Et nous voilà à St Jacques de Compostelle, Sant Iaco de Compostella, province de Galice, a l’extreme Nord Ouest de l’Espagne, terminus de ce premier voyage, la pluie glacee ayant remplace la neige, pour deposer aux pieds de St Jacques, lors de la “messe des pelerins”, les multiples intentions dont nous etions porteurs.
Quelques mots d’abord, apres deux semaines passees en dehors du “chemin” a proprement parler, sur ces belles et grandes villes a la personnalite bien marquee qui nous ont accueillis avant d’arriver ici :
– Vitoria la basque industrieuse, où la ville des bureaux enserre le vieux centre historique, butte romaine situee sur la Via Aquitana de Bordeaux a Astorga : les gens presses semblent ne s’y nourrir que de tapas (et d’iberico !), certes delicieux, mais qui ne forment guere un “repas” pour nous autres extranjeros ;
– Burgos, capitale de la Castille du temps de la reconquista contre les musulmans, titre qu’elle perd des 1492, a la fin de la guerre, et qu’elle semble toujours avoir la nostalgie d’avoir perdu ; c’est a Burgos que Franco avait etabli ses quartiers generaux pendant la guerre civile, quelques annees apres avoir matar la rebellion ouvriere d’Oviedo, un peu plus loin vers le Nord. L’ambiance en garde des traces. Neige et froid quand nous y etions nous ont permis d’admirer les collections de visons de ces dames de Burgos ;
– Leon semble quant a elle ne montrer aucun regret de ne plus etre capitale d’un royaume qu’elle pretend s’etre etendu jusqu’au Rhone ; 130.000 habitants decomplexes, de leur cathedrale “française” (sur le modele de Reims) et d’avoir su tirer profit depuis 2.000 ans de l’exploitation des mines de la region d’Astorga.
Pas plus qu’a Santiago nous n’avons croise dans ces villes des etrangers “installes”, ce qui nous a beaucoup change de notre colline de Belleville : ni pizzeria, ni brasserie telle qu’on en croise dans toute l’Europe du Nord, ni restaurant français ou meme asiatique, encore moins de restaurant turc, libanais ou “arabe”. A peine avons nous croise quelques immigres d’Amerique latine ; et le seul “arabe”, en banlieue de Lèon pres de la gare, chez qui Veronique soit entree pour acheter une bouteille d’eau a failli la mettre a la porte… N’avais-je pas lu pourtant quelque part qu’il y avait en Espagne trois fois plus d’etrangers qu’en France ? Ou sont-ils donc ?
En revanche, et meme si d’une façon tres differente de l’Italie, les rues de ces villes espagnoles ont un don tres particulier d’etre accueillantes, notamment avec ces personnages, souvent en bronze, artistiquement fondus dans le paysage, ou bien tous ces cafes ou l’on peut manger sur le pouce a toute heure.
Nous devons avouer que ces deux dernieres semaines depourvues des temps de pause inherents aux deplacements a la seule force de nos jambes nous ont satures d’images, qu’il nous faudra du temps pour decanter et assimiler ! A Santiago, nous sommes donc restes un peu plus longtemps que d’habitude dans la chambre ou au café Internet… et l’envie a commence de furieusement gratter Veronique de louer un appartement pour quelques jours, pour pouvoir y faire ses courses, sa cuisine, etc… et y vivre non pas comme des touristes mais comme des habitants : je commence ici a le sentir mieux, notre projet de sejourner dans des « villes mythiques » !
Il y a juste deux points sur lequel Veronique demande a nos lectrices de bien vouloir faire travailler leur imagination ; elle recherche d’une part des idees de tenues nomades plus variees, plus feminines, plus chic, plus class, et plus couture – Merci d’avance ! Et d’autre part, a propos de sa trousse d’aquarelle qui l’a accompagnee jusqu’ici, elle se demande a partir de quel degre d’oisivete nait l’esprit creatif : des idees ?
Pour en revenir a Santiago a proprement parler, je dois reconnaître que si « l’invention » de sa sepulture au Xeme siecle est vraiment, sur le plan historique, d’authenticite parfaitement douteuse, en revanche, la constance emouvante, depuis plus de mille ans, de ces pelerins qui viennent jusqu’ici a quelque chose d’etonnant, et semble empreinte d’authenticite. Encore qu’il ne soit pas facile d’en juger si l’on creuse en nous meme nos propres motivations a entreprendre cette aventure…. ou bien qu’on y ajoute les raisons que peuvent avoir les lecteurs de ce blog d’avoir la patience ou l’envie de continuer a nous lire. Vraiment, on nage en plein mystere !
Le mystere s’epaissit quand on ajoute a ces reflexions, pour ceux qui ne m’ont pas encore lache, le fait qu’il faut etre en Espagne pour decouvrir que Sant Jaquo (dans la lignee de Leon, Burgos, la Reconquista, puis la purete de la foi catholique et du sang español mises en œuvre par Isabelle et Ferdinand, puis Franco…), que St Jacques, donc, est ici tres represente en « Matamore », ou « Tueur de Maures », a cheval, avec des Arabes ecrases sous ses pieds. Ce qui peut, notamment apres les attentats de Madrid du 11 mars 2004, nous faire facilement passer de Franco a la guerre des civilisations chere au Pt Bush. Ou « du danger d’adopter les symboles du passe pour notre propre histoire » ! C’est ce meme danger qui nous est apparu dans l’eclectisme de la manifestation contre Israel a Gaza dont vous verrez quelques photos : on y trouve melanges dans un etonnant coktail l’autonomisme galice, le sentimentalisme pro palestinien, l’antisionisme, les communistes…
Nous nous appretons maintenant a quitter ces lieux tant esperes. Y venir nous aura ouvert des espaces de liberte inattendus par la decouverte de ces deux modes de transport a part entiere qui nous etaient inconnus auparavant, la marche a pied et la bicyclette (sans parler du « train avec velos accompagnes », que nous pensons mieux pratiquer pour notre retour a Paris !) : voila des horizons nouveaux aux nomades que nous esperons devenir !
A bientôt a Paris, ou au moins sur ce blog !