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13 – Las Costas de Algeciras a Barcelona

13 - Las Costas de Algeciras a Barcelona

13 – Las Costas de Algeciras a Barcelona

Vous aurez remarqué que je maîtrise maintenant parfaitement l’espagnol, et prie mes lecteurs non hispanisants de demander à un proche de leur traduire le titre.

L’intérêt de n’avoir pu traverser l’Algérie - au moins pour un « tour de la Méditerranée » ! - était également de parcourir la côte méditerranéenne de l’Espagne, que nous avions quittée à Barcelone en novembre dernier pour filer vers la Castille, et où nous n’avions jamais posé les roues. Cette côte est réputée touristique, enchaînant, du Sud vers le Nord, les « Costa del Sol », « Costa Blanca », « Costa del Azahar » et « Costa Dorada ». Mais au mois de mars, la météo est encore loin d’y être estivale - même si, pour la première fois depuis notre départ, nous avons pu sortir, parfois, les chemisettes dont nous pensions faire grand usage - et l’urbanisation frénétique des côtes les rend finalement peu attirantes si ce n’est pas les plages qui vous attirent ; de véritables murs d’immeubles longent les côtes dès qu’il y a du sable, et les autoroutes ou les voies ferrées quand il n’y en a pas. Dans les environs d’Almeria, le spectacle des cultures sous serres vaut le détour : ce sont de véritables mers de plastique qui ont recouvert la quasi-totalité de la campagne ; et en apprenant un peu de ce qui se passe à l’intérieur (pour des recherches plus précises, le mot clé est « El Ejido », du nom de la commune la plus concernée par le problème), nous prend l’envie de devenir écolo et nous perd celle de manger des fraises en hiver ! Et du côté de Gandia, sur la nationale qui traverse des océans d’orangers au Sud de Valence, ces dizaines de belles jeunes filles blondes qui s’assoient au bord de la route, sur une chaise, plus nombreuses que les stands de vente d’oranges, ce n’est apparemment pas uniquement pour parfaire leur bronzage !

En revanche, nous avons été séduits par les grandes villes qui jalonnent ces côtes. L’Alcazaba de Malaga (port de l’ancien Royaume de Grenade), les immeubles XVIIIème et la médina d’Almeria, le vieux quartier des soyeux de Murcie, les mille facettes de l’immense Valence, le passé romain de Tarraco, les musées de Barcelone…. Elles gardent chacune des traces d’un lointain passé phénicien, punique, romain ou arabe, tout en ayant accumulé les trésors depuis le Moyen Age et font preuve de beaucoup de vitalité jusqu’à aujourd’hui (Exposition universelle, Jeux Olympiques, Coupe de l’America, …).

Véronique m’avait déjà parlé avec une étonnante émotion des « pasos » de la Semaine Sainte en Espagne, mais il faut en voir au moins un pour comprendre le problème, sachant qu’à partir du cinquième, on le résout en l’appelant « mystère ». Vous entendez l’appel des tambours de fort loin ; la foule s’épaissit à l’approche ; deux ou trois rangs de spectateurs debout font la haie depuis longtemps et ne vous laisseront le passage qu’à la condition de rester accroupis à leurs pieds. Après fanfares, ecclésiastiques, chorales et enfants de chœur sous des croix et torches brandies, arrive la première statue - plus souvent un ensemble de plusieurs statues. On l’aperçoit de loin, balançant au-dessus de la foule silencieuse. Elle est portée sur un brancard équipé de bras de cinq à dix mètres de long reposant sur les épaules de trente à cinquante jeunes gens marchant d’un même et tout petit pas au son des tambours. Pas un mot à son passage, pas de chants, quelques flashes, mais surtout du respect, de la ferveur, de la piété. Les figures des porteurs, quand elles ne sont pas recouvertes du masque des pénitents, reflètent l’honneur qui leur a été fait de porter le paso. Dans les églises attendent leur tour de promenade les grandes croix, les pieta, les madonna, les nostra signora et autres Christ souffrant, que les fidèles peuvent venir toucher en se signant. Le spectacle est à l’évidence religieux ; mais la ferveur est paradoxalement récupérée par l’ensemble de l’économie espagnole, avec plus ou moins de bon goût comme en témoignent quelques photos jointes : il n’y a guère de vitrine ou de bus qui n’affiche une des images de la Passion pour vanter un nouveau prêt bancaire, une robe de mariée ou un robot ménager ! Sans que cela ne semble choquer qui que ce soit.

C’est sur cette côte enfin que nous aurons fait notre baptême à la voile sur la mer ! A notre âge ? Eh oui, les terriens que nous sommes n’avaient encore jamais fait cette inoubliable expérience ; merci à Jacky pour la ballade au large de Villa Joyosa ! L’expérience maritime sera d’ailleurs renouvelée sur les ferries qui nous emmèneront vers l’Italie - elle est étonnement plus loin qu’on le croyait ! - mais ceci est une autre histoire !

12 – Retour vers la Méditerranée

12 - La Côte méditerranéenne du Maroc

12 – La Côte méditerranéenne du Maroc

La route qui file de Fès vers l’Est, vers Taza, Oujda et la frontière algérienne accompagne l’autoroute en construction CASA-OUJDA, qui devrait être ouverte dès l’année prochaine. On arrive à Oujda après avoir traversé l’oued Moulouya, qui a longtemps marqué la frontière entre les deux pays ; juste en face, en Algérie, démarre l’autoroute que les chinois construisent jusqu’à la frontière tunisienne … on se trouve ici à 75 km de Tlemcen et à moins de 200 km d’Oran : la continuité entre les deux pays est évidente …. sauf que la frontière est fermée depuis 1994,  et que pour suivre la côte méditerranéenne par voie de terre, il faut prendre le ferry Nador (Maroc)-Almeria (Espagne), puis le ferry Almeria-Ghazaouet (l’ancienne Nemours, en Algérie).

