14 – Le bon, le moins bon, et l’incroyable aux Etats Unis

Tout au long de ce blog, nous avons partagé avec vous nos découvertes et nos émerveillements en parcourant ce pays extraordinaire. Il faut ajouter qu’au jour le jour, nous avons aussi apprécié des conforts inattendus, des sortes de petites surprises, peut-être insignifiantes, mais qui rendent pourtant la vie au quotidien bien agréable ! En revanche, parmi ces petites surprises, il y en a aussi certaines qui gâchent le tableau, qui relèvent de petites coutumes, misères, ou mesquineries, et sont comme des fausses notes laissant penser que, sur certains points, les Etats Unis sont plutôt en retard. Nous en faisons rapidement le point ci-dessous. Et puis nous faisons aussi le point dans ce chapitre sur ces scandaleuses questions des armes à feu, de la peine de mort ou des inégalités qui là, franchement, à nos yeux d’Européens, relèvent tout à fait d’un pays primitif, voire très barbare !

A la réflexion, ces aspects nous semblent les deux faces opposées d’une même médaille : pour le meilleur comme pour le pire, les Américains paraissent conserver en majorité, bien vivants dans leurs gènes, des réflexes datant de l’émigration de leurs ancêtres et de la période de la conquête du « Far West ». Pour le bon côté sympathique, cela recouvre des valeurs comme le courage au travail, l’esprit d’initiative ou la « débrouille ». Ils sont philosophes devant les accidents de la vie et ne comptent pas trop sur un « Etat-providence ». Ils roulent en « pickups » au quotidien parce qu’ils rêvent de partir camper, randonner et vivre mille autres aventures dans le « Wild ». Pour le revers de la médaille, il y a bien sûr tous ces gens armés « au cas où » ; et si le lynchage à chaud a été remplacé par la peine de mort à froid, cela nous semble, à nous Européens, remonter aux temps reculés de la loi du talion. Et puis, il y a aussi cette impudeur envers l’argent, aune de toute vie réussie. Les Américains nous ont paru d’abord pragmatiques et férus de technologie ; cela semble impliquer chez eux une vision simplifiée du monde dans lequel ils vivent. Il y a les bons ; il y a les méchants. Eux sont bien sûr les bons, ce qui leur donne un certain complexe de supériorité. Mais en creusant un peu, et à moins d’avoir baigné dans un milieu international, ou fait partie d’instances gouvernementales, ils ne nous ont pas paru trop à l’aise dans les complications subtiles de la planète qu’ils voudraient régenter !

Ce que nous avons particulièrement apprécié aux Etats Unis

Quand vous arrivez aux Etats Unis, vous avez immédiatement le sentiment d’être dans un immense pays, puissant et bien organisé. Tout le monde semble y avoir une voiture ; les routes y sont la plupart du temps fluides et propres ; vous vous garez plutôt facilement dans les villes ; leurs toilettes publiques dans les magasins ou les aires de repos sont généralement encore plus propres que chez vous ; les systèmes de paiements, sous quelques réserves, sont au point partout ; les panneaux le long des routes sont explicites ; les gens y sont accueillants et honnêtes, et vous y constatez relativement peu d’incivilités… En bref, tout y fonctionne assez harmonieusement. Si on fait abstraction de certaines chaînes de fastfood comme KFC, vous y mangez plutôt bien, et leurs viandes sont succulentes. Il a juste cette manie de mettre du sucre partout… ; il fallait venir ici pour comprendre pourquoi nos enfants canadiens ont appris aux leurs que le sucre est non seulement mauvais pour la santé, mais du « poison » ; au point que, quand ils sont en France, ils sont épouvantés à l’idée que je leur propose de sucrer leurs yaourts ! Mais nous avons admiré la façon dont les magasins remboursent sans discuter des produits achetés par erreur ou qui ne nous ont pas plus. Ou comment, dans les Parcs Nationaux, dans lesquels les « campgrounds » sont souvent exceptionnels, vous « réservez » votre emplacement de camping en y déposant tout simplement un fauteuil pliant ou une glacière avant d’aller vous y promener pendant des heures : au retour le soir, le camping est bondé, mais personne n’a jamais eu l’indélicatesse de s’installer à « votre » place en y poussant notre glacière, et encore moins, comme nous nous y serions attendus dans la plupart des pays européens, en la faisant disparaître !

