Amis blogueurs, si vous n’êtes bourlingueurs que sur Internet (c’est déjà pas ma.l !) il faut que vous sachiez que préparer un voyage c’est d’une part déjà voyager : lecture des guides, lecture des forums de voyageurs, rêverie sur les cartes, choix des itinéraires, listage des contraintes et – plus prétentieux que tout – anticipation des imprévus possibles ! Comme cette liste est un peu générale, voici pour l’illustrer l’aventure des visas iraniens
Nous sommes donc 4 candidats à vouloir passer en voiture la frontière turco-iranienne le 23 octobre prochain si tout va bien : Véronique & Marie auront rejoint la veille à Van (Turquie kurde) leurs maris Philippe et Bernard. Pour obtenir un visa iranien, il faut avoir une invitation d’une agence de voyage (ou d’une société locale, ou d’un organisme tel qu’une université…) qui en fait la demande – pour un itinéraire et des dates données (et notamment une entrée sur le territoire à partir du 21 octobre) – auprès du Ministère Iranien des affaires Etrangères. Celui-ci émet un ‘n° d’invitation’ qu’il envoie au Consulat d’Iran, lequel appose le visa sur le passeport après avoir recueilli nos empreintes digitales. Un peu plus compliqué pour nous puisqu’il fallait 2 invitations, l’une pour le Consulat d’Iran en France (qui met 3 semaines à délivrer le fameux sésame), l’autre pour l’Ambassade d’Iran à Beyrouth pour Bernard qui y est en mission 3 semaines sur 4. Bernard, aussitôt le numéro obtenu (le 21 juillet dernier) s’est précipité à l’Ambassade entre deux voyages où il a besoin de son passeport. Après un marathon en taxi pour aller payer les 50€ de visa auprès d’une banque iranienne, le Consul lui a délivré son visa sur le champ : bravo et … dommage, car le visa, valable pour 90 jours, ne l’est que jusqu’au 19 octobre 2010, soit juste avant que nous ne passions la frontière ! Que faire ? Car le n° d’invitation est épuisé, et … il ne peut être délivré de nouveau visa tant que le présent est valable ou inutilisé ! Après une phase tout à fait vaine d’énervement, une seule solution : l’utiliser d’abord avant d’en demander un nouveau… ! L’occasion d’aller faire un tour de reconnaissance en Iran : de Beyrouth c’est l’affaire d’un long WE : un petit tour de 4 jours dans les coins les plus touristiques de l’Iran : Ispahan, Persépolis et Chiraz. Il y a pire comme punition ! Ci-dessous donc un petit album de photos sur trois villes de rêve que nous n’avions pas prévu de visiter avant de revenir plus longuement avec nos motos :
ISPAHAN – Capitale des Séfévides (du XVIème au XVIIIème siècle), qui ont notamment fixé les frontières actuelles de la Perse, l’ont converti au chiisme, et instauré la théocratie du Shah : Ismaël 1er, le ‘guide parfait’, est une émanation de Dieu un peu comme aujourd’hui le Guide Suprême de la révolution islamique est celle de l’imam caché. C’est Shah Abbas qui en fera une capitale qui reste aujourd’hui une des plus belles villes du monde islamique.
PERSEPOLIS – La capitale de l’empire achéménide (du VIème au IVème siècle av. JC), celui fondé par Cyrus le Grand. C’est à Darius – battu par les Athéniens à Marathon ¬ qu’on doit la grandeur de la ville, et à Alexandre le Grand sa ruine en -330. La révolution a détruit le mausolée que le général cosaque devenu Shah sous le nom de Reza Pahlavi s’y était fait construire.
SHIRAZ – La grande ville, à 60 km de Persepolis, est célébrée pour son art de vivre, sa vie intellectuelle, ses poètes, et ses jardins, notamment depuis qu’elle fut capitale de la Perse au XVIIIème siècle.
Accompagné de son ami Pierre Fachon venu le rejoindre pour l’occasion, ils ont fait ce tour rapide et enchanteur comme des fusées (dommage), vous trouverez dans la galerie un aperçu de quelques photos. Côté organisation de ce tour express, Thetis Travel (Teheran) a concocté un programme bien fait : arrivée un vendredi à 2 h du matin à Téhéran (l’aéroport est très au sud de la ville) un taxi attendait les touristes, assez grand pour y dormir sur l’autoroute de 450 km qui va à Ispahan où le lever de soleil sur les ponts valait à lui seul le déplacement. Ispahan et ses jardins ce n’est pas une légende ; quant aux mosquées couvertes de mosaïques, il y en a pour tous les goûts et si ça ne suffit pas les palais variés autour d’Imam Square vous enchanteront, ou les fresques dans les églises arméniennes. Les deux jours à Ispahan, ses kilomètres de bazar, le B&B trouvé par l’agence, les restos, les touristes iraniens (derniers jours de vacances scolaires ; pas d’autres touristes) : tout l’Orient enchanteur. Dès le dimanche matin tôt, départ dans un autre taxi vers Persépolis par une autoroute roulante limitée à 110 km/h et fortement fliquée par des types à jumelles : d’ailleurs notre chauffeur s’est fait prendre, il faut dire qu’il y aurait 35 000 morts par an sur les routes iraniennes, c’est trop ! Persépolis très impressionnant de majesté et de sculptures pleines de détails fins. Une guide charmante avait pris le relais du taximan : un puits de science (et d’histoire). Dans l’aprèm, (auto)route vers Chiraz et sa forteresse ; bel hôtel dans la vieille ville. Le lundi, visite de Chiraz, moins de charme qu’Ispahan, mais des visites plus variées de maisons bourgeoises, de mausolées de poètes, du bazar plein de tapis, des mosquées faïencées dans un air sec et chaud (32°, comme à Beyrouth, mais agréable car sec, pourvu que l’on boive souvent). Ce même lundi soir notre chère guide nous a laissé à l’aéroport de Chiraz, hangar lugubre où les 6 vols internationaux par jour ne créent pas une animation suffisante pour y passer agréablement la moitié de la nuit à attendre le vol de 3h du matin pour rentrer !!!
Bref cette escapade a permis à Bernard d’épuiser son visa et de pouvoir en demander un autre : nouvelles invitation, etc… et patatras le Ministère l’a envoyée par erreur à Paris ! Thetis Travel va la faire transférer à Beyrouth ; il y a quelque espoir de l’avoir pour le 6 octobre, sachant que le départ de Beyrouth est prévu le 14 ! Stressant la vie de retraité baroudeur ! Entre temps les Parisiens auront peut-être obtenu les leurs ? Yalla !
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1 – Une nouvelle tentative vers l’Asie
Chers lecteurs,
Nous/vous avions laissés en mars dernier sur les routes enneigées de la botte italienne avec nos motos. Nous revoici pour de tout autres aventures sous le signe du chiffre 4. De 2 voyageurs, nous allons passer à 4 : nos amis Marie et Bernard Champanhet ont en effet accepté de se joindre à nos aventures malgré notre réputation de ‘chat noir’ résultant des révolutions arabes nées sur notre passage au cours de l’hiver dernier (cf. ci-dessus le lien vers ‘Les Perrin Chapitre 3’). Ce sont eux qui nous ont proposé de partir, toujours en Honda, mais cette fois en 4×4 (! Honte et trahison !) faire le tour du Mont Ararat, en espérant que notre arche – météo hivernale ou révolutions – ne va pas s’y échouer.
A cette fin, 4 équipes se sont mises en 4 pour préparer ce voyage : Jean-Paul André est allé à Nice tester et acheter la voiture, et l’a conduite à Aubenas (Ardèche), où Edouard Corbin l’a ramenée jusqu’en Annonay, puis Marie l’a drivée jusqu’à Paris, et enfin Thierry Ossent l’a remisée à Versailles depuis le printemps pour l’équiper un peu avec son frère Patrice, pendant que Philippe s’occupait de préparer la paperasserie pour les frontières à venir, et que Bernard coordonnait cette activité fébrile à partir de Beyrouth (Liban), où il est basé jusqu’à la mi-octobre. Fin de la première étape préparatoire.
2° étape : le 30 juin 4 Ossent ont pris la route du Sud : Thierry & Aude, Patrice & Brigitte : Versailles, Suisse, Italie, Grèce, arrivée à Athènes. Avant de vous régaler de leur compte-rendu (ci-après), un bref aperçu des 3° et 4° étapes qui nous/vous attendent : sauf imprévu, début octobre, Philippe récupére la voiture au Pirée avec son cousin Marc Perrin pour l’amener à Antioche, puis les 4 ‘titulaires’ d’Antioche pour les 4 pays qui entourent le Mont Ararat : le Kurdistan turc, le Nord Ouest de l’Iran , l’Arménie et la Géorgie. Retour vers l’Ouest par la Turquie à nouveau (côte sud de la mer Noire), Istanbul, la côte turque de la mer Egée et le retour en France. Pour être précis, Véronique et Marie ne rejoindront malheureusement leurs maris qu’en pointillé 15 jours par-ci 3 semaines par-là compte tenu de leurs engagements parisiens; nous vous tiendrons au courant.
mail envoyé le 6 juillet par les OSSENT du ferry qui les emmenait de Brindisi (Italie) à Patras (Grèce)
Chers tous
Nous sommes à 2000 km de la base, et Madame Honda tient toujours vaillamment la route. Après Genève, Florence, Sienne, Assise, nous séjournons dans les Pouilles à San Giovani Rotondo, la patrie du Padre Pio. Ce soir, ferry pour Patras.
