12 – Retour vers la Méditerranée

12 - La Côte méditerranéenne du Maroc

12 – La Côte méditerranéenne du Maroc

La route qui file de Fès vers l’Est, vers Taza, Oujda et la frontière algérienne accompagne l’autoroute en construction CASA-OUJDA, qui devrait être ouverte dès l’année prochaine. On arrive à Oujda après avoir traversé l’oued Moulouya, qui a longtemps marqué la frontière entre les deux pays ; juste en face, en Algérie, démarre l’autoroute que les chinois construisent jusqu’à la frontière tunisienne … on se trouve ici à 75 km de Tlemcen et à moins de 200 km d’Oran : la continuité entre les deux pays est évidente …. sauf que la frontière est fermée depuis 1994,  et que pour suivre la côte méditerranéenne par voie de terre, il faut prendre le ferry Nador (Maroc)-Almeria (Espagne), puis le ferry Almeria-Ghazaouet (l’ancienne Nemours, en Algérie).

Mais arrivé là, on n’est pas au bout de nos peines ; compte tenu en effet de la situation instable en Algérie, nous tenions à ce que quelqu’un nous « tienne la main » de Ghazaouet jusqu’en Tunisie, que ce soit une agence de voyage ou un réseau de relations. Nos multiples recherches et contacts en Algérie et en France ont non seulement été vains ; ils ont surtout fini par nous convaincre qu’il n’était pas « raisonnable » d’imaginer pouvoir circuler dans le Nord de l’Algérie avec nos deux motos, sauf à être accompagnés d’un véhicule de la sécurité militaire, ou bien de disposer d’un réseau local avec points de chute tous les 50 à 100kms ; et ce moins à cause des bouffées épisodiques de violence d’AQMI (Al Quaïda au Maghreb Islamique) qu’en raison de l’insécurité générale affectant les déplacements individuels par route des algériens eux-mêmes. Pour ceux que la situation actuelle en Algérie intéresse, nous conseillons la lecture des ouvrages de Yasmina Khadra (« A quoi rêvent les loups », « Le quator algérien », « Ce que le jour doit à la nuit », etc…). Notre « tour de la Méditerranée » ne pouvant franchir cet obstacle, il nous restait à trouver un ferry pour aller directement en Tunisie, lequel n’existe pas : pour continuer vers l’Est, le premier ferry disponible nous oblige à remonter jusqu’à Barcelone, d’où, deux fois par semaine, on vous emmène en … Sardaigne, d’où la Sicile, et puis la Tunisie ou la botte italienne. Tel était donc devenu notre programme, qui avait l’avantage de nous laisser du temps pour suivre la côte méditerranéenne du Maroc vers Tanger ou Ceuta.

De verdoyante et inondée par les pluies océaniques, la campagne se fait plus aride au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Fès, des montagnes du Rif et du Moyen Atlas. Les ravages des crues et inondations des dernières semaines sont partout : jusqu’à l’avant-veille de notre passage, la route était coupée, mais nous roulerons sans aucun souci jusqu’à El Jebha, une nouvelle route directe, excellente et spectaculaire, ayant été construite le long de la côte entre Nador et El Jebha. En revanche, elle était encore en cours de construction entre El Jebha et Tetouan, et nous étions heureux d’avoir des motos « tous chemins » sur ces 140 km de chantiers poussiéreux, boueux et … vertigineux.

Le Rif plonge en effet brutalement dans la Méditerranée. Mais cette côte très sauvage et escarpée est depuis toujours un lieu de passage important des échanges « nord / sud » : dans l’Antiquité débouché des pistes caravanières de Sijilmassa et du Sahara, elle « contrôle » encore aujourd’hui le trafic du détroit de Gibraltar, notamment les flux de clandestins … et de kif, dont le Maroc reste de loin le premier producteur mondial. C’est, entre autres raisons, pourquoi l’Espagne s’accroche à ses grandes « places de souveraineté » de Ceuta et Melilla, toutes deux entourées du « mur de Schengen », dont l’occupation au XVème siècle s’était faite dans le cadre de la « Reconquista », et qu’elle a donc refusé de restituer au Maroc lors de la fin de son protectorat en 1956 ; ces deux villes ne connaissent pas la TVA, et leurs ports sont très actifs, Melilla profitant notamment du gigantesque marché noir organisé autour de la frontière fermée entre le Maroc et l’Algérie. C’est pourquoi l’Espagne s’accroche d’ailleurs aussi à ses « penones », minuscules ilôts à proximité des côtes marocaines, habités par un poignée de militaires espagnols.

