3 – Traversée prudente d’un Sud tunisien en effervescence

3 - Le Sud Tunisien

3 – Le Sud Tunisien

 

Une bonne connexion Internet ainsi que … l’enfermement dans notre chambre d’hôtel du fait du couvre feu, nous permet de vous adresser un petit message avant de partir, demain matin dimanche, pour Tripoli, pour autant que la frontière, qui est à 150 km d’ici, soit bien ouverte.
Toute la Tunisie est encore très nerveuse, même ici à Djerba, encore sous le choc du départ de son Président hier après midi. Nous avons échappé jusqu’à présent aux pillages qui continuent de s’étendre à tout le pays. Je ne vais pas vous dresser un panorama de la situation politique ici, dont vous avez de bien meilleurs compte rendus dans la presse française ; nous n’avons bien sûr que le tout petit bout de la lorgnette, à la façon de Fabrice à Waterloo. Il reste que ces évènements ont un peu perturbé notre traversée de la Tunisie, enfin… perturbé… moins dans notre programme que dans nos têtes : Véronique en est maintenant à souhaiter vivement notre passage en Libye ! Mais comme nous ne voulons pas vous laisser sans nouvelles du tout, et pour rassurer tous ceux qui nous ont manifesté leur inquiétude, nous vous faisons un rapide petit point avant notre prochaine étape libyenne.
Nous avons quitté les villes de Tunis et Hammamet depuis lundi, alors que le couvre feu y a été déclaré mardi soir dans la première, et que les casseurs sont intervenus l’après midi de jeudi dans la seconde : le pied de Mimou ressemble à celui d’Atila ! Si nous avons ensuite trouvé à Sousse une station balnéaire très branchée et bruyante, mais à la merveilleuse médina tranquille, apparemment loin des évènements du pays, ceux-ci ont commencé à nous rattraper à Kairouan : l’hôtel, vers 9h du soir, nous a demander de déménager nos motos à l’intérieur des murs de la Casbah pour qu’elles ne tentent pas une jeunesse désœuvrée descendant de la banlieue ; et, le lendemain matin, la station service se déclarait fermement, même si avec le sourire, « en grève » et nous trouverons un peu plus loin de quoi emplir nos réservoirs. Cela ne nous a pas empêchés de visiter Kairouan à souhait, sa célèbre mosquée du IXème siècle comme les différentes zaouïas de la médina, et d’acheter … un tapis !
A El Jem, nous avons pu facilement traverser la ville jusqu’à l’amphithéâtre romain – le troisième du monde romain par la taille – qui la domine de toute sa hauteur, y garer nos motos, et y déguster un café au soleil ; puis, d’un coup, panique, tout le monde baisse son rideau, replie sa charrette, empile ses chaises … et notre cafetier de nous conseiller de filer directement à Sfax sans visiter le monument. Nous retraversons alors la ville dans l’autre sens, à contre courant de jeunes qui marchent ou courent vers on ne sait trop quel excitant rassemblement.
Hier soir à Sfax, nous sommes arrivés juste après le passage des casseurs : tout était fermé en ville, notre hôtel en état de siège, car son voisin immédiat avait été incendié. Nos motos en sécurité au sous sol, nous avons tenté une promenade autour du pâté de maison avant le coucher du soleil ; les murailles de la médina étaient flamboyantes, mais nous n’avons guère insisté devant la tension de la rue, qui était « palpable » ! Un couple d’universitaires bordelais, assiégé ici depuis trois jours, nous a décrit, encore ému, le spectacle des casseurs systématiques et sans entrave, la police, interdite de tir, ayant décidé, dans ces conditions, de laisser faire… Véronique râle car le GDF local a coupé le gaz de toute la ville par mesure de sécurité … et qu’il n’y a donc pas d’eau chaude ! Heureusement, l’hôtel a non seulement un restaurant, mais un wifi qui marche jusque dans la chambre.
