16 – L’Argentine du Nord Ouest

 

16 - L'Argentine du Nord Ouest

16 – L’Argentine du Nord Ouest

 

 

 

Avec l’Argentine du Nord Ouest, nous achevons une première partie de notre périple en Amérique du Sud, celle qui consistait à rendre visite à nos cousins argentins et à découvrir les merveilles que la Nature avait placé chez eux. Mais dans le Nord Ouest de l’Argentine, s’il y a aussi ET des cousins, ET des merveilles de la nature… il y a EN PLUS que nous entrons dans un domaine géographique et historique différent, qui s’étend jusque tout au nord de l’Amérique du Sud.

Pour la géographie, on monte ! Depuis le détroit de Magellan, les Andes, c’était pratiquement une seule chaîne de montagnes, de plus en plus haute en allant vers le Nord, des 3.000 m des Payne aux presque 7.000 m de l’Aconcagua. A partir de maintenant, la Cordillère se multiplie : Occidentale, Centrale, Orientale… sans parler de multiples noms locaux ; entre toutes ces cordillères, qui culminent entre 5 et 6.500 m, se trouvent des plateaux, avec de gigantesques lacs et de gigantesques salines : il s’agit de l’Altiplano. Et comme le ‘courant de Humbolt’ – vous savez ? ce courant glacé qui remonte de l’Antarctique tout le long des côtes de l’Amérique du Sud, et qui disparaît, certaines années, sous son concurrent ‘El Niño’, et çà déclenche des catastrophes ? – donc, comme le courant (froid) de Humbolt – Alexander de Humbolt 1769 – 1859 : çà, c’était un vrai savant qui savait de quoi il parlait ! – eh bien disais-je, comme ce courant froid provoque de la sécheresse tout au long de cette côte (désert de l’Atacama, du Lipez, etc…), ce ne sont pas sur la côte mais à l’intérieur, sur l’Altiplano, à 3.600 m d’altitude en moyenne, que se sont développées depuis deux ou trois mille ans d’étonnantes civilisations.

Et c’est dès le Nord Ouest de l’Argentine que nous rencontrons l’Altiplano comme les premières traces de l’Empire Inca, détruit – avec 180 hommes et 37 chevaux – par le conquistador Pizarro au XVIème siècle. Une petit page d’histoire donc, qui nous servira jusqu’à la fin du voyage !

Après que Pizarro eut conquis l’Empire Inca en 1532, il restait à l’organiser. Dés 1542, Charles Quint crée la Vice Royauté du Pérou. Elle s’étend alors théoriquement de Panama jusqu’à la Patagonie, et du Pacifique jusqu’à l’Atlantique, et est subdivisée en ‘Audiences’, dont l’une est celle de ‘Buenos Aires’. Parallèlement, en 1561, une charte royale impose que tout le trafic transatlantique entre Séville et l’Amérique se fera exclusivement par une flotte semestrielle de galions : aucun navire ne pouvait quitter Buenos Aires à destination de l’Espagne, et tout le commerce devait passer par l’Altiplano, les Cordillères, Lima et l’isthme de Panama. C’est alors que furent fondées, tout au long de ce trajet, les grandes villes étapes que nous avons traversées dans notre ‘Argentine du Nord Ouest’ : Mendoza fut fondée dès 1561, Tucuman en 1565, Cordoba en 1573, et Salta en 1582.

Compte tenu des distances et des communications extrêmement lentes à travers les Andes, où les cols sont souvent bloqués par la neige en hiver, le système n’était pas très opérationnel ! Et lorsqu’en outre, en 1776, les Portugais, alliés aux Anglais, s’emparent du port de Colonia sur le Rio de la Plata (ce sont pourtant eux qui l’avaient fondé un siècle plus tôt… mais le Pape l’avait rendu aux Espagnols, cf. Chap. 7 ‘En Uruguay’), Charles III d’Espagne se décide à transforme l’Audience de Buenos Aires en Vice Royauté du Rio de la Plata. Celle-ci couvrait vers le Nord toute l’actuelle Bolivie : fin de la charte de 1561 ; c’est donc depuis la fin du XVIIIème siècle au moins – contrebandiers et tolérance avaient adouci les rigueurs de la Charte – que l’Argentine pourra se développer normalement.

Revenons à nos cousins !

