7 – Hiver précoce en Arménie

7 - Hiver précoce en Arménie

7 – Hiver précoce en Arménie

 

Nous savions bien que l’Arménie est au cœur du Caucase, pays de hautes montagnes, avec trois cols de plus de 2.500 mètres entre la frontière sud, sur l’Arax, et la capitale Erevan ; celle-ci, au pied du Mont Ararat (5.165m), n’est qu’à 1.000 mètres d’altitude, mais le lac Sevan, au cœur du pays, deux fois plus grand que le Léman, est à 1.900 mètres. Et nous comptions sur un automne tardif pour traverser ces régions … hélas ! L’hiver est arrivé avec un bon mois d’avance sur l’année dernière ; la neige est tombée en abondance au-dessus de 1.500 mètres pendant le mauvais temps que nous avions rencontré fin octobre autour d’Ardébil en Iran, puis est retombée dix jours plus tard, un maigre soleil faisant de rares apparitions : pas bon pour les photos, tout çà ! (Vous verrez malgré tout quelques images exceptionnelles dans l’album ci-joint !) Pas bon pour la voiture non plus ! Alors que je m’étais absenté cinq jours en France pour enterrer ma chère Betty – la chaleur du bain familial m’a paru d’une autre planète ! – Bernard se faisait en effet percuter par une antique Lada aux pneus lisses sur le verglas, chauffard sans permis ni assurance… (plus de détails sur ‘Bonus n°2 – Complainte de la Honda’) … occasion de découvrir l’honnêteté et la gentillesse des Arméniens ; nous en aurons été quittes pour quatre jours de retard, l’épreuve de nos reins dans une Lada 4×4 de location pendant deux jours… et une taxe pour retard à la douane de sortie de Bagralashan / Sadakhlo vers la Géorgie !
Il nous faut maintenant vous parler un peu de cet étonnant pays de paradoxes, de montagnes, d’églises et de monastères, de friches industrielles, de pauvreté des campagnes et de richesses clinquantes dans la capitale Erevan, toujours dans la dépendance de l’ancien colonisateur russo-soviétique, toujours derrière le rideau de fer de la guerre froide, ayant célébré en 2001 avec Jean Paul II le 1.700ème anniversaire de sa conversion au christianisme, mais célébrant cette année – avec notre Pt Sarkozy le … 20ème anniversaire de son indépendance. Bastion avancé de l’Occident en Asie, l’Arménie ne fait guère plus de 400 km dans sa plus grande longueur, mais trouve le moyen d’y être assiégée : 85% de ses frontières sont fermées – toutes celles avec les peuples turcs et elle est en guerre sur les 2/3 d’entre elles !
C’est pourquoi, par maints côtés, l’Arménie nous fait penser à Israël : l’encerclement par ses ennemis (aussi bien mental que géographique), la part d’un génocide dans sa fondation récente comme état moderne (même notion de ‘foyer national’), sa jeunesse certes, mais son ancienneté historique, sa diaspora, sa susceptibilité, sa volonté dissimulée d’extension, son mépris de ses ennemis, le parapluie d’une grande puissance nucléaire, comme la ‘chasse’ aux traces de sa présence chez ses ennemis… Mais autant celle-ci est connue et fait parler, autant celle-là est méconnue.
Le territoire d’origine des Arméniens, dans une partie duquel l’Histoire les a contraints à revenir à l’issue de la 1ère guerre mondiale, est situé en marge des grands empires qui se sont succédés en Perse et en Anatolie. Lorsque ces empires seront au faîte de leur puissance, l’Arménie en sera une province ; lorsque ceux-ci s’affaibliront, les seigneurs arméniens constitueront des royaumes plus ou moins indépendants, et plus ou moins étendus. C’est ainsi qu’elle fut une satrapie de l’Empire perse des Achéménides (Cyrus le Grand et Darius – VIème s. BC), sous suzeraineté séleucide (les Grecs d’Alexandre le Grand) puis romaine, avant d’être partagée entre Parthes et Romains au IVème s. EC., chaque nouvelle suzeraineté – notamment lors des invasions arabes du VIIème s. EC, puis mongoles des XIIème et XIVème s. EC entraînant son lot de ravages et de guerres de religion. Ce que je n’ai pas trop compris, c’est sous quelle suzeraineté le territoire actuel de l’Arménie se trouvait entre le IXème et le XIVème s., parce que c’est pendant cette période qu’ont été fondés la majorité des églises et monastères les plus beaux que nous ayons visités ; je crains que cela soit sous la suzeraineté du calife de Bagdad – je pense que les Bagratides (IX-XIème s.) payaient tribu aux Abbassides même s’ils se faisaient aider par les Byzantins –, mais aucune des remarquables notices disposées sur les sites (en arménien, russe, anglais… et français) ne le mentionnent ; ils ne doivent pas en être trop fiers : puisse un lecteur Arménien éclairer ma lanterne ! En revanche, il est sûr que les Arméniens ont su constituer un vrai royaume indépendant avec les Artaxiades de Khor Virap avant l’arrivée des Romains en 180 BC, ou les Arsarcides du 1er au IVème s. EC autour des lacs de Van (aujourd’hui en Turquie), Sevan et Ourmiah (aujourd’hui en Iran) ; et les Arméniens rêvent toujours de cette « Grande Arménie » ! Après la dure sujétion des turcs Seldjoukides, les Arméniens réussirent par ailleurs pendant deux siècles (XII-XIVème) à profiter des croisades pour créer une ‘Petite Arménie’ en Cilicie – et leur dernier prince fut un … Lusignan du Poitou !.
Ils passèrent ensuite sous le joug ottoman, fort léger jusqu’à la fin du XIXème s. : les commerçants et banquiers arméniens travaillèrent pendant des siècles dans tout l’Empire (il s’étendait d’Alger au Yémen, de l’Egypte jusqu’à la Serbie), cette notion d’empire incluant par définition la suzeraineté sur des peuples différents aux religions différentes. Leur statut se détériora lorsque les Ottomans – en quasi faillite devinrent la proie des appétits européens : les chrétiens Grecs et Arméniens étaient évidemment des ‘agents de l’Occident’ : le Sultan Abdulhamid les laissa massacrer en 1895/98, les ‘Jeunes Turcs’ à nouveau en 1909. Aussi, quand le Tsar orthodoxe écrasa les Ottomans en 1915 et avança jusqu’au milieu de l’Anatolie, les Arméniens virent en lui un sauveur … et les Ottomans décidèrent, en plein hiver, de déporter l’ensemble des populations arméniennes de l’Empire vers des camps de concentration dans les déserts de Syrie, le tout dans des conditions effroyables puisqu’il s’agissait ‘d’ennemis de l’intérieur’ : ce fut le génocide arménien. Puis la catastrophe des traités de Sèvres (1920 – non ratifié) et de Lausanne (1923). Les Arméniens ne furent guère plus gâtés sous le joug soviétique entre 1920 et 1989, malgré quelques personnalités arméniennes de l’entourage de Staline (notamment les frères Mikoyan, dont l’un fut l’inventeur du Mig, et l’autre longtemps ministres des affaires étrangères) : Staline découpa des frontières absurdes dans la Transcaucasie, dont la région souffre encore aujourd’hui (question du Karabakh), permettant par exemple l’expulsion de tous les Arméniens du Nakhitchevan, les Azéris y éliminant toute trace de la présence millénaire des Arméniens dans la région ; et encore aujourd’hui, en Turquie même, le travail d’éradication des traces historiques des Arméniens se poursuit sur des bases juridiques fragiles.
Il reste que les Arméniens ont gagné la guerre du Karabakh (1989-94) et ont été le premier pays du bloc soviétique à entrer en économie libérale. Nous avons pu rencontrer deux personnalités qui comptent dans l’économie de l’Arménie : d’abord M. Gishyan, arménien… d’Arménie (si, si, cela existe ! Il n’y a pas que des Arméniens de la diaspora pour être entrepreneur ici !), fondateur-président d’une participation du Crédit Agricole qui est la plus importante banque d’Arménie ; et M. Duthoit, expatrié ici depuis trois ans, qui a créé le réseau de téléphonie d’Orange : il y a des affaires qui marchent en Arménie ! Si les Arméniens n’ont guère de ressources naturelles à part le Cuivre et le Molybdène leur principale ressource est la taille du diamant importé de Russie et réexporté à Anvers – et si le flux migratoire est toujours largement négatif, beaucoup d’entre eux restent au pays avec leur gentillesse pour vous accueillir… de préférence entre printemps et automne !
Nous avons plein d’autres choses à vous dire sur l’Arménie… prenez le temps de les découvrir sur les légendes des photos ci-jointes auxquelles vous accédez en cliquant sur la légende de la petite photo en-tête de l’article.
A bientôt… de Géorgie !