L’aisance de Patrice en italien est notre premier atout, il se renseigne, négocie, et remet au pas ceux qui essaient d’abuser de la bonne volonté des touristes que nous sommes. Son sens du défi et la ténacité qui le caractérisent lui ont permis de repousser les limites de l’attendu, comme garer la voiture sur la place de la basilique de Sienne (ville interdite aux voitures rappelons-le…) ou obtenir des médicaments de classe III chez le pharmacien sans ordonnance… Bref avec lui on flirte sans cesse avec le miracle. De son côté il flirte plutôt avec les lignes jaunes et les limitations de vitesse, mais nous appliquerons sans scrupule la règle d’or du voyage : chacun paie pour ses PV !
Thierry est le sherpa (pluriel = sherpe) attitré de Aude. Sa principale interrogation ces trois derniers jours est : “mais pourquoi les sites touristiques italiens sont-ils tous sur des collines ?” Le pauvre a vécu deux drames que l’entraide du groupe l’a aidé à traverser. Il s’agit de la perte de sa casquette, et de la disparition d’un verre de contact dans le siphon du lavabo. Heureusement Bernard avait judicieusement placé dans la voiture une trousse à outils dans laquelle il a puisé les pinces nécessaires au démontage du lavabo. A minuit il n’a pu se rendre qu’à l’évidence : la lentille avait disparu corps et biens.
Aude est courageuse dans l’adversité mais elle profite bien du voyage. Sa carte “bleue” nous ouvre de nombreuses facilités comme les parkings ou les entrées de musée gratuits. Je sais qu’elle réfléchit déjà à la conception d’un nouveau fauteuil, qu’elle appellera “Speedor” (appellation réservée aux latinistes bien sûr), du type 4×4, avec suspension hydropneumatique et GPS.
Brigitte enfin est notre guide, notre référence, elle a organisé toutes les visites, elle les commente, son calme est bénéfique à tous dans la voiture quand il faut choisir une route alors que les trois indications de la carte, des panneaux et du GPS sont contradictoires…
Nous nous remplissons les yeux de cette Italie pleine de trésors, avec une petite appréhension pour la Grèce à venir : les moeurs et la langue nous isoleront autrement. Sans compter la nationalité française que nous partageons avec Madame Lagarde et qui ne sera pas forcément le bon vade mecum (je ne sais pas la traduction en grec).
Bien à vous.
Thierry, Aude, Patrice et Brigitte
mail envoyé le 9 juillet par les OSSENT d’Athènes
Chers amis
Nous terminons ce soir les valises pour prendre l’avion demain matin. Avec une certaine émotion bien sûr car ces 10 jours ont été merveilleux. Vous avez en fin de mail un lien vers le site Picasa qui héberge quelques photos pour vous.
Nous vous avions laissés la dernière fois en Italie, en partance pour la Grèce. Nous avons quitté cette Italie avec regret car il y fait vraiment bon vivre, même dans les Pouilles, à condition d’aimer le soleil et les olives bien sûr. La région des Trulli que nous avons visitée est très originale, une bizarrerie architecturale dont nous avons mal compris l’origine et la raison, mais nous y étions très bien. Nous n’avons hélas pas poursuivi jusqu’en Calabre alors qu’on nous avait dit que c’y était le pied. Tant pis ! (je crains qu’il n’y ait que les lecteurs géographes qui comprennent celle là…).
Après le pont de Rion-Antirion, le golfe de Corinthe nous a accueilli pour une halte digne des meilleurs paysages tropicaux, sable, mer bleue, paillotes, et température douce. De quoi nous mettre en forme pour affronter la visite du site de Delphes. Là encore Patrice a obtenu ce qu’aucun touriste n’a jamais obtenu, c’est à dire rentrer la voiture dans le site, exactement au dessus du théâtre, ce qui a mis Aude immédiatement à pied d’œuvre. Nous avons donc visité Delphes en descendant, sans fatigue, avec Speedo dans les pierres et les escaliers, là aussi un record.
A propos de Speedo, Aude est déjà sur les plans de Speedor II qui devrait être un engin à chenilles capable de monter les escaliers.
La halte suivante était une merveille de petit monastère (Osios Lucas), choisi par Brigitte qui a vraiment été inspirée, et la route nous a menés tranquillement à Athènes. L’Acropole, le Musée, le Parthénon, diner sur le Mont Lycabette, la totale. Et aujourd’hui le Cap Sounion, mer bleue profond, soleil de plomb, mais malheureusement beaucoup trop de vent.
Pour l’anecdote notons que Patrice a quand même été mis en échec puisqu’il a été incapable de monter la voiture au Parthénon. C’était un peu la honte. Nous sommes donc montés à pied, et quand il est redescendu de la visite pendant laquelle il avait offert à Ra pendant 3 heures son front dégarni, il titubait un peu. Nous n’avons pas très bien compris s’il avait bu trop de bières ou vu trop de pierres, en tout cas il n’était plus trop fier et a dormi toute l’après-midi. Pendant notre visite Aude avait suivi un circuit plus touristique en bus dans les rues d’Athènes, nous regrettons bien sûr autant qu’elle qu’elle n’ait pas pu monter.
Avec le grec nous revenons avec joie aux origines de notre grammaire. Sortie se dit Exode, descente se dit Cathode (et j’imagine que la montée est l’Anode), surcharge se dit Hyperbare, oui se dit Ne …et je crois que non se dit Savapalathêt.
Madame Honda est maintenant au chaud dans un parking dont on ne sait pas encore quand elle sortira. Le deal avec le garage est passé jusqu’au 6 octobre, ensuite advienne que pourra. Elle nous aura rendu de fiers services, elle est confortable (aussi bien à l’avant qu’à l’arrière), elle est fonctionnelle, on la quitte avec regret. Un bon choix.
7 – Retour par l’Italie
Comment dire notre état de ‘stupéfaction’ en arrivant en Sicile ? Cela faisait six semaines que nous avions fini par ‘entrer’ dans un voyage pas évident dès le départ : un peu éprouvant en Tunisie avec la traversée de la révolution, guère reposant en Libye avec tous ses kilomètres, tout à fait frustrant en Egypte, bloqués huit jours à une journée de route du tant attendu séjour alexandrin, notre marathon de retour en Europe avait achevé de nous épuiser tant physiquement que mentalement. Après récupération à Palerme, il restait à reconstruire un nouveau voyage toujours axé sur le tour de la Méditerranée. De Tripoli déjà, nous avions fait livrer par Amazon, chez une adorable tante Adèle, palermitaine de 92 ans, les cartes et guides manquant à notre collection pourtant déjà trop volumineuse, afin de rejoindre l’itinéraire prévu initialement : Sicile d’abord bien sûr, puis Calabre et Pouilles pour l’Italie du Sud, pour rejoindre la Grèce.
Mais ce n’est pas si facile de changer de programme ! L’aventure redevenait strictement européenne ; nous redevenions quelque part de simples touristes, les yeux et le cœur toujours braqués sur les développements des révolutions dans les trois pays arabes que nous venions de découvrir, avec un fort goût d’inachevé.
Bien sûr, nous pouvions toujours rêver au déclenchement d’évènements aussi palpitants en Italie ! Dès notre arrivée, la question des réfugiés des révolutions tunisienne et libyenne faisait d’ailleurs les manchettes des journaux : il nous a fallu plus d’une heure, sur le ferry de Tunis, et malgré notre passeport français, pour passer le contrôle de douaniers sourcilleux ! Le lendemain, sur la grande via Maqueda, quelques milliers de maghrébins manifestaient pour leurs frères algériens, tunisiens et marocains aux cris de « Allah Akbar ! », longeant les affiches qui appelaient M. Berlusconi à démissionner pour machisme excessif. Mais notre intérêt pour la Sicile se focalisait plutôt vers ses trésors arabo-normands !
La Sicile, c’est déjà et surtout l’Europe ! Même si on y mange avec ses doigts comme au Maghreb, que les rues y sont aussi sales et que l’essence y coûte quinze fois plus cher qu’en Libye, nous avons redécouvert des aspects déjà oubliés de notre civilisation : on n’y boit pas le coca à même la canette mais avec un gobelet plastique, les draps y sont généralement propres, la douche y est souvent chaude et avec de la pression, les toilettes sont équipées de papier hygiénique au lieu d’un robinet, les voitures s’arrêtent pour laisser passer les piétons, et les carillons remplacent les hauts parleurs lorsque c’est l’heure de la prière.
Après avoir parcouru la côte nord de la Sicile, et fait une escale à l’inévitable Taormina, les nouvelles de la Maman de Véronique sont devenues tout à fait alarmantes, nous décidant à renoncer à pousser plus loin vers l’Est, et à remonter par petites étapes vers la France.
