8 – Nouveaux Pèlerinages !

8 - Nouveaux pélerinages

8 – Nouveaux pélerinages

Les Perrin – Je n’avais pas remis les pieds au Maroc depuis 1956, date de l’Indépendance. Papa y vivait depuis 1935 ; il avait 22 ans lorsqu’il y est arrivé, 7ème d’une famille de 8 enfants, orphelin de père. C’était l’époque où les jeunes qui cherchaient du travail s’expatriaient dans « les colonies ». Il fut pendant 20 ans le responsable administratif et financier de l’Office d’Irrigation des Beni Amir, chargé de l’irrigation de la plaine du Tadla, à Fquih ben Salah. En septembre 1948, j’avais 2 mois, il y fit venir sa jeune épouse, et l’installa quelques semaines plus tard dans une maison appartenant à l’Office. Yves et Jean Luc naquirent à Khouribga, à 40 km au nord, où les phosphates possédaient une clinique digne de ce nom ; Odile à Fquih, dans notre maison même ; et Emmanuel à Casa, la veille de l’Indépendance. J’ai donc grandi à Fquih jusqu’à l’âge de 8 ans. Mon grand père maternel s’y fit construire une maison où il venait passer les mois d’hiver. La communauté des Français de Fquih, fonctionnaires, employés de l’Office, et quelques agriculteurs colons, y avait notamment un « Club », avec piscine … et une église. 54 ans plus tard, quelles traces de ce passé pouvais-je bien essayer de retrouver ?

La route de Casa à Khouribga n’est guère fréquentée par les touristes. La ville de Khouribga est restée le centre d’exploitation des minerais de phosphates, dont le Maroc est de loin le premier détenteur mondial de réserves. De Khouribga, la route descend du « plateau des phosphates » (1.000m), parsemé de terrils et d’exploitations à ciel ouvert, vers l’immense plaine du Tadla, bordée au Sud par l’Oum el Rabiaâ et le haut Atlas. Fquih (470m) s’y est construite en son milieu ; la ville organisa une fête en 1955 à l’occasion de son 500ème habitant ; c’est aujourd’hui une ville de plus de 100.000 habitants, où, à part le marocain, l’on y parle plus italien que français, sa population envoyant ses hommes travailler dans l’industrie automobile du Piémont.

Dès le panneau d’entrée de Fquih ben Salah, j’ai demandé où se trouvait « le Club » : « 1ère à droite au 1er rond point » ; et « oui, les sirènes sont toujours en place ! ». Et là, le choc ! Comme si j’étais parti hier … sur la gauche, un petit portique propret, où des gardiens me laissent entrer ; des fauteuils et tables basses nickel ; le petit bain ; le grand bain (vide ; on est en février ; il a fait -2°C ce matin !) où j’ai fait mes premières brasses ; les trois sirènes aux poitrines dénudées ; les tennis … avec des joueurs ! Le bar, avec ses miroirs et ses coupes sportives. Le tout, dans un état impeccable ; les carrelages sont d’époque, mais superbement entretenus. Moins de 100 m plus loin (seulement ?), sur la droite, après la « maison ronde », au carrefour, « notre » maison, qui appartient toujours à l’Office, mais son occupant habite Rabat ; le gardien me laisse entrer sur intervention de passants, anciens de l’Office, qui se rappellent très bien de « Monsieur Perrin ». La végétation a un peu changé, mais tout est là, d’origine ; les portes et volets, la cour d’Allal, le boy, la pergola … et même la piste en ciment que Papa avait fait construire pour que nous puissions faire du patin à roulette sans courir les rues. En face, la maison de Grand’Père, à étage, sous ses bougainvilliers et 50m plus loin, l’Eglise, occupée par un centre de formation professionnelle. Un ménage, tous deux retraités de l’Office (c’est, apparemment, encore aujourd’hui, le 1er employeur de la ville), nous invite à prendre le thé. Les marocains sont fiers des réalisations de l’Office, qui a transformé la plaine du Tadla grâce aux seghias, ces milliers de kilomètres de mini aqueducs, qui traversent routes et chemin par des siphons, et irriguent l’immense verger parsemé de cultures maraîchères (le coton a été abandonné depuis longtemps). Ils sont également très fiers de leur décolonisation réussie par comparaison avec leur voisin algérien. Quant à moi, je suis assez fier de la fierté des Marocains sur cette page de leur passé colonial !

Les de Laâge – Quelques dizaines de kilomètres au sud de Fquih, après avoir traversé l’oued Oum el Rabiaâ, se trouve un carrefour de route où la tribu des Nemaâ tient marché le samedi : Souksebt des Ouled Nemaâ. Ici ont  vécu quelques années après l’Indépendance la « Poupette » du précédent pèlerinage, son mari Philippe, et notamment leur fils Patrick, scolarisé à Beni Mellal, qui nous accompagnait avec sa moto. Si nous n’avons pas pu visiter la maison – ses habitants étaient partis pour le week end – un voisin et sa jeune épouse nous ont accueillis avec les mêmes gentillesse et attentions autour de thé et gâteaux dans leur maison en construction qui appartient aussi à l’Office d’Irrigation, où ils travaillent. L’émotion de Patrick était aussi grande que la mienne, même s’il avait déjà fait ce pèlerinage !

Au dessus de Fquih ben Salah, Souksebt et Beni Mellal se déploie la formidable barrière montagneuse de l’Atlas, dans laquelle nous avons pu randonner deux jours à moto, au milieu des amandiers en fleurs sur fonds de hauts sommets enneigés, jusqu’à Marrakech. Un grand moment que nous partagerons dans le prochain blog, dans quelques jours.

4 thoughts on “8 – Nouveaux Pèlerinages !”

  1. Bravo les d’jeunes, votre Perrinigration est en fait une suite de séances ‘nostalgie’. Seule la météo à l’air revêche, rassurez-vous, à Paris il neige aussi! Bises

  2. Hello. Merci de ce texte et des photos. Particulièrement de l’église, dont l’architecte a été mon père Louis Perrin, venu à Fquih sur la suggestion de son cousin Anthelme, et de la piscine où nous avons tous été très assidus!!!Que de souvenirs.
    Bien amicalement, et avec tous nos encouragements.
    Marc

  3. Bravo pour ces beaux paysages et pour cette leçon de vie. J’ai revu la cazbah d’Agadir sous un autre angle. Nous y étions en famille en juillet 2009.
    Beaucoup de courage dans votre périple méditérranéen et à bientôt.

    Jules Sanon

  4. Je trouve tres interessant de voir comme la vie vous amene (par des choix a la fois conscients et inconscients) sur un vrai cheminement de vie spirituelle qui a commence l’anne derniere avec un pelerinage, et cette annee avec un retour aux sources. J’ entrevois une retraite pleine de sens. Voila enfin ces annees dont vous avez reve toutes ces dernieres 30 annees “Ah mais quand les enfants seront partis!”
    C’est chouette de vous voir en profiter autant.

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