Bonus 2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan

Bonus2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan.

Bonus2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan.

 

 

 

En quittant Anzali nous devions aller
Dans un très beau village dénommé Masuleh
Mais la route inondée glissait vers les torrents
Et par une exception mes passagers prudents
Décidèrent d’éviter ces forces surhumaines
Pour filer vers le Nord le long de la Caspienne.
Vers le Nord ! Astara pour être plus précis
Là où il y a la douane avec les Azéris.
Je me suis dit ça y est cette bande de fripons
Veulent me ramener directo au Japon
C’est toujours comme ça en période de crise
On dit aux étrangers faites donc vos valises
Et rentrez donc chez vous, vous serez beaucoup mieux
On n’a plus les moyens et vous êtes trop vieux !
Depuis des kilomètres on longeait des rizières
Nous étions en Asie bien loin de nos arrières.
Ah j’en menais pas large. Pour moi l’Azerbaïdjan
Est un pays étrange où sans doute les gens
Sont des types accueillants, mais des questions de terrains
Font qu’ils sont en bagarre avec les Arméniens.
Heureusement, miracle, nous avons pris la route
Le long de la frontière qui va vers l’Ouest sans doute
Mais grimpe comme une échelle vers des plateaux glacés
Il y avait de la neige partout sur la contrée.
Nous devions faire étape dans la ville d’Ardebil
Et l’agence de voyage a eu l’idée débile
De nous caser au loin dans des genres bungalows
Le vase a débordé ! Philippe a dit : « c’est trop »
Les quatre ont décidé d’aller au centre-ville
Dans un hôtel sympa qui plaisait bien aux filles
Et de virer Fahrad notre guide incapable
Non sans lui refiler un rhume abominable !
A nous la liberté ! Mieux vaut finalement
Etre seuls, que mal accompagnés en Iran.
Ardebil c’était bien, j’étais dans un parking
Pendant qu’ils achetaient des tapis au feeling.
Au moment de partir la neige était tombée
Et les routes incertaines pour ne pas dire fermées.
Ils ont donc décidé de passer par Tabriz
Où hélas dans des rues où l’on n’y voyait guère
Bernard m’a écorchée sur un poteau l’derrière.
Ils m’ont rafistolée mais mon charme antérieur
A quand même baissé du côté postérieur.
De Tabriz nous avons filé très vite vers l’Arax
Un de ces fleuves mythiques où pleins de gens furax
Se sont battus encore dans des guerres d’amplitude
Entre sauvages du Nord et sauvages du Sud.
C’est encore aujourd’hui un drôle de périmètre
Il y a quatre pays en cinquante kilomètres
Tous plus ou moins en guerre, et aucun n’est copain
Pour des raisons variées avec tous ses voisins.
Enfin on est passé. En 3 heures de douanes
Nous étions Arméniens, au fin fond des montagnes.
L’Arménie c’est joli du côté paysage
Mais alors côté routes il faut voir le passage
Ce n’est que bosses et trous comme si ce pays
N’avait rien fait depuis que les Russes sont partis.
C’est pauvre, c’est sauvage, plein d’églises jolies
Leur langue est plus complexe que de parler Farsi
Et fallait voir comment mes patrons à l’étape
S’expliquaient pour trouver avec ce handicap
Un logis pour la nuit chez des gens sympathiques
Car du côté hôtels c’est peau de balle et bernique.
J’ai compris seulement – quand en vue d’Erevan –
Ce que nous fichions là : à cause des deux volcans
Qui se nomment Ararat et dont on fait le tour.
Suis-je bête c’est le titre de leur blog mis à jour !
Je commence à comprendre le sens de ce voyage
Ah ces sexygénaires ! Ils ne font pas leur âge !
L’Arménie c’est pour moi un vilain souvenir
J’ai d’abord vu les filles puis Philippe partir
Il me restait Bernard décidé à rouler
Tout autour d’Erevan sans savoir où il allait
Vu qu’il y a peu d’panneaux et encore illisibles
Sans son navigateur ce fut parfois terrible.
C’est le 13 novembre que le pire arriva.
Ce chiffre porte malheur tout le monde sait ça.
J’avais avec succès répondu au challenge
De grimper dans la neige et il était aux anges
Quand visitant un bled dénommé Noratus
Une espèce de Lada plus cotée à l’Argus
Est venue se frotter à ma carrosserie
Une aile et la portière en furent bien flétries.
Le gars sans assurance, la foule se massait
Mon chauffeur pas trop fier tenta de négocier.
Un vague carrossier proposa ses services
Et Bernard me laissa à l’ouvrier novice
Craignant bien sûr le pire mais vraiment comment faire ?
Il fallait réparer pour nous tirer d’affaire.
Je ne vous dirais pas les jours que j’ai passés
Moitié déshabillée dans un garage glacé
Mais bon c’est l’aventure et je craignais le pire :
Être pillée, volée et vendue à des sbires.
Au final le gredin m’a rendue, présentable.
Ça semble professionnel, c’est loin d’être minable
Je vais pouvoir rouler c’est le plus important.
Philippe est de retour, alors vite en avant
Quittons donc l’Arménie, ses églises et couvents
Allons voir la Géorgie si c’est très différent.

Je suis sollicitée par des fans amusés
Qui veulent que je leur dise impressions et pensées
Et bien soit, vous aurez, écrit sans amertume,
Mon petit commentaire au niveau du bitume.