Dès le passage du détroit de Messine et la Calabre, il devint évident que l’hiver était encore là : la neige couvrait tous les sommets, les stations services continuaient à vendre des chaînes, aucun bourgeon n’était apparu sur les arbres, et la température perdait encore plusieurs degrés. Pluie pour visiter Paestum et Herculanum, sommets couronnés de neige autour d’Assise, nous aurions dû mieux prévoir cet aspect de la question.
C’est sur l’autoroute entre Assise et Ravenne (200 km) que nous avons vécu notre plus mémorable journée de motards : il y a un petit col autour de 900 mètres, vers lequel l’autoroute se dirigeait en serpentant entre des collines de plus en plus enneigées ; il se mit d’abord à tomber un petit grésil glacé dans une forte bise du nord ; puis de la neige vint s’accumuler sous les glissières de sécurité, puis sur la voie de gauche, puis entre les roues de notre voie de droite. Je suis de plus en plus inquiet car Véronique m’a toujours averti, avec sagesse, que jamais, au grand jamais, elle ne pourrait rouler à moto sur la neige, et que là, malheureusement, elle en fait manifestement l’éprouvante expérience ! Mais que faire d’autre que de continuer ? Soulagé de passer les tunnels marquant le col en me disant qu’en redescendant, la neige qui tombait dru et collait sur nos visières et pare-brises allait rapidement se transformer en pluie… Mais pas du tout ; plus nous redescendions vers la plaine du Pô, plus la neige tombait dru ; les stations services où nous aurions pu penser aller chercher un refuge étaient recouvertes de 30cm de neige fraîche labourée par les semi remorques, et le plus praticable semblait encore l’autoroute, de plus en plus enneigée, mais qui nous rapprochait au moins de notre hôtel à Ravenne. A Cesena, 30 km avant l’arrivée, je m’arrête sur une bretelle enneigée pour expliquer la situation à Véronique ; elle finit par s’arrêter 10 mètres plus loin dans un paquet de neige … et d’imprécations mêlées de larmes, dont sort sa première question, logique : « quand est-ce qu’on redescend de ces montagnes ? » – « Mais nous sommes dans la plaine ! Ravenne est aussi sous 30 cm de neige ! ». Après un petit cigarillo mouillé, les bottes dans la neige, éclaboussés par les semi remorques qui continuent à débouler au ras de nos motos, nous reprenons courageusement nos guidons ; très vite, ‘heureusement’, une pluie diluvienne remplace la neige, nettoie nos pare-brises et inonde la route : les deux jours passés à Ravenne n’auront pas servi qu’à admirer les fresques !
Après une dernière étape italienne aux « Cinque Terre » (cf. photos), puis Menton hier, Marseille, Ruoms demain et Fontaines en Mercurey samedi, nous devrions arriver directement, et nous retrouver, pour ceux qui le peuvent, tout crottés de la pluie annoncée, pour un chocolat chaud
Au café « LA MER A BOIRE »,
1, rue des Envierges, 75020 PARIS
dimanche prochain 13 mars, à partir de 15 heures
6 – Demi tour !
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6 – Demi tour ! Je sais d’expérience qu’il lui en faut beaucoup pour renoncer à ce qu’il a décidé, mais là, pour une fois, il a calé : 2011 n’est décidément pas la bonne année pour tenter le tour de « La Méditerranée par l’Est » ; vous aurez d’ailleurs remarqué que, dans sa première note du 14 décembre, il avait eu la prudence de mettre un point d’interrogation à son titre !
Je dois avouer que ce qui est arrivé en Tunisie, puis en Egypte, était quand même difficile à prévoir… Même en Egypte, ce qui me faisait peur avant de partir, c’est que Philippe avait trouvé plein d’adresses auprès des communautés coptes du wadi Natrum, du Caire, de Mahalla el Koubra et d’Alexandrie, et que le jour même où nous embarquions sur le ferry de Tunis, le 1er janvier, une voiture piégée explosait devant la grande église des Coptes d’Alexandrie (21 morts) ; impossible de lui faire comprendre que je n’avais plus du tout envie de rencontrer des Coptes d’Egypte ! Eh bien non, là encore, ce n’est pas ce risque d’explosion qui nous a bloqués !
Il est vrai aussi qu’il avait tout bien préparé des (amis d’) amis à Tunis, Tripoli, Alexandrie, Le Caire, Amman, Beyrouth ; les carnets de passage en douane ; les cours d’égyptien ; les motos ; les visas, notamment pour la Libye, etc… et que cette préparation nous a permis d’être bien informés, de prendre les bonnes décisions, et de revenir rapidement sans trop de difficultés. Mais vous savez combien il y a de kilomètres entre Marsa Matrouh et Tunis ? 2.499 exactement ; au plus court ; et vous savez en combien de temps il me les a fait faire, à moi qui m’endors au guidon au bout de 150 à 200km ? Du samedi matin 5 février au samedi soir 12 février, cela fait 8 (huit) jours, deux frontières, dix sept barrages de policiers ou militaires, et deux journées de plus de 500km chacune, toutes de routes africaines où l’on conduit « comme dans un jeu vidéo » ; et encore, nous nous sommes reposés une journée complète chez Virginie et Nicolas à Tripoli (un vrai bonheur !) ; je ne sais toujours pas comment j’y suis arrivée ; lui non plus d’ailleurs, à voir son état de fatigue à l’arrivée, ici à Palerme (Sicile) ; lui qui m’avait expliqué qu’il voulait apprendre à voyager « lentement » !
J’étais un peu émue en partant de Marsa Matrouh ; un journaliste du Caire nous attendait devant l’hôtel pour prendre quelques photos pour illustrer l’interview que Philippe lui avait accordé la veille (cf. album de photos) ; puis, sur la route de Salloum, des tanks bloquaient la route en la prenant en enfilade avec leur canon, et les militaires paraissaient perplexes devant nos passeports ; pas d’essence dans les stations service, heureusement, on en avait juste assez pour arriver à la frontière. A Salloum, on retrouvait Mahmed, notre guide libyen, on échangeait nos plaques égyptiennes contre nos plaques libyennes, et on refaisait nos pleins à 0,12 € le litre.
Je n’étais pas ravie, vous l’imaginez, d’être à nouveau en Libye, cette fois sans même un prétexte touristique : peu de possibilités de « skyper » avec mes enfants, et encore, en étant écoutée… ou carrément coupée, laideur et saleté des villes, les draps (bout de chiffon) ayant déjà servis…. (je passe les détails)…. J’ai essayé, le soir, après les 400 km quotidiens de désert, en nous dérouillant les jambes, de faire des courses, mais, décidément, Philippe ne voulait pas de chemise de nuit (rien acheter, il n’y a pas de place dans les valises !) ; j’ai juste trouvé deux tarbouches (le noir se porte en Cyrénaïque, le rouge en Tripolitaine) pour mes prochaines tenues de mariage, et des pantalons pour Mahmed ! Partout, il y avait de grandes affiches avec « 41 » : ce n’était pas une publicité pour une boisson (il paraît que c’est plutôt « 51 » chez nous ?), mais… Kadhafi qui se vante d’être au pouvoir depuis 41 ans, authentique ! Ben Ali et Moubarak enfoncés !
Après des journées entières de kilomètres de routes toutes droites dans le désert, on apprend à regarder surtout le ciel, qui a parfois quelques nuages, ici, en février (on a même eu 24 h de pluie autour de Tobruk, on en ressort couverts de boue….), avec des lumières que j’aurais bien voulu tenter de retrouver un jour dans mes aquarelles ; voilà à quoi je pense tout en slalomant à l’instinct en surveillant les fous dans mes rétros !
A l’entrée en Tunisie, tout était apparemment beaucoup plus calme que quatre semaines plus tôt. Sauf que notre hôtel à La Goulette, à côté du quai où Philippe pensait trouver un ferry pour la Sicile le lendemain, était juste à côté d’une « Garde Nationale ». Et que ces gens ont des fusils à lunettes qui ont servi à exploser la tête des pillards le mois dernier. Et que la jeunesse casse leurs bureaux au rythme de deux à trois par semaine. Et qu’en entrant dans l’hôtel avec nos valises, à la réception, il y avait là une ½ douzaine de battle dresses avec fusils à lunettes, tout excités : Philippe m’a ensuite fait prendre le café (au café Toulouse !) dans les terrasses en bord de mer juste au milieu de petits groupes de jeunes tout excités eux aussi…
La traversée en ferry de Tunis à Palerme, au milieu des centaines de barques de réfugiés tunisiens, nous faisait passer dans un autre monde… plus calme ?
A bientôt avec vos commentaires sur le blog ! Et bonne lecture !
5 –A Marsa Matrouh (Egypte) ? !
5 – A Marsa Matrouh (Egypte) |
J’aurais bien voulu intituler cette note « En Egypte », mais comme nous n’avons pas pu dépasser la ‘ville’ de Marsa Matrouh, 230 km de pur et strict désert après la frontière libyenne, j’ai préféré réserver le titre « En Egypte » pour la note d’un prochain voyage, à réaliser dès que possible !