–        Mendoza : n’avons rien vu ; non seulement aucun cousin d’importance n’y habite, mais nous n’y avons passé qu’une très courte nuit en redescendant des Andes ! Et pourtant, que n’avons-nous pas manqué ! Notamment des vignobles des meilleurs cépages importés par les Franciscains depuis 1561 ! Qu’on se le dise, les Argentins savent tellement bien faire du vin (5ème producteur mondial) qu’ils se le gardent pour eux : ils n’exporteraient que moins de 5 % de leur excellente production.

–        Cordoba : là, depuis le passage de nos neveux Marion et Manu en 2007, nous savions avoir droit à un accueil garanti. Certes, entre temps, les nièces avaient grandi, s’étaient mariées, et avaient des enfants, mais l’accueil n’en est pas moins resté à la hauteur de la tradition d’hospitalité de la famille Laxague. Cette ville de 1,5 Million d’hab, adossée à une Sierra de 2.000 m de haut, a grandi à partir d’une douane interposée dans le commerce entre le Rio de la Plata et le Pérou colonial. C’est aujourd’hui la ‘capitale culturelle de l’Amérique du Sud’.

–        Tucuman : sympathique étape d’un soir, dont les abords en plantations de cannes à sucre nous ont rappelé notre vie insulaire dans l’Océan Indien.

–        Salta : nous croyions, avant de partir de France, que Juan et Panki Laxague seraient nos contacts dans la province de Missiones. Mais Juan est à la retraite ! Heureusement, Christina a pris toutes les retraites, Juan a dû continuer de travailler quelques années, et il cultive une immense plantation de ‘calafates’ (une sorte de myrtille) à côté de Salta…. où il a maintenu, lui aussi, la tradition d’hospitalité des Laxague !

Route de Mendoza à la frontière bolivienne non pas sans histoire donc, mais en tous cas sans incident. Après Salta, nos motos sont montées jusqu’à 4.170 mètres voir les Salinas Grandes (3.500m), histoire de commencer à habituer nos organismes à l’altitude en montant et en redescendant. Et en quittant Tilcara (2.460 m) pour La Quiaca (où se trouve la frontière bolivienne, à 3.440 m), nous avons passé sur La Puna un col à 3.800 m, avant de redescendre à nouveau dormir à Tupiza (2.950 m), notre première étape bolivienne, en traversant notre premier vrai orage depuis le mois de … janvier. Cela ne nous empêchera pas de souffrir de l’altitude les jours et nuits suivants passés entre 3.600 et 5.000 mètres… mais nous vous raconterons pourquoi cela valait vraiment le coup au prochain chapitre !

En attendant, nous disons ‘Au revoir’ à l’Argentine et aux Argentins, et encore mille mercis pour votre accueil : vous savez que nous avons mis nos roues sur les routes de 19 de vos 23 provinces ? Nous espérons que les chapitres suivants vous donneront envie de venir visiter les Altiplanos boliviens et péruviens !

Je vous rappelle qu’en ouvrant l’album Picasa joint en cliquant sur la légende de la photo en tête d’article, c’est parfois Google+ qui s’ouvre au lieu de Picasa Web, lequel ne permet notamment pas de lire les abondantes légendes dont j’illustre chaque photo. Il faut alors, dès l’ouverture, repérer en haut et au milieu de l’écran un bandeau jaune où il est écrit « Cliquer ICI pour revenir à Picasa ». (Attention, le message ne s’affiche pas très longtemps ; si vous ne le voyez pas, revenir en arrière d’une étape !). Il faut alors cliquer sur « ICI », et, miracle, tout l’album s’affiche sous forme de vignettes. Cliquer ensuite sur ‘Diaporama’ ; le Diaporama se lance alors avec la première photo…. puis faire comme le diaporama le propose : appuyer sur la touche F11 du clavier pour passer en ‘plein écran’… sur la touche Pause, et faire défiler soi-même ses photos à son rythme avec les flèches de direction du clavier.

Bonne lecture !

 

15 – Le Chili central

15 - Le Chili central

15 – Le Chili central

Nous avions déjà visité les provinces du Chili les plus au Sud, celles de ‘Magellan’ (Punta Arenas) et de ‘Ultima Esperanza’ (sic !… Puerto Natales. Cf. Blog 13), s’étendant du Détroit au Parc de Torrès del Payne, puis celle d’Aysen (la Carretera Australe de Chile Chico à Tupaleufu). Nous y sommes revenus beaucoup plus au nord, remontant le Chili depuis Osorno jusqu’à Santiago et Valparaiso, le cœur du Chili économique, où se concentrent les 2/3 de la population. Une grande autoroute, la ‘Transaméricaine’ remonte tout le pays dans d’excellentes conditions. Les grands centres de Temuco et Santiago nous permettaient en outre de faire réviser nos motos après les épreuves subies sur le ‘ripio’ argentin de la ruta 40 et avant d’aborder l’altiplano bolivien, où elles auront à travailler dur, à des altitudes moyennes de 3.800 m.