Mais arrivé là, on n’est pas au bout de nos peines ; compte tenu en effet de la situation instable en Algérie, nous tenions à ce que quelqu’un nous « tienne la main » de Ghazaouet jusqu’en Tunisie, que ce soit une agence de voyage ou un réseau de relations. Nos multiples recherches et contacts en Algérie et en France ont non seulement été vains ; ils ont surtout fini par nous convaincre qu’il n’était pas « raisonnable » d’imaginer pouvoir circuler dans le Nord de l’Algérie avec nos deux motos, sauf à être accompagnés d’un véhicule de la sécurité militaire, ou bien de disposer d’un réseau local avec points de chute tous les 50 à 100kms ; et ce moins à cause des bouffées épisodiques de violence d’AQMI (Al Quaïda au Maghreb Islamique) qu’en raison de l’insécurité générale affectant les déplacements individuels par route des algériens eux-mêmes. Pour ceux que la situation actuelle en Algérie intéresse, nous conseillons la lecture des ouvrages de Yasmina Khadra (« A quoi rêvent les loups », « Le quator algérien », « Ce que le jour doit à la nuit », etc…). Notre « tour de la Méditerranée » ne pouvant franchir cet obstacle, il nous restait à trouver un ferry pour aller directement en Tunisie, lequel n’existe pas : pour continuer vers l’Est, le premier ferry disponible nous oblige à remonter jusqu’à Barcelone, d’où, deux fois par semaine, on vous emmène en … Sardaigne, d’où la Sicile, et puis la Tunisie ou la botte italienne. Tel était donc devenu notre programme, qui avait l’avantage de nous laisser du temps pour suivre la côte méditerranéenne du Maroc vers Tanger ou Ceuta.

De verdoyante et inondée par les pluies océaniques, la campagne se fait plus aride au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Fès, des montagnes du Rif et du Moyen Atlas. Les ravages des crues et inondations des dernières semaines sont partout : jusqu’à l’avant-veille de notre passage, la route était coupée, mais nous roulerons sans aucun souci jusqu’à El Jebha, une nouvelle route directe, excellente et spectaculaire, ayant été construite le long de la côte entre Nador et El Jebha. En revanche, elle était encore en cours de construction entre El Jebha et Tetouan, et nous étions heureux d’avoir des motos « tous chemins » sur ces 140 km de chantiers poussiéreux, boueux et … vertigineux.

Le Rif plonge en effet brutalement dans la Méditerranée. Mais cette côte très sauvage et escarpée est depuis toujours un lieu de passage important des échanges « nord / sud » : dans l’Antiquité débouché des pistes caravanières de Sijilmassa et du Sahara, elle « contrôle » encore aujourd’hui le trafic du détroit de Gibraltar, notamment les flux de clandestins … et de kif, dont le Maroc reste de loin le premier producteur mondial. C’est, entre autres raisons, pourquoi l’Espagne s’accroche à ses grandes « places de souveraineté » de Ceuta et Melilla, toutes deux entourées du « mur de Schengen », dont l’occupation au XVème siècle s’était faite dans le cadre de la « Reconquista », et qu’elle a donc refusé de restituer au Maroc lors de la fin de son protectorat en 1956 ; ces deux villes ne connaissent pas la TVA, et leurs ports sont très actifs, Melilla profitant notamment du gigantesque marché noir organisé autour de la frontière fermée entre le Maroc et l’Algérie. C’est pourquoi l’Espagne s’accroche d’ailleurs aussi à ses « penones », minuscules ilôts à proximité des côtes marocaines, habités par un poignée de militaires espagnols.

Vous trouverez dans l’album 12 ci-joint des images de tous ces territoires, en n’oubliant pas Gibraltar, où les Britanniques sont présents pour les mêmes raisons : c’est ainsi que les Algériens réclament au Maroc la restitution d’une partie du Sahara Occidental qui leur donnerait un accès à l’Océan (l’Algérie tient à joindre ce contentieux à celui de la réouverture de leur frontière commune), que le roi du Maroc réclame à l’Espagne la restitution de ses « places de souveraineté », et que le roi d’Espagne réclame à la reine d’Angleterre la restitution de Gibraltar ! Et c’est pourquoi la présence militaire est très visible au bord des routes dans l’ensemble de cette région, tout comme les revendeurs de kif ou d’essence algérienne.

Vous verrez aussi dans cet album que notre moral est remonté en même temps que l’ensoleillement : plus une goutte de pluie depuis Fès ! Il faut ajouter que nos motos nous ont été fidèles depuis 10.000 km, dont la moitié au Maroc, et que se profile maintenant la perspective d’être à nouveau en France vers la fin du mois prochain !

A très bientôt donc de vive voix !

11 – Les terrains de jeux du Maroc

11 - Erg, souks et palmeraies en terrains de jeux

11 – Erg, souks et palmeraies en terrains de jeux

Nous laissons la parole à nos petits enfants !

C. et les souks : « On était déjà venus à Marrakech, et on a tout de suite reconnu la maison où on était déjà allés ; alors on a fait les présentations à Bapou et Mimou qui nous avaient retrouvés dans le train à Casablanca. Dès le premier soir, on a traversé de nuit les souks fermés (pas rassurant) pour aller sur la place Jamaâ el Fna où il y avait beaucoup de monde. Z et Jos, puis Aa, ont réussi à se faire payer un faux serpent qu’on peut croire qu’il est vrai s’il nous surprend ; alors j’ai demandé à en avoir un aussi. Ensuite Bapou s’est fait mettre plein de serpents (des vrais !) autour du cou et on a mangé dans un restaurant dehors. Bapou nous a ramenés à la maison sans se tromper. Le lendemain,Z et Jos se sont fait faire un tatouage de scorpion et de dragon sur le bras après la visite d’une grande medersa (école) de 132 chambres, des palais et le minaret de la Koutoubia (on peut y monter à cheval, comme à Séville), où un gardien lançait des oranges tombées des orangers sur les gamins qui marchaient sur les pelouses interdites. On est rentrés à la maison en passant par les souks (Mimou et Maman ont toujours plein de choses à y acheter, mais elles mettent du temps pour choisir) et les tanneurs qu’on n’avait pas vus la dernière fois, mais qu’on n’avait que sentis de loin. Pour dîner, Mimou nous a fait cuire de la viande sur un barbecue dans la rue, et Bapou nous en apportait des morceaux au fur et à mesure qu’ils étaient cuits. Catherine est arrivée le lendemain, et est venue avec nous dans les palmeraies, dans le désert, et jusqu’à Fès. Là, Mimou, Maman et Catherine avaient encore des choses à trouver dans les souks, et on a fait des kilomètres à pied en se faisant écraser par les chevaux et les ânes qui foncent partout dans la foule, leur maître criant « Balek ! » (Attention !). Il y avait aussi quelques troupeaux de touristes qui marchent en rangs par deux derrière leur guide qui lève les bras, et eux, ils regardent les gens et les magasins comme s’il y avait encore la vitre du car entre eux. Pendant ce temps, Bapou nous expliquait l’inflation, l’Allemagne de Hitler, le négationnisme, et que l’illusion, ou bien ce qu’on croit, peut avoir plus d’effets que le réel ; il a toujours plein d’histoires à raconter quand on lui demande ! On a aussi vu des ouvriers coudre des babouches, un forgeron faisant rougir un fer avant de lui taper dessus, des dinandiers découpant un grand rouleau de cuivre, et des tanneries de teintures qui sentaient encore plus mauvais que celles de Marrakech. »