C’est un peu comme il y a deux ans, notre arrêt forcé à Vittoria, au Pays Basque, pour cause d’abondantes chutes de neige dans tout le nord de l’Espagne, qui avait mis fin de fait à notre marche vers St Jacques : après un temps de stupeur de se voir arrêté en plein élan, puis de jubilation à découvrir un espace d’oisiveté, de temps libre et de repos forcé, la frustration monte peu à peu de ne pas pouvoir réaliser nos projets. Et puis, peu à peu, à force d’attendre, d’espérer, d’écouter, de tenter de comprendre ce qui se passe au Caire et Alexandrie, on laisse venir confiance, harmonie… et nous trouvons à nous occuper intelligemment !
C’est aujourd’hui le 8ème jour que nous sommes ici. Par chance, comme nous vous l’avons dit dans la note précédente, l’hôtel est probablement le meilleur que nous ayons eu depuis Tunis il y a plus d’un mois, et pas loin d’être le moins cher… La chambre capte le wifi de la réception (sauf pendant les 5 interminables jours où l’Egypte à suspendu tout service Internet…), le sable fin de la plage est à 30m, les bleus outremer, cyan et émeraude de la Méditerranée sont à 50m, au fond d’une baie protégée par une passe, là bas, au loin, où l’on voit quelques vagues déferler sur la barre ; à la tombée de la nuit, si l’on y prête attention, retentit l’appel à la prière, pas trop violent, nous sommes en zone hautement touristique, même si nous sommes depuis une semaine les seuls clients de l’hôtel ; la nuit, il y a d’un côté les lumières de la Corniche, de l’autre les feux rouge et vert indiquant aux deux garde côtes qui patrouillent ici le cheminement pour gagner la lagune, derrière nous.
Pour être honnête, une révolution en direct, c’est un peu fastidieux ; de France, vous avez un résumé, en images, des évènements du jour en quelques minutes ; ici, nous passons des heures sur CNN, rythmées par les deux journaux télévisés quotidiens de TV5Monde.
On comprend qu’au moins une partie des Frères Musulmans ne sont pas, en Egypte, si extrémistes qu’on a voulu nous le faire croire ; que ce ne sont de toutes façons pas eux qui ont lancé le mouvement, mais la classe moyenne, étudiante, des professions libérales et intermédiaires, des fonctionnaires et de ceux qui vivent du tourisme ; que la grande bourgeoisie d’affaires – à l’instar du propriétaire de l’hôtel Beausite où nous sommes, parfaitement francophone – s’était parfaitement intégrée au régime, et qu’elle estime avoir tout à perdre à de profonds changements d’une société très inégalitaire. On découvre ensuite que le régime navigue à vue, ne reculant devant aucun moyen pour neutraliser le mouvement de contestation : dans un même élan, il fait disparaître soudain toutes les forces de police, ferme les sites touristiques, et permet l’évasion de milliers de prisonniers de droit commun, provoquant des pillages, l’insécurité… en espérant sans doute apparaître ensuite comme le restaurateur de l’ordre. Du coup, « politique du pire », les touristes et familles d’expatriés fuient le pays dans la pagaille, des milices d’autodéfense privées contrôlent les routes et quadrillent les quartiers, dangereusement armées de bric et broc, les stations d’essence et les distributeurs de billets sont vides. La réplique du régime continue dans la même voie : les médias étrangers sont passés à tabac, des contre manifestants viennent donner coups de pierre et poings aux contestataires, et il apparaît bientôt qu’ils sont en majorité des policiers en civil ou des mercenaires de la rue.
Ici, à Marsa Matrouh, le centre ville est quadrillé par l’armée à l’aide de tanks et automitrailleuses, dont deux sont affectées à la protection de notre hôtel ; deux chasseurs ont survolé la ville, et deux garde côtes patrouillent au large du quartier « chaud ». Les quelques contacts que nous avons noués tant au Caire (merci Henri et Florence !) qu’à Alexandrie (merci Hervé et Denys ! Hervé Laroche a changé l’opinion que j’avais des consuls en période de crise !) nous engagent tous à rester à Marsa Matrouh, puis, quelques jours plus tard, à faire demi tour. Nous avons donc redemandé mercredi 2 notre visa pour la Libye, l’avons reçu le jeudi 3 par email (merci M. Mustafa Shibani !), et notre réceptif Mohmed nous attend à la frontière demain samedi 5 à 16 h (Mohmed aura fait les 1400km en 30 heures…).
La suite du programme est encore incertaine, mais toutes les options, pour l’instant, nous retrouvent à Tripoli la semaine prochaine et à Tunis avant la fin du mois, éventuellement après une semaine de vacances dans l’Akakous (après avoir laissé les motos à Tripoli, gravures rupestres dans l’extrême sud ouest de la Libye), soit après trois jours à marche forcée à travers la Tunisie, soit par un navire « RORO » (« roll in, roll out » = cargo avec porte pour les véhicules) direct Tripoli/Tunis, puis un ferry vers la Sicile. Nos regards se portent ensuite à nouveau, vous vous en êtes doutés, vers l’Est : la Calabre et les Pouilles que nous n’avions pas pris le temps de visiter l’année dernière ; Ithaque, bien sûr, après avoir croisé la grotte de la Calypso à Tanger et les Lotophages à Djerba ! Peut-être l’Eubée pour faire un coucou à Patrick et Marie-Pierre, puis la Crète, comme prévu initialement à la mi-Avril ! Que MM Berlusconi et Papandréou prennent garde !
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4 – En Libye… et juste avant… et juste après !
EN QUITTANT LA TUNISIE
Nous vous avions quittés à Djerba, au lendemain du départ précipité du Président tunisien Ben Ali, et à la veille de passer dans un pays a priori plus calme, la Libye. Et en effet, le lendemain dimanche 16 janvier, nous avons eu quelques belles émotions entre Djerba et le poste frontière de Ras Ajdir. D’abord, à l’entrée de la ’chaussée romaine’ qui relie l’île au continent africain, une démonstration de force de l’armée : des soldats en évidence sur les toits, et un camion équipé d’une mitrailleuse 12,7mm. Quelques kilomètres avant Zarzis, un second barrage de l’armée où des trouffions nous pointent avec leur fusil jusqu’à l’arrêt complet des motos ; mais on ne nous pose que quelques questions. La traversée de Zarzis nous montre une ville en état de siège : magasins fermés, beaucoup de monde en petits groupes dans les rues, deux automitrailleuses aux deux principaux carrefours. Alors que nous nous croyons enfin tranquilles, à la sortie de Zarzis, un premier vrai contrôle par des militaires, qui pointent sur nos ventres leurs fusils équipés de baïonnettes, et nous demandent nos papiers. A l’entrée de la digue de Naoura (photo), deuxième contrôle des papiers, mais le sous officier est illettré, et veut se faire montrer nos visas d’entrée / Autorisation de circuler / Correspondance avec le n° des plaques d’immatriculation etc… Nous avons encore la ville de Ben Guerdane à traverser… un barrage de pierres y coupe toute la route et est tenu par de jeunes excités qui nous acclament le pouce levé ; nous passons par les trottoirs, avec le sourire bien sûr, pour tomber, 300 mètres plus loin, sur notre dernier barrage, avec automitrailleuse, pour un troisième contrôle de nos papiers, un peu nerveux ; mais ils ne semblent guère avoir envie d’aller voir 300 mètres plus avant ! Nous arriverons un peu en retard à notre rendez-vous à la frontière avec notre « réceptif », Fadel, envoyé de Nozha Voyages, mais il est vrai qu’ici, chacun sait mieux que chez nous que seul Dieu est maître de nos vies… et de notre emploi du temps. Une petite anecdote d’abord pour vous mettre en ambiance libyenne.
EN LIBYE
Quand nous avons quitté le site de Ptolémaïs, au bord de la mer, dans la plaine côtière du nord de la Cyrénaïque (quelques photos commentées dans l’album ci-joint), nous n’avons pas prêté d’attention particulière au fait que notre guide, Mohammed, téléphonait de son portable ; nous étions juste un peu frustrés d’avoir à le suivre au pas sur la belle route, presque « de montagne », qui escalade le Djebel al Akhdar (la montagne verte), alors qu’elle incitait à essorer un peu la poignée des gaz ; au sommet, nous avons changé de pays : la route court tout droit dans des champs à perte de vue, d’un vert tendre étincelant, parsemés de petites fermes pimpantes, dont les trois portiques de façade marquent souvent qu’elles ont été construites par des colons italiens entres les deux guerres ; cela nous changeait des 2.500 km de désert parcourus depuis Sousse ! C’est alors que Mohammed, dans sa voiture devant nous, s’est mis à rouler à plus de cent km/h ; difficile de prendre des photos du guidon dans ces conditions ! Surtout que, dans mes rétroviseurs, apparaît soudain un gros 4×4 qui semble vouloir me dépasser en me collant ; je serre le bas côté avec mon clignotant… mais non… il reste collé à mon topcase, avec ses warnings allumés ; nous avions vécu la même expérience la veille, en entrant dans Benghazi (Véronique : « Il y a quelqu’un qui nous suit ! ») : il s’agit de ces messieurs de la sécurité, qui tiennent à nous montrer, autant à nous qu’à notre Mahmed, qu’ils sont là, qu’ils veillent ; ils ont probablement demandé à celui-ci de les prévenir quand il quitterait Ptolemaïs, puis de rouler lentement pour qu’ils puissent nous rattraper ; 40 km plus loin, ils s’évaporent ; et quand je demande à Mahmed quel est ce genre d’intimidation, il répond que chacun fait son métier, lui le sien, et eux le leur : imparable !