Le Chili est un pays très attachant, coincé entre l’Océan Pacifique et la chaîne des Andes, où se trouve son point culminant, l’Aconcagua (6.962 m). S’étendant sur quelques 4.300 km du nord au sud pour une largeur moyenne de 180 km, couvrant plus de 750.000 km², la variété de ses climats est exceptionnelle, des déserts du nord (l’Atacama y abrite le fameux observatoire ALMA, inauguré ce mois-ci) aux régions subarctiques, en passant par toute la gamme des climats que nous aurions chez nous entre la Norvége et le sud marocain : lors des 500 km que nous avons parcourus en une journée entre Las Trancas et Santiago, nous avons quitté une station de montagne pour descendre dans un climat ‘toulousain’ aux magnifiques champs de maïs, avant de rencontrer nos premiers cactus, puis des palmiers, puis des bananiers… Ses 16 millions d’habitants travaillent dur, et le niveau économique du pays est élevé : en ce qui nous concerne, nous avons apprécié qu’il n’y ait notamment pas de problème de monnaie (pas de ‘marché bleu’ sur le peso chilien !), ni de ravitaillement en essence ; la vie en revanche y est relativement chère, comme en Europe pour un niveau de confort équivalent, ce qui semble laisser une partie importante de la population aux limites de la misère. Le pays a été colonisé par les Espagnols dès le XVIème siècle, lors de leur poussée vers le Sud à la suite de la conquête de l’empire Inca ; mais les Espagnols n’ont réussi à dominer ce qu’on appelle l’Araucanie – c’est-à-dire le cœur du pays Mapuche – qu’à la suite de longues guerres pendant lesquelles ils ont souvent eu le dessous, et qui ne se sont terminées qu’à la fin du XIXème s. ; d’où un regard porté par les Chiliens sur les importantes communautés indiennes subsistantes aujourd’hui beaucoup plus positif que ce que nous avions pu percevoir en Argentine.

Nous ne sommes restés que deux jours à Santiago, et deux jours à Valparaiso, à peine le temps de nous faire une idée superficielle de ces grandes villes célèbres ; mais nous avons été séduits par leur rythme et leurs couleurs comme par leur activité économique. Valparaiso, surtout, nous a enchantés : ces empilements décomplexés de maisons de toutes les couleurs dominant la rade, l’ambiance festive ‘en bas, sur le plan’, l’animation du côté du port, les fruits de mer, la lumière… un regret seulement, d’ailleurs étonnant : ce port n’est pas du tout tourné vers la mer, sans marina ni croisette… il faut dire que la mer y est paraît-il glaciale !

Mais notre morceau de bravoure de ces 2.000 km de routes aura – encore une fois ! – été motocycliste, même si malheureusement aucun reportage photographique ne peut vous le raconter : le franchissement des Andes du Chili vers l’Argentine, par le célèbre col du Christ Rédempteur (tunnel à 3.600 m) au pied de l’Aconcagua aurait dû être particulièrement photogénique ; la météo était idéale, et le spectacle annoncé féérique. Il s’est transformé en un cauchemar pour les vieux que nous sommes, qui avons dû en effet parcourir 1.150 km en deux jours, dont 270 km – c’est-à-dire tous ceux de la haute montagne à proprement parler – dans la nuit noire la plus complète. Des travaux routiers du côté de la station de ski de Portillo obligeaient en effet à une circulation à sens unique ; et au lieu d’organiser une circulation alternée toutes les 15 ou 30 minutes, la route vers l’Argentine n’était ouverte que de… 21h30 à 7h00. Arrivés au pied du col vers 12h30, nous avons d’abord dû patienter pendant 9 heures dans une vague auberge, en nous préparant à une nuit difficile. Lorsque la nuit bien noire s’est installée, nous avons commencé par escalader une infinité de vertigineux (ah ! ce sentier lumineux de phares, là bas, tout en bas… !) lacets en travaux, tentant de nous accrocher aux motos ‘sportives’ qui nous accompagnaient sans nous faire rattraper par la meute des voitures qui nous suivaient. Las ! En redescendant vers l’Argentine, nous avons manqué le poste de douane – qui n’était pas installé en travers de la route ! – et avons dû remonter 16 km… pour nous retrouver noyés dans le flot des voitures. Deux heures plus tard, minuit largement passé, il ne nous restait plus qu’à parcourir encore 180 km de routes sinueuses en restant bien éveillés jusqu’à Mendoza, atteint… sous la pluie… à 3h45. Nous garderons longtemps en mémoire le cerveau embrumé de ce noir tunnel glacé qui n’en finit pas, balayé par le pinceau des phares, avec quelques furtives visions, dans les quelques lignes droites, de l’immense voûte étoilée où se découpe l’ombre noire de parois, le froid qui s’infiltre, puis l’humidité qui revient en redescendant, les crampes et picotements des mains, l’attention qu’il faut recadrer sans cesse sur la route qui n’en finit pas de tourner, les haltes forcées pour la douane, faire le plein d’essence et de café, les phares de Véronique dans les rétroviseurs, le trafic sur ce grand passage international… et enfin de la grosse averse qui nous rince en croisant des semis remorques vers 3h00 du matin… Et le lendemain, nous avions encore 650 km à parcourir pour atteindre nos neveux Laxague de Cordoba, où nous arriverons sains et saufs avec de tout petits yeux bien fatigués ! Heureusement, leur accueil était à la hauteur de notre fatigue : nous vous raconterons cela la prochaine fois !