Jos et les palmeraies : « Moi, j’ai bien aimé les palmeraies. Dans le Sud du Maroc, il y a de grandes montagnes (l’Atlas) avec de la neige, et ensuite le désert, et entre les deux, les oueds (les torrents) qui descendent de la montagne jusque dans le désert. Comme ils ont beaucoup de force, ils descendent jusque loin dans le désert. Et comme cela fait plein d’eau, les plantes poussent le long. Les gens plantent plein de palmiers, parce qu’ils donnent des dattes à manger, qu’on fait des toitures avec leurs feuilles, des planches avec leur tronc, et que leurs racines retiennent la terre. Dans la terre, les gens creusent des seghias (des canaux) pour attraper l’eau de l’oued et la distribuer automatiquement dans leurs champs de légumes ou autres. Alors on peut se promener sur les murs des seghias, ou le long de l’oued, entre les champs, ramasser des roseaux pour faire des bâtons, faire des barrages dans les oueds, les traverser sur des pierres ou des poutres, ou en sautant par-dessus les seghias. Et on a vu des cactus que quand on les caresse doucement, les grosses épines chantent (Z s’est fait piquer !). Et des zaouia, qui sont le tombeau d’un saint musulman ; les gens croient qu’il fait des miracles après sa mort comme guérir les maladies ou autres. C’est notre guide berbère Abdallah qui m’a expliqué tout çà. »

Z et l’erg : « L’erg, c’est le désert où au lieu de cailloux, il n’y a que du sable et pas de cailloux, Bapou ne sait pas pourquoi. Et pas d’oueds ni d’eau du tout. Et du sable comme des montagnes. Pour y aller, il faut des dromadaires (des chameaux à une seule bosse). Alors on a pris des dromadaires, un pour chacun sauf Aa qui allait avec Maman, et un pour les bagages. On monte dessus quand le dromadaire est couché, puis il se lève ; il faut bien se tenir à la poignée, surtout quand çà descend parce que alors, à chaque pas, on croit que le dromadaire va tomber ; comme quand il se couche pour qu’on descende, d’abord les jambes de devant, d’un coup. Tout le monde met un chèche sur la tête, comme un turban, contre le soleil et le vent ; c’est très efficace. Le premier soir, on a dormi dans des lits de camp sous la tente ; il y avait des toilettes, et les guides ont fait un feu de camp sous la lune qui était pleine. Il y avait aussi une planche pour faire du surf sur les dunes. Le lendemain, à un moment, les guides ont dit qu’on pouvait descendre et marcher pieds nus ; alors on pouvait courir, et faire des glissades sur les dunes. Hassan, l’un des deux guides, a trouvé un « poisson des sables » ; c’est moi qui l’ai pris ; c’est comme un lézard, sauf que si on le lâche, il plonge dans le sable comme un poisson et disparaît. Il y a plein de scarabées aussi, qui mangent toutes les crottes des dromadaires et des gens qui viennent ; ils laissent des petites traces partout, et Papa nous a montré le trou d’un nid ; dès qu’on s’assied 5’, il y en a plusieurs qui rappliquent entre nos jambes. Mais il n’y a pas de scorpions. On a déjeuné et fait la sieste sous une tente berbère de l’autre côté de l’erg, près de l’Algérie, où on a pu faire voler le cerf volant et jouer au tarot. La deuxième nuit, les tentes étaient autour d’un palmier ; il y avait des lits de camp et pas de toilettes mais on a bien mangé et bien dormi quand même. Le troisième jour, on est partis à pied parce que les dromadaires devaient être légers pour passer un col, et on n’est montés dessus qu’en haut. Pastèque (c’est mon Doudou) est resté attaché au dromadaire pendant que je courais avec C et Jos. On a vu un autre « poisson des sables », mais on n’a pas pu l’attraper. Quand on est rentrés, on s’est douchés, et on a repris un petit déjeuner et notre trop d’affaires. »

La famille est maintenant rentrée à Paris, nous laissant devant un grand vide et … assez fatigués d’avoir joué aux touristes pendant 10 jours. Après quelques jours de repos à point fixe, nous devrions, si la météo le permet, et après avoir réanimé nos montures, partir explorer la côte méditerranéenne du Maroc … puis de l’Espagne. A bientôt !

10 – Le chaud soleil du Sud marocain ?

10 - Le Sud marocain

10 – Le Sud marocain

Après une petite visite d’Agadir ‑ sa Casbah tout là haut sur la montagne, avec ses milliers de morts sous les décombres, la chaux et l’herbe sauvage, sans même une stèle commémorative du tremblement de terre d’il y a tout juste 50 ans (le 29 février 1960), son zoo de la « Vallée des Oiseaux » , sa marina ‑ nous avons fait d’abord une petite boucle de 350 km jusqu’à Tafraoute pour y admirer, comme annoncent tous les guides, son coucher de soleil vu de la terrasse de l’hôtel des Amandiers. L’Anti Atlas était tout en fleurs, et le coucher de soleil au rendez-vous ; le retour par Tiznit s’est fait sous une pluie battante qui ne nous a quittés qu’aux portes d’Agadir. Le point le plus au Sud de notre périple (le col de Kerdous) aura été passé sous un brouillard pluvieux très breton : à quand les chaudes lumières annoncées du Sud marocain ? Toujours plus vers l’Est, au nord du désert ?

La pluie, comme d’une mousson, nous a à nouveau rattrapés lors d’une halte à l’incontournable Tarroudant, qui, derrière ses remparts de 7 km, usurpe le nom de petite Marrakech du Sud ; toute la population semblait prise d’une excitation joyeuse et enfantine, proche de celle qui nous envahit lors d’une première grosse bourrasque de neige en France, suivie d’un brin d’inquiétude lorsqu’elle se met à durer. Semblant faiblir le surlendemain, la pluie avait malgré tout tellement gonflé l’Oued Souss que la route éventuelle de retour vers Agadir était coupée … alors qu’elle était apparemment encore ouverte vers l’Est. C’est sous la pluie battante que nous avons alors passé notre premier pont submergé par l’oued rugissant, quelques cm d’eau seulement, mais creusant sa voie sous le remblais, sous l’œil attentif de gendarmes prêts à y interdire la circulation ; quelques km plus loin, nouveau pont (très !) submergé, en bas d’une côte, cascadant avec fracas vers l’aval … il y en avait cinq avant de trouver la montagne et notre étape vers Taliouine.

