous avons découvert ce que c’est que de passer des oueds furiosi avec une moto, pas trop vite pour ne pas noyer l’électricité ni décoller les roues, mais suffisamment vite pour franchir les éventuels obstacles cachés sous l’eau rouge, avec en plus la force du courant qu’on sent pousser le guidon là où on ne veut pas aller (là où l’eau s’écoule, il y a une grande chute, puis les tourbillons où on n’a pas du tout envie d’aller !), sans parler des déluges qui tombent du ciel en mettant de la buée partout dans le casque et de l’eau sur les lunettes. Véronique a été très courageuse ! Surtout que, immédiatement avant l’entrée dans l’hôtel Targa où on allait quelques kilomètres avant Taliouine, il y avait de nouveau un torrent à traverser, avec un gamin, de l’eau à mi-mollet, qui dit où passer. Séchage d’enfer toute la nuit au-dessus du radiateur électrique qui a pu monter la température de la chambre de 14 à près de 17°. Le lendemain, en redescendant dans la vallée du Draâ, enfin un gros soleil et des lumières extraordinaires, amandiers en fleurs sur fond d’Atlas croulant sous la neige, mais encore quelques gués submergés. Très gros orage à Agdz pendant la nuit, qui nous coupe pendant quelques heures la route vers Zagora, où nous allons loger au fond de la palmeraie d’Amezrou : forte envie d’y rester quelques jours, mais il nous faut passer à Merzouga avant l’arrivée de nos enfants à Marrakech la semaine prochaine ! Un petit crochet plus au sud vers les dunes de Tinfou me permet d’appliquer le schéma prévu en cas de crevaison, la 1ère depuis le départ : j’abandonne Véronique et les motos dans le désert et part en stop chercher un mécanicien ; inapplicable 1h avant le coucher du soleil sur une route déserte ! Entre temps, l’oued Draâ a de nouveau coupé la route vers l’Est, non pas parce qu’il a plu, mais parce que, plus au nord, à Ouarzazate, on attend de nouvelles et fortes précipitations, et qu’il faut vidanger le lac de retenue qui passe déjà par-dessus sa digue ; et le lendemain, nouveau franchissement de pont submergé, à Tansikht, avec plus de 30cm de fort courant …. suivi de 20 km de piste avant de retrouver le goudron vers N’Kob… d’où la pluie nous a depuis tout à fait quittés !

Le désert a ensuite tenu ses promesses touristiques, tout comme notre remontée vers le Nord. L’étape à Midelt nous a permis la rencontre émouvante du frère Jean Pierre, dernier survivant de la communauté trappiste de Tibéhirine, qui était intarissable, devant le petit mémorial, sur la façon dont il avait échappé à l’enlèvement en restant caché dans sa cellule, les terroristes s’étant contentés de sept moines alors qu’il y en avait neuf, et sur l’inexplicable passivité de l’armée algérienne dans la recherche des disparus. Khenifra aussi nous a séduits, petite ville embourgeoisée dans ses montagnes dégorgeant partout leurs prairies inondées, avec son « paseo » à la tombée de la nuit et le tajine partagé dans la medina.

Arrivés hier soir à Fès, comme un retour « à la maison », le beau temps revenu, après 200kms de petites routes dans le Moyen Atlas par les sources de l’Oum er Rabiaâ, cet oued le plus grand du Maroc, qui passe plus en aval entre Fquih ben Salah et Souksebt.

Nous y laissons nos motos et l’essentiel de nos affaires pour deux petites semaines, le temps de redescendre, en train, vers Marrakech et le désert, où nous retrouvons nos enfants Catherine, Charlotte et Stoned, qui nous rejoignent de Paris avec Cyrus (11 ans), Zenon (8 ans), Joshua (5 ans) et Aaron (4 ans). Des vacances dans nos vacances ! Et un grand bain familial en perspective, dont nous avons bien besoin !

Profitez bien de l’album joint, qui vous donnera un avant goût du printemps qui ne devrait plus trop tarder maintenant chez vous, là haut, en France ! Et à vos plumes pour continuer à nous encourager !