Quand on pénètre en Libye, dès les premières heures, nous sommes frappés par plusieurs nouveautés que nous n’avions jamais rencontrés ni en Afrique noire, ni lors de nos derniers voyages :
– d’abord, les Libyens conduisent comme des fous ; pas « mal », non ; mais ils se prennent tous pour des as du volant ; ils aiment faire crisser leurs pneus, dans les carrefours en ville comme au démarrage ; il n’y a ni limitation de vitesse, ni apprentissage de la conduite, ni aucun contrôle de sécurité routière : tout semble permis. Bien sûr, les normes de construction des routes ne sont pas les mêmes que chez nous ; l’absence de barrières de sécurité permet de faire demi tour sur les autoroutes, dont la bande centrale peut servir de pâture aux moutons, leurs chiens et leur berger. Les accidents mortels sont tels que la circulation des camions est interdite de nuit depuis deux ans : un de nos fidèles lecteurs, Jean Paul, qui se reconnaîtra, aurait-il quelques statistiques en la matière à fournir à nos lecteurs par un message sur le blog ? Ce qui est sûr, c’est que nous sommes arrivés à Tripoli (1,5 millions d’hab), en suivant la voiture de notre Fadel, un peu fatigués et à la nuit tombée – nous étions le matin à Djerba, avions passé la frontière … et visité les ruines de Sabratha (voir photos) – à l’heure où les Tripolitains partent travailler et s’amuser, et que la situation a réveillé Véronique au point de la croire place de l’Etoile, en bref, parfaitement à l’aise dans le trafic décrit comme mortifère par tous les guides touristiques !
– Ce qui frappe ensuite, c’est que la Libye est un pays socialiste depuis quarante ans, et d’un socialisme paternaliste et redistributif qui aurait les moyens de s’en payer le coût, grâce à ses recettes pétrolières ; comme il est interdit de posséder un logement loué à quelqu’un d’autre (« La maison à celui qui l’habite »), l’Etat construit à tour de bras (à l’entrée sud-est de Benghazi, les Chinois terminent le gros œuvre d’une cité de 50.000 logements : du Sarcelles s/Sable !), et prête l’argent nécessaire aux acquéreurs : 90% de la population est urbanisée, moins de 10% vit du secteur primaire. Le commerce privé, qui a longtemps été interdit, n’a pas bonne presse, et il est impossible de faire ici officiellement fortune. Ce socialisme est également islamique : l’alcool est rigoureusement interdit partout ; ce socialisme est aussi xénophobe : les « taxis » (mot à l’évidence d’origine anglo-saxonne… !) ont été débaptisés « voitures de louage », et surtout, surtout, l’alphabet latin est interdit dans l’espace public, ce qui peut être assez déconcertant ! Le résultat, au moins apparemment pour l’idée que peuvent s’en faire des visiteurs qui, comme nous, traversent le pays en 12 jours, c’est d’un côté que les gens ne semblent que très peu travailler, ou avec peu d’ardeur ; qu’ils ne traînent pas dans les cafés (quasi inexistants) puisqu’ils ont un « chez eux » ; qu’ils n’ont aucune raison formelle de se plaindre ; et qu’ils vivent dans une « bulle » : les évènements qui affectent leurs deux voisins, la Tunisie et l’Egypte, leur confirment les bienfaits du système libyen ! Pour les touristes que nous sommes, cela veut dire en pratique : pas de cafés en terrasse (pas même sur les superbes marina et corniche de Tripoli et Benghazi), pas de souks animés, pas d’autres restaurants que des « fast food » locaux, des hôtels, éventuellement luxueux mais le plus souvent minables, au personnel lymphatique et négligent, à l’image de la demi douzaine de musées que nous avons visités : en général poussiéreux, mal éclairés, et aux explications en arabe : le tourisme n’est manifestement pas une des priorités actuelles de l’Etat !
– Ce qui frappe enfin, bien sûr, c’est le côté « sécuritaire », qui nous met en tutelle dès le pied posé dans le pays : un « guide » nous accompagne partout (120 €/j avec sa voiture – il a refusé de monter sur la moto), nos passeports restent à la réception des hôtels ; il n’y a pas de boîtes aux lettres dans les rues, ni de service Internet sur les portables, et les éventuelles connexions wifi obtenues dans les hôtels sont en général coupées au bout d’une ½ heure ; si on roule « vite » (cf. ci-dessus !), il faut cependant s’arrêter tous les 50 km environ à des barrages de police à qui notre guide remet la photocopie, préparée à l’avance, d’un état portant nos états civils complets et ceux de nos motos ; éventuellement, un gradé réfère de notre passage par téléphone avant de nous laisser repartir. Sans parler de ces messieurs de la sécurité évoqués plus haut. Le système évoque ce que nous savons du système soviétique d’il y a trente ans, et le désert égyptien nous a paru hier, dès le passage de la frontière, d’une beauté incomparable débarrassé de la voiture qui nous précédait !
A côté de ces « nouveautés » dans notre vie de globe bikers, la Libye s’est montrée encore plus belle qu’espérée, ainsi que les trop nombreuses photos ci-jointes tentent de vous le montrer. D’abord, le temps a été idéal pendant tout notre séjour : grand beau / bleu / sec, presque frais, sauf sur quelques sites visités sous nos vestes de motos. Ensuite, faire près de 2.000 km avec de l’essence à 0,12 €/litre, cela compense partiellement les surcoûts évoqués ci-dessus. Nous avons aussi fait quelques belles rencontres, comme ces Tunisiens émigrés, émus de croiser quelqu’un venant du pays ; ou cette vieille et grosse femme claudiquant à la frontière de Ras Ajdir, qui découvre que, sur cette moto, Véronique est une femme : stupeur, puis grand sourire, et clin d’œil avec le pouce levé ! Cet ami d’amis enfin, Nicolas, expatrié à Tripoli, qui, sur un simple sms, nous envoie son chauffeur à l’hôtel au dam de notre cerbère, et nous reçoit impromptu en toute simplicité, tout seul chez lui, au milieu des très belles compositions de son épouse Virginie alors encore en France.
Il y a enfin et surtout les extraordinaires sites gréco-romains de Sabratha et Leptis Magna en Tripolitaine (à l’Ouest, autour de « Tripoli », la triade de villes, « Oea » étant la troisième, sous la ville de Tripoli), et de Ptolemaïs, Cyrène et Apollonia en Cyrénaïque.
La Libye est un désert « trait d’union », dont la côte s’organise autour du golfe de Syrte, frontière entre le Maghreb à l’Ouest, et le Machrek à l’Est ; le Sahara remonte ici jusqu’à la Méditerranée ; quand les Phéniciens partent fonder Carthage, ils trouvent des relais sur les côtes de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine, avec abris portuaires et eau douce. Les Grecs ensuite, dès le VIIème siècle BC, viendront fonder des colonies sur la côte africaine. La Cyrénaïque dépendra ensuite des Lagides d’Egypte (deux Ptolémée auront des épouses cyrénéennes qu’ils combleront de richesses), tandis que la Tripolitaine fera partie des royaumes numides entrés dans le jeu politique entre Rome et Carthage. Les empires romains puis byzantins régneront ensuite sur ces rivages, avant qu’ils ne subissent les vicissitudes des différents conquérants arabes partis à la conquête du Maghreb ou à la reconquête de l’Egypte qui en deviendra fatimide, sans oublier qu’ils furent le théâtre de la « guerre du désert » entre Rommel et Montgomery en 1941/1943.
Nous avons été particulièrement séduits, même s’il reste beaucoup à faire, par la qualité du travail des archéologues italiens qui ont magnifiquement mis en valeur les talents urbanistiques de nos ancêtres grecs et romains ; ces sites, qui ont tous la Méditerranée en toile de fond, sont de loin les plus beaux que nous ayons pu admirer depuis que nous avons entrepris notre tour de la Méditerranée !