C’est alors que nous avons découvert ce que c’est que de passer des oueds furiosi avec une moto, pas trop vite pour ne pas noyer l’électricité ni décoller les roues, mais suffisamment vite pour franchir les éventuels obstacles cachés sous l’eau rouge, avec en plus la force du courant qu’on sent pousser le guidon là où on ne veut pas aller (là où l’eau s’écoule, il y a une grande chute, puis les tourbillons où on n’a pas du tout envie d’aller !), sans parler des déluges qui tombent du ciel en mettant de la buée partout dans le casque et de l’eau sur les lunettes. Véronique a été très courageuse ! Surtout que, immédiatement avant l’entrée dans l’hôtel Targa où on allait quelques kilomètres avant Taliouine, il y avait de nouveau un torrent à traverser, avec un gamin, de l’eau à mi-mollet, qui dit où passer. Séchage d’enfer toute la nuit au-dessus du radiateur électrique qui a pu monter la température de la chambre de 14 à près de 17°. Le lendemain, en redescendant dans la vallée du Draâ, enfin un gros soleil et des lumières extraordinaires, amandiers en fleurs sur fond d’Atlas croulant sous la neige, mais encore quelques gués submergés. Très gros orage à Agdz pendant la nuit, qui nous coupe pendant quelques heures la route vers Zagora, où nous allons loger au fond de la palmeraie d’Amezrou : forte envie d’y rester quelques jours, mais il nous faut passer à Merzouga avant l’arrivée de nos enfants à Marrakech la semaine prochaine ! Un petit crochet plus au sud vers les dunes de Tinfou me permet d’appliquer le schéma prévu en cas de crevaison, la 1ère depuis le départ : j’abandonne Véronique et les motos dans le désert et part en stop chercher un mécanicien ; inapplicable 1h avant le coucher du soleil sur une route déserte ! Entre temps, l’oued Draâ a de nouveau coupé la route vers l’Est, non pas parce qu’il a plu, mais parce que, plus au nord, à Ouarzazate, on attend de nouvelles et fortes précipitations, et qu’il faut vidanger le lac de retenue qui passe déjà par-dessus sa digue ; et le lendemain, nouveau franchissement de pont submergé, à Tansikht, avec plus de 30cm de fort courant …. suivi de 20 km de piste avant de retrouver le goudron vers N’Kob… d’où la pluie nous a depuis tout à fait quittés !

Le désert a ensuite tenu ses promesses touristiques, tout comme notre remontée vers le Nord. L’étape à Midelt nous a permis la rencontre émouvante du frère Jean Pierre, dernier survivant de la communauté trappiste de Tibéhirine, qui était intarissable, devant le petit mémorial, sur la façon dont il avait échappé à l’enlèvement en restant caché dans sa cellule, les terroristes s’étant contentés de sept moines alors qu’il y en avait neuf, et sur l’inexplicable passivité de l’armée algérienne dans la recherche des disparus. Khenifra aussi nous a séduits, petite ville embourgeoisée dans ses montagnes dégorgeant partout leurs prairies inondées, avec son « paseo » à la tombée de la nuit et le tajine partagé dans la medina.

Arrivés hier soir à Fès, comme un retour « à la maison », le beau temps revenu, après 200kms de petites routes dans le Moyen Atlas par les sources de l’Oum er Rabiaâ, cet oued le plus grand du Maroc, qui passe plus en aval entre Fquih ben Salah et Souksebt.

Nous y laissons nos motos et l’essentiel de nos affaires pour deux petites semaines, le temps de redescendre, en train, vers Marrakech et le désert, où nous retrouvons nos enfants Catherine, Charlotte et Stoned, qui nous rejoignent de Paris avec Cyrus (11 ans), Zenon (8 ans), Joshua (5 ans) et Aaron (4 ans). Des vacances dans nos vacances ! Et un grand bain familial en perspective, dont nous avons bien besoin !

Profitez bien de l’album joint, qui vous donnera un avant goût du printemps qui ne devrait plus trop tarder maintenant chez vous, là haut, en France ! Et à vos plumes pour continuer à nous encourager !

9 – Aux portes du Sud

9 - Aux portes du Sud

9 – Aux portes du Sud

« Aux portes du Sud »…. Cà, c’est bien Philippe, çà fait littéraire, « aux portes du Sud ». Moi, je voulais mettre, « Quand est-ce qu’on arrive ? ». Bientôt 3 mois en effet qu’on est partis, et on n’arrête pas de s’éloigner de la Méditerranée, de la France, du retour. Je pensais pourtant qu’après avoir fait son pèlerinage à Fquih, il aurait commencé à avoir envie de rentrer ; surtout qu’il n’a plus grand monde avec qui partager ces souvenirs ! Mais pas du tout. C’est d’abord « on ne peut pas ne pas aller voir le lac de Bin el Ouidane » ; ensuite « ah non, on ne va pas passer par la grande route pour aller à Marrakech alors qu’il y a juste à côté des routes de montagnes et qu’on a le temps d’y aller », puis « Agadir, tu te rends compte, les Guillet – on les connaît à peine – y sont expatriés et nous y invitent ! » et enfin « la route directe est très dangereuse, et Essaouira, Tristan nous a dit que c’était la ville qu’il préférait au Maroc » : bilan, un crochet de 250 km, et … toujours plus au sud ! Alors qu’on aurait pu attendre tranquillement Charlotte et Catherine à Marrakech fin février. Point.

Et puis il y a eu ces routes autour d’Azilal, sur le versant nord du M’goun ; on s’est tous pris pour de grands motards ! Plein d’arrêts photos ; le passage par le barrage de Bin el Ouidane et les cascades d’Ouzoud ; les amandiers en fleurs (il paraît que cela n’arrive que pendant 15 jours par an), la neige à partir de 2.500 m, les couleurs rouge, ocre vert, blanc, le grand ciel bleu, le gros soleil, l’air léger, et surtout l’espace. Plus la moto. Pas mal. Regardez les photos et leurs commentaires !

Marrakech, par contre, quatre jours, une « porte du Sud » avec les premières palmeraies. Il a beaucoup plu ; la médina était boueuse ; c’était pas franchement comme sur les catalogues ; première fois qu’on voyait autant de Français, et surtout des Bidochon ; ou des nouveaux riches venus de toute la terre ; l’impression d’être vu comme un portefeuille naïf  toujours se battre, c’est très fatigant ! Philippe est allé jouer au vieux Marrakchi lire « le Monde » à la terrasse des « Négociants » (grand café de Gueliz) devant thé à la menthe et gâteaux mielleux pendant que je comatais devant mon téléphone qui ne marche pas, loin de Maman et de mes filles.