Le lendemain matin vendredi 14, Sfax retrouvait une allure normale, la plupart des commerces ayant rouvert. En revanche, 150 km plus au sud, en arrivant à Gabès, des piquets de grève devant deux usines de la grande banlieue de cette ville industrielle nous incitent à contourner la ville. Et les bateliers du bac du « Jorf », en grève, nous obligent à un crochet de 100 km pour rejoindre l’île de Djerba !
Alors que nous nous croyons enfin arrivés dans l’île dont tout le monde nous a vanté le calme, la douceur et la modération, nous devons traverser un rassemblement de jeunes avec des bâtons, ce que nous faisons lentement et avec le sourire (j’ai vu sursauter l’un d’entre eux quant il nous a vu arriver, nous croyant peut-être de la police, avec nos casques blancs et nos deux petits phares) …. Nous trouvons heureusement un restaurant ouvert – il est 15 heures passées, et nous avons 380 kms de petites routes dans les bras , puis notre hôtel. ½ heure avant le coucher du soleil, nous partons pour une petite ballade à pied autour de l’hôtel, mais apprenons rapidement qu’il y aurait un couvre feu à partir de 17h30, et qu’il s’appliquerait même à Djerba. Dès notre retour à l’hôtel, nous ouvrons la télévision comme nos deux notebooks, et c’est là que nous apprenons successivement :
« 17h30 – L’armée a pris le contrôle de l’aéroport international de Tunis Carthage alors que l’espace aérien a été fermé.
17h39 : La France déconseille vivement les voyages en Tunisie
18h30 – Le président Ben Ali a quitté la Tunisie
».
Nous sortons de la chambre féliciter la réception ; tout le personnel, trois personnes, est rivé devant le poste. Le 1er ministre confirme, et le gérant aussi que, oui, c’est le couvre feu (nous sommes donc bloqués à l’hôtel), et que non, il n’y a pas de restauration prévue le soir dans cet hôtel : les voyages forment les retraités ! Le lendemain matin, nous pouvons malgré arpenter tout le nord de l’île de Djerba sous un soleil radieux, celle-là même dont Ulysse a eu du mal à arracher ses compagnons, et trouvons à refaire le plein de nos motos pour aller jusqu’à Tripoli, en même temps que de nouvelles provisions pour le couvre feu de ce soir.
Les Tunisiens restent cependant inquiets et perplexes pour le futur proche ; les nouveaux dirigeants faisaient tous partie de l’ancienne équipe, les pillages continuent, et les forces de police ou gendarmerie semblent anéanties par l’interdiction qui leur a été faite de tirer à vue (et avec des lunettes de tir !) dans la tête des pilleurs. En fin d’après midi, une dizaine d’avions se sont posés à Djerba pour rapatrier tous les touristes. En bref, nous espérons trouver des conditions plus tranquilles demain en Libye !
Ces évènements, ainsi que le rétablissement de Betty, nous ont fait « entrer » complètement dans ce voyage, et nous palpitons entre la beauté des lumières, les heures d’oisiveté, les discussions animées avec les Tunisiens et les soucis quotidiens d’intendance.
A bientôt !