Vous trouverez dans l’album 12 ci-joint des images de tous ces territoires, en n’oubliant pas Gibraltar, où les Britanniques sont présents pour les mêmes raisons : c’est ainsi que les Algériens réclament au Maroc la restitution d’une partie du Sahara Occidental qui leur donnerait un accès à l’Océan (l’Algérie tient à joindre ce contentieux à celui de la réouverture de leur frontière commune), que le roi du Maroc réclame à l’Espagne la restitution de ses « places de souveraineté », et que le roi d’Espagne réclame à la reine d’Angleterre la restitution de Gibraltar ! Et c’est pourquoi la présence militaire est très visible au bord des routes dans l’ensemble de cette région, tout comme les revendeurs de kif ou d’essence algérienne.

Vous verrez aussi dans cet album que notre moral est remonté en même temps que l’ensoleillement : plus une goutte de pluie depuis Fès ! Il faut ajouter que nos motos nous ont été fidèles depuis 10.000 km, dont la moitié au Maroc, et que se profile maintenant la perspective d’être à nouveau en France vers la fin du mois prochain !

A très bientôt donc de vive voix !

11 – Les terrains de jeux du Maroc

11 - Erg, souks et palmeraies en terrains de jeux

11 – Erg, souks et palmeraies en terrains de jeux

Nous laissons la parole à nos petits enfants !

C. et les souks : « On était déjà venus à Marrakech, et on a tout de suite reconnu la maison où on était déjà allés ; alors on a fait les présentations à Bapou et Mimou qui nous avaient retrouvés dans le train à Casablanca. Dès le premier soir, on a traversé de nuit les souks fermés (pas rassurant) pour aller sur la place Jamaâ el Fna où il y avait beaucoup de monde. Z et Jos, puis Aa, ont réussi à se faire payer un faux serpent qu’on peut croire qu’il est vrai s’il nous surprend ; alors j’ai demandé à en avoir un aussi. Ensuite Bapou s’est fait mettre plein de serpents (des vrais !) autour du cou et on a mangé dans un restaurant dehors. Bapou nous a ramenés à la maison sans se tromper. Le lendemain,Z et Jos se sont fait faire un tatouage de scorpion et de dragon sur le bras après la visite d’une grande medersa (école) de 132 chambres, des palais et le minaret de la Koutoubia (on peut y monter à cheval, comme à Séville), où un gardien lançait des oranges tombées des orangers sur les gamins qui marchaient sur les pelouses interdites. On est rentrés à la maison en passant par les souks (Mimou et Maman ont toujours plein de choses à y acheter, mais elles mettent du temps pour choisir) et les tanneurs qu’on n’avait pas vus la dernière fois, mais qu’on n’avait que sentis de loin. Pour dîner, Mimou nous a fait cuire de la viande sur un barbecue dans la rue, et Bapou nous en apportait des morceaux au fur et à mesure qu’ils étaient cuits. Catherine est arrivée le lendemain, et est venue avec nous dans les palmeraies, dans le désert, et jusqu’à Fès. Là, Mimou, Maman et Catherine avaient encore des choses à trouver dans les souks, et on a fait des kilomètres à pied en se faisant écraser par les chevaux et les ânes qui foncent partout dans la foule, leur maître criant « Balek ! » (Attention !). Il y avait aussi quelques troupeaux de touristes qui marchent en rangs par deux derrière leur guide qui lève les bras, et eux, ils regardent les gens et les magasins comme s’il y avait encore la vitre du car entre eux. Pendant ce temps, Bapou nous expliquait l’inflation, l’Allemagne de Hitler, le négationnisme, et que l’illusion, ou bien ce qu’on croit, peut avoir plus d’effets que le réel ; il a toujours plein d’histoires à raconter quand on lui demande ! On a aussi vu des ouvriers coudre des babouches, un forgeron faisant rougir un fer avant de lui taper dessus, des dinandiers découpant un grand rouleau de cuivre, et des tanneries de teintures qui sentaient encore plus mauvais que celles de Marrakech. »