En revanche, beaucoup d’aspects des Etats Unis nous ont franchement déçus, voire choqués ! Quel paradoxe de voir ce grand pays, se disant à la pointe de la civilisation, donner des leçons au monde entier alors que certains aspects de leur société nous apparaissent vraiment sous développés, voire barbares !

Un pays sous développé ?

Réseaux 3 et 4G

Dès notre arrivée à Miami, nous nous sommes équipés chez « Best Buy » d’un téléphone portable américain et d’un boîtier 3/4G émetteur Wifi : trop génial, nous pouvions Skyper sur nos laptops avec nos enfants tout en roulant sur les autoroutes de Floride, ou avoir tous nos mails et les infos sur nos smartphones français du fond de notre sac de couchage à toute heure de la nuit ! Et puis, dès que nous avons quitté la Floride… le boîtier ne captait plus rien, sauf dans les grandes villes.

Ce fut une des grosses surprises de ce voyage : ces Etats Unis si développés et en avance technologique dans tous les domaines, n’ont qu’une couverture téléphonique extrêmement limitée dès que nous sommes loin d’une ville de plus de 10.000 habitants.

Alors que dans toute station service du fin fond de la Patagonie ou du désert libyen, nous avions l’Internet, ici, nous avons perdu des heures à guetter des signaux et tenter une connexion : notre boîte Wifi mobile n’a pas fonctionné pendant deux semaines de suite dans le Nord Ouest des Etats Unis !  Et il semble y avoir encore beaucoup de localités isolées où le téléphone, c’est une ligne fixe au General Store du coin… !

Paiements

En France, cela fait des années que nous sommes habitués à payer ce qui est affiché ; et le service est inclus. Aux Etats Unis, cela rappelle les années 50 de chez nous, quand, avant la TVA, il fallait ajouter aux prix toute une série de taxes, variables selon les endroits : dans les restaurants par exemple, aux prix ajoutés sur la carte, il faut ajouter le pourboire, laissé, certes, à votre discrétion ; mais la politesse réclame de laisser entre 15 et 20 % ; et la note vous indique même combien de dollars font les 18%, et combien de dollars font les 20%. Vous n’êtes pas poursuivi si vous ne laissez rien ; mais cela veut dire que vous étiez mécontents.

Le paiement par carte Visa est généralisé partout, avec des spécificités. Exemple 1 : Il faut régler d’avance quand vous faites le plein d’essence ; vous donnez votre carte en disant combien de dollars d’essence vous voulez mettre ; et évidemment, quand le plein est fait, ça ne tombe pas juste, il faut qu’ils vous remboursent ; vous redonnez votre carte et ils font un crédit comme ils avaient fait un débit. Pratique ! Exemple 2 : Tous les mois, il nous faut recharger notre boîtier Wifi ; nous appelons un numéro (encore faut-il du réseau…) qui décroche toujours très vite ; mais on tombe toujours sur quelqu’un que vous avez du mal à comprendre… ; quand tous les numéros et références ont permis de situer votre abonnement, il faut tout donner de votre carte, non seulement du recto, mais les chiffres du verso. En bref, ils ont ensuite tout ce qu’il leur faut pour se servir de notre carte sur Internet. Tout le monde fait comme ça. Mais nous nous sommes appliqués à trouver des boutiques physiques chaque fois que cela a été possible… Même chose pour payer au restaurant avec sa carte Visa ; ils n’ont pas de terminal de carte mobile et n’utilisent pas le paiement avec le code secret ; il faut confier sa carte au serveur, qui vous la rapporte avec la facturette à signer. Tout le monde fait comme ça ; mais les Américains sont honnêtes ; nous n’avons eu aucun incident.