Heureusement, 200km plus loin, il y a eu Essaouira, au bord de l’Atlantique (Philippe dit que c’est encore la Méditerranée parce que les Phéniciens sont venus jusqu’ici ramasser des coquillages pour fabriquer leur « pourpre »). On devait y rester 1 jour ; on y resté 3 jours, tellement l’hôtel était sympa, avec sa terrasse sur le toit, et, pour la première fois qu’on est au Maroc, des propriétaires français. En plus, c’est très photogénique, Essaouira ! Le moral est nettement remonté !

Et puis on est arrivé à Agadir, par une route facile. Grande ville sans grand intérêt sauf son climat … et la gentillesse des Guillet, rencontrés une fois il y a deux ans à la table d’un mariage, depuis 30 ans ici. Quel plaisir de se retrouver dans une vraie maison d’expatriés ! Chez des gens qui savent ce que voyager veut dire. On continue à y recharger nos batteries au bord de la piscine (eau à 18°, mais gros soleil) avant d’envisager des routes vers l’Est, le désert. On va voir ce que Philippe me prépare !

8 – Nouveaux Pèlerinages !

8 - Nouveaux pélerinages

8 – Nouveaux pélerinages

Les Perrin – Je n’avais pas remis les pieds au Maroc depuis 1956, date de l’Indépendance. Papa y vivait depuis 1935 ; il avait 22 ans lorsqu’il y est arrivé, 7ème d’une famille de 8 enfants, orphelin de père. C’était l’époque où les jeunes qui cherchaient du travail s’expatriaient dans « les colonies ». Il fut pendant 20 ans le responsable administratif et financier de l’Office d’Irrigation des Beni Amir, chargé de l’irrigation de la plaine du Tadla, à Fquih ben Salah. En septembre 1948, j’avais 2 mois, il y fit venir sa jeune épouse, et l’installa quelques semaines plus tard dans une maison appartenant à l’Office. Yves et Jean Luc naquirent à Khouribga, à 40 km au nord, où les phosphates possédaient une clinique digne de ce nom ; Odile à Fquih, dans notre maison même ; et Emmanuel à Casa, la veille de l’Indépendance. J’ai donc grandi à Fquih jusqu’à l’âge de 8 ans. Mon grand père maternel s’y fit construire une maison où il venait passer les mois d’hiver. La communauté des Français de Fquih, fonctionnaires, employés de l’Office, et quelques agriculteurs colons, y avait notamment un « Club », avec piscine … et une église. 54 ans plus tard, quelles traces de ce passé pouvais-je bien essayer de retrouver ?

La route de Casa à Khouribga n’est guère fréquentée par les touristes. La ville de Khouribga est restée le centre d’exploitation des minerais de phosphates, dont le Maroc est de loin le premier détenteur mondial de réserves. De Khouribga, la route descend du « plateau des phosphates » (1.000m), parsemé de terrils et d’exploitations à ciel ouvert, vers l’immense plaine du Tadla, bordée au Sud par l’Oum el Rabiaâ et le haut Atlas. Fquih (470m) s’y est construite en son milieu ; la ville organisa une fête en 1955 à l’occasion de son 500ème habitant ; c’est aujourd’hui une ville de plus de 100.000 habitants, où, à part le marocain, l’on y parle plus italien que français, sa population envoyant ses hommes travailler dans l’industrie automobile du Piémont.

Dès le panneau d’entrée de Fquih ben Salah, j’ai demandé où se trouvait « le Club » : « 1ère à droite au 1er rond point » ; et « oui, les sirènes sont toujours en place ! ». Et là, le choc ! Comme si j’étais parti hier … sur la gauche, un petit portique propret, où des gardiens me laissent entrer ; des fauteuils et tables basses nickel ; le petit bain ; le grand bain (vide ; on est en février ; il a fait -2°C ce matin !) où j’ai fait mes premières brasses ; les trois sirènes aux poitrines dénudées ; les tennis … avec des joueurs ! Le bar, avec ses miroirs et ses coupes sportives. Le tout, dans un état impeccable ; les carrelages sont d’époque, mais superbement entretenus. Moins de 100 m plus loin (seulement ?), sur la droite, après la « maison ronde », au carrefour, « notre » maison, qui appartient toujours à l’Office, mais son occupant habite Rabat ; le gardien me laisse entrer sur intervention de passants, anciens de l’Office, qui se rappellent très bien de « Monsieur Perrin ». La végétation a un peu changé, mais tout est là, d’origine ; les portes et volets, la cour d’Allal, le boy, la pergola … et même la piste en ciment que Papa avait fait construire pour que nous puissions faire du patin à roulette sans courir les rues. En face, la maison de Grand’Père, à étage, sous ses bougainvilliers et 50m plus loin, l’Eglise, occupée par un centre de formation professionnelle. Un ménage, tous deux retraités de l’Office (c’est, apparemment, encore aujourd’hui, le 1er employeur de la ville), nous invite à prendre le thé. Les marocains sont fiers des réalisations de l’Office, qui a transformé la plaine du Tadla grâce aux seghias, ces milliers de kilomètres de mini aqueducs, qui traversent routes et chemin par des siphons, et irriguent l’immense verger parsemé de cultures maraîchères (le coton a été abandonné depuis longtemps). Ils sont également très fiers de leur décolonisation réussie par comparaison avec leur voisin algérien. Quant à moi, je suis assez fier de la fierté des Marocains sur cette page de leur passé colonial !

Les de Laâge – Quelques dizaines de kilomètres au sud de Fquih, après avoir traversé l’oued Oum el Rabiaâ, se trouve un carrefour de route où la tribu des Nemaâ tient marché le samedi : Souksebt des Ouled Nemaâ. Ici ont  vécu quelques années après l’Indépendance la « Poupette » du précédent pèlerinage, son mari Philippe, et notamment leur fils Patrick, scolarisé à Beni Mellal, qui nous accompagnait avec sa moto. Si nous n’avons pas pu visiter la maison – ses habitants étaient partis pour le week end – un voisin et sa jeune épouse nous ont accueillis avec les mêmes gentillesse et attentions autour de thé et gâteaux dans leur maison en construction qui appartient aussi à l’Office d’Irrigation, où ils travaillent. L’émotion de Patrick était aussi grande que la mienne, même s’il avait déjà fait ce pèlerinage !

