Encore une très belle journée aujourd’hui sur Jérusalem. Nous nous sommes surtout promenés dans la vieille ville, en faisant le tour par les remparts de la « Citadelle de David » (porte de Jaffa) jusqu’à celle de Damas. Plus loin, dans le quartier arabe, c’était un peu trop « chaud » pour y aller, et nous ne sommes pas kamikazes. Vous verrez dans l’album ci-joint toutes les belles vues qu’on peut avoir des remparts sur la vieille ville ; on se promène au niveau des toits, au milieu d’une forêt pittoresque de chauffe-eaux électriques ; de grillages, barbelés et drapeaux israéliens quand des Juifs viennent s’incruster dans les quartiers ; de coupoles et de minarets, avec le Dôme du Rocher, le Mont des Oliviers, les ballons de la police, le mur de séparation et le Désert de Judée en toile de fond.
Nous étions avec Thérèse, à qui nous avions donné rendez vous porte de Jaffa, et chez qui nous sommes allés prendre le thé après ; elle est revenue de France il y a 3 jours seulement, mais cette fois, c’est pour de vrai qu’elle s’installe dans un très bel appartement dans une maison arabe ; elle se débrouille déjà super bien en hébreu !
Côté politique, on avait un peu l’impression que la ville retenait son souffle ; de nombreux chauffeurs d’autobus sont en grève ; deux dirigeables de la police sont placés en sentinelles au-dessus des quartiers chauds ; les rues sont vides… Anne et Christian arrivent demain soir jeudi, et dès vendredi matin à l’aube, nous filons pour un grand tour d’une semaine en commençant vers le Neguev et le cratère Mitzpe Ramon. Nous allons donc commencer par aller chercher la voiture de location, puis mettre un peu d’ordre dans nos notes, aquarelles et photos…
Nous avions le cœur lourd ce matin en rejoignant la voiture de nos copines Shari et Hannah, qui nous emmenaient en escapade au sud-ouest de Jérusalem, toujours à la recherche, dans leur métier de guide, de nouveaux sites à explorer. Nous venions d’apprendre l’attentat commis dans une synagogue d’Israël par deux jeunes Palestiniens vivant dans Jérusalem Est (la partie annexée par Israël, de laquelle ils peuvent librement passer dans Jérusalem Ouest). Un peu égoïstement, on se disait cependant que pour nous touristes, et contrairement à deux des autres attentats récents, il s’agissait d’une attaque « ciblée », moins dangereuse pour nous qu’une attaque « aveugle » à la voiture piégée ou à la voiture bélier. Du coup, nous avons reporté la visite programmée pour demain du tombeau des Patriarches à Hébron. En attendant, nous avons passé une superbe journée à la campagne, autour de la vallée du Térébinthe (clin d’œil à Zénon), et attendons de pied ferme Anne et Christian dans 48 heures.
Pour tout savoir sur les traces bibliques repérées dans cette région, cliquez sur :
Renée a encore fait fort aujourd’hui ! C’est d’abord Sharon qui passe nous prendre chez nous avec sa voiture pour nous emmener sur le terrain, nous faire bien comprendre les causes profondes de la politique d’implantations et de colonisation de l’actuel gouvernement d’Israël, à partir d’exemples concrets.
Sharon est membre de l’ONG « Ir-amin » ; celle-ci surveille toute action sur Jérusalem Est susceptible de désavantager une communauté ou rendre impossible un règlement définitif du statut de la ville. Elle informe le public et les députés de la Knesset ; elle est habilitée à saisir la Cour Suprême ; elle publie des analyses ; elle organise des « tours » dans la banlieue de Jérusalem autour du mur de séparation et des nouvelles implantations.
Sharon nous emmène sur la colline de Givat HaMatos, où la Municipalité a prévu de construire un ensemble immobilier de 2.600 logements. Il apparaît, sur les plans et cartes qu’elle nous montre (cf. l’album de photos joint), que cette implantation, à cet endroit là, a surtout pour but de parachever l’isolement du village arabe de Beit Safafa, par ailleurs dépecé par une nouvelle route, afin de l’entourer complètement d’implantations juives. L’ensemble des documents qu’elle nous montre indique que cette politique est menée de façon systématique dans le « Grand Jérusalem » : l’important pour le gouvernement n’est pas tant de construire à tout va pour loger de nouveaux immigrants ; et de construire sur des terrains prélevés dans les Territoires parce qu’il n’y aurait plus de place « en Israël » ; il y a toute la place qu’on veut pour construire en Israël. L’important pour le gouvernement est de faire venir des gens pour habiter au milieu des villages palestiniens ; afin de les noyauter ; de les encercler par des implantations ; d’empêcher toute continuité dans les zones d’habitations arabes ; de judéiser le pays ; de faire en sorte qu’un état palestinien ne puisse pas naître, ni être viable ou cohérent, ni se développer aux côtés d’un état juif.