Les voitures obsolètes

Nous avons donc parcouru 21.400 kilomètres en 15 semaines avec un « camper van » FORD  « E-Series » de 2009 pesant 3,8 tonnes, équipé d’un moteur V8 de 4,6 litres de cylindrée… il y a 25 litres d’eau dans le radiateur, et 150 litres d’essence dans le réservoir… Nous avions auparavant parcouru beaucoup de kilomètres en France avec le PEUGEOT Expert Teepee diesel de même gabarit (8 places), de nos enfants, de la même année 2009, avec 2 litres de cylindrée.

Les deux véhicules ne jouent pas dans la même cour ! Quand le Peugeot consomme 9 litres/100 km à 130 km/h sur l’autoroute, le Ford dépasse les 18 litres à 100 km/h ‑ vitesse à laquelle il faut s’accrocher au volant car la direction flotte ‑  alors que le Peugeot est imperturbable à une vitesse 30% supérieure ; celui-ci est d’autre part beaucoup moins bruyant et beaucoup plus reposant. Il n’y a manifestement aucun effort des constructeurs pour limiter les consommations (économies d’énergie, pollution…) ; les meilleures ventes de ceux-ci concernent les pickups, sans doute parce qu’en tout Américain sommeille son ancêtre pionnier du Far West. Et quand un bobo de la Côte Est veut acheter une voiture moderne peu polluante, au moteur hybride, c’est une japonaise qu’il achète.

Douanes

Franchir des contrôles douaniers, on pensait avoir un peu l’habitude… Entre 3 et 5 heures chaque fois pour passer les frontières de Libye, Egypte ou Iran avec nos motos ou voiture françaises, mais on savait qu’avec ces pays, c’était compliqué. On avait déjà été un peu surpris par les passages frontaliers en Amérique du Sud : là, on parlait strictement la même langue des deux côtés de la frontière, en partageant une même culture et un même passé ; mais malgré cela, on se chipote… notamment sur les fruits et légumes : si on ne veut pas que les douaniers nous pillent nos fruits et légumes d’Argentine, il faut les consommer avant d’entrer au Chili ! Motif invoqué ? Ne pas polluer le pays avec des semences ou maladies étrangères ! Je veux bien comprendre ce genre de cordon sanitaire quand on arrive sur une île… mais je ne vois pas bien à quoi ça rime lorsque des vents patagoniens balayent les frontières à longueur d’année…

Notre « Live Oak » a franchi quatre fois en fraude la frontière entre les Etats Unis et le Canada, caché dans le coffre ou sous un fauteuil !

Eh bien, aux Etats Unis, c’est pareil ! La même chose ! Les Etats-Unis et le Canada partagent 9.000 km de frontières. C’est la plus longue frontière du monde entre deux pays ; les vents y soufflent en tempête, les rivières la coupent et la recoupent, les animaux sauvages la franchissent sans contrôle, les pollutions de toutes sortes s’échangent en fonction de la météo. Mieux, depuis 20 ans, un accord de libre échange entre le Canada, les Etats Unis et le Mexique, l’ALENA, a abaissé ou supprimé les barrières douanières pour la plupart des produits échangés. Mais les Douanes veillent toujours ! C’est là que se sont réfugiés les protectionnistes, les tatillons, les soupçonneux, les complotistes, et les enculeurs de mouches, sous couvert de garanties phytosanitaires ! Alors même évidemment que les règles de sécurité alimentaire sont de fait les mêmes dans les deux pays, en l’absence de certificat dûment estampillé, un œuf pondu par la poule d’un des deux pays ou un légume ne peut entrer dans l’autre ; un avocat, un citron ou une papaye importés du Mexique (ou des Etats Unis…) au Canada ne peut pas (ré)entrer aux Etats Unis ; seul le riz précuit peut franchir la frontière ; et le bois mort ou le charbon de bois pour le barbecue sont rigoureusement interdits de passage… Nous avons failli nous y faire prendre (cf. ci-dessus l’introduction au Chapitre 9 « Le Nord Ouest ») ! Les deux pays partagent pourtant la même origine européenne, la même langue, la même culture et la plupart des mêmes règles. Nous autres Européens, nous avons longtemps tremblé en passant sous le regard soupçonneux du douanier allemand, suisse, italien ou espagnol… et, une fois l’épreuve franchie, nous pénétrions dans un nouvel espace culturel. Tout cela est terminé en Europe depuis plus de trente ans et cela nous paraît moyenâgeux de subir ces entraves tatillonnes à la libre circulation.

