Vous étiez près de soixante le 11 novembre à être venus nous dire au revoir et nous encourager… Merci ! On était bien là, avec vous… on aurait bien souhaité que cela dure plus longtemps… Cela fait des semaines d’ailleurs qu’on est bien, là, avec cette idée de partir six mois en Amérique avec nos motos… avec nos petites courses à faire, notre intendance à régler, les plus ou moins gros incidents de santé ou de mécanique à résoudre, l’appartement à rendre agréable pour nos locataires arrivant le jeudi 15… C’est un peu comme quand on attend un enfant… on sait bien que cela ne va pas durer éternellement, on se projette avec un peu d’inquiétude vers la fin de cet état d’espérance, mais pour l’instant, on couve, béats… Dimanche dernier, au « Ô Paris », on savait déjà depuis quelques jours que ce n’était pas le lendemain lundi que nous partions attraper le cargo au Havre, mais probablement le jeudi 15 seulement ; cela faisait des mois que, chaque semaine, le bateau était repoussé d’un jour… on s’habitue ! Et puis, brutalement, « perte des eaux » le mercredi vers 11h : rendez-vous sur le quai du bateau demain matin jeudi entre 8h et 11h30 !! Panique ! Nous ne quittons Paris, nos petites valises cette fois bien bouclées, que la nuit tombée, vers 17h45, dans les embouteillages, une nuit humide et glauque, 200 kms de brouillard et de glace, heureusement armés de notre panoplie ‘grand froid’. Le lendemain matin, au Havre, nous nous perdons sur le port à la recherche d’une station d’essence, et arrivons à 11h15 au quai ‘roulier’… trop tard… revenez à 15h au quai ‘Europe’… si vous saviez les dimensions de ce port du Havre !!
A 14h30, on le voit devant nous, dans le brouillard toujours glacé, en train d’accoster, ce tant espéré « Grande Buenos Aires », des ‘Grimaldi Lines – Palermo’ : 56.000 tonnes, 214 m de long, 13 ponts dont 4 à hauteur variable, 24.500 cv, >30 km/h de croisière, construit en Italie en 2004, avec de nombreux ‘sister ships’. Les amarres sont tendues, la porte arrière descend au bout de ses câbles, et tout de suite, c’est une activité fébrile de chargement par la porte ou les grues de pont : des camions de pompiers, des tanks, des engins de traitement des vignes, des semi-remorques, des moissonneuses, des engins de travaux publics, des grues, des centaines de voitures ; et des containers, des camions et des ‘promène couillons’ par les grues. Il nous faut un bout de temps pour réaliser qu’on ferait peut-être bien de nous manifester pour ne pas avoir à garer nos motos devant des matériels prévus pour Dakar ou Rio… Voilà, c’est fait, nous sommes entrés dans cette caverne d’Ali Baba, nos motos sont au pont n° 2, arrimées à une rambarde, chaîne et ‘U’ aux points fixes, entre un bus, une machine de viticulture et des équipements industriels, à quelques pas de quatre camping cars immatriculés en France dont les propriétaires doivent se trouver au-dessus de nos têtes. Nous prenons l’ascenseur pour le 12ème étage, on nous aide à trimbaler nos deux sacs et six valises de motos, et nous voilà dans notre ‘appartement’ pour la traversée : un bureau-salon avec un grand hublot, frigo, TV/DVD, et une chambre à lit « matrimonial », avec un autre grand hublot, et salle de bains avec WC et baignoire ; c’est le grand luxe des quelques 30 m² d’une cabine ‘Owner’, soi-disant destinée à ‘l’Armateur’ (la famille Grimaldi !) s’il lui chantait de venir faire du tourisme sur ses cargos !
Il est déjà 17h, le dîner est à 18h ! Nous faisons connaissance avec nos compagnons de traversée – un motard irlandais en Honda XR650, Mel, qui voyage sans appareil photo ; un motard suisse allemand en BMW1000GS, Markus Herzig, qui a son site internet depuis qu’il y a quatre ans, il est allé et revenu de Vladisvostok avec sa BM. Et six ‘camping caristes’, dont un couple, Marius et Michèle, fait équipe depuis des années avec Bernard et Damien que les épouses rejoindront par avion – soient trois C.C. ‑, puis Hervé et Philippe, voyageant indépendamment chacun avec leurs C.C. ; nous apprendrons vite qu’il ne faut pas confondre leurs engins avec des camping-cars ; les leurs sont des camions 4×4 avec ‘cellules de vie’ ! Ils ont tous une grande expérience de ce genre d’expédition, et viennent en Amérique du Sud après avoir écumé l’Afrique ou l’Asie.
Assez vite, après avoir mis le cap au sud du côté de Brest, le bateau roule un peu de droite à gauche (cf. vidéo dans l’album), et ce pendant deux jours jusqu’à la hauteur de Gibraltar, mais à aucun moment nous ne ressentons le mal de mer tant craint. Les premiers jours sont très frais, chauffage dans la chambre, puis le soleil se met de la partie, la mer se calme, chaque matin on nous annonce que nous sommes au large de la Gironde, de Porto, de Casablanca, d’Agadir, etc… mais nous sommes en général à une centaine de kilomètre des côtes, et on n’aperçoit que de temps en temps un autre cargo que l’on croise. La ‘colazione’ est à 7h30, le ‘pranzo’ à 11h, la ‘cena’ à 18h… le steward fait la chambre entre 9h et 10h… pour le reste, on essaie de ne pas prendre trop de kilos en transpirant dans le ‘gymnasium’, on fait de l’espagnol, Véronique des aquarelles, Philippe son blog, tous deux, ensemble ou séparément, regardent des films sur leur laptop, ou bouquinent dans leur Kindle. De temps en temps, un petit tour sur le pont pour regarder la mer, les bateaux, les vagues, et échanger des nouvelles avec nos compagnons c.c. hyperéquipés en GPS.
En bref, nous qui souhaitions ‘siroter nos temps de déplacement’, là, sur un cargo à la vitesse d’un Velosolex pour parcourir 20.000 km, pour siroter, on sirote !
Nous arrivons à Dakar demain matin. Nous allons essayer d’y trouver un poste Internet pour poster ce message, si possible avec quelques photos. Depuis deux jours, l’air est doux, et la mer calme est passé du noir d’encre au bleu profond. Bon anniversaire Véronique !
2ème album : Le Havre – Dakar : https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/2LeHavreDakar?authuser=0&feat=directlink
Merci, merci Philippe et Véronique pour ce long message.
qui nous fait vivre vos aventures !
Bravo pour la description de l’embarquement, la vie à bord, les rencontres…
Sirotez, sirotez les amis. Et pas d’impatience, Philippe, c’est mauvais pour les calculs !
On vous embrasse, on vous aime , et on aimerait avoir le courage de partir ainsi…
Hervé et Mariette
Trois petites citations pour passer sans regret (très hypothétique) la ligne de l’équateur:
“Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, je vous propose d’essayer la routine… elle est mortelle”.
Paolo Coelho
“Tout bien considéré, il y a deux sortes d’hommes dans le monde : ceux qui restent chez eux, et les autres”.
Rudyard Kipling
“Les voyages sont l’éducation de la jeunesse et l’expérience de la vieillesse”.
Francis Bacon