Cette politique menée avec persévérance, malgré toutes les condamnations internationales, s’applique, semble-t-il, sans trop de difficultés parce que la démocratie israélienne ne fonctionne politiquement qu’avec des minorités agissantes, en premier lieu la droite alliée aux partis religieux. L’immense majorité du corps électoral n’a pas d’autre vision politique que de vivre en sécurité dans un pays aux frontières sûres. La construction du mur de sécurité a mis fin aux attentats. La construction des colonies et des nouvelles implantations offre des possibilités de logement à proximité immédiate de la Jérusalem tant désirée ; certes, le voisinage de villages arabes est un réel désagrément, sans parler du danger objectif d’attentats ; mais les conditions financières sont tellement intéressantes que le gouvernement n’a pas de mal à trouver des candidats acquéreurs.
La logique d’une telle politique est apparue pendant notre voyage, lorsque le premier ministre « Bibi » Netanyahou, le 24 novembre, a défendu devant la Knesset un projet de loi visant à renforcer le caractère juif de l’Etat d’Israël, en le définissant non plus comme « Etat juif et démocratique », mais comme « l’Etat-national du peuple juif ». En tant « qu’Etat juif et démocratique », la poursuite de la politique des implantations viserait logiquement à une intégration (forcée) des Palestiniens à l’Etat d’Israël – un peu comme les « Arabes-israéliens » sont actuellement intégrés. En revanche, un « Etat national du peuple juif » ne laisse plus de place à des citoyens non juifs… La réaction ne s’est pas fait attendre : grosse manifestation quelques jours plus tard devant le domicile de « Bibi » aux cris de « Bibi pyromane », révocation des ministres des Finances et Affaires Etrangères, dissolution de la Knesset, nouvelles élections en mars prochain…
Et qu’en disent donc les Palestiniens ? Dans la foulée, Renée nous a pris un rendez-vous avec une autre de ses relations, Georges, chrétien arabe né à Jérusalem Est. Georges travaille pour l’Agence de tourisme qui nous a réservé nos logements pour notre tour du pays la semaine prochaine ; il est guide, lui aussi. Il nous attend porte de Jaffa, et nous nous retrouvons à la table d’un café dans le quartier chrétien, où le patron nous offre la tournée.
Nous passons une grande heure avec Georges, Arabe chrétien né il y a trente ans dans Jérusalem Est. Lors de l’annexion, Israël lui a proposé de devenir “Arabe-israélien” ; ce qu’il a refusé, comme la plupart des Palestiniens concernés. Il détient donc un passeport jordanien, qui ne lui donne aucun des attributs de la citoyenneté jordanienne ‑ en Jordanie, il ne peut ni voter, ni acheter d’immeuble, ni travailler ‑, mais lui permet de circuler à l’étranger. Il nous parle longuement de sa famille, des difficultés de son statut, et de sa vision de l’avenir du pays. Sa sœur est la première femme Palestinienne à avoir obtenu une licence de pilote de ligne, après une formation à Amman en Jordanie ; le premier boulot qu’elle a trouvé était à Gaza, mais, au bout de quelques mois, l’aéroport a été détruit par les Israéliens ; après avoir trouvé un travail en Jordanie, elle n’a pas pu le faire valider… les Palestiniens sont « non grata » en Jordanie ; ils peuvent suivre des formations, mais pas y travailler ; alors sa sœur travaille dans un bureau, à l’Aviation Civile israélienne.