Sécurité routière

Station de gonflage et débris de pneus sur le bord des routes

Nous avons été surpris de voir qu’aux Etats Unis, les immenses semi-remorques n’ont pas d’autres limitations de vitesse que celles des automobiles ; nous serrions les fesses quand nous roulions à 90/100 km/h, et voyions débouler dans nos rétroviseurs ces énormes convois à deux ou trois remorques qui roulaient à 120/130 km/h. Je l’ai dit, notre van avait tendance à dandiner du volant dès 90 km/h, et j’ai plusieurs fois tenté de vérifier la pression des pneus ; mais les stations service ne proposent, au mieux, que de vous vendre de l’air sous pression, sans le moindre manomètre… C’est pourquoi je ne suis pas étonné de découvrir que, d’après l’OMS, en 2015, la mortalité routière est deux fois plus élevée aux Etats Unis (10,6 décès pour 100.000 personnes) qu’en France (5,1). A titre de comparaison, pour les pays que nous avions parcourus à motos, la mortalité est de 14 en Argentine, 21 au Maroc, de 32 en Iran et de… 74 en Libye.

Alcool

Une bizarrerie… Toutes les stations services aux Etats Unis vendent de l’alcool, mais avec de grandes affiches qui rappellent non seulement qu’il est interdit de le consommer sur place, mais surtout qu’il est interdit d’avoir, dans sa voiture, des bouteilles ou des canettes d’alcool ouvertes avec de l’alcool dedans. Notre bouteille de Cinzano pour l’apéritif du soir était soigneusement cachée dans les fins fonds du coffre.

Un pays barbare ?

La question des armes à feu

Voilà des affichettes qu’on rencontre extrêmement souvent à l’entrée de magasins aux Etats Unis ; elles sont un rappel permanent qu’il y a encore une petite odeur de Far West partout dans ce pays ! Mais un rappel aussi que la plupart des Américains que nous fréquentons ont une arme à portée de la main… Pas très rassurant ! Mais comment est-ce possible dans un pays aussi « civilisé » ?

Le 2ème amendement de la Constitution des Etats Unis (1791) indique que : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. » Cet amendement est toujours en vigueur, farouchement défendu par de puissants lobbies, et permet ainsi à chaque citoyen d’être armé jusqu’aux dents, avec y compris le droit, pour 44 Etats sur 50, de porter ces armes dans la rue, en dehors de chez soi.

Le droit des citoyens à former des milices armées remonte aux temps moyenâgeux de l’Angleterre, quand il n’y avait pas d’armée régulière. Ce droit fut bien sûr maintenu sur les terres d’Amérique quand il fallut se battre contre les Anglais ou les Indiens ; il relève du droit à la légitime défense. Les Républicains soutiennent que le 2ème amendement s’applique, selon la seconde partie de la phrase, « à chaque citoyen », alors que les Démocrates expliquent qu’il ne peut se comprendre que « dans le cadre d’une milice bien organisée », c’est-à-dire aujourd’hui des polices ou de l’armée. La Cour Suprême n’est pas encore revenue sur l’interprétation littérale des Républicains.

Se sont ajoutées en outre, dans 35 Etats, les lois « Stand your ground » et « Shoot first » (« Défendez votre territoire » et « Tirez le premier »), au titre desquelles on peut tuer en toute légalité « si on croit raisonnablement devoir faire face à une menace illégale, sans être obligé de fuir ».

