Commencer notre tour du monde par le Maroc paraissait tout naturel parce que les maisons de nos parents respectifs ont toujours été pleines d’objets et bijoux marocains, sans parler des albums de photos.
Les Clédat – Ce n’est qu’arrivée à Fès que Véronique a réalisé qu’il n’y avait pas seulement eu ses grands parents maternels à Meknès pendant plus de vingt ans, mais aussi ses grands parents paternels à Fès pendant quelques années, entre 1923 et 1926. Le Capitaine de cavalerie Robert de Clédat fut en effet en garnison à Fès avec son épouse Odette Favin Levêque et leurs trois enfants, Hubert, Martial et Solange. Martial est le père de six enfants, dont Véronique. Cette dernière a donc demandé plus de précisions sur ce séjour à son frère Hubert, généalogiste archiviste de la famille, lequel a immédiatement envoyé par email quelques rares photos et documents d’époque dont la plupart figurent ici en annexe ou album … et ont pu être recoupés sur le terrain. Parmi eux un succulent « Projet d’excursion » de la main du capitaine de Clédat méritant le détour Projet d’excursion Sidi Harazem.doc. Il en résulte l’esquisse très vivante d’un tableau de la vie d’un officier de cavalerie menant la joyeuse vie coloniale quand il ne faisait pas la chasse aux « partisans » d’Abdelkrim pendant la sanglante guerre du Rif ; malgré les protestations de Lyautey, la guerre menée par Pétain fut féroce et radicale ; menée conjointement avec l’Espagne, Franco y gagnera galons, notoriété, et goût pour la manière forte, mais y perdra … un testicule. Vous trouverez plus de détails dans les légendes des photos.
Les Compreignac – A Meknès en revanche, nous savions que Betty, la femme du Martial ci-dessus, la maman de Véronique, avait été pensionnaire pendant ses trois années de lycée après avoir grandi sur le « bled » d’El Hajeb avec ses parents Robert et Madeleine de Compreignac. La famille était arrivée en 1928 ; sa sœur Poupette et son frère Pierrot étaient nés à Meknès. Nous n’en savions guère plus. C’est un fils de Poupette, Patrick de Laâge, résidant à Casablanca, qui viendra nous rejoindre quelques jours avec sa Yamaha 125cc pour nous faire visiter les lieux … et nous faire partager ses archives personnelles. Parmi elles, outre quelques aquarelles de Bonne Maman, un extraordinaire plan cadastral de la plaine du Saïs de Meknès à El Hajeb, sur lequel figure le bled Compreignac, mais qui montre surtout que l’ensemble des parcelles étaient exploitées par des agriculteurs français. Nous avons fait alors deux rencontres éloquentes : d’abord celle de l’un des frères TOUAB qui exploitent aujourd’hui les terres « de Bon Papa » ; résidant à Meknès (40 kms), et ne s’entendant pas avec ses frères pour les investissements, il dit souffrir du manque d’ardeur et du mauvais esprit des ouvriers agricoles ; d’où la mécanisation maximum. Ensuite une famille d’agriculteurs français venue prendre en fermage il y a deux ans un bled de 200 ha à Boufakrane appartenant à l’état marocain ; comme M. TOUAB, M. JANVIER se plaint de l’esprit frondeur des ouvriers agricoles, investit en mécanisation, et habite Meknès ; mais il a déjà recédé ce premier fermage après remise en état du bled, et en vise un second de 700 ha … les agriculteurs français reviendraient-ils ? La visite sur le bled d’El Hajeb aura par ailleurs été pour nous l’occasion de tester un peu nos motos sur piste et boue !
De retour à Meknès, Véronique s’est fait chaperonner par Sœur Dominique (dite Daouia, franciscaine) pour faire des emplettes de broderies au point dit « de Meknès », aujourd’hui introuvables et visiter le pensionnat de sa mère, qui s’appelle toujours « Notre Dame » et accueille 600 élèves. Il est situé juste en face de « Cornette », où sont nés Patrick et sa mère Poupette.
Tout cela ne nous aura guère laissé le temps de visiter les beautés de Meknès avant de reprendre la route en descendant vers l’Océan et Rabat, où nous sommes restés deux jours complets en compagnie de Patrick. Nous y avons joué aux touristes parfaits, laissant passer les averses en nous réfugiant dans des cafés « maures » ou des musées. Entre les averses, un gros soleil sur une mer agitée faisait chauffer les couleurs et les contrastes. La ville est aérée et pleine d’élégants témoins d’une longue histoire remontant aux Phéniciens et aux Romains, puis agitée par la piraterie et les révoltes des tribus berbères. C’est au Musée archéologique de Rabat qu’on peut admirer les bronzes trouvés à Volubilis, notamment un Caton (dit d’Utique, il fut le dernier adversaire battu par César après Pharsale, d’où son surnom de « dernier romain de la République »), un Juba II (roi berbère lettré, marié à la fille de Cléopâtre et Antoine) et un « éphèbe couronné de lierre », tous coulés autour du début du 1er millénaire.
Notre cousin Patrick nous a ensuite accueillis à Casablanca dans son appartement pour achever notre remise en condition : chauffage, eau chaude avec pression, Internet rapide et terrasse ensoleillée nous ont permis pendant quatre jours non seulement les lessives, blog, téléphones, pneu de la Transalp de Véronique, et autres petits réglages à parfaire avant notre tournée vers le Sud, mais aussi de visiter les pauvres ressources touristiques de cette ville surtout embouteillée, mal entretenue et bruyante.
Prochain rendez-vous dans une quinzaine de jours à Agadir, si la famille Guillet est toujours prête à nous accueillir. La météo à Beni Mellal annonce -2°C le matin pour le week end prochain …