Au dessus de Fquih ben Salah, Souksebt et Beni Mellal se déploie la formidable barrière montagneuse de l’Atlas, dans laquelle nous avons pu randonner deux jours à moto, au milieu des amandiers en fleurs sur fonds de hauts sommets enneigés, jusqu’à Marrakech. Un grand moment que nous partagerons dans le prochain blog, dans quelques jours.

7 – Pèlerinages !

 

7 - Pélerinages

7 – Pélerinages

Commencer notre tour du monde par le Maroc paraissait tout naturel parce que les maisons de nos parents respectifs ont toujours été pleines d’objets et bijoux marocains, sans parler des albums de photos.

Les Clédat – Ce n’est qu’arrivée à Fès que Véronique a réalisé qu’il n’y avait pas seulement eu ses grands parents maternels à Meknès pendant plus de vingt ans, mais aussi ses grands parents paternels à Fès pendant quelques années, entre 1923 et 1926. Le Capitaine de cavalerie Robert de Clédat fut en effet en garnison à Fès avec son épouse Odette Favin Levêque et leurs trois enfants, Hubert, Martial et Solange. Martial est le père de six enfants, dont Véronique. Cette dernière a donc demandé plus de précisions sur ce séjour à son frère Hubert, généalogiste archiviste de la famille, lequel a immédiatement envoyé par email quelques rares photos et documents d’époque dont la plupart figurent ici en annexe ou album … et ont pu être recoupés sur le terrain. Parmi eux un succulent « Projet d’excursion » de la main du capitaine de Clédat méritant le détour Projet d’excursion Sidi Harazem.doc. Il en résulte l’esquisse très vivante d’un tableau de la vie d’un officier de cavalerie menant la joyeuse vie coloniale quand il ne faisait pas la chasse aux « partisans » d’Abdelkrim pendant la sanglante guerre du Rif ; malgré les protestations de Lyautey, la guerre menée par Pétain fut féroce et radicale ; menée conjointement avec l’Espagne, Franco y gagnera galons, notoriété, et goût pour la manière forte, mais y perdra … un testicule. Vous trouverez plus de détails dans les légendes des photos.

Les Compreignac – A Meknès en revanche, nous savions que Betty, la femme du Martial ci-dessus, la maman de Véronique, avait été pensionnaire pendant ses trois années de lycée après avoir grandi sur le « bled » d’El Hajeb avec ses parents Robert et Madeleine de Compreignac. La famille était arrivée en 1928 ; sa sœur Poupette et son frère Pierrot étaient nés à Meknès. Nous n’en savions guère plus. C’est un fils de Poupette, Patrick de Laâge, résidant à Casablanca, qui viendra nous rejoindre quelques jours avec sa Yamaha 125cc pour nous faire visiter les lieux … et nous faire partager ses archives personnelles. Parmi elles, outre quelques aquarelles de Bonne Maman, un extraordinaire plan cadastral de la plaine du Saïs de Meknès à El Hajeb, sur lequel figure le bled Compreignac, mais qui montre surtout que l’ensemble des parcelles étaient exploitées par des agriculteurs français. Nous avons fait alors deux rencontres éloquentes : d’abord celle de l’un des frères TOUAB qui exploitent aujourd’hui les terres « de Bon Papa » ; résidant à Meknès (40 kms), et ne s’entendant pas avec ses frères pour les investissements, il dit souffrir du manque d’ardeur et du mauvais esprit des ouvriers agricoles ; d’où la mécanisation maximum. Ensuite une famille d’agriculteurs français venue prendre en fermage il y a deux ans un bled de 200 ha à Boufakrane appartenant à l’état marocain ; comme M. TOUAB, M. JANVIER se plaint de l’esprit frondeur des ouvriers agricoles, investit en mécanisation, et habite Meknès ; mais il a déjà recédé ce premier fermage après remise en état du bled, et en vise un second de 700 ha … les agriculteurs français reviendraient-ils ? La visite sur le bled d’El Hajeb aura par ailleurs été pour nous l’occasion de tester un peu nos motos sur piste et boue !

De retour à Meknès, Véronique s’est fait chaperonner par Sœur Dominique (dite Daouia, franciscaine) pour faire des emplettes de broderies au point dit « de Meknès », aujourd’hui introuvables et visiter le pensionnat de sa mère, qui s’appelle toujours « Notre Dame » et accueille 600 élèves. Il est situé juste en face de « Cornette », où sont nés Patrick et sa mère Poupette.

Tout cela ne nous aura guère laissé le temps de visiter les beautés de Meknès avant de reprendre la route en descendant vers l’Océan et Rabat, où nous sommes restés deux jours complets en compagnie de Patrick. Nous y avons joué aux touristes parfaits, laissant passer les averses en nous réfugiant dans des cafés « maures » ou des musées. Entre les averses, un gros soleil sur une mer agitée faisait chauffer les couleurs et les contrastes. La ville est aérée et pleine d’élégants témoins d’une longue histoire remontant aux Phéniciens et aux Romains, puis agitée par la piraterie et les révoltes des tribus berbères. C’est au Musée archéologique de Rabat qu’on peut admirer les bronzes trouvés à Volubilis, notamment un Caton (dit d’Utique, il fut le dernier adversaire battu par César après Pharsale, d’où son surnom de « dernier romain de la République »), un Juba II (roi berbère lettré, marié à la fille de Cléopâtre et Antoine) et un « éphèbe couronné de lierre », tous coulés autour du début du 1er millénaire.

Notre cousin Patrick nous a ensuite accueillis à Casablanca dans son appartement pour achever notre remise en condition : chauffage, eau chaude avec pression, Internet rapide et terrasse ensoleillée nous ont permis pendant quatre jours non seulement les lessives, blog, téléphones, pneu de la Transalp de Véronique, et autres petits réglages à parfaire avant notre tournée vers le Sud, mais aussi de visiter les pauvres ressources touristiques de cette ville surtout embouteillée, mal entretenue et bruyante.