En 2012 par exemple, George Zimmerman, 28 ans, est coordinateur d’une « Crime Watch Zone » en Floride ; en patrouille de surveillance dans sa voiture, il remarque un jeune au comportement suspect, la capuche rabattue, qui traverse la Zone sous la pluie en observant toutes les maisons de façon louche ; il appelle la police : « voilà un mec sur un coup ; on a eu des cambriolages ; il cache sa main sous sa veste ; ces trouducs arrivent toujours à se tirer…p… il se met à courir… ». La police lui demande de rester dans sa voiture jusqu’à ce qu’elle arrive. Quand elle arrive, Trayvon Martin, un Noir de 17 ans, est mort, à 50 m de chez lui, d’une balle dans la poitrine tirée à moins de 40 cm alors qu’il était au sol ; il n’était pas armé ; il revenait d’une course pour sa mère à l’épicerie du coin. Quant à lui, Zimmerman présente des traces d’herbe mouillée dans le dos et de griffures sur la nuque. Ce dernier indique avoir été attaqué par Trayvon ; il n’y a pas d’autre témoin. Il ne sera pas mis en garde à vue, encore moins en préventive. Dès 2013, Zimmerman sera définitivement déclaré innocent de toutes les charges retenues contre lui en vertu des lois « Stand your ground » et « Shoot first ». Et le 27 mars 2017, Zach Peters, 23 ans, surprend chez lui, à Broken Arrow, dans l’Oklahoma, à minuit passé, trois hommes gantés et cagoulés ; il les abat tous les trois avec un fusil automatique. Ils étaient âgés de 16, 17 et 18 ans ; seul l’un d’eux avait un couteau dans sa poche. C’est la conductrice de la voiture qui les a amenés sur place ; âgée de 21 ans, elle est inculpée de trois meurtres et trois cambriolages. C’est du sérieux, « Stand your ground » et « Shoot first » !

« Rien de que je possède ne vaut votre vie ! » (= « Je suis armée ! »)

 

On compte aux Etats Unis en 2015 quelques 350 millions d’armes à feu détenues par des particuliers ‑ lesquelles incluent des fusils d’assaut semi-automatiques ‑  pour une population de 325 millions d’habitants, soit en moyenne 110 armes pour cent habitants. Les Etats Unis sont ‑ encore dans ce domaine, et de loin ! ‑ , le 1er pays du monde, suivi par le Yemen (55 armes % hab.), et la Suisse (45).

Il y a certes de nombreux panneaux à l’entrée des magasins interdisant le port d’armes. Mais globalement, on ne rencontre pas, comme en Israël, des jeunes filles en civil avec un fusil mitrailleur en bandoulière, ou comme chez nous en France, des soldats en tenue de combat partout dans les rues.

Pour les dégâts provoqués par cette politique, il faut savoir que si, chaque année aux Etats Unis, 30.000 personnes décèdent par armes à feu, le chiffre comprend 11.000 suicides : il faut admettre qu’il est plus propre de se tirer une balle dans la tête que de se jeter sur les voies du métro ; merci au 2ème amendement !

Les 19.000 personnes qui restent – tuées donc par armes à feu ‑  représentent les 2/3 des homicides volontaires ‑ 1/3 des meurtres ou assassinats « seulement » ne sont pas commis avec une arme à feu. Cela nous fait au total 5,2 homicides volontaires pour 100.000 habitants aux Etats Unis, taux en augmentation constante (cf. le graphique ci-dessus). Au 4ème rang mondial seulement, ils sont battus sur ce terrain par le Brésil (25 homicides/100.000 hab), le Mexique (23, qui inclut le Chihuahua, recordman du monde avec 108) et la Russie (12,8). La moyenne mondiale est de 4 homicides volontaires pour 100.000 hab. La France est 26ème avec 0,6, dont 0,06 (10%) par armes à feu, ce dernier chiffre ayant explosé avec la tuerie du Bataclan ; mais, même aujourd’hui, il y a 80 fois moins de chances qu’aux Etats Unis d’être tué en France par une arme à feu.

L’actualité fait souvent ses manchettes sur des Noirs tués par la police ; si environ la moitié des gens que tue la police sont des Blancs, les Noirs ne représentent que 12% de la population totale. Avec un quart des tués par la police, les Noirs ont trois fois plus de « chances » d’être tués par la police que les Blancs.