Jos et les palmeraies : « Moi, j’ai bien aimé les palmeraies. Dans le Sud du Maroc, il y a de grandes montagnes (l’Atlas) avec de la neige, et ensuite le désert, et entre les deux, les oueds (les torrents) qui descendent de la montagne jusque dans le désert. Comme ils ont beaucoup de force, ils descendent jusque loin dans le désert. Et comme cela fait plein d’eau, les plantes poussent le long. Les gens plantent plein de palmiers, parce qu’ils donnent des dattes à manger, qu’on fait des toitures avec leurs feuilles, des planches avec leur tronc, et que leurs racines retiennent la terre. Dans la terre, les gens creusent des seghias (des canaux) pour attraper l’eau de l’oued et la distribuer automatiquement dans leurs champs de légumes ou autres. Alors on peut se promener sur les murs des seghias, ou le long de l’oued, entre les champs, ramasser des roseaux pour faire des bâtons, faire des barrages dans les oueds, les traverser sur des pierres ou des poutres, ou en sautant par-dessus les seghias. Et on a vu des cactus que quand on les caresse doucement, les grosses épines chantent (Z s’est fait piquer !). Et des zaouia, qui sont le tombeau d’un saint musulman ; les gens croient qu’il fait des miracles après sa mort comme guérir les maladies ou autres. C’est notre guide berbère Abdallah qui m’a expliqué tout çà. »

Z et l’erg : « L’erg, c’est le désert où au lieu de cailloux, il n’y a que du sable et pas de cailloux, Bapou ne sait pas pourquoi. Et pas d’oueds ni d’eau du tout. Et du sable comme des montagnes. Pour y aller, il faut des dromadaires (des chameaux à une seule bosse). Alors on a pris des dromadaires, un pour chacun sauf Aa qui allait avec Maman, et un pour les bagages. On monte dessus quand le dromadaire est couché, puis il se lève ; il faut bien se tenir à la poignée, surtout quand çà descend parce que alors, à chaque pas, on croit que le dromadaire va tomber ; comme quand il se couche pour qu’on descende, d’abord les jambes de devant, d’un coup. Tout le monde met un chèche sur la tête, comme un turban, contre le soleil et le vent ; c’est très efficace. Le premier soir, on a dormi dans des lits de camp sous la tente ; il y avait des toilettes, et les guides ont fait un feu de camp sous la lune qui était pleine. Il y avait aussi une planche pour faire du surf sur les dunes. Le lendemain, à un moment, les guides ont dit qu’on pouvait descendre et marcher pieds nus ; alors on pouvait courir, et faire des glissades sur les dunes. Hassan, l’un des deux guides, a trouvé un « poisson des sables » ; c’est moi qui l’ai pris ; c’est comme un lézard, sauf que si on le lâche, il plonge dans le sable comme un poisson et disparaît. Il y a plein de scarabées aussi, qui mangent toutes les crottes des dromadaires et des gens qui viennent ; ils laissent des petites traces partout, et Papa nous a montré le trou d’un nid ; dès qu’on s’assied 5’, il y en a plusieurs qui rappliquent entre nos jambes. Mais il n’y a pas de scorpions. On a déjeuné et fait la sieste sous une tente berbère de l’autre côté de l’erg, près de l’Algérie, où on a pu faire voler le cerf volant et jouer au tarot. La deuxième nuit, les tentes étaient autour d’un palmier ; il y avait des lits de camp et pas de toilettes mais on a bien mangé et bien dormi quand même. Le troisième jour, on est partis à pied parce que les dromadaires devaient être légers pour passer un col, et on n’est montés dessus qu’en haut. Pastèque (c’est mon Doudou) est resté attaché au dromadaire pendant que je courais avec C et Jos. On a vu un autre « poisson des sables », mais on n’a pas pu l’attraper. Quand on est rentrés, on s’est douchés, et on a repris un petit déjeuner et notre trop d’affaires. »

La famille est maintenant rentrée à Paris, nous laissant devant un grand vide et … assez fatigués d’avoir joué aux touristes pendant 10 jours. Après quelques jours de repos à point fixe, nous devrions, si la météo le permet, et après avoir réanimé nos montures, partir explorer la côte méditerranéenne du Maroc … puis de l’Espagne. A bientôt !