9 – Aux portes du Sud

9 - Aux portes du Sud

9 – Aux portes du Sud

« Aux portes du Sud »…. Cà, c’est bien Philippe, çà fait littéraire, « aux portes du Sud ». Moi, je voulais mettre, « Quand est-ce qu’on arrive ? ». Bientôt 3 mois en effet qu’on est partis, et on n’arrête pas de s’éloigner de la Méditerranée, de la France, du retour. Je pensais pourtant qu’après avoir fait son pèlerinage à Fquih, il aurait commencé à avoir envie de rentrer ; surtout qu’il n’a plus grand monde avec qui partager ces souvenirs ! Mais pas du tout. C’est d’abord « on ne peut pas ne pas aller voir le lac de Bin el Ouidane » ; ensuite « ah non, on ne va pas passer par la grande route pour aller à Marrakech alors qu’il y a juste à côté des routes de montagnes et qu’on a le temps d’y aller », puis « Agadir, tu te rends compte, les Guillet – on les connaît à peine – y sont expatriés et nous y invitent ! » et enfin « la route directe est très dangereuse, et Essaouira, Tristan nous a dit que c’était la ville qu’il préférait au Maroc » : bilan, un crochet de 250 km, et … toujours plus au sud ! Alors qu’on aurait pu attendre tranquillement Charlotte et Catherine à Marrakech fin février. Point.

Et puis il y a eu ces routes autour d’Azilal, sur le versant nord du M’goun ; on s’est tous pris pour de grands motards ! Plein d’arrêts photos ; le passage par le barrage de Bin el Ouidane et les cascades d’Ouzoud ; les amandiers en fleurs (il paraît que cela n’arrive que pendant 15 jours par an), la neige à partir de 2.500 m, les couleurs rouge, ocre vert, blanc, le grand ciel bleu, le gros soleil, l’air léger, et surtout l’espace. Plus la moto. Pas mal. Regardez les photos et leurs commentaires !

Marrakech, par contre, quatre jours, une « porte du Sud » avec les premières palmeraies. Il a beaucoup plu ; la médina était boueuse ; c’était pas franchement comme sur les catalogues ; première fois qu’on voyait autant de Français, et surtout des Bidochon ; ou des nouveaux riches venus de toute la terre ; l’impression d’être vu comme un portefeuille naïf  toujours se battre, c’est très fatigant ! Philippe est allé jouer au vieux Marrakchi lire « le Monde » à la terrasse des « Négociants » (grand café de Gueliz) devant thé à la menthe et gâteaux mielleux pendant que je comatais devant mon téléphone qui ne marche pas, loin de Maman et de mes filles.

Heureusement, 200km plus loin, il y a eu Essaouira, au bord de l’Atlantique (Philippe dit que c’est encore la Méditerranée parce que les Phéniciens sont venus jusqu’ici ramasser des coquillages pour fabriquer leur « pourpre »). On devait y rester 1 jour ; on y resté 3 jours, tellement l’hôtel était sympa, avec sa terrasse sur le toit, et, pour la première fois qu’on est au Maroc, des propriétaires français. En plus, c’est très photogénique, Essaouira ! Le moral est nettement remonté !

Et puis on est arrivé à Agadir, par une route facile. Grande ville sans grand intérêt sauf son climat … et la gentillesse des Guillet, rencontrés une fois il y a deux ans à la table d’un mariage, depuis 30 ans ici. Quel plaisir de se retrouver dans une vraie maison d’expatriés ! Chez des gens qui savent ce que voyager veut dire. On continue à y recharger nos batteries au bord de la piscine (eau à 18°, mais gros soleil) avant d’envisager des routes vers l’Est, le désert. On va voir ce que Philippe me prépare !

8 – Nouveaux Pèlerinages !

8 - Nouveaux pélerinages

8 – Nouveaux pélerinages

Les Perrin – Je n’avais pas remis les pieds au Maroc depuis 1956, date de l’Indépendance. Papa y vivait depuis 1935 ; il avait 22 ans lorsqu’il y est arrivé, 7ème d’une famille de 8 enfants, orphelin de père. C’était l’époque où les jeunes qui cherchaient du travail s’expatriaient dans « les colonies ». Il fut pendant 20 ans le responsable administratif et financier de l’Office d’Irrigation des Beni Amir, chargé de l’irrigation de la plaine du Tadla, à Fquih ben Salah. En septembre 1948, j’avais 2 mois, il y fit venir sa jeune épouse, et l’installa quelques semaines plus tard dans une maison appartenant à l’Office. Yves et Jean Luc naquirent à Khouribga, à 40 km au nord, où les phosphates possédaient une clinique digne de ce nom ; Odile à Fquih, dans notre maison même ; et Emmanuel à Casa, la veille de l’Indépendance. J’ai donc grandi à Fquih jusqu’à l’âge de 8 ans. Mon grand père maternel s’y fit construire une maison où il venait passer les mois d’hiver. La communauté des Français de Fquih, fonctionnaires, employés de l’Office, et quelques agriculteurs colons, y avait notamment un « Club », avec piscine … et une église. 54 ans plus tard, quelles traces de ce passé pouvais-je bien essayer de retrouver ?