Georges est réaliste, et fataliste ; il se rend bien compte que le morcèlement du Territoire Palestinien, tous les travaux d’infrastructure que les Israéliens y font, les routes, les implantations, les lignes à haute tension, les travaux hydrauliques, etc… ne pourront que difficilement revenir à un Etat Palestinien indépendant. Il reconnaît que la meilleure solution, aujourd’hui, serait sans doute que les Palestiniens, si Israël le leur propose, deviennent purement et simplement des citoyens israéliens, « Arabes-Israéliens ». Mais le sujet est tout à fait tabou, pour tout le monde. D’une part, il n’est pas du tout sûr que les Israéliens le leur proposent ; le déséquilibre démographique serait trop important ; et la question de la sécurité se poserait à nouveau de façon aiguë. Et d’autre part, il est interdit d’en parler pour un Palestinien ; ce serait une traîtrise au combat pour une Palestine indépendante. Comme ceux que nous avons entendu avant hier à Bait Jala, Georges va glisser dans une même phrase que Juifs et Arabes pourraient se regarder comme frères, et que, de toutes façons, sur le terrain, pratiquement, il est impossible qu’un Etat Palestinien puisse surgir, que la solution d’un unique Etat binational serait concrètement la meilleure solution… mais en insistant, contre toute logique ou bon sens : “dans les frontières de 1967″…
Et qu’en disent les colons ? Renée nous a aussi ménagé un entretien avec une amie d’amie, dans une colonie implantée le long du Jourdain, pas très loin de Beitshean. Nous la rencontrerons la semaine prochaine.
Vous verrez toutes les photos et les commentaires en cliquant sur :
Renée, Shari et Hannah sont toutes les trois guides ; en ce moment, avec les résonnances internationales des tensions dans le pays, les anglo-saxons ne viennent plus trop pèleriner ici, et, parmi les ouest-Européens, il n’y a plus guère que les Français qui viennent en nombre. Au total, il y a toujours beaucoup de visiteurs, mais ce sont surtout des Asiatiques, ou des Européens de l’est, qui viennent par des réseaux différents. Du coup, c’est un peu le chômage technique pour elles ; aussi, en ce dimanche, qui est ici « pour de vrai » le premier jour de la semaine travaillée, elles nous ont proposé d’aller découvrir ce que cache l’anniversaire de la translation des reliques du célèbre St Georges à Lod, l’ancienne Lydda, du côté de l’aéroport international.
Nous trouvons l’endroit, nous sommes à l’heure, il pleut, nous nous réfugions dans la basilique bondée… mais au bout de 45’, après avoir fait le tour des lieux, comme le soleil semble pointer son nez, nous ressortons pour nous trouver plongés dans un souk : les visiteurs continuent à affluer, les marchandes de crêpes et pistaches ont envahi les trottoirs, il n’est encore que 10 h, non , nous n’allons pas attendre que le Patriarche sorte avec les reliques, ni la procession dans la ville.
Direction Ramla, quelques kilomètres plus au sud : fondée par les Arabes au VIIème s., seigneurie du temps des Croisés ‑ qui l’identifièrent avec l’Arimathie du Joseph qui vient réclamer le corps de Jésus ‑, Ramla (70.000 hab) fut capitale de la Palestine jusqu’au XIème s. Elle conserve quelques monuments intéressants, comme une « Tour blanche », ancien minaret du 14ème s., une étonnante citerne abbasside souterraine (8ème s.), et surtout une des quatre plus grandes églises laissées par les Croisés, aujourd’hui mosquée de Ramla.
A notre retour à Jérusalem, Renée nous emmène pour une extraordinaire promenade sur les toits de la Vieille Ville au coucher du soleil.
Voilà une journée comme nous en rêvions : sortir des sentiers battus, vivre en Israël comme des Israéliens, débattre à bâtons rompus avec des gens d’ici des grandes questions du moment, nous frotter aux (très !) différentes composantes de la société… Merci Renée !
Renée, nous la connaissons depuis août 1993 ; elle était notre guide pour notre premier voyage « chez elle » ; et en plus, elle avait un pied à terre à Paris, à deux pas de chez nous, au marché d’Aligre ! Où elle vient souvent ; nous sommes alors vraiment devenus amis ; elle n’a pas son pareil pour poser les bonnes questions impertinentes ; elle cherche ; elle veut savoir quoi ! Dans toute la complexité du quoi ! Et, comme vous le savez, dans son pays, avec la complexité du quoi, elle a de quoi s’entraîner !
Nous étions retournés brièvement là bas en 2005, à l’issue d’un pèlerinage « Exode », des Pyramides à Jérusalem par le Sinaï et la « route des Rois » en Jordanie : un vrai goût de trop peu ! Et nous avions continué, pendant ces vingt dernières années, à rencontrer régulièrement Renée, qui nous disait : « Mais venez me voir chez moi ; je vous montrerai mon pays comme vous ne l’avez jamais vu ! ».