Prochain rendez-vous dans une quinzaine de jours à Agadir, si la famille Guillet est toujours prête à nous accueillir. La météo à Beni Mellal annonce -2°C le matin pour le week end prochain

6 – Trois semaines dans la médina de Fès

6 - Trois semaines dans la médina de Fès

6 – Trois semaines dans la médina de Fès

S’installer pour plusieurs semaines chez l’habitant dans la plus grande médina du monde est une expérience inoubliable. Nous sommes en hiver (entre 1° et 3° C la nuit, 8° à 12° le jour), et, en cet hiver 2010, il y pleut pratiquement tous les jours. Les maisons s’y entassent dans un invraisemblable empilement anarchique de ruelles étroites qui labyrinthent sur les pentes de collines souvent très raides. Si l’ensemble est peut-être confortable lors des fortes chaleurs, aménageant cours ombragées et courants d’air, les maisons n’y sont pas chauffées, et nous nous glissons la nuit d’abord dans notre sac de couchage avant d’insérer le tout sous les couvertures. La médina est entièrement enserrée dans des remparts ondulant sur les collines ; ils sont percés de portes (« Bâb »), souvent somptueusement décorées, environ tous les 500 m. Comme dans toute grande ville, elle s’organise autour de dizaines de quartiers ayant chacun mosquées et hammams, ainsi que des activités ou commerces spécialisés. Dès qu’on s’écarte des deux « grandes » ruelles touristiques qui descendent de la porte principale Bab Boujloud vers l’oued Fès et l’immense mosquée Quaraouyine (fondée par une pieuse femme de Kairouan au IXème siècle), il est très facile de se perdre dans le dédale des souks et quartiers d’habitation de plus en plus populaires au fur et à mesure que l’on va vers l’Est. Même dans ceux-ci, la plupart des habitants parlent suffisamment français pour vous remettre dans la bonne direction … que vous aurez reperdue trois coins de rue plus loin, n’ayant pas pu refuser d’entrer dans tel ou tel atelier d’artisan fier de vous montrer son ouvrage.
Quelque cent cinquante mille fassis vivent et travaillent entre les remparts. L’approvisionnement des marchés pour la vie quotidienne des habitants (viandes, poissons, fruits et légumes, épicerie, quincaillerie, vêtements, ameublement, …) tout comme celui des milliers d’ateliers artisanaux (ébénisterie, maçonnerie, plomberie … avec aussi bien sûr le célèbre « artisanat » de Fès) génère une intense circulation dans ces ruelles très étroites et souvent si pentues qu’on y aménage des marches. Les moyens de transport les plus usuels sont le mulet, l’âne, la charrette à bras et le dos d’homme, tout engin mécanique étant impossible d’utilisation. On transporte ici des peaux de mouton fraîchement écorchées vers la tannerie à ciel ouvert au milieu de la ville ; on enchère là sur les peaux tannées. On martèle ici le cuivre ; on tisse ou brode là à la manière berbère. On taille ici le marbre funéraire ; on applique là minutieusement un décor de peinture sur des huisseries sculptées. On arrime ici un 3ème colis d’1m3 et 60kgs sur un mulet chancelant ; on court là à grands cris et force coups de bâton après un bourricot qui a entraîné ses cinq frères aussi surchargés que lui dans la mauvaise rue. Et partout bien sûr, les souks où l’on fait des affaires !
Au milieu de tout cela, d’innombrables fontaines publiques richement décorées où chacun s’occupe ; des fondouks (littéralement « hôtels » … pour les marchandises, avec des chambrettes pour leurs commerçants) organisés sur trois étages autour de leur cour plus ou moins rectangulaire ; les mausolées de tel pieux cheikh ou imam ; les mosquées bien sûr, avec leur minaret, leurs salles d’ablution, et leur salle de prière donnant directement dans la rue, par les portes desquelles s’engouffrent ou se déversent les foules en burnous cinq fois par jour, tel un torrent pressé. Et puis, derrière de nombreuses portes pas forcément riches ni entrouvertes, peuvent se découvrir si l’on ose les pousser, des « medersas » (pensionnats coraniques), des « dar » (maisons bourgeoises), des « riad » (maisons avec jardin), ou des palais dont l’immense majorité a été construite depuis le XIXème siècle et se trouve au bord de la ruine, la restauration trouvant manifestement plus facilement des fonds pour les mosquées ou mausolées.
L’ensemble donne une impression de grouillement fouillis et très actif, où se côtoient richesses ostentatoires et indigence. L’eau courante, l’électricité et le tout à l’égout fonctionnent à peu près normalement, et les rues sont globalement propres compte tenu de ce qui s’y passe.
La famille Sahni chez qui nous habitons possède une maison tout à côté de la Bab Ziat, dans les beaux quartiers sud, haut sur la colline, loin (5’) du grouillement commerçant ; la cour est pavée de mosaïques, et possède sa fontaine, un oranger et un mandarinier : il s’agit donc d’un riad. Il y a la maîtresse de maison, Lalla Fatima, qui me fait penser à Véronique quand elle accueillait ses étudiantes à la maison ; elle a le sens naturel de l’accueil, prépare une cuisine familiale extraordinaire, et reçoit tous ses invités comme des amis de longue date avec l’aide discrète de sa fidèle Wafa et de son mari Moukhtar. La chambre familiale qui jouxte la nôtre accueille également ses trois derniers enfants de 15 à 21 ans, Raja, Hamza et Aziza, très actifs autour du wifi ; les deux aînés étudient ou travaillent en Allemagne. Si vous avez l’occasion de venir dormir à Fès, ne manquez pas d’essayer de venir loger chez « Lalla Fatima », très bien référencée sur l’Internet. La proximité de la Bâb Ziat permet d’échapper en quelques pas à la claustrophobie qui peut vous prendre dans la médina, et l’authenticité des relations qu’on y noue relativise l’exiguïté générale propre à toute vie dans une médina.
Pour notre dernière semaine ici, nous avons tiré nos motos de leur sommeil dans un garage généreusement prêté par un ami marocain à 5 km de la médina, et les avons remises en route au quart de tour ; après un petit réglage de la tension des chaînes / contrôle des niveaux / pression des pneus dans un atelier de rue orné d’un panonceau « Honda », elles paraissent impatientes d’en découdre avec les routes (ensoleillées ?) du sud. Nous leur donnons un peu d’exercice en allant tous les matins à l’autre bout de la ville prendre des cours de marocain. De plus, la météo s’annonce meilleure pour les jours qui viennent, et il y a beaucoup à voir dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres. Et c’est donc la semaine prochaine que nous devrions à nouveau prendre la route vers l’Atlantique et le Sud pour un grand tour de 2.500kms.
Nous présentons nos meilleurs vœux de santé et de prospérité à tous nos lecteurs pour la nouvelle année, et vous redisons combien nous sont précieux tous les messages d’encouragement que vous postez par email ou sur le blog.
PS La parenthèse parisienne nous a permis de faire connaissance avec Léa et de passer les fêtes de fin d’Année dans un grand bain familial relaxant. Cet aller retour fut un choc ; on ne sait plus trop si la couette de notre appartement est à cinq heures, cinq semaines ou cinq siècles d’ici !

11 – Un retour cahotique

11 - Le retour

11 – Le retour

Juste un petit mot à tous nos lecteurs pour leur indiquer que nous sommes rentrés à Paris le 4 février 2009, jour de la Ste Véronique. C’était urgent ; elle avait pris, avant le départ, un rendez-vous avec ses copines !

Après avoir récupéré nos bicyclettes à Burgos, nous sommes arrivés en train à Irun dans les heures qui ont suivi le passage de la tempête du 24 janvier, nous valant du vélo sous la pluie et le vent entre les troncs d’arbres et les tuiles cassées entre Fontarrabie et St Vincent de Tyrosse (photos ci-jointes !), où l’électricité n’est revenue que 8 jours après l’apocalypse.

Nous avons profité pendant 4 jours d’un repos que nous estimons bien mérité pour visiter Bordeaux, ville que nous ne connaissions pas du tout, et ce par une météo presque printanière.

Après être parvenus à prendre le TGV pour Tours avec nos bicyclettes, l’hiver nous y a violemment heurté avec une lumière glauque et une glaciale pluie verglaçante. Il m’a fallu des trésors d’optimisme pour nous empêcher d’acheter tout de suite des billets de train pour le TER de Blois !

Récompense éblouissante au lever du jour : non seulement « grand beau grand bleu » mais le froid a conservé le verglas d’hier, qui étincelle de mille cristaux accrochés aux haies comme aux fils, aux arbres comme aux prés. La féérie … et le froid, nous permettront d’avaler plus de 80 kms avant la tombée du jour. Nos derniers coups de pédales nous mènent aux Bichetières, perdues au milieu des bois de Chambord, où nous rejoint notre tante Christine de Larminat, et où nous laissons nos bicyclettes. Le lendemain, en train vers Paris, la campagne a retrouvé sa grisaille embrumée. Heureusement, nos cœurs sont encore chauds et lumineux de trois mois de vadrouille pour affronter le retour sur la table d’opération.

 

N’hésitez pas à nous laisser un commentaire avec vos coordonnées email si vous souhaitez nous poser des questions sur notre équipement et/ou notre itinéraire.

La suite de nos aventures sur http://lesperrinchapitre2autourdelamediterranee.blogs-de-voyage.fr/

5 – De Tanger à Fès

5 - de Tanger à Fès

5 – de Tanger à Fès

Eh bien nous y voilà, de l’autre côté de ce détroit, de ces « colonnes d’Hercule » qui ont marqué si longtemps le bout du monde civilisé, quand on arrivait de l’Est, c’est-à-dire de Tyr, Phocée, Carthage ou Rome. D’un côté, nous changeons de continent, non seulement géographique, mais aussi culturel. D’un autre côté, il s’agit toujours en fait de la même terre que l’Andalousie, avec le même climat et les mêmes cultures : le rocher de Gibraltar se voit parfaitement des remparts de Tanger, et le dépaysement n’est que très relatif : c’est l’avantage de notre voyage par voie de terre. D’autant plus que l’accueil proverbial des marocains a fonctionné dès le pied posé à Tanger.

Nous avons souhaité un temps d’acclimatation pour notre entrée au Maroc, avec deux premières nuits à Tanger ; nous avons pris le temps de visiter sa Casbah, ses grand et petit « Socco » (places de la médina) et son « vieux » quartier européen, en découvrant le thé à la menthe, les cireurs de chaussures … et les dealers qui infestaient le terrain vague jouxtant l’hôtel. Le site de cette ville internationale est superbe, et l’animation de ses rues fait oublier l’état de délabrement des immeubles coloniaux.

120 kms d’excellentes routes plus loin, ponctuées de jeunes gens brandissant des paquets de kif, et après une pause thé/café à Tetouan (300.000 habitants – ancienne capitale du Maroc espagnol), c’est Chefchaouen, capitale religieuse du Rif, qui nous accueillait pour une nouvelle escale pittoresque. Sa médina, accrochée aux pentes du Djebel Tissouka dont les 2000m étaient couverts de neige, est quasi intégralement – murs comme sols peinte dans une gamme de bleus les plus divers ; le spectacle vaut le détour ! Quand à l’accueil des chaouenis, il fait complètement oublier qu’il y a moins d’un siècle, tout chrétien qui y était surpris était empoisonné ; le premier qui en revint vivant était Charles de Foucault, qui s’était déguisé en rabbin !

Nous n’avions plus alors qu’environ 200 kms pour atteindre Fès, notre destination provisoire. Après la montagne boisée comme en Europe, la route descend plein sud dans la plaine où la terre et les oueds sont rouges de limons fertiles. Les routes sont presque aussi roulantes, n’eussent été la pluie qui les rend boueuses, et du gasoil sur la route pendant une dizaine de kilomètres – c’est comme du verglas , épreuves dont nous sommes sortis à peine émus, mais un peu crottés.

C’est à Fès en effet que, première ville « mythique » de notre périple autour du monde, nous souhaiterions jeter l’ancre jusqu’au printemps, nous donner le temps de découvrir le Maroc autrement que comme des touristes, y vivre « comme des expatriés ». Et de cette capitale royale, à l’incroyable médina dont les murs millénaires enferment quelque 150.000 habitants (Fès en compte un million …), nous espérons, si nous y trouvons un gîte accueillant pour un coût raisonnable, pouvoir explorer bien sûr le Maroc dans tous les sens avant de poursuivre vers l’est. Pour l’instant, nous avons commencé, à deux sur la même moto, des circonvolutions autour de la médina pour en prendre la mesure, les dénivelés, et l’inventaire des portes d’accès. Philippe tient le guidon, et Véronique la carte ; dialogue : lui « On va où ? » elle « à gauche » – Il va tout droit – elle « ??!! » (intraduisible) lui « je te demande ton avis et c’est moi qui décide où on va » ; on s’est beaucoup perdu ! Puis nous sommes lancés à pied, et avons trouvé une maison d’hôte pour deux nuits derrière les murs après trois nuits dans un hôtel de la ville européenne ; comme il pleut à verse depuis que nous sommes arrivés, et que le charme de la ville tient entre autres à l’ombre de ses cours et murs par gros soleil, cela semble un peu glauque de prime abord, mais l’hôtesse me fait penser à Véronique accueillant ses étrangères à la maison à Paris il n’y a pas si longtemps : une vraie Maman !

Là-dessus, Marie Noëlle et Christophe viennent de nous annoncer l’arrivée d’une petite Lea née le 18 décembre à Paris ; nous venons de trouver à caser nos motos dans un garage et sautons dans un avion pour venir lui souhaiter de vive voix bienvenue dans la famille Perrin.

Nous souhaitons à tous de joyeuses fêtes de fin d’Année !