La peine de mort

Aux Etats Unis

Les Etats Unis sont le dernier pays occidental à pratiquer la peine de mort, avec de grandes différences entre les Etats : il y a ceux qui l’ont supprimée de leur arsenal législatif ; et parmi ceux qui l’ont conservée, certains ne condamnent plus à mort, et d’autres continuent à condamner mais n’exécutent plus ; 30 Etats sur 50 l’autorisent encore, mais 12 seulement la pratiquent, et de moins en moins au cours des ans (600 exécutions pour les dix premières années du siècle, 248 pour les six années suivantes).

On peut donc globalement dire que la peine de mort est en recul aux Etats Unis depuis quinze ans. Les statistiques montrent d’ailleurs que la criminalité est plus faible dans les Etats qui ne la pratiquent pas ! Mais les Etats continuent à l’autoriser parce que, électoralement, dans beaucoup d’Etats, les hommes politiques ne pensent pas pouvoir la supprimer sans risquer de perdre leur mandat aux prochaines élections. Alors les jurys continuent à condamner à mort, une centaine de fois par an pour tous les Etats Unis. Le nombre des exécutions ne suit pas, loin de là (environ 30 par an actuellement, 20 en 2016), ce qui allonge notablement la durée de séjour dans les « couloirs de la mort ».

La position du Vatican

La peine de mort n’a jamais été formellement condamnée par le Vatican. En tant qu’Etat, le Vatican l’a abolie comme peine pour ses ressortissants en 1969 (en France, en 1981) ; en 1995, le pape Jean Paul II déclare que cette peine « n’est justifiée que lorsque la défense de la société est impossible autrement. » (Encyclique Evangelium vitæ). En 2004, le cardinal Ratzinger, pas encore Pape, précise que les fidèles de l’Eglise catholique ne sont pas obligés de suivre cette position : « il peut légitimement y avoir un débat entre catholiques sur l’opportunité d’appliquer la peine capitale ». Il faut dire que Jésus lui aussi a subi la peine de mort. A l’époque, ce n’était pas le peloton d’exécution, la solution létale ou la chaise électrique mais la crucifixion ; publique ; pour l’exemple. Et les chrétiens s’en vantent, la proclament, l’affichent, la revendiquent ; ils en font même leur logo (le crucifix). Supprimer la peine de mort ? Si Jésus était venu dans notre siècle, et que la peine de mort avait disparu, il n’aurait pu mourir de façon infâmante et l’homme n’aurait pu être sauvé ? Est-ce une des raisons pour laquelle le Vatican n’est pas foncièrement contre la peine de mort ?

Les “couloirs de la mort”

En Europe, la Convention Européenne des Droits de l’Homme interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants (1950, art. 3), puis la peine de mort en temps de paix (1983, Protocole n°6), puis en toutes circonstances, même en temps de guerre (2002, Protocole n°13). Supprimer la peine de mort de son arsenal législatif est aujourd’hui une condition sine qua non pour adhérer à l’Union Européenne. Depuis 1989 (Arrêt CEDH du 7/7/89, en Cour Plénière), une personne ne peut pas être extradée d’Europe aux Etats Unis si elle y risque la peine de mort, en raison des « traitements inhumains ou dégradants » qu’elle ne pourrait manquer de subir en raison de la longue attente du condamné dans les « couloirs de la mort ».

Aux Etats Unis, le 3/6/2015, Lester Bower, 67 ans, était exécuté après avoir passé 31 ans dans ces couloirs. Daniel Echols quant à lui, condamné à l’âge de 20 ans, a passé 18 ans dans les couloirs de la mort de l’Arkansas avant d’être innocenté par des analyses ADN, et libéré en 2011. Mais, comble de cynisme, ou de la barbarie à des yeux européens, Daniel n’a pas été innocenté à proprement parler ; les preuves de son innocence n’ont servi qu’à réduire sa sentence au temps qu’il avait passé en prison, et il n’a pas été libéré avant d’avoir signé un papier selon lequel, en reconnaissant que la justice détenait suffisamment de preuves pour le faire condamner, il s’engageait à ne jamais poursuivre la justice pour son erreur… Depuis la fin du moratoire sur la peine de mort aux Etats Unis en 1976, 144 condamnés sont sortis vivants des couloirs, et les statisticiens évaluent aujourd’hui à 4% le nombre des erreurs judiciaires.