NOTRE ENTREE EN EGYPTE
Un mot pour finir sur notre entrée en Egypte. Nous avons quitté la Libye jeudi 27 janvier, et ne sommes restés qu’environ 3h30 en formalités douanières ; il faut dire qu’il n’y avait personne, et que nous avions non seulement déjà nos visas, mais aussi le « triptyque » (Carnet de Passage en Douane, CPD pour les intimes), sésame indispensable pour entrer avec un véhicule en Egypte ; il est très simple de l’obtenir, auprès de l’Automobile Club à Paris, en échange d’une caution de… 250% de la valeur vénale du véhicule, qui est restituée à leur retour en France. Vous comprenez pourquoi peu de gens viennent jusqu’en Egypte avec leur voiture ! Depuis jeudi soir, nous sommes donc dans un magnifique hôtel de Marsa Matrouh, à 280 km à l’Ouest d’Alexandrie, avec wifi jusque dans la chambre, et plage de rêve à 50 m. Mais le lendemain, c’est vendredi, et de grandes manifestations sont organisées dans tout le pays ; l’Internet est coupé, tout comme le téléphone ou même les sms ; et c’est à nouveau le couvre feu, notre deuxième du même mois de janvier 2011 ! Nous sommes allés deux fois faire un tour en ville jusqu’à un restaurant recommandé par le Routard ; pas de chance, juste devant, des policiers avec casques, matraques et boucliers se mettaient à charger quelques dizaines de jeunes à 100 mètres de là ; et nous avons jugé plus prudent de rentrer garer la moto et déjeuner à l’hôtel. De plus, un premier vent de sable nous a consignés vendredi dans la chambre : journée « blog » pour Philippe, et « croquis » pour Véronique. Samedi, le temps s’est remis « à l’hiver », comme ils disent ici, c’est-à-dire au beau, mais l’Internet n’est pas revenu. Différents contacts à Alexandrie nous ont décidés à rester pour le moment ici, au calme, loin des évènements.
Nous avons plein de plans différents pour l’avenir, en fonction de l’évolution des évènements, y compris celui de prendre le ferry direct Alexandrie-Venise qui part tous les dimanches soir (et n’arrive que le mercredi !). Nous vous le promettons à tous, nous sommes prudents ! Et espérons retrouver rapidement l’Internet pour vous faire parvenir cette trop longue note !
Pour voir l’album sur PICASA, cliquer sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“4 – En Libye”).
3 – Traversée prudente d’un Sud tunisien en effervescence
3 – Le Sud Tunisien |
Une bonne connexion Internet ainsi que … l’enfermement dans notre chambre d’hôtel du fait du couvre feu, nous permet de vous adresser un petit message avant de partir, demain matin dimanche, pour Tripoli, pour autant que la frontière, qui est à 150 km d’ici, soit bien ouverte.
Toute la Tunisie est encore très nerveuse, même ici à Djerba, encore sous le choc du départ de son Président hier après midi. Nous avons échappé jusqu’à présent aux pillages qui continuent de s’étendre à tout le pays. Je ne vais pas vous dresser un panorama de la situation politique ici, dont vous avez de bien meilleurs compte rendus dans la presse française ; nous n’avons bien sûr que le tout petit bout de la lorgnette, à la façon de Fabrice à Waterloo. Il reste que ces évènements ont un peu perturbé notre traversée de la Tunisie, enfin… perturbé… moins dans notre programme que dans nos têtes : Véronique en est maintenant à souhaiter vivement notre passage en Libye ! Mais comme nous ne voulons pas vous laisser sans nouvelles du tout, et pour rassurer tous ceux qui nous ont manifesté leur inquiétude, nous vous faisons un rapide petit point avant notre prochaine étape libyenne.
Nous avons quitté les villes de Tunis et Hammamet depuis lundi, alors que le couvre feu y a été déclaré mardi soir dans la première, et que les casseurs sont intervenus l’après midi de jeudi dans la seconde : le pied de Mimou ressemble à celui d’Atila ! Si nous avons ensuite trouvé à Sousse une station balnéaire très branchée et bruyante, mais à la merveilleuse médina tranquille, apparemment loin des évènements du pays, ceux-ci ont commencé à nous rattraper à Kairouan : l’hôtel, vers 9h du soir, nous a demander de déménager nos motos à l’intérieur des murs de la Casbah pour qu’elles ne tentent pas une jeunesse désœuvrée descendant de la banlieue ; et, le lendemain matin, la station service se déclarait fermement, même si avec le sourire, « en grève » et nous trouverons un peu plus loin de quoi emplir nos réservoirs. Cela ne nous a pas empêchés de visiter Kairouan à souhait, sa célèbre mosquée du IXème siècle comme les différentes zaouïas de la médina, et d’acheter … un tapis !
A El Jem, nous avons pu facilement traverser la ville jusqu’à l’amphithéâtre romain – le troisième du monde romain par la taille – qui la domine de toute sa hauteur, y garer nos motos, et y déguster un café au soleil ; puis, d’un coup, panique, tout le monde baisse son rideau, replie sa charrette, empile ses chaises … et notre cafetier de nous conseiller de filer directement à Sfax sans visiter le monument. Nous retraversons alors la ville dans l’autre sens, à contre courant de jeunes qui marchent ou courent vers on ne sait trop quel excitant rassemblement.
Hier soir à Sfax, nous sommes arrivés juste après le passage des casseurs : tout était fermé en ville, notre hôtel en état de siège, car son voisin immédiat avait été incendié. Nos motos en sécurité au sous sol, nous avons tenté une promenade autour du pâté de maison avant le coucher du soleil ; les murailles de la médina étaient flamboyantes, mais nous n’avons guère insisté devant la tension de la rue, qui était « palpable » ! Un couple d’universitaires bordelais, assiégé ici depuis trois jours, nous a décrit, encore ému, le spectacle des casseurs systématiques et sans entrave, la police, interdite de tir, ayant décidé, dans ces conditions, de laisser faire… Véronique râle car le GDF local a coupé le gaz de toute la ville par mesure de sécurité … et qu’il n’y a donc pas d’eau chaude ! Heureusement, l’hôtel a non seulement un restaurant, mais un wifi qui marche jusque dans la chambre.
Le lendemain matin vendredi 14, Sfax retrouvait une allure normale, la plupart des commerces ayant rouvert. En revanche, 150 km plus au sud, en arrivant à Gabès, des piquets de grève devant deux usines de la grande banlieue de cette ville industrielle nous incitent à contourner la ville. Et les bateliers du bac du « Jorf », en grève, nous obligent à un crochet de 100 km pour rejoindre l’île de Djerba !
Alors que nous nous croyons enfin arrivés dans l’île dont tout le monde nous a vanté le calme, la douceur et la modération, nous devons traverser un rassemblement de jeunes avec des bâtons, ce que nous faisons lentement et avec le sourire (j’ai vu sursauter l’un d’entre eux quant il nous a vu arriver, nous croyant peut-être de la police, avec nos casques blancs et nos deux petits phares) …. Nous trouvons heureusement un restaurant ouvert – il est 15 heures passées, et nous avons 380 kms de petites routes dans les bras , puis notre hôtel. ½ heure avant le coucher du soleil, nous partons pour une petite ballade à pied autour de l’hôtel, mais apprenons rapidement qu’il y aurait un couvre feu à partir de 17h30, et qu’il s’appliquerait même à Djerba. Dès notre retour à l’hôtel, nous ouvrons la télévision comme nos deux notebooks, et c’est là que nous apprenons successivement :
« 17h30 – L’armée a pris le contrôle de l’aéroport international de Tunis Carthage alors que l’espace aérien a été fermé.
17h39 : La France déconseille vivement les voyages en Tunisie
18h30 – Le président Ben Ali a quitté la Tunisie ».
Nous sortons de la chambre féliciter la réception ; tout le personnel, trois personnes, est rivé devant le poste. Le 1er ministre confirme, et le gérant aussi que, oui, c’est le couvre feu (nous sommes donc bloqués à l’hôtel), et que non, il n’y a pas de restauration prévue le soir dans cet hôtel : les voyages forment les retraités ! Le lendemain matin, nous pouvons malgré arpenter tout le nord de l’île de Djerba sous un soleil radieux, celle-là même dont Ulysse a eu du mal à arracher ses compagnons, et trouvons à refaire le plein de nos motos pour aller jusqu’à Tripoli, en même temps que de nouvelles provisions pour le couvre feu de ce soir.
Les Tunisiens restent cependant inquiets et perplexes pour le futur proche ; les nouveaux dirigeants faisaient tous partie de l’ancienne équipe, les pillages continuent, et les forces de police ou gendarmerie semblent anéanties par l’interdiction qui leur a été faite de tirer à vue (et avec des lunettes de tir !) dans la tête des pilleurs. En fin d’après midi, une dizaine d’avions se sont posés à Djerba pour rapatrier tous les touristes. En bref, nous espérons trouver des conditions plus tranquilles demain en Libye !
Ces évènements, ainsi que le rétablissement de Betty, nous ont fait « entrer » complètement dans ce voyage, et nous palpitons entre la beauté des lumières, les heures d’oisiveté, les discussions animées avec les Tunisiens et les soucis quotidiens d’intendance.
A bientôt !
Album PICASA en cliquant sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“3 – Le Sud Tunisien”)
2 – La mise en mode « voyage » en Tunisie
2 – Beau temps en Tunisie |
Qu’il est difficile de passer du mode « sédentaire » au mode « voyage ! La Tunisie s’est mise en quatre pour nous faciliter cette mue, pas encore bien cicatrisée.