6 – L’Iran azeri

6 - l'Iran azeri

6 – l’Iran azeri

Bienvenue en Iran ! Alors que nous cherchions un taxi devant notre hôtel de Tabriz pour nous rendre au bazar, dès notre première journée dans cet Iran des Ayatollahs, nos épouses ont été abordées en bon anglais par un trio de jeunes filles qui n’avaient pas vingt ans ; elles leur ont demandé d’où elles venaient : ‘Paris’, mot magique ! leur excitation a monté d’un cran ; elles voulaient quasiment embrasser Marie et Véronique, tout savoir de ce que nous faisions ici… malheureusement, le taxi était là, il aurait fallu le renvoyer, je leur ai donné l’une de nos cartes de visite… avec nos adresses email … en France… nous ne pouvions leur faire cadeau plus précieux, qu’elles se disputaient !
Le surlendemain, alors que nous dînions dans l’auberge rustique du village de Takab, le serveur est venu nous demander si nous accepterions de discuter avec un collégien qui voulait nous parler ; il s’assit avec nous ; son anglais était approximatif … et il n’était là que pour l’améliorer ! Il apparut plus tard que c’est son père qui l’avait amené en voiture dans le seul but de rencontrer des étrangers et pratiquer son anglais !
Le surlendemain encore, à Ardebil, à trois reprises, nous avons été abordés dans la rue par des jeunes de vingt ans ; une jeune fille est entrée derrière nous dans la pâtisserie où nous venions prendre un thé pour parler avec nous. Sami quant à lui voulait savoir « comment c’était Paris » ( !), « si c’était difficile d’y trouver du travail » ( !!), « de quels types de spécialités nous manquions chez nous » ( !!!), « si la vie y était chère », etc… ; il n’avait pas encore droit à un passeport parce qu’il lui fallait d’abord effectuer son service militaire de deux ans qu’il semblait redouter. En bref, il était clair que tous ces jeunes ne pensaient qu’à une chose : bâtir leur vie ailleurs que dans leur pays ; nous avons d’ailleurs croisé un jeune gay à Erevan (Arménie) qui avait quitté l’Iran depuis six ans et n’envisageait pas du tout de revenir au pays.
Les plus âgés non plus ne sont pas fiers de leur pays ; bien sûr ils râlent à juste titre sur la pénurie et le rationnement d’un carburant de piètre qualité alors que le pays est le 4ème producteur de pétrole du monde… mais gaspillent carburant et chauffage dans une pollution sans nom, comme chez nous dans les années soixante ; ils affichent leur indifférence aux slogans omniprésents et agressifs de la Révolution et affectent s ne pas avoir de convictions religieuses trop marquées ; mais ils nous sont surtout apparus résignés, et prêts à toutes les petites combines pour survivre. Il n’y a pratiquement pas d’artisanat dans l’Iran que nous avons visité – à part les tapis, tout semble venir d’Extrême Orient… comme depuis toujours par la ‘route de la Soie’ ! Les plus optimistes nous ont paru être les Kurdes, que la spécificité culturelle reconnue par le pouvoir semble autoriser à toutes les impertinences : admirez dans l’album ci-dessous la tenue colorée des femmes lors du mariage kurde, et comparez-la à celle des ombres noires devant les vitrines des bijoutiers du bazar !
Il faut dire que les Iraniens se sont enfermés dans l’impasse d’une invraisemblable Constitution : en 1979, ils ont ‘approuvé’ par referendum (ils n’avaient qu’une alternative oui/non, et le vote n’était pas secret) un système ‘républicain’ qui confie à une ‘Assemblée des Experts’ le soin souverain de rejeter les candidatures de personnes non conformes à leurs idéaux ; seule une nouvelles révolution est donc susceptible de changer le régime. Il faut dire que depuis Cyrus le Grand (600 BC) il y a 2.500 ans et jusqu’en 1906, un monarque absolu appelé ‘Shah’ règne sur la Perse ; ce dernier s’est toujours considéré comme ‘l’Ombre de Dieu’ sur Terre, terme repris par les Califes arabes de Bagdad ; le petit officier Reza Pahlavi, devenu Shah en 1925, s’était inscrit dans cette dynastie (rappelez-vous le 2.500ème anniversaire célébré à Persépolis en 1972) ; il n’y a donc pas à être surpris que les Ayatollah soient restés dans la même logique, même s’ils l’ont revêtue des habits de l’islam shiite.
Les quatre points forts de notre petit tour dans cet ‘Iran azéri’ la Province iranienne visitée porte le nom ‘d’Azerbaïdjan’ et est majoritairement peuplée de turcs azéris – auront été les deux grandes villes de Tabriz et Ardebil d’une part, l’extraordinaire complexe zoroastrien de Takht-e-Soleiman à côté de Takab, et enfin la symbolique et magnifique vallée de l’Arax qui marque depuis deux siècles la frontière entre les univers russe et persan.
Tabriz (1,3 million d’hab. 1.300 m d’alt.) reste dans l’imaginaire des iraniens d’abord une ville non perse mais azérie, ensuite la 1ère capitale de l’Iran safavide au XVIème siècle, et enfin celle qui a mis en route la révolution constitutionnelle de 1906. Ils oublient qu’elle a aussi été la capitale des ‘Moutons Noirs’ au XVème, lesquels lui ont laissé une merveilleuse ‘Mosquée Bleue’. Son altitude en fit la résidence d’été des souverains qâdjârs renversés en 1906. Et sa longue histoire au carrefour des routes d’Irak, de Turquie, du Caucase et de la Perse l’a laissée avec un fantastique bazar qu’on ne trouve que sur les routes de la Soie.
Ardebil (0,65 million d’hab. 1.300 m d’alt.) est pour les iraniens la ville où est enterré le cheikh Safi-od-Din depuis 1334 ; le nom ne vous dit peut-être rien, mais c’est grâce à lui que l’Iran est aujourd’hui chiite et non pas sunnite ; c’est de son nom ‘Safi’ que vient en effet la dynastie des Safavides qui régna après les Mongols jusqu’au milieu du XVIIIème , lesquels unifièrent la Perse sous la bannière d’Ali ; et c’est donc grâce à lui que les minarets d’Iran sont bien moins bruyants que ceux de Turquie, d’Egypte ou du Maroc, car le chiisme est beaucoup moins formaliste et démonstratif que le sunnisme : il relève, malgré les apparences, d’une spiritualité toute soufie.
Je vous laisse découvrir le site de Takht-e-Soleiman (‘Temple de Salomon’) par les photos ci-jointes et leurs légendes.
Quant à la vallée de l’Arax, outre que des sources l’assimilent au Guihôn qui coule du Paradis (du mot persan ‘Pardès’ = jardin !) – cf. Gn 2, 13-15) , lequel, comme chacun sait, était auprès du Mt Ararat, il s’agit surtout d’une magnifique rivière qui vient de Turquie et marque la frontière entre celle-ci et l’Arménie, puis entre celle-ci et le Nakhitchevan (province de l’Azerbaïdjan – cf. légendes photos !) puis l’Iran, et enfin entre celui-ci et l’Azerbaïdjan. Le fleuve se jette dans la mer Caspienne après avoir emprunté de formidables défilés (re-cf. photos !!). Il fut pendant des siècles un fleuve essentiellement arménien. Nous passerons la prochaine fois en Arménie d’aujourd’hui.
Pour plus de détails sur notre voyage en Iran, cliquez sur la légende de la petite photo en tête de l’article ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et merci d’avance pour vos éventuels commentaires !

Bonus 1 : Complainte de notre Honda: de Versailles à la Caspienne

Bonus 1 - Complainte de la Honda de Nice à la Caspienne

Bonus 1 – Complainte de la Honda de Nice à la Caspienne

 

Complainte de notre Honda
1/ Sur la route d’Ouest en Est de Nice à la Caspienne

J’étais tranquille à Nice à frimer sur la plage
Quand j’ai été vendue à une bande de sauvages
Qui se sont associés pour aller à Versailles.
Du haut de mes 10 ans ça n’disait rien qui vaille
Mais c’était un hors d’œuvre, et le pire arriva :
Quatre sexygénaires ont rempli tant mon coffre
Que mes sièges en cuir. Vautrés comme des beaufs
Ils filèrent fin Juin vers l’Italie, Florence
Roulant comme des fous pour traverser la France.
Ils n’étaient pas très gros, mais mes amortisseurs
En ont pris plein le dos par ces quatre agresseurs
Qui roulèrent jusqu’aux Pouilles et quand vint Brindisi
Me chargèrent comme un sac dans un ferry pourri.
Je me suis sentie mal en arrivant en Grèce
Ce pays en faillite me donnait chaud aux fesses :
Serais-je prise en otage, ou brûlée, ou volée ?
Bien pire : ils m’ont plantée au parking du Pirée
Et m’ont laissée toute seule trois mois de canicule
Perdue parmi un tas de très grecs véhicules
Et de manifestants qui hurlaient tout autour.
Je me suis demandée : quand reverrai-je le jour ?
Et puis le 7 octobre deux Perrin s’sont pointés.
Comme si de rien n’était ils m’ont faite démarrer
Moi, qui suis bonne fille, je leur ai obéi
Pas pour aller très loin: encore dans un ferry !
Il s’est mis à pleuvoir en arrivant à Chios
Parlez-moi des iles grecques et je deviens féroce !
Le lendemain matin nous passions en Turquie
A Izmir comme ailleurs il pleuvait des hallebardes
Fallait faire attention je les ai mis en garde
Mais mes deux compagnons visitaient des tas de pierres
Quand moi je surnageais en faisant des prières
Pour qu’un peu de soleil sèche enfin cette route
Avant que ce périple ne finisse en déroute.
Enfin il a fait beau et je dois avouer
Que la côte sud des Turcs est pittoresque à souhait
Ce pays de bosseurs a des routes superbes
J’en ai oublié Nice et ses vieilles rombières.
A Adana – étrange – Marc me laissa tomber
Préférant un vieux car à mes sièges ouatés !
Seule avec Philippe qui conduit comme un dingue
Je me demandais bien comment – à tout berzingue –
Finirait ce périple qui s’enfonçait vers l’Est
Et puis surprise un jour – c’était à Gaziantep,
S’est pointé l’proprio que j’n’avais jamais vu
Un dénommé Bernard, un genre d’hurluberlu
Arrivé de Beyrouth va donc savoir comment?
Tout ce que j’ai compris c’est qu’ils avaient le temps
Et que la randonnée n’était qu’à ses débuts.
Aucun n’a demandé mon avis : y’a de l’abus !
C’est moi qui fait l’boulot, qui roule nuit et jour
Et qui dors dans la rue encore et toujours.
J’ai très vite compris que mes deux conducteurs
Voulaient – tout en flânant – rouler jusque vers Van
Pour y récupérer l’un et l’autre leurs dames.
Van ! Quelle étrange idée, je n’sentais pas le coup
Dans ce genre de patelin la terre bouge beaucoup
On y a passé deux nuits où je tremblais de peur.
Sitôt quitté le lac, un séisme majeur
A détruit en partie cette ville, et les morts
Y furent plus de 500, on a eu chaud au corps !
Arrivés au fin fond de l’Est de la Turquie
Je me suis dit quand même ils ne vont pas aussi
Aller jusqu’en Iran dont la réputation
Suscite des réserves, voire désapprobation.
Eh bien si ! Ces cinglés ont même fait plusieurs heures
La queue dans une douane qui n’sentait pas l’bonheur
Là ces quatre naïfs ont pris un passager
Qui se prétendait guide mais était un benêt
Avec qui j’ai connu les pires des malheurs :
Il ne connaissait ni le pays, ni les heures.
Cet idiot a rempli mon réservoir d’gazole
Je n’ai rien voulu dire et donc – comme une folle
J’ai roulé avec ça sur 300 kilomètres
En toussant en fumant, de façon à émettre
Un signal aux patrons qui ne comprenaient rien.
Arrivés à Tabriz, Je m’suis dit ça va bien
Je m’arrête et je meurs c’est triste et c’est trop bête
Et là, le pseudo-guide dénommé « Bicyclette »
A trouvé un malin qui m’a enfin comprise
Qui purgea l’infection et permit la reprise.
J’ai failli embrasser ce mécano fortiche
Mais ça aurait vexé mes passagers godiches !
Le temps s’est rafraîchi et – grimpant les montagnes
Nous avons vu la neige par-dessus la campagne.
Là dévalant des cols sur des routes très traîtres
Nous sommes descendus jusqu’à moins 27 mètres
Nous étions arrivés au bord de la Caspienne.
C’est vraiment casse-pied sous la pluie la Caspienne
C’est gris, c’est inondé, j’ai bien regretté Nice.
Le bon point dans tout ça – et même un vrai délice –
C’est qu’à partir de là nous repartions vers l’Ouest
Enfin, il était temps, ça me prenait la tête !