Les exécutions

Mais le plus barbare, en notre temps de médias omniprésents, ce sont bien sûr les exécutions. Elles ont beau ne plus être publiques, chaque exécution est largement commentée par les avocats des condamnés et les associations qui luttent contre la peine de mort. Il y a de moins en moins d’exécution pour maintes raisons. D’abord parce que, depuis la fin du moratoire sur les exécutions en 1976, les nouvelles conditions pour procéder à une exécution multiplient les garanties et recours en justice. Ensuite parce que plusieurs scandales retentissants ont concerné des exécutions manquées, tant sur la chaise électrique que par injection létale. Et enfin parce que les laboratoires pharmaceutiques américains ont estimé que ce n’était pas un marché rentable (moins de 40 exécutions par an !), et que les laboratoires européens refusent de livrer les cocktails létaux à des services pénitentiaires.

 

Jusque dans les années 2000, et depuis 1890, les Etats Unis ont exécuté les condamnés avec la chaise électrique. En France, ce fut jusqu’à la fin la guillotine ; comme disait son inventeur, M. Guillotin, « Avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil, et vous ne souffrez point ». C’est loin d’être toujours le cas avec la chaise électrique. Pour ne prendre que les exemples les plus récents, qui ont mis fin à ce mode d’exécution, il faut parler des “ratés” suivants :

Chaise électrique – Allen Lee Davis après son exécution – Table d’injection létale.

1990, en Floride, Jesse Tafero tressaute pendant 7 minutes sur la chaise, avec « des flammes de 15 cm qui lui sortent de la tête et une horrible odeur de brûlé » ; il subira trois électrocutions. Les éponges humides qui assurent le contact étaient synthétiques et non pas naturelles ; elles se sont enflammées.

1997, en Floride, la tête de Pedro Medina s’enflamme, et il respire encore après l’électrocution.

1999, en Floride, Allen Lee Davis saigne abondamment du nez pendant l’électrocution, avec de graves brûlures aux points de contact sur la tête, les jambes et l’aine.

On passe alors aux solutions létales, mais ce n’est guère mieux.

09/2009, dans l’Ohio, Romell Broom subit pendant 2h une vingtaine d’essais infructueux pour trouver une veine valide pour procéder à l’injection létale. L’exécution est finalement suspendue. Romell publie un livre sur son exécution manquée. En Décembre 2016, la Cour Suprême décide qu’il doit à nouveau subir une exécution, malgré le principe qu’on ne peut pas subir deux fois la même peine pour les mêmes faits.

01/2014, dans l’Ohio, Dennis McGuire résiste pendant 25’ aux cocktails létaux.

04/2014, dans l’Oklahoma, Clayton Lockett survit 43’ à l’injection létale. Clayton décèdera finalement d’un arrêt du cœur. « Nous pensons qu’une veine a éclaté et que les drogues n’ont pas fait le travail escompté » dira le médecin chargé de superviser l’exécution.

05/2014, au Texas, l’exécution de Robert Campbell est suspendue après les ratés de l’exécution de Clayton Lockett. A ce jour, il est toujours vivant.

08/2014, en Arizona, Joseph Wood met près de 2 heures à mourir en gigotant et grognant de souffrances après avoir reçu au total quinze fois les doses létales prévues initialement.

12/2016, en Alabama, Ronald Bert Smith gigote et tousse pendant 34’ après les injections ; il avait passé 21 ans dans le couloir de la mort. Le sénateur de l’Alabama et ancien procureur, Jeff Sessions, vient d’être nommé Ministre de la Justice de Donald Trump ; il pense rétablir les pelotons d’exécution pour en finir avec ces scandales.

Le résultat de la baisse du nombre des exécutions est qu’il y a actuellement 3.000 condamnés à mort en attente d’exécution, dans les « couloirs de la mort » : au rythme d’une quarantaine d’exécutions par an, il faudrait déjà, pour éviter les files d’attente, que pendant 80 ans on ne condamne plus personne à la peine capitale. Mais je suis sûr que le nouveau président Donald Trump a une autre idée pour mettre fin aux “traitements inhumains ou dégradants” que sont les couloirs de la mort.