Mon niveau de stress dans les trois semaines précédant notre départ a atteint un niveau que je n’avais pas connu depuis quinze ans, à la veille de mes examens pour devenir avocat, ou lors de mes premières plaidoiries délicates. Nuits d’insomnies à tourner et retourner dans la tête ce qu’on a pu oublier (du genre : mon passeport …) en même temps que toutes les catastrophes susceptibles de nous arriver dans ces pays réputés difficiles. Il a atteint son pic le matin du départ, une heure avant le rendez-vous du départ au « Vieux Belleville », en face de « La Mer à Boire », fermé pour cause de fêtes : une des valises de Véronique s’est cassée pendant son stockage, et ne peut être fixée sur la moto sans un bricolage à inventer tout de suite ; Véronique trouvera la solution… après nos adieux aux copains venus nous souhaiter bonne chance. Le lendemain matin, alors que nos motos voyagent toutes seules sur le train, le métro à 6h30 pour la Gare de Lyon est d’un glauque achevé, dans nos tenues de motards alourdies de ce qui ne tient pas dans les valises. Un Marseille sans soleil nous accueille, avec 10° de plus qu’à Paris, pour 48 heures passées entre nos amis Deschamps, la visite du Panier et du Vieux Port, ainsi qu’un dîner « du 31 », avec deux clients de notre hôtel autour du ‘meilleur couscous’ de la ville : dépaysement garanti, déjà ! C’est le lendemain matin, au PDDM – notre ferry part dans deux heures – que nous apprenons l’attentat d’Alexandrie… ambiance !
Sur le bateau « Méditerranée » (cela ne s’invente pas !) de la SNCM, alors même qu’il fait grand beau et que la mer est calme pour les 22 heures de traversée pour Tunis, prend tout son sens le mot « partir ». L’année dernière, il nous avait fallu 10 jours et 2.000 km pour quitter la France et nous habituer au mode « voyage » ; là, nous n’avions pas 20 km au compteur, et nous étions dans notre petite cabine, entourés de nos quelques affaires, soudain désœuvrés ; dépouillés ; cherchant à nous rendre disponibles au seul « présent » ; à ne pas nous laisser envahir par le souvenir de ceux qu’on laisse, par celui d’Yves et de Betty notamment, dont les infirmités précisément les forcent à vivre, eux aussi, pour autant que nous sachions, sans passé ni mémoire, sans projection dans le futur, dans le seul présent…. une façon de nous en sentir plus proches ? Partir, c’est vivre non pas sans passé, mais en distance avec lui : le présent qu’on laisse devient un passé distant ; vivre au présent, vivre en nomade, c’est ne pas se laisser envahir par la peur de ce qui va nous arriver et qu’on ne connaît pas ; c’est détricoter les passé/présent/avenir de notre vie sédentaire pour faire confiance au seul présent.
Paolo a démarré il y a deux ans une usine de mozzarella à Beni Khiar, ainsi qu’une autre de médicaments génériques, sans parler d’exportation d’huile d’olive vers la Chine ; il habite une villa à Nabeul (l’ancienne Neapolis des romains), à 70 km au sud de La Goulette, à côté d’Hammamet ; il nous accueille chaleureusement avec Chantal, ma cousine, que je n’ai pas vue depuis 15 ans, de quoi papoter pendant trois jours de la Tunisie comme de nos expatriations passées ! Une belle preuve du dynamisme industriel de la Tunisie, avant un petit couplet « pèlerinage » !
Mehdi Mrabet est directeur commercial du domaine viticole de Sidi Salem, aujourd’hui « Neferis », à quelques kilomètres de Grombalia, dans le Jebel Ressas ; associé avec des Siciliens, le domaine exporte 70% de sa production. Les grands parents de notre ami Christian de Rozières l’ont exploité jusqu’à l’Indépendance, et Mehdi cherchait à en reconstituer l’histoire, entre solidarités paternalistes et suspicion d’appartenance à la « Main Rouge », organisation terroriste de colons. La maison, aujourd’hui en ruines, où Christian à grandi ne se trouve qu’à quelques kilomètres ; elle est occupée par Dagbaji Hajili, célibataire, gardien de poules avec ses chiens : seule la vue éblouissante n’a pas changé !
Neuf mois après avoir visité Barcelone, qui tire son nom de la famille carthaginoise « Barca » (Hannibal, Hasdrubal, …), il était très émouvant de se trouver au cœur de l’empire punique ; s’il ne reste pas grand-chose de Carthage, la ville de Kerkouane en revanche, au Nord du cap Bon, donne une idée de la douceur de vivre ici deux siècles avant JC. Les Romains quant à eux ont notamment laissé la ville de Dougga, d’un état exceptionnel dans la campagne verdoyante de la haute Mejerda, suffisamment loin de la côte (100 km de Tunis) pour que ses pierres n’en aient pas été pillées. Il faut dire que la position géographique de la Tunisie est incomparable. A la charnière des deux bassins méditerranéens, comme la Sicile, elle en a connu un peu les mêmes vicissitudes, des conquêtes byzantines, goths, arabes et ottomanes, en passant par la guerre de « course » (Barberousse) et les croisades (St Louis y est décédé), et chaque envahisseur y a laissé de nombreuses traces visibles tant sur les sites qu’au musée du Bardo, malheureusement fermé à 80% suite à des travaux d’agrandissement.
L’incontournable visite au village de Sidi Bou Saïd, le St Tropez local, le tour dans la médina et sa moquée Zitouna (VIIIème siècle), où enseigna Ibn Khaldoun (XVIème), les cafés déjà très « turcs » au Grand Café du Théatre se sont déroulés sous une météo obstinément printanière, qui nous change de l’année dernière !
Demain, nous filons vers le Sud, Sousse, Kairouan, Sfax, Djerba, en passant récupérer chez Paolo la pièce pour réparer la valise de Véronique. Sauf imprévu de dernière minute, nous devrions entrer en Libye dimanche prochain, pays sans apparemment de grandes facilités avec l’Internet : notre prochaine mise à jour du blog devra probablement attendre notre arrivée à Alexandrie, fin janvier.
D’ici là, continuez à nous abreuver de nouvelles de France ; s’il ne nous est pas forcément facile de mettre en ligne une mise à jour, nous pouvons malgré tout récupérer vos emails et commentaires sur le blog, qui nous sont précieux pour le moral !
En cliquant sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“2 – Beau temps en Tunisie”) vous accédez à l’Album PICASA avec toutes les photos pour réchauffer l’hiver parisien !
1 – La Méditerranée par l’Est ?
1 – Paris sous la neige |
Cela fait si longtemps que nous y pensons, et que nous nous y préparons, à ce voyage ! Faire le tour de la Méditerranée est un vieux rêve de routard, qui répond sans doute à notre fond de culture gréco-romaine sur lequel est venu se greffer notre histoire chrétienne ; inconsciemment, nous sentons que nos racines européennes sont quelque part au bord de ce bassin à l’histoire tumultueuse, géographiquement tout proche (Antioche est moins loin de Paris que le Cap Nord). La géométrie et l’algèbre comme la philosophie, Platon comme Jésus, St Paul comme les empereurs Titus et Constantin ou la plupart des « pères de l’Eglise », … sont tous nés aux bords de la Méditerranée. Les Arabes sont venus jusqu’à Poitiers, les Croisés jusqu’à Jérusalem, les Turcs jusqu’à Vienne… et, aujourd’hui, l’Union Européenne s’étend jusqu’à l’île de Chypre, dont les côtes sont à moins de 300 km du Liban ou de la Syrie ; et tant de Turcs, d’Arméniens, de Maghrébins, de Libanais vivent chez nous en Europe avec leur cuisine ensoleillée que l’on regrette quelque part qu’il ne soit pas aussi facile de s’y rendre par la route que d’aller dans n’importe quel autre pays de l’Union Européenne.
Mais ce « tour par l’Est » est-il seulement possible ? Parce que ce voyage par la route, et avec des motos, n’est pas facile à réaliser. L’année dernière, l’Algérie s’était posée en obstacle infranchissable malgré plusieurs mois de recherches et contacts infructueux, et nous n’avions parcouru que trois pays différents. Cette année, nous partons avec de nombreux points d’interrogation, notamment du côté du « Proche Orient », compte tenu du nombre des frontières à franchir et des conditions pour le faire, fluctuantes, voire arbitraires ou pas faciles à mettre à jour avant notre départ. Faire le tour de cette Méditerranée par l’Est est donc un voyage d’une autre dimension que celui de l’année dernière ; dans notre projet de nous donner dix années pour faire le tour du monde avec nos motos, en partant chaque année quelques mois, nous avions décidé d’entreprendre ce voyage, pourtant pas le plus lointain, mais quelque part « mythique », au moins pour nous, avec une forme physique et mentale pas encore trop émoussée par l’âge. C’est là bas qu’il nous fallait maintenant tenter d’aller.