Si l’inspiration vient je vous dirais la suite
Mais soyez très patient ce n’est pas pour de suite !

5 – de la route de la Soie au plateau Anatolien

5 - de la route de la Soie au plateau Anatolien

5 – de la route de la Soie au plateau Anatolien

Enfin des nouvelles ! Nous vous écrivons d’Erevan, la capitale de l’Arménie, où nous sommes arrivés il y a quelques jours déjà, le temps d’abord de visiter Erevan et ses environs immédiats avec nos épouses, puis de les remettre dans l’avion pour Paris hier matin, et enfin de nous mettre au travail. La Maman de Véronique étant décédée il y a deux jours, elle rentrait juste à temps, et je la rejoindrai sous peu à Paris pour quelques jours, en espérant pouvoir terminer l’illustration de notre beau voyage en Iran ! Mais en attendant, voici déjà celui de la Turquie du Sud Est.
Quand on quitte Adana et le delta du Seyhan en Cilicie pour franchir vers l’Est la chaîne du Nur Dagi, celle-là même qui domine l’Oronte, on pénètre dans un monde radicalement nouveau. Là commencent les grandes plaines situées au Nord des déserts syrien et irakien, au pied du plateau anatolien et des montagnes complexes du sud du Caucase ; elles s’étendent jusqu’aux monts Zagros, à 2.000 km, qui marquent la frontière entre les mondes persans et arabes. C’est par là que sont passés – et que se sont battus ! tous les grands envahisseurs Perses, Parthes ou Seldjouks vers l’Ouest, Grecs, Romains, Byzantins ou ‘Croisés’ vers l’Est, Hittites ou d’Ourartou vers le Sud, Égyptiens ou Arabes vers le Nord. On y trouve de l’eau à profusion, qui descend des montagnes, comme notamment l’Euphrate et le Tigre. Toutes les villes qui s’y sont construites ont été de grands carrefours de civilisations, des centres commerciaux accumulant richesses, châteaux forts et caravansérails depuis des millénaires. La position géographique de cette région en fait, aujourd’hui encore, un lieu de tension entre les peuples et leurs religions. C’est dès Osmaniye qu’on aperçoit de la route les premiers fortins de l’armée turque en proie à la rébellion kurde ; les défilés qui remontent des plaines vers le lac de Van (1.700m) sont tous les mois des coupe-gorges pour l’armée turque et ses supplétifs kurdes ; un miroir a été passé sous notre voiture quand nous sommes allés chercher nos épouses à l’aéroport de Van, et des soldats en armes contrôlent toutes les routes sous un trafic important d’avions et d’hélicoptères armés.
Les quelques communautés chrétiennes que nous avons pu rencontrer dans le Tur Abdin (Midyat, Mar Yakub, grecques orthodoxes ou syriaques) sont malheureusement en voie d’extinction malgré une importante aide venue de l’Occident, dans d’admirables églises et monastères.
Nous avons eu la chance de parcourir – beaucoup trop vite ! – cette région par un temps frais et lumineux nous immergeant dans ces terres et cieux immenses. Après les mosaïques de Zeugma du musée d’Antep – surnommée ‘Gazi’, combattante pour la foi (Gaziantep), après sa résistance héroïque aux troupes franco-anglaises lors de la chute de l’empire ottoman (1920) – nous avons fait une première incursion sur le plateau anatolien en escaladant le Nemrut Dagi (2.150m), au sommet duquel se trouve un invraisemblable mausolée (cf. photo de couverture de l’album 5 ci-joint) construit par un petit roi de Commagène en 50 BC. Du sommet, on peut apercevoir tout en bas les méandres de l’Euphrate dans le lac Atatürk que nous avons traversé en redescendant dans la plaine. L’antique Edesse, aujourd’hui SanliUrfa, est encore plus animée que Antep ; les musulmans – surtout chiites venus d’Iran – y révèrent le lieu de naissance d’Abraham. Pour nous chrétiens, la patrie d’Abraham n’est pas loin non plus, à Harran, à une quarantaine de kilomètres vers le Sud, là où la Bible nous dit que Isaac, puis Jacob, sont venus chercher leurs épouses Rebecca, Léa et Rachel. Urfa, c’est aussi un bazar ‘magique’, centre de la ville sociale de la ville. Le lendemain, poursuivant la route de la Soie, nous dormions dans l’invraisemblable Mardin, accrochée sur un promontoire en face de l’immense plaine, patrie des tailleurs et sculpteurs de pierre jusqu’à Constantinople. Avant de nous enfoncer, cette fois pour de bon, sur les hauts plateaux, nous avons fait deux courtes escales à Midyat et au monastère de Mar Yakoub dans le Tur Abdin, où survivent des communautés chrétiennes syriaques que nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer.
Après avoir traversé le Tigre dans le site spectaculaire de Hasankeyf, nous avons emprunté les gorges qui remontent vers le lac de Van situé à plus de 1.700 m d’altitude. En plein pays kurde en émoi du fait des combats faisant rage entre les Turcs et leurs frères réfugiés en Irak, la présence militaire se faisait lourde, avec les blindés tentant de se frayer un chemin à travers la transhumance de dizaines de milliers de moutons qui empruntaient l’autoroute! Le débouché sur le lac de Van fut un éblouissement, les eaux du lac reflétant aussi bien les couleurs d’automne que les neiges qui couronnaient les sommets dès 2.200 mètres. Ce fut l’occasion de tester la voiture sur les routes enneigées jusqu’aux lacs de cratère du Nemrod Dagi à 2.600 m. La route jusqu’à Van, aux bords du lac, continua l’enchantement : petite ballade d’une heure jusqu’à l’église arménienne de St Thomas d’Altinsaç, et passage au large de l’ilôt d’Akdamar avec sa belle église consacrée en 921 où nous avons confondu un temps la pyramide enneigée du volcan Süphan Dagi (4.058m) que nous avons pris pour le Mt Ararat ( !), se reflétant si bien dans les eaux du lac ! Preuve était néanmoins faite que nous avions atteint un des cœurs de l’Arménie historique, constituée autour des trois grands lacs de ce Caucase méridional : celui de Van en Turquie, d’Ourmiah en Iran, et de Sevan en Arménie. Mais il n’existe plus dans cette partie de la Turquie la moindre trace de communauté arménienne résidant sur place…
C’est alors que nos épouses Véronique et Marie nous ont rejoints par avion de Paris. Après le tête à tête avec Marc pendant la première semaine, puis celui avec Bernard pendant la seconde, voilà que nous nous trouvions en ménages pour quinze jours ! C’est ici l’occasion de dire que, au moins jusqu’à présent, aucune de ces trois cohabitations ‘dans l’habitacle’ n’aura été pesante ; chacun trouve sa place dans ce qu’il sait faire ; la conscience de la chance que nous avons de voyager dans ces conditions nous fait bien volontiers céder sur les points de détail qui pourraient nous opposer ; et quand nous avons dû prendre la décision, au milieu de notre séjour iranien, de rompre avec notre agence de tourisme iranienne et de renvoyer notre ‘guide’, et donc quand la tension est montée d’un cran, chacun en a accepté les éventuelles conséquences… qui se sont surtout traduites par une nouvelle liberté !
Dès leur arrivée à l’aéroport de Van, nous avons donc emmené nos épouses visiter la célèbre et splendide église de la Sainte Croix sur l’îlot d’Akdamar par un temps radieux, puis la Citadelle de Van. Le lendemain, elles ont préparé leur ‘tchadors’ pour se couvrir la tête dès l’entrée en Iran. Nous étions accueillis à la douane par les portraits des Ayatollah Khomeiny et Khamenei après avoir emprunté la large vallée qui conduit de Turquie en Iran. Le tremblement de terre de Van en ce 23 octobre – qui vous a fait trembler pour nous – a eu lieu pendant que nous attendions à la douane (cinq heures de formalités… on oublie toujours que, alors qu’on nous dit que ‘tout est fini vous pouvez y aller’, il reste encore, aux barrages ultérieurs, à payer une taxe pour rouler sur les routes du pays, puis à prendre une assurance aux tiers) : nous n’avons absolument rien senti !
Pour plus de détails sur notre voyage, cliquez sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“De la route de la Soie au plateau Anatolien”); elles vous donnent accès à un ‘Album Picasa’ dont les (trop nombreuses !) photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et merci pour vos éventuels commentaires !

4 – d’Athènes à Antioche

4 - d'Athènes à Antioche

4 – d’Athènes à Antioche

 

Oui, je sais, j’aurai pu rectifier le titre puisque finalement ce n’est pas à Antioche que nous avons convenu de restituer sa voiture à Bernard, mais à Gaziantep, quelques centaines de kilomètres plus près des Perses. Blâme pointé aux fonctionnaires européens ! Mais Antioche, où il ne reste plus grand-chose, dit-on, à voir de son glorieux passé de capitale, me paraissait plus symbolique de cette étape essentiellement gréco-romaine : quelle émotion de se retrouver pour la première fois de sa vie sur l’Acropole d’Athènes, d’où l’on aperçoit fort bien au loin le port du Pirée, et d’où les Athéniens purent tout suivre du déroulement de la victoire navale de Salamine (480 BC) contre le Perse Xerxès, petit fils de Cyrus le Grand ; ou de passer devant des panneaux indiquant la direction de Marathon, autre grande victoire athénienne contre les mêmes Perses du même Xerxès (490 BC) ; nous refaisons en quelque sorte le trajet de retour des Perses chez eux !
Nous n’avons pu consacrer qu’une journée à découvrir Athènes, juste assez pour emprunter les pas de Diogène, Socrate, Platon, Aristote ou… St Paul sur les Agora grecque et romaine et le rocher de l’Aréopage, admirer l’équilibre et la grâce des Parthénon et Caryatides devant la colline du Lycabète, imaginer les débats de la boulê en remerciant les Grecs d’avoir inventé la philosophie, puis la démocratie, celle qui sait mieux que le tyran ce qui est bon pour le peuple… et se révèle plus forte que la puissante Perse !
Du Pirée, le port tout proche d’Athènes, nous avons retrouvé la voiture qu’y avaient laissée nos amis Ossent trois mois plus tôt et nous sommes embarqués pour l’Asie, en face, de l’autre côté de la mer Egée, par un temps devenu brutalement très orageux : le mauvais temps nous accompagnera cinq jours durant. L’arrivée de nuit sous la pluie à Chios me permit d’apprécier pour une fois le confort d’une voiture ! Pluie diluvienne, minuit passé, et la route que j’avais mémorisée pour rejoindre notre chambre d’hôte coupée par police et ambulances, nous obligeant à tours et détours sans point de repère autre que les boussoles déréglées de ma tête et du tableau de bord ! Le lendemain matin, la tempête nous a empêché de nous baigner dans la mer Egée, mais pas de visiter deux villages du sud de l’île, Pyrgi et Mesta, dont la grande prospérité – fondée sur la gomme de lentisque dont raffolait le sultan ottoman – disparut avec l’Indépendance (1830). Le dernier fait d’armes, si l’on peut dire, de Chios semble d’avoir été en première ligne de la chute dramatique de Smyrne en 1922 ; ville natale d’Homère (et de St Irénée… de Lyon), grecque depuis des millénaires, elle dut être abandonnée aux forces de Mustapha Kemal ‘Attatürk’, qui la rebaptisèrent Izmir.
La route la plus directe pour rejoindre le Moyen Orient nous paraissait celle-ci et nous pensions que des ferries faisaient la navette incessante entre Chios et Cesme, le port avancé d’Izmir, à quelques kilomètres seulement de Chios ; mais non… Chios est un cul de sac, loin par l’esprit de la côte turque toute proche, et, s’il y a bien un ferry de temps à autre, celui qui nous embarqua ne pouvait prendre qu’une voiture, ainsi que les motos de deux turcs en goguette en Grèce ! Seul un couple français d’Arméniens ‘de Smyrne’ croisé dans notre chambre d’hôtes venait pèleriner sur la terre de ses ancêtres. Izmir, notre premier contact avec la Turquie, nous a laissé une forte impression, nettement plus ‘européenne’ que… la Grèce : 2,8 millions d’habitants, une baie magnifique, des avenues gigantesques, brillamment éclairées et d’une propreté étincelante, sans parler de ses pâtisseries orientales ! Les boutiques d’alcool en vente libre ont pignon sur rue, et on n’y trouve guère de trace de l’islamisme régnant depuis dix ans en Turquie. Cerise sur le gâteau : l’appel du muezzin nous rappelait que nous étions, cette fois vraiment, en Asie, avec une nouvelle langue réputée difficile à ânonner !
Une fois dégagés des embouteillages du lundi matin, nous étions en moins d’une heure dans l’antique ville d’Ephèse, sous des averses constantes et violentes qui ne décourageaient guère des troupeaux de touristes venus du monde entier. La grandeur d’Ephèse se poursuivit sans discontinuer des Grecs aux Hellénistiques, aux Romains puis aux Byzantins. Aujourd’hui turque, elle rappelle que pendant deux millénaires, c’est l’Antiquité grecque et romaine qui partit, avec Alexandre, ‘civiliser’ les peuples jusqu’à l’Indus à une époque où les Turcs étaient encore éleveurs de troupeaux dans l’Altaï. C’est en 1071 que les Turcs Seldjoukides battirent sévèrement les Byzantins aux bords du lac de Van, ouvrant la porte à une colonisation de l’Anatolie qui se poursuivit vers l’Ouest jusqu’au siège de Vienne (Autriche) au XVIIème siècle ; la poussée turque en Allemagne aujourd’hui, et la demande d’entrée dans l’Union Européenne semble relever du même ‘Go West’ turc ! J’en dirai plus dans un prochain blog !
Je ne m’étendrai pas sur les merveilleux sites antiques croisés sur notre route, ceux d’Aphrodisias et Termessos, Pergé ou Aspendos (reportez vous aux quelques photos dans l’album ci-joint ; la dernière est une carte avec notre trajet !). Antalya et Alanya nous ont semblé mériter mieux que leur réputation de villes pour tourisme bon marché ; la première est une des rares de Turquie à offrir de nombreuses maisons de l’époque ottomane ; la seconde – le fameux repaire de pirates que Pompée détruisit en 64 BC – offre un site spectaculaire. Et la route entre Alanya et Adana, paradis pour les motards (on imagine l’Estérel dans les années 60 !) propose une forteresse maritime exceptionnelle (Mamure Kalesi) rappelant que le contrôle des routes maritimes, quand les navires ne permettaient de faire que du cabotage, passait par un réseau côtier de forteresses.
En conclusion, je voudrais dire ma joie de me retrouver à nouveau ‘sur la route’. Certes, pour cette première branche, c’est mon cousin Marc Perrin qui a pris la place de ma tendre épouse ; mais ma première expérience de cohabitation avec un autre sexagénaire, que je ne connaissais finalement que peu, aura été positive ; j’espère pouvoir en laisser d’autres traces sur ce blog ! Et j’attends avec impatience de pouvoir retrouver Véronique dans moins d’une semaine, qui nous rejoint à Van avec Marie Champanhet pour une équipée à quatre dans la même voiture… Encore une autre expérience !

POUR ACCEDER A L’ALBUM, CLIQUEZ SUR LA LEGENDE OU LA PETITE PHOTO EN TETE DE L’ARTICLE (“d’Athènes à Antioche”).

3 – Difficiles préparatifs !

3 - Ispahan, Persepolis, Shiraz

3 – Ispahan, Persepolis, Shiraz

Amis blogueurs, si vous n’êtes bourlingueurs que sur Internet (c’est déjà pas ma.l !) il faut que vous sachiez que préparer un voyage c’est d’une part déjà voyager : lecture des guides, lecture des forums de voyageurs, rêverie sur les cartes, choix des itinéraires, listage des contraintes et – plus prétentieux que tout – anticipation des imprévus possibles ! Comme cette liste est un peu générale, voici pour l’illustrer l’aventure des visas iraniens
Nous sommes donc 4 candidats à vouloir passer en voiture la frontière turco-iranienne le 23 octobre prochain si tout va bien : Véronique & Marie auront rejoint la veille à Van (Turquie kurde) leurs maris Philippe et Bernard. Pour obtenir un visa iranien, il faut avoir une invitation d’une agence de voyage (ou d’une société locale, ou d’un organisme tel qu’une université…) qui en fait la demande – pour un itinéraire et des dates données (et notamment une entrée sur le territoire à partir du 21 octobre) – auprès du Ministère Iranien des affaires Etrangères. Celui-ci émet un ‘n° d’invitation’ qu’il envoie au Consulat d’Iran, lequel appose le visa sur le passeport après avoir recueilli nos empreintes digitales. Un peu plus compliqué pour nous puisqu’il fallait 2 invitations, l’une pour le Consulat d’Iran en France (qui met 3 semaines à délivrer le fameux sésame), l’autre pour l’Ambassade d’Iran à Beyrouth pour Bernard qui y est en mission 3 semaines sur 4. Bernard, aussitôt le numéro obtenu (le 21 juillet dernier) s’est précipité à l’Ambassade entre deux voyages où il a besoin de son passeport. Après un marathon en taxi pour aller payer les 50€ de visa auprès d’une banque iranienne, le Consul lui a délivré son visa sur le champ : bravo et … dommage, car le visa, valable pour 90 jours, ne l’est que jusqu’au 19 octobre 2010, soit juste avant que nous ne passions la frontière ! Que faire ? Car le n° d’invitation est épuisé, et … il ne peut être délivré de nouveau visa tant que le présent est valable ou inutilisé ! Après une phase tout à fait vaine d’énervement, une seule solution : l’utiliser d’abord avant d’en demander un nouveau… ! L’occasion d’aller faire un tour de reconnaissance en Iran : de Beyrouth c’est l’affaire d’un long WE : un petit tour de 4 jours dans les coins les plus touristiques de l’Iran : Ispahan, Persépolis et Chiraz. Il y a pire comme punition ! Ci-dessous donc un petit album de photos sur trois villes de rêve que nous n’avions pas prévu de visiter avant de revenir plus longuement avec nos motos :
ISPAHAN – Capitale des Séfévides (du XVIème au XVIIIème siècle), qui ont notamment fixé les frontières actuelles de la Perse, l’ont converti au chiisme, et instauré la théocratie du Shah : Ismaël 1er, le ‘guide parfait’, est une émanation de Dieu un peu comme aujourd’hui le Guide Suprême de la révolution islamique est celle de l’imam caché. C’est Shah Abbas qui en fera une capitale qui reste aujourd’hui une des plus belles villes du monde islamique.
PERSEPOLIS – La capitale de l’empire achéménide (du VIème au IVème siècle av. JC), celui fondé par Cyrus le Grand. C’est à Darius – battu par les Athéniens à Marathon ¬ qu’on doit la grandeur de la ville, et à Alexandre le Grand sa ruine en -330. La révolution a détruit le mausolée que le général cosaque devenu Shah sous le nom de Reza Pahlavi s’y était fait construire.
SHIRAZ – La grande ville, à 60 km de Persepolis, est célébrée pour son art de vivre, sa vie intellectuelle, ses poètes, et ses jardins, notamment depuis qu’elle fut capitale de la Perse au XVIIIème siècle.
Accompagné de son ami Pierre Fachon venu le rejoindre pour l’occasion, ils ont fait ce tour rapide et enchanteur comme des fusées (dommage), vous trouverez dans la galerie un aperçu de quelques photos. Côté organisation de ce tour express, Thetis Travel (Teheran) a concocté un programme bien fait : arrivée un vendredi à 2 h du matin à Téhéran (l’aéroport est très au sud de la ville) un taxi attendait les touristes, assez grand pour y dormir sur l’autoroute de 450 km qui va à Ispahan où le lever de soleil sur les ponts valait à lui seul le déplacement. Ispahan et ses jardins ce n’est pas une légende ; quant aux mosquées couvertes de mosaïques, il y en a pour tous les goûts et si ça ne suffit pas les palais variés autour d’Imam Square vous enchanteront, ou les fresques dans les églises arméniennes. Les deux jours à Ispahan, ses kilomètres de bazar, le B&B trouvé par l’agence, les restos, les touristes iraniens (derniers jours de vacances scolaires ; pas d’autres touristes) : tout l’Orient enchanteur. Dès le dimanche matin tôt, départ dans un autre taxi vers Persépolis par une autoroute roulante limitée à 110 km/h et fortement fliquée par des types à jumelles : d’ailleurs notre chauffeur s’est fait prendre, il faut dire qu’il y aurait 35 000 morts par an sur les routes iraniennes, c’est trop ! Persépolis très impressionnant de majesté et de sculptures pleines de détails fins. Une guide charmante avait pris le relais du taximan : un puits de science (et d’histoire). Dans l’aprèm, (auto)route vers Chiraz et sa forteresse ; bel hôtel dans la vieille ville. Le lundi, visite de Chiraz, moins de charme qu’Ispahan, mais des visites plus variées de maisons bourgeoises, de mausolées de poètes, du bazar plein de tapis, des mosquées faïencées dans un air sec et chaud (32°, comme à Beyrouth, mais agréable car sec, pourvu que l’on boive souvent). Ce même lundi soir notre chère guide nous a laissé à l’aéroport de Chiraz, hangar lugubre où les 6 vols internationaux par jour ne créent pas une animation suffisante pour y passer agréablement la moitié de la nuit à attendre le vol de 3h du matin pour rentrer !!!
Bref cette escapade a permis à Bernard d’épuiser son visa et de pouvoir en demander un autre : nouvelles invitation, etc… et patatras le Ministère l’a envoyée par erreur à Paris ! Thetis Travel va la faire transférer à Beyrouth ; il y a quelque espoir de l’avoir pour le 6 octobre, sachant que le départ de Beyrouth est prévu le 14 ! Stressant la vie de retraité baroudeur ! Entre temps les Parisiens auront peut-être obtenu les leurs ? Yalla !

2 – Etats d’âmes

Les nouveautés de ce voyage ‘autour du Mont Ararat’ vont, à la réflexion, très au-delà de la découverte de pays peu visités.

Sa genèse d’abord ne résultait pas seulement, comme les précédents voyages en motos, d’un vague programme d’avancer dans notre tour du monde vers des cultures au cœur des problèmes du monde contemporain ; Bernard avait hérité de cette mission d’une année à Beyrouth, d’où il avait pu suivre avec passion nos aventures au milieu des révolutions arabes ; proche d’une retraite bien méritée, il se mit à souffrir comme nous des mêmes symptômes de ‘démangeaisons’ : le Liban étant le vivier de toutes les tensions de la région, il se prit à rêver de revenir de Beyrouth par la route, et par le chemin des écoliers, ‘l’école’ finalement retenue étant celle, tout autour du Mont Ararat, des Turc voisins, des Kurdes rebelles, des Shiites nourrissant le Hezbollah, des Arméniens… (pas très ?) catholiques mais très anti-turcs, et des Géorgiens (pas très ?) orthodoxes mais plutôt anti-russes ! L’objectif initial consiste à rejoindre la Mer Noire avant le mois de décembre en tentant d’échapper aux rigueurs de l’hiver caucasien, puis de passer Noël en famille dans une île grecque. Les Perrin se sont associés avec plaisir à ce voyage automobile qui leur permettait une reconnaissance, sur le terrain, de pays réputés pas très faciles afin d’y retourner plus tard, avec leurs motos, sur la Route de la Soie.

La mise en route ensuite en a été très laborieuse. Initialement, nous devions amener dès le mois de juillet la voiture jusqu’à Beyrouth ; les vols et ferries étaient réservés pour prendre la suite du voyage des Ossent ; mais les développements de la révolution syrienne ont fini par nous empêcher de traverser ce pays, et le ferry alternatif qui devait nous emmener directement de Turquie au Liban s’est prouvé extrêmement aléatoire : nous permettrait-il de façon certaine de quitter le Liban au début du mois d’octobre ? Nous découvrions la difficulté de ce genre de voyage où il faut coordonner les calendriers et desiderata de chacun avec des contraintes économico-politiques. Il est bien plus facile de voyager, soit pendant des mois, avec tout le temps nécessaire pour contourner ces contraintes, soit à dates fixes et pour quelques jours, mais alors en ‘Bidochons/Tours operators’. Enseignement : associer ces deux façons de voyager, c’est tenter l’union de la carpe et du lapin !

La formule enfin est nouvelle ; au lieu de voyager en ‘vieux’ couple, émoussés l’un sur l’autre depuis des décennies, nous voilà à voyager non seulement en voiture, mais successivement ‘en couple masculin’ de sexagénaires, ou à 2 ménages dans l’enceinte d’un habitacle ; nous avons beau être des amis de longue date avec beaucoup à partager, qu’en sera-t-il devant les difficultés inhérentes à ce type d’itinéraire ? Quand l’un des intérêts du voyage à motos est celui de laisser vagabonder ses pensées sous le casque, qu’en sera-t-il du huis clos d’une cabine automobile ? Quand l’une des joies du voyage en couple est celui de la halte à l’hôtel, qu’en est-il aujourd’hui de la mâle camaraderie du temps de notre adolescence ? Et comment seront prises les décisions quand les humeurs de quatre sexagénaires de sexe différent devront être prises en compte ?

Au-delà donc des découvertes des paysages, des peuples et des monuments laissés par les dynasties qui ont successivement régné sur ces régions frontalières situées entre mers Méditerranée, Caspienne et Noire, nous ne manquerons pas de tenter de vous faire partager cette expérience que nous espérons rajeunissante pour nous comme pour vous ! Et si certains de nos lecteurs ont des expériences à nous communiquer, qu’ils n’hésitent pas à nous en faire profiter par des ‘Commentaires’ sur le Blog !

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1 – Une nouvelle tentative vers l’Asie

1 - Ararat 2011
1 – Ararat 2011

 

Chers lecteurs,

Nous/vous avions laissés en mars dernier sur les routes enneigées de la botte italienne avec nos motos. Nous revoici pour de tout autres aventures sous le signe du chiffre 4. De 2 voyageurs, nous allons passer à 4 : nos amis Marie et Bernard Champanhet ont en effet accepté de se joindre à nos aventures malgré notre réputation de ‘chat noir’ résultant des révolutions arabes nées sur notre passage au cours de l’hiver dernier (cf. ci-dessus le lien vers ‘Les Perrin Chapitre 3’). Ce sont eux qui nous ont proposé de partir, toujours en Honda, mais cette fois en 4×4 (! Honte et trahison !) faire le tour du Mont Ararat, en espérant que notre arche – météo hivernale ou révolutions – ne va pas s’y échouer.
A cette fin, 4 équipes se sont mises en 4 pour préparer ce voyage : Jean-Paul André est allé à Nice tester et acheter la voiture, et l’a conduite à Aubenas (Ardèche), où Edouard Corbin l’a ramenée jusqu’en Annonay, puis Marie l’a drivée jusqu’à Paris, et enfin Thierry Ossent l’a remisée à Versailles depuis le printemps pour l’équiper un peu avec son frère Patrice, pendant que Philippe s’occupait de préparer la paperasserie pour les frontières à venir, et que Bernard coordonnait cette activité fébrile à partir de Beyrouth (Liban), où il est basé jusqu’à la mi-octobre. Fin de la première étape préparatoire.
2° étape : le 30 juin 4 Ossent ont pris la route du Sud : Thierry & Aude, Patrice & Brigitte : Versailles, Suisse, Italie, Grèce, arrivée à Athènes. Avant de vous régaler de leur compte-rendu (ci-après), un bref aperçu des 3° et 4° étapes qui nous/vous attendent : sauf imprévu, début octobre, Philippe récupére la voiture au Pirée avec son cousin Marc Perrin pour l’amener à Antioche, puis les 4 ‘titulaires’ d’Antioche pour les 4 pays qui entourent le Mont Ararat : le Kurdistan turc, le Nord Ouest de l’Iran , l’Arménie et la Géorgie. Retour vers l’Ouest par la Turquie à nouveau (côte sud de la mer Noire), Istanbul, la côte turque de la mer Egée et le retour en France. Pour être précis, Véronique et Marie ne rejoindront malheureusement leurs maris qu’en pointillé 15 jours par-ci 3 semaines par-là compte tenu de leurs engagements parisiens; nous vous tiendrons au courant.

mail envoyé le 6 juillet par les OSSENT du ferry qui les emmenait de Brindisi (Italie) à Patras (Grèce)

Chers tous
Nous sommes à 2000 km de la base, et Madame Honda tient toujours vaillamment la route. Après Genève, Florence, Sienne, Assise, nous séjournons dans les Pouilles à San Giovani Rotondo, la patrie du Padre Pio. Ce soir, ferry pour Patras.
L’aisance de Patrice en italien est notre premier atout, il se renseigne, négocie, et remet au pas ceux qui essaient d’abuser de la bonne volonté des touristes que nous sommes. Son sens du défi et la ténacité qui le caractérisent lui ont permis de repousser les limites de l’attendu, comme garer la voiture sur la place de la basilique de Sienne (ville interdite aux voitures rappelons-le…) ou obtenir des médicaments de classe III chez le pharmacien sans ordonnance… Bref avec lui on flirte sans cesse avec le miracle. De son côté il flirte plutôt avec les lignes jaunes et les limitations de vitesse, mais nous appliquerons sans scrupule la règle d’or du voyage : chacun paie pour ses PV !
Thierry est le sherpa (pluriel = sherpe) attitré de Aude. Sa principale interrogation ces trois derniers jours est : “mais pourquoi les sites touristiques italiens sont-ils tous sur des collines ?” Le pauvre a vécu deux drames que l’entraide du groupe l’a aidé à traverser. Il s’agit de la perte de sa casquette, et de la disparition d’un verre de contact dans le siphon du lavabo. Heureusement Bernard avait judicieusement placé dans la voiture une trousse à outils dans laquelle il a puisé les pinces nécessaires au démontage du lavabo. A minuit il n’a pu se rendre qu’à l’évidence : la lentille avait disparu corps et biens.
Aude est courageuse dans l’adversité mais elle profite bien du voyage. Sa carte “bleue” nous ouvre de nombreuses facilités comme les parkings ou les entrées de musée gratuits. Je sais qu’elle réfléchit déjà à la conception d’un nouveau fauteuil, qu’elle appellera “Speedor” (appellation réservée aux latinistes bien sûr), du type 4×4, avec suspension hydropneumatique et GPS.
Brigitte enfin est notre guide, notre référence, elle a organisé toutes les visites, elle les commente, son calme est bénéfique à tous dans la voiture quand il faut choisir une route alors que les trois indications de la carte, des panneaux et du GPS sont contradictoires…
Nous nous remplissons les yeux de cette Italie pleine de trésors, avec une petite appréhension pour la Grèce à venir : les moeurs et la langue nous isoleront autrement. Sans compter la nationalité française que nous partageons avec Madame Lagarde et qui ne sera pas forcément le bon vade mecum (je ne sais pas la traduction en grec).
Bien à vous.
Thierry, Aude, Patrice et Brigitte

mail envoyé le 9 juillet par les OSSENT d’Athènes

Chers amis
Nous terminons ce soir les valises pour prendre l’avion demain matin. Avec une certaine émotion bien sûr car ces 10 jours ont été merveilleux. Vous avez en fin de mail un lien vers le site Picasa qui héberge quelques photos pour vous.
Nous vous avions laissés la dernière fois en Italie, en partance pour la Grèce. Nous avons quitté cette Italie avec regret car il y fait vraiment bon vivre, même dans les Pouilles, à condition d’aimer le soleil et les olives bien sûr. La région des Trulli que nous avons visitée est très originale, une bizarrerie architecturale dont nous avons mal compris l’origine et la raison, mais nous y étions très bien. Nous n’avons hélas pas poursuivi jusqu’en Calabre alors qu’on nous avait dit que c’y était le pied. Tant pis ! (je crains qu’il n’y ait que les lecteurs géographes qui comprennent celle là…).
Après le pont de Rion-Antirion, le golfe de Corinthe nous a accueilli pour une halte digne des meilleurs paysages tropicaux, sable, mer bleue, paillotes, et température douce. De quoi nous mettre en forme pour affronter la visite du site de Delphes. Là encore Patrice a obtenu ce qu’aucun touriste n’a jamais obtenu, c’est à dire rentrer la voiture dans le site, exactement au dessus du théâtre, ce qui a mis Aude immédiatement à pied d’œuvre. Nous avons donc visité Delphes en descendant, sans fatigue, avec Speedo dans les pierres et les escaliers, là aussi un record.
A propos de Speedo, Aude est déjà sur les plans de Speedor II qui devrait être un engin à chenilles capable de monter les escaliers.
La halte suivante était une merveille de petit monastère (Osios Lucas), choisi par Brigitte qui a vraiment été inspirée, et la route nous a menés tranquillement à Athènes. L’Acropole, le Musée, le Parthénon, diner sur le Mont Lycabette, la totale. Et aujourd’hui le Cap Sounion, mer bleue profond, soleil de plomb, mais malheureusement beaucoup trop de vent.
Pour l’anecdote notons que Patrice a quand même été mis en échec puisqu’il a été incapable de monter la voiture au Parthénon. C’était un peu la honte. Nous sommes donc montés à pied, et quand il est redescendu de la visite pendant laquelle il avait offert à Ra pendant 3 heures son front dégarni, il titubait un peu. Nous n’avons pas très bien compris s’il avait bu trop de bières ou vu trop de pierres, en tout cas il n’était plus trop fier et a dormi toute l’après-midi. Pendant notre visite Aude avait suivi un circuit plus touristique en bus dans les rues d’Athènes, nous regrettons bien sûr autant qu’elle qu’elle n’ait pas pu monter.
Avec le grec nous revenons avec joie aux origines de notre grammaire. Sortie se dit Exode, descente se dit Cathode (et j’imagine que la montée est l’Anode), surcharge se dit Hyperbare, oui se dit Ne …et je crois que non se dit Savapalathêt.
Madame Honda est maintenant au chaud dans un parking dont on ne sait pas encore quand elle sortira. Le deal avec le garage est passé jusqu’au 6 octobre, ensuite advienne que pourra. Elle nous aura rendu de fiers services, elle est confortable (aussi bien à l’avant qu’à l’arrière), elle est fonctionnelle, on la quitte avec regret. Un bon choix.

7 – Retour par l’Italie

Comment dire notre état de ‘stupéfaction’ en arrivant en Sicile ? Cela faisait six semaines que nous avions fini par ‘entrer’ dans un voyage pas évident dès le départ : un peu éprouvant en Tunisie avec la traversée de la révolution, guère reposant en Libye avec tous ses kilomètres, tout à fait frustrant en Egypte, bloqués huit jours à une journée de route du tant attendu séjour alexandrin, notre marathon de retour en Europe avait achevé de nous épuiser tant physiquement que mentalement. Après récupération à Palerme, il restait à reconstruire un nouveau voyage toujours axé sur le tour de la Méditerranée. De Tripoli déjà, nous avions fait livrer par Amazon, chez une adorable tante Adèle, palermitaine de 92 ans, les cartes et guides manquant à notre collection pourtant déjà trop volumineuse, afin de rejoindre l’itinéraire prévu initialement : Sicile d’abord bien sûr, puis Calabre et Pouilles pour l’Italie du Sud, pour rejoindre la Grèce.
Mais ce n’est pas si facile de changer de programme ! L’aventure redevenait strictement européenne ; nous redevenions quelque part de simples touristes, les yeux et le cœur toujours braqués sur les développements des révolutions dans les trois pays arabes que nous venions de découvrir, avec un fort goût d’inachevé.
Bien sûr, nous pouvions toujours rêver au déclenchement d’évènements aussi palpitants en Italie ! Dès notre arrivée, la question des réfugiés des révolutions tunisienne et libyenne faisait d’ailleurs les manchettes des journaux : il nous a fallu plus d’une heure, sur le ferry de Tunis, et malgré notre passeport français, pour passer le contrôle de douaniers sourcilleux ! Le lendemain, sur la grande via Maqueda, quelques milliers de maghrébins manifestaient pour leurs frères algériens, tunisiens et marocains aux cris de « Allah Akbar ! », longeant les affiches qui appelaient M. Berlusconi à démissionner pour machisme excessif. Mais notre intérêt pour la Sicile se focalisait plutôt vers ses trésors arabo-normands !
La Sicile, c’est déjà et surtout l’Europe ! Même si on y mange avec ses doigts comme au Maghreb, que les rues y sont aussi sales et que l’essence y coûte quinze fois plus cher qu’en Libye, nous avons redécouvert des aspects déjà oubliés de notre civilisation : on n’y boit pas le coca à même la canette mais avec un gobelet plastique, les draps y sont généralement propres, la douche y est souvent chaude et avec de la pression, les toilettes sont équipées de papier hygiénique au lieu d’un robinet, les voitures s’arrêtent pour laisser passer les piétons, et les carillons remplacent les hauts parleurs lorsque c’est l’heure de la prière.
Après avoir parcouru la côte nord de la Sicile, et fait une escale à l’inévitable Taormina, les nouvelles de la Maman de Véronique sont devenues tout à fait alarmantes, nous décidant à renoncer à pousser plus loin vers l’Est, et à remonter par petites étapes vers la France.
Dès le passage du détroit de Messine et la Calabre, il devint évident que l’hiver était encore là : la neige couvrait tous les sommets, les stations services continuaient à vendre des chaînes, aucun bourgeon n’était apparu sur les arbres, et la température perdait encore plusieurs degrés. Pluie pour visiter Paestum et Herculanum, sommets couronnés de neige autour d’Assise, nous aurions dû mieux prévoir cet aspect de la question.
C’est sur l’autoroute entre Assise et Ravenne (200 km) que nous avons vécu notre plus mémorable journée de motards : il y a un petit col autour de 900 mètres, vers lequel l’autoroute se dirigeait en serpentant entre des collines de plus en plus enneigées ; il se mit d’abord à tomber un petit grésil glacé dans une forte bise du nord ; puis de la neige vint s’accumuler sous les glissières de sécurité, puis sur la voie de gauche, puis entre les roues de notre voie de droite. Je suis de plus en plus inquiet car Véronique m’a toujours averti, avec sagesse, que jamais, au grand jamais, elle ne pourrait rouler à moto sur la neige, et que là, malheureusement, elle en fait manifestement l’éprouvante expérience ! Mais que faire d’autre que de continuer ? Soulagé de passer les tunnels marquant le col en me disant qu’en redescendant, la neige qui tombait dru et collait sur nos visières et pare-brises allait rapidement se transformer en pluie… Mais pas du tout ; plus nous redescendions vers la plaine du Pô, plus la neige tombait dru ; les stations services où nous aurions pu penser aller chercher un refuge étaient recouvertes de 30cm de neige fraîche labourée par les semi remorques, et le plus praticable semblait encore l’autoroute, de plus en plus enneigée, mais qui nous rapprochait au moins de notre hôtel à Ravenne. A Cesena, 30 km avant l’arrivée, je m’arrête sur une bretelle enneigée pour expliquer la situation à Véronique ; elle finit par s’arrêter 10 mètres plus loin dans un paquet de neige … et d’imprécations mêlées de larmes, dont sort sa première question, logique : « quand est-ce qu’on redescend de ces montagnes ? » – « Mais nous sommes dans la plaine ! Ravenne est aussi sous 30 cm de neige ! ». Après un petit cigarillo mouillé, les bottes dans la neige, éclaboussés par les semi remorques qui continuent à débouler au ras de nos motos, nous reprenons courageusement nos guidons ; très vite, ‘heureusement’, une pluie diluvienne remplace la neige, nettoie nos pare-brises et inonde la route : les deux jours passés à Ravenne n’auront pas servi qu’à admirer les fresques !

Après une dernière étape italienne aux « Cinque Terre » (cf. photos), puis Menton hier, Marseille, Ruoms demain et Fontaines en Mercurey samedi, nous devrions arriver directement, et nous retrouver, pour ceux qui le peuvent, tout crottés de la pluie annoncée, pour un chocolat chaud

Au café « LA MER A BOIRE »,
1, rue des Envierges, 75020 PARIS
dimanche prochain 13 mars, à partir de 15 heures

 

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