La route de Casa à Khouribga n’est guère fréquentée par les touristes. La ville de Khouribga est restée le centre d’exploitation des minerais de phosphates, dont le Maroc est de loin le premier détenteur mondial de réserves. De Khouribga, la route descend du « plateau des phosphates » (1.000m), parsemé de terrils et d’exploitations à ciel ouvert, vers l’immense plaine du Tadla, bordée au Sud par l’Oum el Rabiaâ et le haut Atlas. Fquih (470m) s’y est construite en son milieu ; la ville organisa une fête en 1955 à l’occasion de son 500ème habitant ; c’est aujourd’hui une ville de plus de 100.000 habitants, où, à part le marocain, l’on y parle plus italien que français, sa population envoyant ses hommes travailler dans l’industrie automobile du Piémont.

Dès le panneau d’entrée de Fquih ben Salah, j’ai demandé où se trouvait « le Club » : « 1ère à droite au 1er rond point » ; et « oui, les sirènes sont toujours en place ! ». Et là, le choc ! Comme si j’étais parti hier … sur la gauche, un petit portique propret, où des gardiens me laissent entrer ; des fauteuils et tables basses nickel ; le petit bain ; le grand bain (vide ; on est en février ; il a fait -2°C ce matin !) où j’ai fait mes premières brasses ; les trois sirènes aux poitrines dénudées ; les tennis … avec des joueurs ! Le bar, avec ses miroirs et ses coupes sportives. Le tout, dans un état impeccable ; les carrelages sont d’époque, mais superbement entretenus. Moins de 100 m plus loin (seulement ?), sur la droite, après la « maison ronde », au carrefour, « notre » maison, qui appartient toujours à l’Office, mais son occupant habite Rabat ; le gardien me laisse entrer sur intervention de passants, anciens de l’Office, qui se rappellent très bien de « Monsieur Perrin ». La végétation a un peu changé, mais tout est là, d’origine ; les portes et volets, la cour d’Allal, le boy, la pergola … et même la piste en ciment que Papa avait fait construire pour que nous puissions faire du patin à roulette sans courir les rues. En face, la maison de Grand’Père, à étage, sous ses bougainvilliers et 50m plus loin, l’Eglise, occupée par un centre de formation professionnelle. Un ménage, tous deux retraités de l’Office (c’est, apparemment, encore aujourd’hui, le 1er employeur de la ville), nous invite à prendre le thé. Les marocains sont fiers des réalisations de l’Office, qui a transformé la plaine du Tadla grâce aux seghias, ces milliers de kilomètres de mini aqueducs, qui traversent routes et chemin par des siphons, et irriguent l’immense verger parsemé de cultures maraîchères (le coton a été abandonné depuis longtemps). Ils sont également très fiers de leur décolonisation réussie par comparaison avec leur voisin algérien. Quant à moi, je suis assez fier de la fierté des Marocains sur cette page de leur passé colonial !

Les de Laâge – Quelques dizaines de kilomètres au sud de Fquih, après avoir traversé l’oued Oum el Rabiaâ, se trouve un carrefour de route où la tribu des Nemaâ tient marché le samedi : Souksebt des Ouled Nemaâ. Ici ont  vécu quelques années après l’Indépendance la « Poupette » du précédent pèlerinage, son mari Philippe, et notamment leur fils Patrick, scolarisé à Beni Mellal, qui nous accompagnait avec sa moto. Si nous n’avons pas pu visiter la maison – ses habitants étaient partis pour le week end – un voisin et sa jeune épouse nous ont accueillis avec les mêmes gentillesse et attentions autour de thé et gâteaux dans leur maison en construction qui appartient aussi à l’Office d’Irrigation, où ils travaillent. L’émotion de Patrick était aussi grande que la mienne, même s’il avait déjà fait ce pèlerinage !

Au dessus de Fquih ben Salah, Souksebt et Beni Mellal se déploie la formidable barrière montagneuse de l’Atlas, dans laquelle nous avons pu randonner deux jours à moto, au milieu des amandiers en fleurs sur fonds de hauts sommets enneigés, jusqu’à Marrakech. Un grand moment que nous partagerons dans le prochain blog, dans quelques jours.