Aller poser les roues de nos motos sur ces routes historiques, dans les rues de ces villes « orientales », autant chargées d’histoire séculaire que d’une actualité brûlante demande en effet non seulement un peu de temps – nous nous sommes donnés 5 mois pour parcourir une dizaine de pays différents –, un peu d’argent – il nous a fallu notamment verser 20K€ à l’Automobile Club pour l’émission d’un Carnet de Passage en Douane (l’Egypte réclame 250% de la valeur vénale de nos petites motos), somme à récupérer au retour des motos à Paris -, un peu d’expérience de « la route » – on verra bien si l’expérience de l’année dernière sera suffisante – mais aussi un bon mental, car l’environnement y est bien différent de celui du Maghreb ou même de celui des lointaines Amériques : outre le nombre des frontières, les régimes y sont pour la plupart autoritaires (mais cela peut avoir du bon !), les langues y sont peu pratiquées chez nous (l’égyptien n’a pas grand-chose à voir avec le marocain… quant au turc ou au grec…), et on y croise extrêmement peu de promeneurs par la route compte tenu de ces difficultés.
On a donc dû préparer le voyage et l’itinéraire un peu mieux que l’année dernière, même si tout est loin d’avoir été fixé ; dans les grandes lignes, sur les cinq mois, nous avons prévu de mettre un mois pour arriver en Egypte par la Tunisie et la Libye, de passer un mois en Egypte, puis six semaines au Proche Orient et six semaines entre la Turquie et la Grèce : environ 15.000km au total pour nos deux motos préparées par Profil Honda avec notamment kit chaînes, pneus et plaquettes neuves ; nous en avions parcouru 14.000 l’hiver dernier en restant trois mois au Maroc.
Cela fait déjà 8 mois que nous sommes rentrés de notre dernier périple (cf. lien ci-dessus, en haut à droite vers notre blog de l’hiver dernier : « Les Perrin Chapitre 2 autour de la Méditerranée occidentale »), avons bouclé de merveilleux albums de photos sur nos deux précédents voyages, et maintenant, à la veille de partir… voilà que la météo parisienne se met franchement à l’exécrable ! L’hiver ne date que de cette semaine, mais cela fait, hier, la sixième fois depuis un mois qu’il a tant neigé sur Paris que les rues en sont impraticables à motos ! Comment imaginer dans ces conditions de seulement rejoindre la Méditerranée au départ de Paris ? Nous n’avons plus l’âge de nous lancer sur nos motos pour traverser 800km d’air glacial… Nous nous sommes donc résolus à les mettre … toute fausse honte bue, sur le train de Paris à Marseille St Charles, d’où nous devrions plus facilement rejoindre un ferry pour Tunis.
Notre salon est parsemé de paquets pour la fête de Noël de ce soir, au milieu des valises et de leur contenu éparpillé tout autour dont on se demande comment elles vont pouvoir contenir tout ce barda. Une dernière vérification de la paperasserie, cette fois, j’ai mon passeport… ; nous emportons nos carnets de plongeurs pour la Mer Rouge…
Pour ceux qui le pourraient, nous irons poser nos motos à Paris Bercy le mercredi 29 décembre dans l’après midi, et prévoyons de déjeuner auparavant au café « La Mer à Boire », 1 rue des Envierges, 75020 PARIS : n’hésitez pas à venir nous rejoindre, même pour un café, entre 13 et 14 heures ! Avec plein de soleil dans les poches !
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Et à tous, nous souhaitons un JOYEUX NOEL et une BONNE ANNEE 2011 !
Pour visualiser sous PICASA notre premier album “Paris sous la neige”, veuillez cliquer sur la légende de la petite photo en-tête de l’article (“1 – Paris sous la neige”).
14 – Des Deux Siciles aux Alpes
14 – Des Deux Siciles aux Alpes |
Plus d’un mois déjà que nous sommes restés silencieux ! Mille excuses à nos lecteurs ! Nous avons franchi les Alpes par le tunnel du Fréjus (entre Turin et Grenoble) le 19 avril dernier pour rejoindre notre maison familiale de Biviers (Isère) ; nous y avons été fort occupés, pendant deux semaines de grand beau temps (enfin !), à reprendre nos activités de grands parents : attraper des essaims pour notre rucher, et profiter de nos petits enfants Elipot, ceux là même qui étaient venus nous rejoindre au Maroc deux mois plus tôt (cf. Blog 11 – Les terrains de jeux du Maroc). Nous sommes ensuite revenus à notre point de départ parisien lundi dernier 3 mai. 13.800 kms au compteur, moins fatigués que désorientés par ce nouveau mode de vie sédentaire. Nos montures sont également retournées à leurs courses citadines, à peine fatiguées, et Profil Honda à Vincennes s’en occupe ! Juste une chute à déplorer pour moi, à Biviers… sur un rond point engravillonné… heureusement sans gravité, mais c’est vexant, après tous ces kilomètres ; nos nombreux proches qui se sont retrouvés emmaillotés dans plâtre ou bandages en restant chez eux cet hiver prouvent qu’on est beaucoup plus prudents quand on voyage que quand on reste chez soi ! – Attends, là, tu nous embobines ? Cela fait trois semaines que vous êtes en France, et tu n’as pas trouvé le temps de nous donner des nouvelles ? On ne savait même pas si vous vous étiez perdus en Tunisie ou bien dans les mafias sicilienne, calabraise ou napolitaine ?! – Ben oui, euh, on a aussi découvert qu’on dispose aussi de beaucoup plus de temps quand on voyage que quand on reste chez soi ! Cette dernière partie du voyage aura d’ailleurs été très instructive sous bien d’autres aspects.
Par exemple d’abord les ferries. Les cabines y sont confortables ; nous n’y avons pas eu le mal de mer ; l’ambiance des ports est toujours très excitante ; on y rencontre souvent des gens intéressants ; c’est beaucoup moins fatiguant pour les montures comme pour les cavaliers ; et ce n’est pas si cher quand on compte tous ces avantages ! Lorsqu’il nous a fallu nous préparer à quitter la Sicile pour rejoindre Naples et la Campanie, alors que Véronique traînait depuis quelques jours un lumbago, et que nous avions décidé que nous n’aurions pas le temps de visiter la Calabre, Via-Michelin, pourtant toujours très optimiste, indiquait curieusement 6 heures pour 480 km d’autoroute, soit 80 km/h de moyenne. Renseignements pris, cet « autoroute » est en tellement mauvais état que même les routiers ne la prennent plus ; une « autostrada del mare » contourne le problème, par un ferry nocturne entre Messine et Salerne : une nuit de 8 heures au lieu de 2 jours d’autoroute, le calcul était vite fait ! Cela ouvre de nouvelles perspectives pour nos prochains voyages ! Sans compter qu’on touche du doigt qu’il y a pratiquement la même distance, toujours plus vers l’Est, entre Barcelone et la Sardaigne, qu’entre la Sardaigne et la Sicile ; nos ancêtres marins connaissaient bien ces distances !
Ensuite, se donner guère plus de deux semaines pour « visiter » Sardaigne, Sicile et Campanie oblige à passer à côté de beaucoup trop de trésors sans prendre le temps d’aller même y jeter un coup d’œil. Dès qu’on arrive dans une nouvelle ville où nous n’avons jamais mis les pieds, malgré la fatigue, dès les valises posées, on se précipite humer l’ambiance jusqu’à point d’heure ; mais dès le lendemain ou le surlendemain, il faut repartir. On se dit mollement qu’on reviendra… Il faut se faire une raison : il y a un temps pour se déplacer ; et un temps pour s’incruster. Et quand on se déplace, même avec toutes les commodités d’une moto, on ne peut pas « tout » voir ! Même si on pensait nous en être donné tout le temps nécessaire.
Enfin, bien sûr, il faut dire un mot de la découverte de ces terres placées au cœur de la Méditerranée, sur la route de la soie comme sur celle des croisades ; les Anciens les appelaient « La Grande Grèce » : Zénon était d’Elée, à côte de Naples ; Pythagore est mort à Metaponte, dans le golfe de Tarente, où il laissa son école prospérer, pas loin de Sybaris ; Archimède était de Syracuse en Sicile, où subsistent d’innombrables temples ou théâtres grecs. Les Phéniciens/Carthaginois, comme les Grecs, se sont installés sur les rivages de ces « Siciles », bientôt convoitées par des puissances plus terriennes comme les Romains d’abord, les Normands, Arabes, Aragonais ou Angevins ensuite : après les nécessités du commerce ou de la recherche de nouvelles terres, la région est devenue terre ou base de pillage d’où se contrôlait le commerce méditerranéen. Les cadets des grandes familles y allaient volontiers y chercher fortune, mettant leur épée au service d’un prince comme le Pape, l’Empereur, ou le Sultan de Constantinople. Toutes ces dynasties ont empilé des trésors artistiques pendant des siècles, dans des paysages lumineux plutôt rustiques ; le sous développement de la région, flagrant par rapport à l’Espagne, compose un ensemble très attachant, avec une joie de vivre débonnaire : heureusement qu’il nous faudra un jour le retraverser pour aller plus vers l’Orient !
A bientôt donc !