Et entre temps, retraités, nous nous étions mis à la moto, pour en poser les roues sur tous les continents ; nous avons commencé par le tour de la Méditerranée. Le 1er janvier 2011, nous les débarquions à Tunis… avec l’idée, puisque les frontières de l’Egypte et de Jordanie sont ouvertes, de sillonner tout Israël, puis de rejoindre la Turquie par Chypre. Tout au long de la longue traversée de la Libye, nous avions donc Renée sur Skype, qui affichait fièrement « Al Qods » ! Mais les « Printemps arabes » nous ont rattrapés en Egypte ; après être restés bloqués pendant 10 jours en Egypte à 300 km d’Alexandrie, nous devions faire demi-tour, la mort dans l’âme (Cliquez ci-dessus à droite sur Chap 3 A motos en Tunisie, Libye, Egypte).
Donc, nouvelle tentative cette année ; nous irons bêtement en avion ; nous ne nous laissons pas impressionner par les roquettes du Hamas de cet été, ni par les décapitations dans le désert syrien, ni par les voitures bélier à Jérusalem Ouest la veille de notre arrivée : nous savons bien que ce pays est le mieux sécurisé du monde !
Nous avons demandé à Renée de nous faire comprendre la situation politique de son pays, et notamment la question des colonies : vue de chez nous en France, la colonisation ne cesse de faire l’actualité, et semble bloquer toute possibilité d’avancer dans une solution du problème israélo-palestinien, un des cancers du Moyen Orient : est-il envisageable d’aller dans « les Territoires » ? Dans une colonie ? De rencontrer des Palestiniens ? Des colons ?
Nous arrivons chez elle en taxi dans la nuit… Après une bonne grasse mat’ – Renée n’était pas là à notre réveil, mais partie pour un anniversaire… dans les Territoires… – dès notre premier jour à Jérusalem, elle nous emmène dans l’après-midi … à une « manif » pro-palestinienne ! à Jérusalem Est. Renée a passé quelques coups de fil à ses copines de « La Paix Maintenant » ; là-bas, nous retrouvons Nora ; c’est une manifestation qui se tient à la même heure tous les vendredis ; nous n’étions que quelques dizaines avec des panneaux demandant l’arrêt de la colonisation. Les voitures arabes qui passaient klaxonnaient en faisant le V de la Victoire, mais il n’y avait avec nous que deux arabes qui avaient été expulsés d’une maison proche ; nous avons croisé de nombreux juifs hassidim (ultra – orthodoxes) habitant dans ces maisons réquisitionnées (ou récupérées avec des titres de propriété juifs datant de l’Empire Ottoman), où cohabitent encore partiellement les anciens propriétaires… Le soir, c’est shabbat ; nous avons été le célébrer chez des voisines de Renée : chants, bénédictions, bonne cuisine végétarienne et discussions politico-religieuses sur Le Mur (celui du Temple, où a prié Jean Paul II) ou le mur (celui qui sépare Israël des Territoires, où a prié François).
Le lendemain, c’est donc shabbat, personne dans les rues. Renée nous emmène participer à une autre manifestation, cette fois contre le mur de séparation. Départ en taxi vers 10h30 en direction du grand stade, où nous attendent un car venu de Tel Aviv et un autre pour nous ; nous sommes une centaine de personnes ; nous avez rendez-vous au sud de Jérusalem, dans les Territoires, à quelques kilomètres de Bethlehem, le long de la grande route « 60 » qui va à Hébron et Beer-Shev’a. Pour quoi y faire ? C’est ce qu’on nous explique pendant la 1ère heure avant de partir : en gros, un jeu scénique devant le mur de séparation ; des Palestiniens seront réunis sur le même jeu scénique au même moment de l’autre côté de la séparation ; entre colombes de la paix ‑ aimables petits anges ‑, pancartes, effigies, drapeaux et simulacre de mur, il faut faire comprendre que le mur doit tomber ! A 13h30, nous allons retrouver nos nouveaux amis Palestiniens chez eux à Bait Jala pour un petit meeting sous les oliviers. Et à 16h, une heure avant la nuit, Renée nous emmène sur une promenade pas loin de chez elle, d’où se déroule l’inoubliable panorama de la Ville Sainte au coucher du soleil.
Vous trouverez toutes les photos, avec de nombreux commentaires, sur ces deux premières journées en cliquant sur :