Pauvreté et inégalités

Seuil de pauvreté

D’après la CIA, le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté (moins de la moitié du revenu médian de la population) serait de 30% en Inde, 21% au Brésil, 16% au Royaume Uni, 15% aux Etats Unis, 11% en Russie, 10% en moyenne pour l’Union Européenne, 9% aux Pays Bas, 8% en France, 7,6% en Suisse, 6,1% en Chine, 3,8% en Tunisie et 1,5% à Taiwan.

On voit que les Etats Unis sont très mal placés : 45 millions de personnes y vivraient sous le seuil de pauvreté… et 40 autres millions seraient en train d’y descendre.

Inégalités

Pour connaître le niveau des inégalités, les statisticiens utilisent un indice composite, le « coefficient de Gini ». Plus il est élevé dans un pays, plus les inégalités de revenus sont fortes entre les plus riches et les plus pauvres. On considère que le niveau de 40 est critique pour la stabilité sociale d’un pays. Parmi les principales puissances économiques, celles qui dépassent ce niveau de 40 sont l’Afrique du Sud (67), le Brésil (57), le Mexique (48), les Etats Unis (45), la Russie (42), la Turquie (41) et la Chine (41). L’Inde a un coefficient de Gini de 36, et l’Union Européenne de 30, avec de grandes disparités correspondant aux politiques sociales. En Angleterre, il a augmenté de moitié (de 23 à 34) pendant les dix années de la gestion de Mme Thatcher.

Au niveau du patrimoine détenu, là encore, les Etats Unis sont très inégalitaires : en 2013, les 10% les plus riches détiennent 70% du patrimoine, alors que dans l’Union Européenne, ils ne détiennent « que » 50% du patrimoine.

Dans notre tour des Etats Unis, nous avons souvent traversé des zones de pauvreté, où les gens appartenaient manifestement aux 10% les moins favorisés de la population. Ce fut d’abord souvent le cas de certains des « RV Parks » où nous nous arrêtions pour la nuit ; la plupart des autres occupants vivent là toute l’année, dans des caravanes ou bus aménagés posés sur cales, souvent au milieu de tas de détritus, coincés entre des autoroutes ou des installations industrielles ; les « facilités » comprennent un ou deux sièges wc repoussants, et pas toujours de douche. Et puis, sur des routes perdues des fins fonds du Nouveau Mexique, du côté de l’ancienne mine d’or de Chloride, à près de 2.000 m d’altitude, ou bien dans les plaines du Montana, nous sommes tombés sur des hameaux de ruines habitées et rafistolées, loin de tout… « Terrible », dirait Donald Trump !

La Publicité

Et pour finir sur une note plus légère, ci-dessous quelques photos de publicités inattendues sur le bord des routes !

Les panneaux publicitaires sont assez envahissants !

Des publicités pour des avocats (ce qui nous attend en France après l’autorisation de 2015 ?) : « Blessé ? Accident de la route ? Consultation gratuite ! Pas d’honoraire sauf si nous gagnons ! » « Accidents de voiture ou moto ? Mort horrible ? La consultation est gratuite ! »

Sur l’IS95 en Floride : « Vasectomie ! Sans aiguilles ! Sans scalpel ! Déjà plus de 30.000 ! Docteur Dough Stein » (En France, la publicité pour les médecins ou chirurgiens reste rigoureusement interdite).

Dans le métro à Chicago : « Vous vous disputez souvent ? La moindre chose peut vous mettre hors de vous ? Vous cassez tout quand vous explosez ? Fou du volant ? Participez à nos recherches sur la colère ! »


Dans des toilettes publiques à San Diego (Californie) : « Ne pas monter sur le siège ou la lunette ; vous pourriez les casser et vous blesser »

Dans les toilettes de la Mission San Luis Obispo de Tolosa (Californie) : « A cause de certaines activités constatées dans les toilettes publiques, ces lieux sont susceptibles de faire l’objet d’une surveillance électronique ».

 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *