Category Archives: Albums

9 – Les Turquies d’Ani à Ankara

9 - Les Turquies d'Ani à Ankara

9 – Les Turquies d’Ani à Ankara

Cette traversée de la Turquie orientale en hiver aura été d’une diversité inattendue ! Nous sommes passés sans transition des ruines désolées de l’ancienne capitale arménienne d’Ani (100.000 hab., dit-on, au tournant du précédent millénaire) à l’ambiance glacée d’Erzurum (-22°C le matin), ville universitaire de 500.000 hab. et surtout 70.000 étudiants située à 1.900 m. d’altitude…, puis dans les douceurs de l’ancienne capitale byzantine de Trébizonde (XIII – XVème s.) au bord de la mer Noire, avant de découvrir la fabuleuse Amasya, corsetée dans sa gorge dramatique, nécropole des Rois Mithridate du Pont qui régnaient de l’Anatolie jusqu’en Colchide et Crimée (III-Ier s. BC), puis ‘Dauphiné’ des Ottomans qui y envoyaient se former comme gouverneurs leurs futurs sultans. Poursuivant notre route vers l’Ouest, nous avons fait une escale ‘rafraîchissante’ (cf. album) à Bögazkale/Hattusha, la capitale des Hittites, avant de plonger dans une Ankara encore toute dédiée au culte d’Attatürk Mustapha Kemal. C’est pourquoi nous avons intitulé cette note ‘Les Turquies’, tant la diversité des héritages rencontrés nous a paru démentir la ‘turquéité’ du pays. Juste avant d’avoir à escalader le col de Zigana d’où les Grecs de Xénophon aperçurent enfin la mer (‘Thalassa ! Thalassa !’) après leur fameuse retraite (‘l’Anabase’ – IVème s. BC), se trouve la ville de Gümüshane ; lors des ‘Tanzimat’ (équivalent turc de la ‘perestroïka’ russe : pendant quarante ans – 1839-1876 l’empire ottoman essaie de se moderniser), le Sultan proclama non seulement la liberté de conscience, mais le droit pour tout citoyen ottoman de pratiquer librement la religion de son choix ; quelle ne fut pas la surprise des imams de voir se déclarer chrétienne la majorité crypto-chrétienne de la population de la ville conquise par les Ottomans depuis trois siècles ! Nous espérons que l’album de photos joint vous donnera un bon raccourci des merveilles croisées sur notre route.
Revenir en Turquie après nos semaines en Iran, Arménie et Géorgie nous fait également d’une certaine façon revenir dans un niveau de développement ‘européen’, nonobstant une grande pauvreté rencontrée dans les campagnes les plus reculées de l’extrême nord est du pays. Dès la frontière géorgienne passée, et nous retrouvons d’excellentes routes même dans les coins les plus reculés, des villes très propres, bien éclairées, au mobilier urbain que ne renierait pas Mr. Wilmotte, des commerces modernes et bien achalandés, des distributeurs de billets partout, des concessionnaires auto de toutes marques aussi bien équipés qu’en France et même une administration apparemment efficace quand nous avons cherché à régler nos problèmes de douane pour la voiture (à vérifier toutefois à Marmaris dans huit jours !). Une seule et paradoxale exception : la capitale Ankara, qui fait vraiment tache dans la modernité turque.
Revenir en Turquie, c’est surtout être immédiatement abordé dans la rue, non pas par des gens qui comme en Iran cherchent surtout un contact avec l’extérieur, mais par des passants sincèrement curieux de savoir qui nous sommes, d’où nous venons, où nous allons, si la Turquie nous plaît etc… Dès Kars, c’est un Turc, guide pour touristes, qui s’étonne d’en voir deux dans ces régions à cette époque ; à Erzurum, ce sont deux jeunes étudiantes qui nous accompagnent jusqu’à l’entrée du restaurant que nous cherchons ; à Trabzon, c’est Bogaçhan qui sort de sa boutique alors que nous admirons ses maquettes en vitrine, et qui nous y invite à boire le thé avec son oncle ; c’est encore Djamila et ses copines qui nous taquinent dans une boutique où nous cherchons en vain des cadeaux de Noël qui approche pour toute notre progéniture. En bref, c’est toute une tradition d’accueil de l’étranger si célébrée en terre d’islam que nous retrouvons avec plaisir. Quand cette tradition d’hospitalité se cumule enfin avec un raffinement général dans la politesse des gens, la cuisine ou le soin avec lequel les maisons sont aménagées, vous aurez compris que je rêve d’y revenir au printemps ou à l’automne avec une volée de motards pour profiter de son réseau routier exceptionnellement scénique ! Le seul ‘bémol’ d’importance à ce tableau idyllique : les anciennes églises chrétiennes qui n’ont pas été transformées en musées ou mosquées tombent en ruines et devront être rasées par salubrité publique si rien n’est fait dans la décennie qui vient.
Nous vous écrivons de Bursa, la première capitale des Ottomans, à quelques kilomètres de la mer de Marmara. Dans huit jours, les voyageurs que nous sommes prennent des vacances (enfin !) : Bernard rentre à Paris retrouver sa famille pour Noël ; et Philippe fait venir sa famille à Rhodes (Grèce) ; d’où les problèmes douaniers évoqués ci-dessus pour laisser la voiture en Turquie alors que nous n’avons pas pu obtenir de la faire mettre sur le Carnet de Passage en Douane. Ce n’est donc que début janvier que nous devrions vous raconter les merveilles des faïences d’Iznik, des soies de Bursa, des temples de Troie, Pergame ou Ephèse, le spectacle des Dardanelles et les oliviers de la mer Egée.
Pour tout savoir sur les merveilles que nous avons vues, vous savez qu’il faut cliquer sur l’image ci-dessous ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et joyeuses fêtes de fin d’année !

9 – Les Turquies d’Ani à Ankara

Bonus 4 Complainte de la Honda: Vaincre le nœud géorgien

Bonus 4 - Complainte de la Honda : Vaincre le noeud géorgien

Bonus 4 – Complainte de la Honda : Vaincre le noeud géorgien

C’est de routes d’hiver entre trois capitales
Erevan, Tbilissi, Ankara (la totale !)
Dont je vais vous parler en vers de mirliton.
Philippe comme Bernard sans considération
Pour mon âge avancé m’ont jetés sur des routes
Où l’on a échappé de peu à la déroute
J’y ai subi le pire plutôt que le meilleur
De la pluie, de la neige et en plus par ailleurs
Des chemins défoncés, de vastes nids de poules
Des descentes d’enfer, et des camions maboules.
L’Arménie tout d’abord je vous l’ai déjà dit
Entretient mal ses routes, c’est dit sans perfidie.
Çà plus tous mes ennuis, j’avais de l’allergie
Du coup j’étais heureuse de filer en Géorgie
Mais c’était sans compter sur mes deux occupants
Qui se sont ingéniés par neige et mauvais temps
A me faire grimper jusqu’à la frontière russe
Où même les camions voire les autobus
Se faisaient remorquer pour passer dans les cols.
Un autre jour on prit une piste agricole
Pendant des kilomètres pour voir un monastère
Perché sur un rocher au bord de la frontière
Avec les Azéris. Mais pourquoi un tel coin
Perdu et isolé. Dieu est-il donc si loin ?
Pour le vérifier, dans la neige abondante
J’ai du tracer la piste en montée et descente
Pour aller visiter les moines de Sapara
Des gens peu accueillants qui nous ont battu froid.
Au moment de quitter le pays des Géorgiens
Ce diable de Bernard est parti prendre un train
Une expérience riche (voir l’précédent Bonus)
Du départ sous la neige jusques au terminus.
Du coup nous sommes partis un peu tard en Turquie
Il neigeait, le blizzard au col d’llgar Dağı
Traversait le brouillard : des conditions de rêve !
Fallait que je m’accroche pour ne pas faire grève.
En arrivant à Kars, et pire à Erzurum
C’est du côté du froid qu’on atteignit le summum
Toute seule dans la rue il y faisait moins vingt
Et mes deux sbires de dire : “de quoi donc tu te plains ?
On a vu Ararat depuis Ani, grandiose
Et puis changé tes freins dans un garage virtuose”
Comme si ces attentions compensaient la démence
De ces routes glacées sur des plateaux immenses.
Enfin par un miracle on atteint la mer Noire
Qui est bleue comme le ciel (faut le voir pour le croire)
J’ai bien aimé Trabzon et tout le bord de mer
Mais on est repartis vers l’intérieur des terres
Au pays de Gordias celui du nœud gordien
(Vous aviez tous noté qu’il n’était pas Géorgien,
Même si ces pays sont un vrai sac de nœuds
Qui se tranchent par des guerres qu’ils font souvent entre eux)
Puis dans des ruines Hittites, puis vers la capitale.
Enfin on roule vers l’Ouest ça me semble normal
Mais après Ankara va savoir quelle route
Mes retraités vont prendre ? Vers le Sud sans doute
Puisqu’ils veulent à Rhodes aller passer Noël
Comme si c’était l’île où y coule le miel
Alors qu’en plein décembre ils vont attraper froid
On ferait mieux d’rentrer moi je n’attends que ça.

Pour les photos: cliquez sous les vaches!

Bonus 3: Chemin de fer en Géorgie

Bonus 3 : chemin de fer géorgien

Bonus 3 : chemin de fer géorgien

 

Quand on n’a pas de tête il faut avoir des jambes
Ou des roues, ou des rails, ou encore mieux l’ensemble
Pour aller par exemple chercher à Tbilissi
Un jour de neige intense son malheureux ordi
Que l’on a bêtement à l’hôtel oublié
Quand on vient d’arriver juste à Akhaltsikhe.
La toujours brave Honda s’apprêtait à foncer
Mais passant Borjomi la neige était tombée
Et Bernard fut prudent d’aller voir à la gare
S’il pouvait prendre un train qui partait sans retard.
Les bus étaient en rade et les taxis de même
Le train fut assailli aussitôt qu’il s’emmène
Par des jeunes étudiants, des mémés à bagages
Des quinquas fatigués, et des flics sans âge.
A ce propos un mot concernant les habits :
Tous sont vêtus de noir, les plus heureux de gris
Philippe en blouson rouge comme un diable pas sage
Fais tache de couleur dans ce morne paysage.
Nous quittâmes la gare à seize heure quarante
La neige tombait dru, la voie était en pente
Et suivait la vallée du fleuve Mtkvary
Qui passe à Khashuri, Gori et Tbilissi.
L’omnibus fit de même en s’arrêtant partout
Aux passages à niveau, près des ponts, dans des trous
Chargeant des passagers dans les wagons bondés
Qui se trouvaient debout, serrés voire entassés.
Cent cinquante kilomètres parcourus en cinq heures
Je n’vous dis pas comment ça sentait le bonheur !
Enfin – il faisait nuit depuis longtemps déjà –
Arriva Tbilissi où le train s’arrêta
La foule descendit sur les quais verglacés
C’était le terminus nous étions arrivés.
Féru de voies ferrées, j’ai filé dans l’métro
Pour regagner l’hôtel. Accueilli en héros
Pour avoir par ce temps atteint la capitale
Je fus reconnaissant de leur esprit loyal :
Ils avaient bien rangé mon ordi favori
Tout y était, et du coup j’y ai fort bien dormi.
A sept heures du matin derechef à la gare
Je reprenais le train l’esprit un peu hagard.
Cinq heures dans l’autre sens ce n’était pas le rêve
Et cinq heures c’est long quand la nuit fut si brève.
Des marchandes de beignets, de stylos, de loupiottes
Passaient et repassaient vendant leur camelote.
La neige tombait toujours et les mêmes arrêts
S’avéraient inutiles pour les rares passagers.
Les contrôleurs nombreux faisaient preuve de zèle
En vérifiant dix fois les tickets : irréel !
J’ai payé quatre Laris pour cet aller-retour
Soit un Euro cinquante, c’est un faible débours
Surtout au prix de l’heure ! Quoique si j’avais pu
Pour aller bien plus vite j’aurais pu payer plus.
Mademoiselle Honda était à Borjomi
Quand elle m’a retrouvé je crois qu’elle a souri
Elle vous racontera sous peu ses exploits mieux que bien
Elle voudrait les titrer « vaincre le nœud géorgien ».

Lien photos (cliquez sur la légende de l’image ci-dessus):

8 – Hiver encore en Géorgie !

8 - Hiver encore en Géorgie !

8 – Hiver encore en Géorgie !

 

La Géorgie a la forme géographique d’une selle : une large plaine s’étend de la mer Noire aux steppes qui redescendent vers la mer Caspienne en Azerbaïdjan. Cette plaine est bordée au Sud par le Caucase arménien des Monts Ararat (5.165m) et Aragats (4.090m), et au Nord par le Grand Caucase des Monts Elbrouz (5.642m : c’est le point culminant de l’Europe !) et Kazbek (5.033m). Ses capitales religieuse et politique, Mtskhéta et Tbilissi, sont situées sur le versant Est, aux débouchés ouest et est de la gorge empruntée par la rivière Koura (Mktvari en géorgien). La partie ouest du pays (Imérétie), au bord de la mer Noire, est l’ancienne Colchide des Grecs qui y avaient un comptoir (Poti) dès le Vème s. BC ; ses orpailleurs donnèrent naissance au mythe de Jason, des Argonautes et de la Toison d’Or. La partie est du pays, anciennement connue sous les noms d’Ibérie (rien à voir avec l’Espagne !) et d’Albanie (là non plus !), constitua très tôt le royaume indépendant de Kartlie, qui se convertit au christianisme dès le IVème s., et qui fit, sous la dynastie arméno-géorgienne des Bagratides (IX-XIème s.), l’unité du pays plus ou moins dans ses limites actuelles.
Lorsque la Russie d’Alexandre 1er décide de poursuivre son expansion vers le Caucase, elle mettra dix ans (1803-1812) à frayer la voie d’une « route militaire stratégique » nord-sud à travers les sommets du Grand Caucase… malgré l’opposition acharnée – qui dure encore aujourd’hui ! cf. les révoltes tchétchène et ingouche des populations qu’elle traverse ; la route franchit le Caucase par le ‘Col de la Croix’ (2.379m) en passant au pied du Mt Kazbek, et constitue toujours le principal axe routier reliant la Russie à ses voisins du Sud. Autant dire que lorsque nous sommes redescendus vers la Russie sur le versant Nord du très enneigé Col de la Croix (cf. photos des semi-remorques dans la pente…), nous nous sentions loin de la Géogie de Tbilissi… Eh bien pas du tout !
Alors que nous nous décidions, l’heure tournant trop vite, à ré-escalader le col vers le Sud, nous faisons une dernière halte auprès de la petite église de Sioni, perchée devant des parois emplâtrées de poudreuse ; un jeune homme, Erikli, nous aborde en anglais, puis en français… il venait de passer trois années en Belgique, et était en ‘discernement’ auprès de son ‘parrain’, pope géorgien. J’en profite pour essayer de savoir à quelle sorte ‘d’orthodoxie’ appartient l’Eglise géorgienne ; rapidement dépassé par mes questions, il appelle son parrain, et nous poursuivons la conversation au chaud dans la cure autour d’un jus de pêche. L’Eglise géorgienne est autocéphale ; elle est ‘grecque’ ; son ‘Katholikos’ est à Mtskhéta… mais quand j’essaie d’en savoir plus sur les ‘différences avec les catholiques’, très vite, le prêtre s’empourpre : il y a plein de différences ! Je tâte le terrain sur les subtilités du ‘filioque’ (notre St Esprit ‘procède du Père et du fils’, le leur que du Père) et de la ‘Theotokos’ (leur Vierge n’a ‘que porté’ Dieu, n’en est pas la ‘Mère’), mais il ricane sur notre église qui prétend être ‘catholique’ (‘universelle’) : ce qui est sûr, c’est que nous ne sommes pas ‘orthodoxes’ (‘dans la doctrine vraie’) ! Et quand j’évoque successivement les églises monophysite, syriaque, nestorienne, copte, assyrienne, à chaque fois tombe la sentence : hérétique ! Les ‘catholiques’ faisaient à l’évidence partie du lot ! C’est alors que je me suis rappelé que, quand Jean Paul II est venu célébrer en Arménie le 1.700ème anniversaire de sa conversion au christianisme, il avait fait l’escale de Tbilissi sans avoir pu même être reçu par le Katholikos de Mtskhéta… Cette anecdote pour rappeler que, si le Katholikosat de Mtskhéta semble disposer d’immenses ressources, et que les églises géorgiennes sont pleines de démonstrations de piété qui nous ont paru proches de la superstition, il s’agit d’une église ‘nationale’, au sens où l’on ne peut guère être un bon Géorgien si l’on n’appartient pas à l’Eglise géorgienne ; d’où l’âpreté avec laquelle les Géorgiens renâclent à restituer aux ‘étrangers’ les églises qui leur appartenaient avant la prise de pouvoir des Soviétiques. Dans ses difficultés avec ses voisins, et notamment avec la Russie (orthodoxe !) avec laquelle elle a été en guerre violente il y a trois ans, l’Eglise est aujourd’hui un ciment national nécessaire à l’identité du peuple.
L’autre trait qui nous aura marqué en Géorgie, c’est un dynamisme proche de celui que nous avions constaté en Turquie, même si le pays est très loin d’avoir rattrapé ce voisin : la plupart des magasins sont ouverts jusqu’à 21h, et les petits commerces jusqu’à minuit passé, les distributeurs de billets délivrent au choix des US $ ou des Laris (GEL), il y a de nombreux bâtiments neufs proches du somptuaire, de nombreuses voitures neuves, une vie culturelle et sociale intense, tout le monde semble ‘faire des affaires’… (la principale ressource en devises serait le commerce de voitures d’occasion !), en bref, nous sommes bien loin de l’Iran ou de l’Arménie. Parmi les explications proposées, nous avons retenu pêle-mêle : Pt Saakachvili est assisté d’un gouvernement extrêmement jeune (nombre de ministres ont moins de 35 ans), qui a mis en évidence un lien entre le libéralisme et la disparition de la corruption ; les Géorgiens ont construit des dizaines de commissariats de police flambant neufs et fait quasiment disparaître l’insécurité, les impôts et taxes sont très faibles par rapport à chez nous… Dernière raison, sans doute la plus importante : à la différence des deux voisins précités, les Géorgiens semblent ne pas faire de fixation sur les problèmes religieux (pour l’Iran) ou politique (pour l’Arménie) ; ils donnent l’impression de vouloir aller de l’avant pour montrer quelque part aux Abkhazes et aux Ossètes qu’ils ont eu tort de préférer la Géorgie à la Russie ! Il reste cependant bien sûr une grande misère dans les campagnes ; il y a toujours des mendiants aux portes des églises, ou des vendeuses de cierges qui donnent l’impression de n’avoir guère d’autres ressources pour survivre ; cela contraste avec la grande prospérité des monastères.
La météo nous ayant offert quelques heures de soleil à Tbilissi mais aussi beaucoup de temps gris, et encore plus de neige, nous avons louché rapidement sur un anticyclone paraissant coincé sur l’Anatolie ; au lieu donc de filer nous baigner sous les palmiers de la mer Noire, nous sommes retournés en direction du mont Ararat en remontant la rivière Koura que nous aurons finalement pu longer de la frontière azerbaïdjanaise à frontière turque. Bon choix ! Le Djavakh était bien au bord de l’anticyclone ; et les inaccessibles Sapara et Vardzia valaient à elles seules le voyage en Géorgie ! Bien sûr, nous avons un peu écourté notre programme ; mais nous avons aussi lu qu’il n’y a rien à voir à Poti, que les maisons ne sont pas chauffées à Batum, et qu’à Kutaisi, les mafias continuent leurs trafics du fond de leurs prisons ! Nous reviendrons quand nous pourrons aller à Tskhinvali en Ossétie et Sokhoumi en Abkhazie !
Pour plus de détails, vous savez qu’il faut cliquer sur la légende de la petite photo en-tête de l’article ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et merci d’avance pour vos encouragements !

7 – Hiver précoce en Arménie

7 - Hiver précoce en Arménie

7 – Hiver précoce en Arménie

 

Nous savions bien que l’Arménie est au cœur du Caucase, pays de hautes montagnes, avec trois cols de plus de 2.500 mètres entre la frontière sud, sur l’Arax, et la capitale Erevan ; celle-ci, au pied du Mont Ararat (5.165m), n’est qu’à 1.000 mètres d’altitude, mais le lac Sevan, au cœur du pays, deux fois plus grand que le Léman, est à 1.900 mètres. Et nous comptions sur un automne tardif pour traverser ces régions … hélas ! L’hiver est arrivé avec un bon mois d’avance sur l’année dernière ; la neige est tombée en abondance au-dessus de 1.500 mètres pendant le mauvais temps que nous avions rencontré fin octobre autour d’Ardébil en Iran, puis est retombée dix jours plus tard, un maigre soleil faisant de rares apparitions : pas bon pour les photos, tout çà ! (Vous verrez malgré tout quelques images exceptionnelles dans l’album ci-joint !) Pas bon pour la voiture non plus ! Alors que je m’étais absenté cinq jours en France pour enterrer ma chère Betty – la chaleur du bain familial m’a paru d’une autre planète ! – Bernard se faisait en effet percuter par une antique Lada aux pneus lisses sur le verglas, chauffard sans permis ni assurance… (plus de détails sur ‘Bonus n°2 – Complainte de la Honda’) … occasion de découvrir l’honnêteté et la gentillesse des Arméniens ; nous en aurons été quittes pour quatre jours de retard, l’épreuve de nos reins dans une Lada 4×4 de location pendant deux jours… et une taxe pour retard à la douane de sortie de Bagralashan / Sadakhlo vers la Géorgie !
Il nous faut maintenant vous parler un peu de cet étonnant pays de paradoxes, de montagnes, d’églises et de monastères, de friches industrielles, de pauvreté des campagnes et de richesses clinquantes dans la capitale Erevan, toujours dans la dépendance de l’ancien colonisateur russo-soviétique, toujours derrière le rideau de fer de la guerre froide, ayant célébré en 2001 avec Jean Paul II le 1.700ème anniversaire de sa conversion au christianisme, mais célébrant cette année – avec notre Pt Sarkozy le … 20ème anniversaire de son indépendance. Bastion avancé de l’Occident en Asie, l’Arménie ne fait guère plus de 400 km dans sa plus grande longueur, mais trouve le moyen d’y être assiégée : 85% de ses frontières sont fermées – toutes celles avec les peuples turcs et elle est en guerre sur les 2/3 d’entre elles !
C’est pourquoi, par maints côtés, l’Arménie nous fait penser à Israël : l’encerclement par ses ennemis (aussi bien mental que géographique), la part d’un génocide dans sa fondation récente comme état moderne (même notion de ‘foyer national’), sa jeunesse certes, mais son ancienneté historique, sa diaspora, sa susceptibilité, sa volonté dissimulée d’extension, son mépris de ses ennemis, le parapluie d’une grande puissance nucléaire, comme la ‘chasse’ aux traces de sa présence chez ses ennemis… Mais autant celle-ci est connue et fait parler, autant celle-là est méconnue.
Le territoire d’origine des Arméniens, dans une partie duquel l’Histoire les a contraints à revenir à l’issue de la 1ère guerre mondiale, est situé en marge des grands empires qui se sont succédés en Perse et en Anatolie. Lorsque ces empires seront au faîte de leur puissance, l’Arménie en sera une province ; lorsque ceux-ci s’affaibliront, les seigneurs arméniens constitueront des royaumes plus ou moins indépendants, et plus ou moins étendus. C’est ainsi qu’elle fut une satrapie de l’Empire perse des Achéménides (Cyrus le Grand et Darius – VIème s. BC), sous suzeraineté séleucide (les Grecs d’Alexandre le Grand) puis romaine, avant d’être partagée entre Parthes et Romains au IVème s. EC., chaque nouvelle suzeraineté – notamment lors des invasions arabes du VIIème s. EC, puis mongoles des XIIème et XIVème s. EC entraînant son lot de ravages et de guerres de religion. Ce que je n’ai pas trop compris, c’est sous quelle suzeraineté le territoire actuel de l’Arménie se trouvait entre le IXème et le XIVème s., parce que c’est pendant cette période qu’ont été fondés la majorité des églises et monastères les plus beaux que nous ayons visités ; je crains que cela soit sous la suzeraineté du calife de Bagdad – je pense que les Bagratides (IX-XIème s.) payaient tribu aux Abbassides même s’ils se faisaient aider par les Byzantins –, mais aucune des remarquables notices disposées sur les sites (en arménien, russe, anglais… et français) ne le mentionnent ; ils ne doivent pas en être trop fiers : puisse un lecteur Arménien éclairer ma lanterne ! En revanche, il est sûr que les Arméniens ont su constituer un vrai royaume indépendant avec les Artaxiades de Khor Virap avant l’arrivée des Romains en 180 BC, ou les Arsarcides du 1er au IVème s. EC autour des lacs de Van (aujourd’hui en Turquie), Sevan et Ourmiah (aujourd’hui en Iran) ; et les Arméniens rêvent toujours de cette « Grande Arménie » ! Après la dure sujétion des turcs Seldjoukides, les Arméniens réussirent par ailleurs pendant deux siècles (XII-XIVème) à profiter des croisades pour créer une ‘Petite Arménie’ en Cilicie – et leur dernier prince fut un … Lusignan du Poitou !.
Ils passèrent ensuite sous le joug ottoman, fort léger jusqu’à la fin du XIXème s. : les commerçants et banquiers arméniens travaillèrent pendant des siècles dans tout l’Empire (il s’étendait d’Alger au Yémen, de l’Egypte jusqu’à la Serbie), cette notion d’empire incluant par définition la suzeraineté sur des peuples différents aux religions différentes. Leur statut se détériora lorsque les Ottomans – en quasi faillite devinrent la proie des appétits européens : les chrétiens Grecs et Arméniens étaient évidemment des ‘agents de l’Occident’ : le Sultan Abdulhamid les laissa massacrer en 1895/98, les ‘Jeunes Turcs’ à nouveau en 1909. Aussi, quand le Tsar orthodoxe écrasa les Ottomans en 1915 et avança jusqu’au milieu de l’Anatolie, les Arméniens virent en lui un sauveur … et les Ottomans décidèrent, en plein hiver, de déporter l’ensemble des populations arméniennes de l’Empire vers des camps de concentration dans les déserts de Syrie, le tout dans des conditions effroyables puisqu’il s’agissait ‘d’ennemis de l’intérieur’ : ce fut le génocide arménien. Puis la catastrophe des traités de Sèvres (1920 – non ratifié) et de Lausanne (1923). Les Arméniens ne furent guère plus gâtés sous le joug soviétique entre 1920 et 1989, malgré quelques personnalités arméniennes de l’entourage de Staline (notamment les frères Mikoyan, dont l’un fut l’inventeur du Mig, et l’autre longtemps ministres des affaires étrangères) : Staline découpa des frontières absurdes dans la Transcaucasie, dont la région souffre encore aujourd’hui (question du Karabakh), permettant par exemple l’expulsion de tous les Arméniens du Nakhitchevan, les Azéris y éliminant toute trace de la présence millénaire des Arméniens dans la région ; et encore aujourd’hui, en Turquie même, le travail d’éradication des traces historiques des Arméniens se poursuit sur des bases juridiques fragiles.
Il reste que les Arméniens ont gagné la guerre du Karabakh (1989-94) et ont été le premier pays du bloc soviétique à entrer en économie libérale. Nous avons pu rencontrer deux personnalités qui comptent dans l’économie de l’Arménie : d’abord M. Gishyan, arménien… d’Arménie (si, si, cela existe ! Il n’y a pas que des Arméniens de la diaspora pour être entrepreneur ici !), fondateur-président d’une participation du Crédit Agricole qui est la plus importante banque d’Arménie ; et M. Duthoit, expatrié ici depuis trois ans, qui a créé le réseau de téléphonie d’Orange : il y a des affaires qui marchent en Arménie ! Si les Arméniens n’ont guère de ressources naturelles à part le Cuivre et le Molybdène leur principale ressource est la taille du diamant importé de Russie et réexporté à Anvers – et si le flux migratoire est toujours largement négatif, beaucoup d’entre eux restent au pays avec leur gentillesse pour vous accueillir… de préférence entre printemps et automne !
Nous avons plein d’autres choses à vous dire sur l’Arménie… prenez le temps de les découvrir sur les légendes des photos ci-jointes auxquelles vous accédez en cliquant sur la légende de la petite photo en-tête de l’article.
A bientôt… de Géorgie !

Bonus 2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan

Bonus2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan.

Bonus2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan.

 

 

 

En quittant Anzali nous devions aller
Dans un très beau village dénommé Masuleh
Mais la route inondée glissait vers les torrents
Et par une exception mes passagers prudents
Décidèrent d’éviter ces forces surhumaines
Pour filer vers le Nord le long de la Caspienne.
Vers le Nord ! Astara pour être plus précis
Là où il y a la douane avec les Azéris.
Je me suis dit ça y est cette bande de fripons
Veulent me ramener directo au Japon
C’est toujours comme ça en période de crise
On dit aux étrangers faites donc vos valises
Et rentrez donc chez vous, vous serez beaucoup mieux
On n’a plus les moyens et vous êtes trop vieux !
Depuis des kilomètres on longeait des rizières
Nous étions en Asie bien loin de nos arrières.
Ah j’en menais pas large. Pour moi l’Azerbaïdjan
Est un pays étrange où sans doute les gens
Sont des types accueillants, mais des questions de terrains
Font qu’ils sont en bagarre avec les Arméniens.
Heureusement, miracle, nous avons pris la route
Le long de la frontière qui va vers l’Ouest sans doute
Mais grimpe comme une échelle vers des plateaux glacés
Il y avait de la neige partout sur la contrée.
Nous devions faire étape dans la ville d’Ardebil
Et l’agence de voyage a eu l’idée débile
De nous caser au loin dans des genres bungalows
Le vase a débordé ! Philippe a dit : « c’est trop »
Les quatre ont décidé d’aller au centre-ville
Dans un hôtel sympa qui plaisait bien aux filles
Et de virer Fahrad notre guide incapable
Non sans lui refiler un rhume abominable !
A nous la liberté ! Mieux vaut finalement
Etre seuls, que mal accompagnés en Iran.
Ardebil c’était bien, j’étais dans un parking
Pendant qu’ils achetaient des tapis au feeling.
Au moment de partir la neige était tombée
Et les routes incertaines pour ne pas dire fermées.
Ils ont donc décidé de passer par Tabriz
Où hélas dans des rues où l’on n’y voyait guère
Bernard m’a écorchée sur un poteau l’derrière.
Ils m’ont rafistolée mais mon charme antérieur
A quand même baissé du côté postérieur.
De Tabriz nous avons filé très vite vers l’Arax
Un de ces fleuves mythiques où pleins de gens furax
Se sont battus encore dans des guerres d’amplitude
Entre sauvages du Nord et sauvages du Sud.
C’est encore aujourd’hui un drôle de périmètre
Il y a quatre pays en cinquante kilomètres
Tous plus ou moins en guerre, et aucun n’est copain
Pour des raisons variées avec tous ses voisins.
Enfin on est passé. En 3 heures de douanes
Nous étions Arméniens, au fin fond des montagnes.
L’Arménie c’est joli du côté paysage
Mais alors côté routes il faut voir le passage
Ce n’est que bosses et trous comme si ce pays
N’avait rien fait depuis que les Russes sont partis.
C’est pauvre, c’est sauvage, plein d’églises jolies
Leur langue est plus complexe que de parler Farsi
Et fallait voir comment mes patrons à l’étape
S’expliquaient pour trouver avec ce handicap
Un logis pour la nuit chez des gens sympathiques
Car du côté hôtels c’est peau de balle et bernique.
J’ai compris seulement – quand en vue d’Erevan –
Ce que nous fichions là : à cause des deux volcans
Qui se nomment Ararat et dont on fait le tour.
Suis-je bête c’est le titre de leur blog mis à jour !
Je commence à comprendre le sens de ce voyage
Ah ces sexygénaires ! Ils ne font pas leur âge !
L’Arménie c’est pour moi un vilain souvenir
J’ai d’abord vu les filles puis Philippe partir
Il me restait Bernard décidé à rouler
Tout autour d’Erevan sans savoir où il allait
Vu qu’il y a peu d’panneaux et encore illisibles
Sans son navigateur ce fut parfois terrible.
C’est le 13 novembre que le pire arriva.
Ce chiffre porte malheur tout le monde sait ça.
J’avais avec succès répondu au challenge
De grimper dans la neige et il était aux anges
Quand visitant un bled dénommé Noratus
Une espèce de Lada plus cotée à l’Argus
Est venue se frotter à ma carrosserie
Une aile et la portière en furent bien flétries.
Le gars sans assurance, la foule se massait
Mon chauffeur pas trop fier tenta de négocier.
Un vague carrossier proposa ses services
Et Bernard me laissa à l’ouvrier novice
Craignant bien sûr le pire mais vraiment comment faire ?
Il fallait réparer pour nous tirer d’affaire.
Je ne vous dirais pas les jours que j’ai passés
Moitié déshabillée dans un garage glacé
Mais bon c’est l’aventure et je craignais le pire :
Être pillée, volée et vendue à des sbires.
Au final le gredin m’a rendue, présentable.
Ça semble professionnel, c’est loin d’être minable
Je vais pouvoir rouler c’est le plus important.
Philippe est de retour, alors vite en avant
Quittons donc l’Arménie, ses églises et couvents
Allons voir la Géorgie si c’est très différent.

Je suis sollicitée par des fans amusés
Qui veulent que je leur dise impressions et pensées
Et bien soit, vous aurez, écrit sans amertume,
Mon petit commentaire au niveau du bitume.

6 – L’Iran azeri

6 - l'Iran azeri

6 – l’Iran azeri

Bienvenue en Iran ! Alors que nous cherchions un taxi devant notre hôtel de Tabriz pour nous rendre au bazar, dès notre première journée dans cet Iran des Ayatollahs, nos épouses ont été abordées en bon anglais par un trio de jeunes filles qui n’avaient pas vingt ans ; elles leur ont demandé d’où elles venaient : ‘Paris’, mot magique ! leur excitation a monté d’un cran ; elles voulaient quasiment embrasser Marie et Véronique, tout savoir de ce que nous faisions ici… malheureusement, le taxi était là, il aurait fallu le renvoyer, je leur ai donné l’une de nos cartes de visite… avec nos adresses email … en France… nous ne pouvions leur faire cadeau plus précieux, qu’elles se disputaient !
Le surlendemain, alors que nous dînions dans l’auberge rustique du village de Takab, le serveur est venu nous demander si nous accepterions de discuter avec un collégien qui voulait nous parler ; il s’assit avec nous ; son anglais était approximatif … et il n’était là que pour l’améliorer ! Il apparut plus tard que c’est son père qui l’avait amené en voiture dans le seul but de rencontrer des étrangers et pratiquer son anglais !
Le surlendemain encore, à Ardebil, à trois reprises, nous avons été abordés dans la rue par des jeunes de vingt ans ; une jeune fille est entrée derrière nous dans la pâtisserie où nous venions prendre un thé pour parler avec nous. Sami quant à lui voulait savoir « comment c’était Paris » ( !), « si c’était difficile d’y trouver du travail » ( !!), « de quels types de spécialités nous manquions chez nous » ( !!!), « si la vie y était chère », etc… ; il n’avait pas encore droit à un passeport parce qu’il lui fallait d’abord effectuer son service militaire de deux ans qu’il semblait redouter. En bref, il était clair que tous ces jeunes ne pensaient qu’à une chose : bâtir leur vie ailleurs que dans leur pays ; nous avons d’ailleurs croisé un jeune gay à Erevan (Arménie) qui avait quitté l’Iran depuis six ans et n’envisageait pas du tout de revenir au pays.
Les plus âgés non plus ne sont pas fiers de leur pays ; bien sûr ils râlent à juste titre sur la pénurie et le rationnement d’un carburant de piètre qualité alors que le pays est le 4ème producteur de pétrole du monde… mais gaspillent carburant et chauffage dans une pollution sans nom, comme chez nous dans les années soixante ; ils affichent leur indifférence aux slogans omniprésents et agressifs de la Révolution et affectent s ne pas avoir de convictions religieuses trop marquées ; mais ils nous sont surtout apparus résignés, et prêts à toutes les petites combines pour survivre. Il n’y a pratiquement pas d’artisanat dans l’Iran que nous avons visité – à part les tapis, tout semble venir d’Extrême Orient… comme depuis toujours par la ‘route de la Soie’ ! Les plus optimistes nous ont paru être les Kurdes, que la spécificité culturelle reconnue par le pouvoir semble autoriser à toutes les impertinences : admirez dans l’album ci-dessous la tenue colorée des femmes lors du mariage kurde, et comparez-la à celle des ombres noires devant les vitrines des bijoutiers du bazar !
Il faut dire que les Iraniens se sont enfermés dans l’impasse d’une invraisemblable Constitution : en 1979, ils ont ‘approuvé’ par referendum (ils n’avaient qu’une alternative oui/non, et le vote n’était pas secret) un système ‘républicain’ qui confie à une ‘Assemblée des Experts’ le soin souverain de rejeter les candidatures de personnes non conformes à leurs idéaux ; seule une nouvelles révolution est donc susceptible de changer le régime. Il faut dire que depuis Cyrus le Grand (600 BC) il y a 2.500 ans et jusqu’en 1906, un monarque absolu appelé ‘Shah’ règne sur la Perse ; ce dernier s’est toujours considéré comme ‘l’Ombre de Dieu’ sur Terre, terme repris par les Califes arabes de Bagdad ; le petit officier Reza Pahlavi, devenu Shah en 1925, s’était inscrit dans cette dynastie (rappelez-vous le 2.500ème anniversaire célébré à Persépolis en 1972) ; il n’y a donc pas à être surpris que les Ayatollah soient restés dans la même logique, même s’ils l’ont revêtue des habits de l’islam shiite.
Les quatre points forts de notre petit tour dans cet ‘Iran azéri’ la Province iranienne visitée porte le nom ‘d’Azerbaïdjan’ et est majoritairement peuplée de turcs azéris – auront été les deux grandes villes de Tabriz et Ardebil d’une part, l’extraordinaire complexe zoroastrien de Takht-e-Soleiman à côté de Takab, et enfin la symbolique et magnifique vallée de l’Arax qui marque depuis deux siècles la frontière entre les univers russe et persan.
Tabriz (1,3 million d’hab. 1.300 m d’alt.) reste dans l’imaginaire des iraniens d’abord une ville non perse mais azérie, ensuite la 1ère capitale de l’Iran safavide au XVIème siècle, et enfin celle qui a mis en route la révolution constitutionnelle de 1906. Ils oublient qu’elle a aussi été la capitale des ‘Moutons Noirs’ au XVème, lesquels lui ont laissé une merveilleuse ‘Mosquée Bleue’. Son altitude en fit la résidence d’été des souverains qâdjârs renversés en 1906. Et sa longue histoire au carrefour des routes d’Irak, de Turquie, du Caucase et de la Perse l’a laissée avec un fantastique bazar qu’on ne trouve que sur les routes de la Soie.
Ardebil (0,65 million d’hab. 1.300 m d’alt.) est pour les iraniens la ville où est enterré le cheikh Safi-od-Din depuis 1334 ; le nom ne vous dit peut-être rien, mais c’est grâce à lui que l’Iran est aujourd’hui chiite et non pas sunnite ; c’est de son nom ‘Safi’ que vient en effet la dynastie des Safavides qui régna après les Mongols jusqu’au milieu du XVIIIème , lesquels unifièrent la Perse sous la bannière d’Ali ; et c’est donc grâce à lui que les minarets d’Iran sont bien moins bruyants que ceux de Turquie, d’Egypte ou du Maroc, car le chiisme est beaucoup moins formaliste et démonstratif que le sunnisme : il relève, malgré les apparences, d’une spiritualité toute soufie.
Je vous laisse découvrir le site de Takht-e-Soleiman (‘Temple de Salomon’) par les photos ci-jointes et leurs légendes.
Quant à la vallée de l’Arax, outre que des sources l’assimilent au Guihôn qui coule du Paradis (du mot persan ‘Pardès’ = jardin !) – cf. Gn 2, 13-15) , lequel, comme chacun sait, était auprès du Mt Ararat, il s’agit surtout d’une magnifique rivière qui vient de Turquie et marque la frontière entre celle-ci et l’Arménie, puis entre celle-ci et le Nakhitchevan (province de l’Azerbaïdjan – cf. légendes photos !) puis l’Iran, et enfin entre celui-ci et l’Azerbaïdjan. Le fleuve se jette dans la mer Caspienne après avoir emprunté de formidables défilés (re-cf. photos !!). Il fut pendant des siècles un fleuve essentiellement arménien. Nous passerons la prochaine fois en Arménie d’aujourd’hui.
Pour plus de détails sur notre voyage en Iran, cliquez sur la légende de la petite photo en tête de l’article ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et merci d’avance pour vos éventuels commentaires !

Bonus 1 : Complainte de notre Honda: de Versailles à la Caspienne

Bonus 1 - Complainte de la Honda de Nice à la Caspienne

Bonus 1 – Complainte de la Honda de Nice à la Caspienne

 

Complainte de notre Honda
1/ Sur la route d’Ouest en Est de Nice à la Caspienne

J’étais tranquille à Nice à frimer sur la plage
Quand j’ai été vendue à une bande de sauvages
Qui se sont associés pour aller à Versailles.
Du haut de mes 10 ans ça n’disait rien qui vaille
Mais c’était un hors d’œuvre, et le pire arriva :
Quatre sexygénaires ont rempli tant mon coffre
Que mes sièges en cuir. Vautrés comme des beaufs
Ils filèrent fin Juin vers l’Italie, Florence
Roulant comme des fous pour traverser la France.
Ils n’étaient pas très gros, mais mes amortisseurs
En ont pris plein le dos par ces quatre agresseurs
Qui roulèrent jusqu’aux Pouilles et quand vint Brindisi
Me chargèrent comme un sac dans un ferry pourri.
Je me suis sentie mal en arrivant en Grèce
Ce pays en faillite me donnait chaud aux fesses :
Serais-je prise en otage, ou brûlée, ou volée ?
Bien pire : ils m’ont plantée au parking du Pirée
Et m’ont laissée toute seule trois mois de canicule
Perdue parmi un tas de très grecs véhicules
Et de manifestants qui hurlaient tout autour.
Je me suis demandée : quand reverrai-je le jour ?
Et puis le 7 octobre deux Perrin s’sont pointés.
Comme si de rien n’était ils m’ont faite démarrer
Moi, qui suis bonne fille, je leur ai obéi
Pas pour aller très loin: encore dans un ferry !
Il s’est mis à pleuvoir en arrivant à Chios
Parlez-moi des iles grecques et je deviens féroce !
Le lendemain matin nous passions en Turquie
A Izmir comme ailleurs il pleuvait des hallebardes
Fallait faire attention je les ai mis en garde
Mais mes deux compagnons visitaient des tas de pierres
Quand moi je surnageais en faisant des prières
Pour qu’un peu de soleil sèche enfin cette route
Avant que ce périple ne finisse en déroute.
Enfin il a fait beau et je dois avouer
Que la côte sud des Turcs est pittoresque à souhait
Ce pays de bosseurs a des routes superbes
J’en ai oublié Nice et ses vieilles rombières.
A Adana – étrange – Marc me laissa tomber
Préférant un vieux car à mes sièges ouatés !
Seule avec Philippe qui conduit comme un dingue
Je me demandais bien comment – à tout berzingue –
Finirait ce périple qui s’enfonçait vers l’Est
Et puis surprise un jour – c’était à Gaziantep,
S’est pointé l’proprio que j’n’avais jamais vu
Un dénommé Bernard, un genre d’hurluberlu
Arrivé de Beyrouth va donc savoir comment?
Tout ce que j’ai compris c’est qu’ils avaient le temps
Et que la randonnée n’était qu’à ses débuts.
Aucun n’a demandé mon avis : y’a de l’abus !
C’est moi qui fait l’boulot, qui roule nuit et jour
Et qui dors dans la rue encore et toujours.
J’ai très vite compris que mes deux conducteurs
Voulaient – tout en flânant – rouler jusque vers Van
Pour y récupérer l’un et l’autre leurs dames.
Van ! Quelle étrange idée, je n’sentais pas le coup
Dans ce genre de patelin la terre bouge beaucoup
On y a passé deux nuits où je tremblais de peur.
Sitôt quitté le lac, un séisme majeur
A détruit en partie cette ville, et les morts
Y furent plus de 500, on a eu chaud au corps !
Arrivés au fin fond de l’Est de la Turquie
Je me suis dit quand même ils ne vont pas aussi
Aller jusqu’en Iran dont la réputation
Suscite des réserves, voire désapprobation.
Eh bien si ! Ces cinglés ont même fait plusieurs heures
La queue dans une douane qui n’sentait pas l’bonheur
Là ces quatre naïfs ont pris un passager
Qui se prétendait guide mais était un benêt
Avec qui j’ai connu les pires des malheurs :
Il ne connaissait ni le pays, ni les heures.
Cet idiot a rempli mon réservoir d’gazole
Je n’ai rien voulu dire et donc – comme une folle
J’ai roulé avec ça sur 300 kilomètres
En toussant en fumant, de façon à émettre
Un signal aux patrons qui ne comprenaient rien.
Arrivés à Tabriz, Je m’suis dit ça va bien
Je m’arrête et je meurs c’est triste et c’est trop bête
Et là, le pseudo-guide dénommé « Bicyclette »
A trouvé un malin qui m’a enfin comprise
Qui purgea l’infection et permit la reprise.
J’ai failli embrasser ce mécano fortiche
Mais ça aurait vexé mes passagers godiches !
Le temps s’est rafraîchi et – grimpant les montagnes
Nous avons vu la neige par-dessus la campagne.
Là dévalant des cols sur des routes très traîtres
Nous sommes descendus jusqu’à moins 27 mètres
Nous étions arrivés au bord de la Caspienne.
C’est vraiment casse-pied sous la pluie la Caspienne
C’est gris, c’est inondé, j’ai bien regretté Nice.
Le bon point dans tout ça – et même un vrai délice –
C’est qu’à partir de là nous repartions vers l’Ouest
Enfin, il était temps, ça me prenait la tête !

Si l’inspiration vient je vous dirais la suite
Mais soyez très patient ce n’est pas pour de suite !

5 – de la route de la Soie au plateau Anatolien

5 - de la route de la Soie au plateau Anatolien

5 – de la route de la Soie au plateau Anatolien

Enfin des nouvelles ! Nous vous écrivons d’Erevan, la capitale de l’Arménie, où nous sommes arrivés il y a quelques jours déjà, le temps d’abord de visiter Erevan et ses environs immédiats avec nos épouses, puis de les remettre dans l’avion pour Paris hier matin, et enfin de nous mettre au travail. La Maman de Véronique étant décédée il y a deux jours, elle rentrait juste à temps, et je la rejoindrai sous peu à Paris pour quelques jours, en espérant pouvoir terminer l’illustration de notre beau voyage en Iran ! Mais en attendant, voici déjà celui de la Turquie du Sud Est.
Quand on quitte Adana et le delta du Seyhan en Cilicie pour franchir vers l’Est la chaîne du Nur Dagi, celle-là même qui domine l’Oronte, on pénètre dans un monde radicalement nouveau. Là commencent les grandes plaines situées au Nord des déserts syrien et irakien, au pied du plateau anatolien et des montagnes complexes du sud du Caucase ; elles s’étendent jusqu’aux monts Zagros, à 2.000 km, qui marquent la frontière entre les mondes persans et arabes. C’est par là que sont passés – et que se sont battus ! tous les grands envahisseurs Perses, Parthes ou Seldjouks vers l’Ouest, Grecs, Romains, Byzantins ou ‘Croisés’ vers l’Est, Hittites ou d’Ourartou vers le Sud, Égyptiens ou Arabes vers le Nord. On y trouve de l’eau à profusion, qui descend des montagnes, comme notamment l’Euphrate et le Tigre. Toutes les villes qui s’y sont construites ont été de grands carrefours de civilisations, des centres commerciaux accumulant richesses, châteaux forts et caravansérails depuis des millénaires. La position géographique de cette région en fait, aujourd’hui encore, un lieu de tension entre les peuples et leurs religions. C’est dès Osmaniye qu’on aperçoit de la route les premiers fortins de l’armée turque en proie à la rébellion kurde ; les défilés qui remontent des plaines vers le lac de Van (1.700m) sont tous les mois des coupe-gorges pour l’armée turque et ses supplétifs kurdes ; un miroir a été passé sous notre voiture quand nous sommes allés chercher nos épouses à l’aéroport de Van, et des soldats en armes contrôlent toutes les routes sous un trafic important d’avions et d’hélicoptères armés.
Les quelques communautés chrétiennes que nous avons pu rencontrer dans le Tur Abdin (Midyat, Mar Yakub, grecques orthodoxes ou syriaques) sont malheureusement en voie d’extinction malgré une importante aide venue de l’Occident, dans d’admirables églises et monastères.
Nous avons eu la chance de parcourir – beaucoup trop vite ! – cette région par un temps frais et lumineux nous immergeant dans ces terres et cieux immenses. Après les mosaïques de Zeugma du musée d’Antep – surnommée ‘Gazi’, combattante pour la foi (Gaziantep), après sa résistance héroïque aux troupes franco-anglaises lors de la chute de l’empire ottoman (1920) – nous avons fait une première incursion sur le plateau anatolien en escaladant le Nemrut Dagi (2.150m), au sommet duquel se trouve un invraisemblable mausolée (cf. photo de couverture de l’album 5 ci-joint) construit par un petit roi de Commagène en 50 BC. Du sommet, on peut apercevoir tout en bas les méandres de l’Euphrate dans le lac Atatürk que nous avons traversé en redescendant dans la plaine. L’antique Edesse, aujourd’hui SanliUrfa, est encore plus animée que Antep ; les musulmans – surtout chiites venus d’Iran – y révèrent le lieu de naissance d’Abraham. Pour nous chrétiens, la patrie d’Abraham n’est pas loin non plus, à Harran, à une quarantaine de kilomètres vers le Sud, là où la Bible nous dit que Isaac, puis Jacob, sont venus chercher leurs épouses Rebecca, Léa et Rachel. Urfa, c’est aussi un bazar ‘magique’, centre de la ville sociale de la ville. Le lendemain, poursuivant la route de la Soie, nous dormions dans l’invraisemblable Mardin, accrochée sur un promontoire en face de l’immense plaine, patrie des tailleurs et sculpteurs de pierre jusqu’à Constantinople. Avant de nous enfoncer, cette fois pour de bon, sur les hauts plateaux, nous avons fait deux courtes escales à Midyat et au monastère de Mar Yakoub dans le Tur Abdin, où survivent des communautés chrétiennes syriaques que nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer.
Après avoir traversé le Tigre dans le site spectaculaire de Hasankeyf, nous avons emprunté les gorges qui remontent vers le lac de Van situé à plus de 1.700 m d’altitude. En plein pays kurde en émoi du fait des combats faisant rage entre les Turcs et leurs frères réfugiés en Irak, la présence militaire se faisait lourde, avec les blindés tentant de se frayer un chemin à travers la transhumance de dizaines de milliers de moutons qui empruntaient l’autoroute! Le débouché sur le lac de Van fut un éblouissement, les eaux du lac reflétant aussi bien les couleurs d’automne que les neiges qui couronnaient les sommets dès 2.200 mètres. Ce fut l’occasion de tester la voiture sur les routes enneigées jusqu’aux lacs de cratère du Nemrod Dagi à 2.600 m. La route jusqu’à Van, aux bords du lac, continua l’enchantement : petite ballade d’une heure jusqu’à l’église arménienne de St Thomas d’Altinsaç, et passage au large de l’ilôt d’Akdamar avec sa belle église consacrée en 921 où nous avons confondu un temps la pyramide enneigée du volcan Süphan Dagi (4.058m) que nous avons pris pour le Mt Ararat ( !), se reflétant si bien dans les eaux du lac ! Preuve était néanmoins faite que nous avions atteint un des cœurs de l’Arménie historique, constituée autour des trois grands lacs de ce Caucase méridional : celui de Van en Turquie, d’Ourmiah en Iran, et de Sevan en Arménie. Mais il n’existe plus dans cette partie de la Turquie la moindre trace de communauté arménienne résidant sur place…
C’est alors que nos épouses Véronique et Marie nous ont rejoints par avion de Paris. Après le tête à tête avec Marc pendant la première semaine, puis celui avec Bernard pendant la seconde, voilà que nous nous trouvions en ménages pour quinze jours ! C’est ici l’occasion de dire que, au moins jusqu’à présent, aucune de ces trois cohabitations ‘dans l’habitacle’ n’aura été pesante ; chacun trouve sa place dans ce qu’il sait faire ; la conscience de la chance que nous avons de voyager dans ces conditions nous fait bien volontiers céder sur les points de détail qui pourraient nous opposer ; et quand nous avons dû prendre la décision, au milieu de notre séjour iranien, de rompre avec notre agence de tourisme iranienne et de renvoyer notre ‘guide’, et donc quand la tension est montée d’un cran, chacun en a accepté les éventuelles conséquences… qui se sont surtout traduites par une nouvelle liberté !
Dès leur arrivée à l’aéroport de Van, nous avons donc emmené nos épouses visiter la célèbre et splendide église de la Sainte Croix sur l’îlot d’Akdamar par un temps radieux, puis la Citadelle de Van. Le lendemain, elles ont préparé leur ‘tchadors’ pour se couvrir la tête dès l’entrée en Iran. Nous étions accueillis à la douane par les portraits des Ayatollah Khomeiny et Khamenei après avoir emprunté la large vallée qui conduit de Turquie en Iran. Le tremblement de terre de Van en ce 23 octobre – qui vous a fait trembler pour nous – a eu lieu pendant que nous attendions à la douane (cinq heures de formalités… on oublie toujours que, alors qu’on nous dit que ‘tout est fini vous pouvez y aller’, il reste encore, aux barrages ultérieurs, à payer une taxe pour rouler sur les routes du pays, puis à prendre une assurance aux tiers) : nous n’avons absolument rien senti !
Pour plus de détails sur notre voyage, cliquez sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“De la route de la Soie au plateau Anatolien”); elles vous donnent accès à un ‘Album Picasa’ dont les (trop nombreuses !) photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et merci pour vos éventuels commentaires !

4 – d’Athènes à Antioche

4 - d'Athènes à Antioche

4 – d’Athènes à Antioche

 

Oui, je sais, j’aurai pu rectifier le titre puisque finalement ce n’est pas à Antioche que nous avons convenu de restituer sa voiture à Bernard, mais à Gaziantep, quelques centaines de kilomètres plus près des Perses. Blâme pointé aux fonctionnaires européens ! Mais Antioche, où il ne reste plus grand-chose, dit-on, à voir de son glorieux passé de capitale, me paraissait plus symbolique de cette étape essentiellement gréco-romaine : quelle émotion de se retrouver pour la première fois de sa vie sur l’Acropole d’Athènes, d’où l’on aperçoit fort bien au loin le port du Pirée, et d’où les Athéniens purent tout suivre du déroulement de la victoire navale de Salamine (480 BC) contre le Perse Xerxès, petit fils de Cyrus le Grand ; ou de passer devant des panneaux indiquant la direction de Marathon, autre grande victoire athénienne contre les mêmes Perses du même Xerxès (490 BC) ; nous refaisons en quelque sorte le trajet de retour des Perses chez eux !
Nous n’avons pu consacrer qu’une journée à découvrir Athènes, juste assez pour emprunter les pas de Diogène, Socrate, Platon, Aristote ou… St Paul sur les Agora grecque et romaine et le rocher de l’Aréopage, admirer l’équilibre et la grâce des Parthénon et Caryatides devant la colline du Lycabète, imaginer les débats de la boulê en remerciant les Grecs d’avoir inventé la philosophie, puis la démocratie, celle qui sait mieux que le tyran ce qui est bon pour le peuple… et se révèle plus forte que la puissante Perse !
Du Pirée, le port tout proche d’Athènes, nous avons retrouvé la voiture qu’y avaient laissée nos amis Ossent trois mois plus tôt et nous sommes embarqués pour l’Asie, en face, de l’autre côté de la mer Egée, par un temps devenu brutalement très orageux : le mauvais temps nous accompagnera cinq jours durant. L’arrivée de nuit sous la pluie à Chios me permit d’apprécier pour une fois le confort d’une voiture ! Pluie diluvienne, minuit passé, et la route que j’avais mémorisée pour rejoindre notre chambre d’hôte coupée par police et ambulances, nous obligeant à tours et détours sans point de repère autre que les boussoles déréglées de ma tête et du tableau de bord ! Le lendemain matin, la tempête nous a empêché de nous baigner dans la mer Egée, mais pas de visiter deux villages du sud de l’île, Pyrgi et Mesta, dont la grande prospérité – fondée sur la gomme de lentisque dont raffolait le sultan ottoman – disparut avec l’Indépendance (1830). Le dernier fait d’armes, si l’on peut dire, de Chios semble d’avoir été en première ligne de la chute dramatique de Smyrne en 1922 ; ville natale d’Homère (et de St Irénée… de Lyon), grecque depuis des millénaires, elle dut être abandonnée aux forces de Mustapha Kemal ‘Attatürk’, qui la rebaptisèrent Izmir.
La route la plus directe pour rejoindre le Moyen Orient nous paraissait celle-ci et nous pensions que des ferries faisaient la navette incessante entre Chios et Cesme, le port avancé d’Izmir, à quelques kilomètres seulement de Chios ; mais non… Chios est un cul de sac, loin par l’esprit de la côte turque toute proche, et, s’il y a bien un ferry de temps à autre, celui qui nous embarqua ne pouvait prendre qu’une voiture, ainsi que les motos de deux turcs en goguette en Grèce ! Seul un couple français d’Arméniens ‘de Smyrne’ croisé dans notre chambre d’hôtes venait pèleriner sur la terre de ses ancêtres. Izmir, notre premier contact avec la Turquie, nous a laissé une forte impression, nettement plus ‘européenne’ que… la Grèce : 2,8 millions d’habitants, une baie magnifique, des avenues gigantesques, brillamment éclairées et d’une propreté étincelante, sans parler de ses pâtisseries orientales ! Les boutiques d’alcool en vente libre ont pignon sur rue, et on n’y trouve guère de trace de l’islamisme régnant depuis dix ans en Turquie. Cerise sur le gâteau : l’appel du muezzin nous rappelait que nous étions, cette fois vraiment, en Asie, avec une nouvelle langue réputée difficile à ânonner !
Une fois dégagés des embouteillages du lundi matin, nous étions en moins d’une heure dans l’antique ville d’Ephèse, sous des averses constantes et violentes qui ne décourageaient guère des troupeaux de touristes venus du monde entier. La grandeur d’Ephèse se poursuivit sans discontinuer des Grecs aux Hellénistiques, aux Romains puis aux Byzantins. Aujourd’hui turque, elle rappelle que pendant deux millénaires, c’est l’Antiquité grecque et romaine qui partit, avec Alexandre, ‘civiliser’ les peuples jusqu’à l’Indus à une époque où les Turcs étaient encore éleveurs de troupeaux dans l’Altaï. C’est en 1071 que les Turcs Seldjoukides battirent sévèrement les Byzantins aux bords du lac de Van, ouvrant la porte à une colonisation de l’Anatolie qui se poursuivit vers l’Ouest jusqu’au siège de Vienne (Autriche) au XVIIème siècle ; la poussée turque en Allemagne aujourd’hui, et la demande d’entrée dans l’Union Européenne semble relever du même ‘Go West’ turc ! J’en dirai plus dans un prochain blog !
Je ne m’étendrai pas sur les merveilleux sites antiques croisés sur notre route, ceux d’Aphrodisias et Termessos, Pergé ou Aspendos (reportez vous aux quelques photos dans l’album ci-joint ; la dernière est une carte avec notre trajet !). Antalya et Alanya nous ont semblé mériter mieux que leur réputation de villes pour tourisme bon marché ; la première est une des rares de Turquie à offrir de nombreuses maisons de l’époque ottomane ; la seconde – le fameux repaire de pirates que Pompée détruisit en 64 BC – offre un site spectaculaire. Et la route entre Alanya et Adana, paradis pour les motards (on imagine l’Estérel dans les années 60 !) propose une forteresse maritime exceptionnelle (Mamure Kalesi) rappelant que le contrôle des routes maritimes, quand les navires ne permettaient de faire que du cabotage, passait par un réseau côtier de forteresses.
En conclusion, je voudrais dire ma joie de me retrouver à nouveau ‘sur la route’. Certes, pour cette première branche, c’est mon cousin Marc Perrin qui a pris la place de ma tendre épouse ; mais ma première expérience de cohabitation avec un autre sexagénaire, que je ne connaissais finalement que peu, aura été positive ; j’espère pouvoir en laisser d’autres traces sur ce blog ! Et j’attends avec impatience de pouvoir retrouver Véronique dans moins d’une semaine, qui nous rejoint à Van avec Marie Champanhet pour une équipée à quatre dans la même voiture… Encore une autre expérience !

POUR ACCEDER A L’ALBUM, CLIQUEZ SUR LA LEGENDE OU LA PETITE PHOTO EN TETE DE L’ARTICLE (“d’Athènes à Antioche”).