Album PICASA en cliquant sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“3 – Le Sud Tunisien”)

16 thoughts on “3 – Traversée prudente d’un Sud tunisien en effervescence”

  1. Votre voyage commence fort ! merci de nous faire partager vos péripéties; cet épisode doit vous rappeler votre jeunesse, lorsque vous étiez dans certains pays africains agités
    le monde titre ce soir à la une “à Tunis, l’espoir d’une transition démocratique”.
    Nous imaginons Philippe à l’aise, en situation de reporter… La Lybie sera surement beaucoup plus calme.
    bon vent et bonne route demain

  2. Votre voyage commence fort ! merci de nous faire partager vos péripéties; cet épisode doit vous rappeler votre jeunesse, lorsque vous étiez dans certains pays africains agités
    le monde titre ce soir à la une “à Tunis, l’espoir d’une transition démocratique”.
    Nous imaginons Philippe à l’aise, en situation de reporter… La Lybie sera surement beaucoup plus calme.
    bon vent et bonne route demain

  3. Trop jeunes pour mettre le nez à la fenêtre, nous avions tous raté juillet 1830 et février 1848. Vous voila servis ! Merci pour ce reportage sur le vif, et bon vent vers l’est !
    Claude et Jean-Paul

  4. Il y a quelque temps, j’aurais pensé que la Tunisie aurait été plus calme que la Lybie…. Merci pour ces commentaires en direct, j’ai l’impression de lire mon journal ! et en plus, on vous imagine très bien. J’aurais été bien malheureuse de rater un diner…. Bon courage à tous deux et soyez prudents !

  5. On ne vous pose pas de question mais attendons avec une certaine impatience la suite des évênements…good luck!

  6. Ouf! Des nouvelles apparemment rassurantes! Que vous réserve la suite, puisque vous allez traverser des pays très relativement plus calmes? Comme l’écrit quelqu’un, cela doit plus ou moins vous impressionner en vous rappelant vos péripéties africaines antérieures. Bon vent et à bientôt.

  7. quel bonheur d’avoir Véro “en direct” même si la censure est là…on pense très fort à vous .André à l’hosto et moi à la maison!
    Bonne continuation sur votre route pleine d’aventures bizous un peu frais (l’hiver revient depuis 2 jours à Paris

  8. Je commence a me demander si c’est vous qui etes a l’origine du mouvement de liberation du Moyen Orient! Vous voila bientot en Egypte pour les liberer de Mubarak! Ou alors vous voulez juste rendre votre blog de plus en plus passionant, parceque la en effet il commence a y avoir du suspens et de l’action, je suis sur les dents pour le prochain chapitre! Gaia

  9. Bon ben les copains ça chauffe là où vous êtes …je guette en vain un signe de vous sur votre blog ou sur skype,vous devez être planqués quelquepart en attendant que l’orage passe…
    On vous embrasse

  10. Une traversée historique de l’Afrique du Nord en pleine mouvance. Vous êtes non seulement des aventuriers émérites mais également de vrais néo-reporters sur le terrain, à votre insu. Une pensée pour vous en vous souhaitant une bonne continuation dans votre voyage mais surtout avec beaucoup de prudence.
    Nous vous embrassons,
    Sophie et Steven

  11. Bonjour à tous!
    Pas d’inquietudes, ils sont bien planqués dans un bled qui s’appelle Marsa Matrouh près de la frontière lybienne, l’hotel est plutot sympa mais ils commencent à s’ennuyer, ils sont en effet les seuls clients et l’idée de se balader dans la rue entre tank et militaires ne les ravient pas plus que ça…
    Ils espèrent pouvoir prendre un ferry d’Alexandrie dimanche mais ne savent pas encore la destination!
    Ne vous en faites pas le prochain post est pret à etre envoyé ils attendent juste de pouvoir se reconnecter à internet, sans ça ils se sentent vraiment coupés du monde!

  12. Coucou
    Merci pour les nouvelles, on se fait pas mal de soucis, j’espère que vous trouverez la paix ailleurs.
    Biz
    mounira.

  13. Salut les Baroudeurs,

    Avec Agnès on a lu en diagonale vos périples pour s’assurer que vous étiez sains et saufs!!

    nota: déjà en 1980, sinon interdite, la conduite de nuit en Libye, hors agglomération, était fortement déconseillé, les camions n’utilisant pas les phares pour économiser la batterie !!!

    Bonne chance, Inch’Alla !!

    Hervé

  14. Je ne sais pas si vous etes toujour en Egypte, mais vous vivez un moment historique.
    Que DIEU vous benisse ainsi que vos fieres montures.

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