Je vous rappelle qu’en ouvrant l’album Picasa joint en cliquant sur la légende de la photo en tête d’article, c’est parfois Google+ qui s’ouvre au lieu de Picasa Web, lequel ne permet notamment pas de lire les abondantes légendes dont j’illustre chaque photo. Il faut alors, dès l’ouverture, repérer en haut et au milieu de l’écran un bandeau jaune où il est écrit « Cliquer ICI pour revenir à Picasa ». (Attention, le message ne s’affiche pas très longtemps ; si vous ne le voyez pas, revenir en arrière d’une étape !). Il faut alors cliquer sur « ICI », et, miracle, tout l’album s’affiche sous forme de vignettes. Cliquer ensuite sur ‘Diaporama’ ; le Diaporama se lance alors avec la première photo…. puis faire comme le diaporama le propose : appuyer sur la touche F11 du clavier pour passer en ‘plein écran’… sur la touche Pause, et faire défiler soi-même ses photos à son rythme avec les flèches de direction du clavier.

Bonne lecture !

14 – Rutas 40 et Australe : la Patagonie des Glaciers

14 - Les Rutas 40 et Australe : la Patagonie des Glaciers

14 – Les Rutas 40 et Australe : la Patagonie des Glaciers

 

 

Deux chapitres du blog mis à jour successivement, vous allez avoir des nouvelles des Perrin, et de la lecture pour les journées d’hiver qui reviennent ! Commencez par le chapitre « 13 – La Patagonie des Lacs à Magellan », qui raconte notre lente et longue descente, du 29 janvier au 21 février, jusqu’au détroit de Magellan : quelle aventure ! Nos temps libres y ont été consacrés à rédiger le chapitre 12… et cela fait donc déjà un mois que nous ne vous avions pas donné de nouvelles !

Le présent chapitre 14 raconte comment un groupe d’amis Parisiens nous a rejoints au Chili au pied des ‘Torrès del Paine’, et nous a accompagnés vers le Nord pendant plus de 2.000 km tout au long de célèbres routes touristiques passant par des sites naturels exceptionnels. J’espère qu’il vous donnera envie de venir ici les admirer en vrai ; en attendant, en voici un acompte !

Depuis au moins trois ans que nous évoquons autour de nous que notre cinquième voyage sera consacré à l’Amérique du Sud, et notamment à l’Argentine où vivent de nombreux cousins de Véronique, nous avons en effet fait la connaissance des frères Patrice et Thierry Ossent, qui, tous deux motards, y ont été élèves au lycée Mermoz de Buenos Aires il y a quelques décennies, et qui reprenaient contact avec leurs anciens copains à l’occasion de l’anniversaire du lycée. Il était évident que mon compagnon de voyage ‘autour du Mt Ararat’ de l’année dernière, Bernard Champanhet, ferait partie de l’expédition ; s’y sont greffés de vieux amis du groupe, les Jozan. L’idée était que d’innombrables merveilles de la nature du Sud des Andes ne sont accessibles que par de mauvaises pistes, et qu’elles seraient plus aisément praticables par nos motos allégées de leurs bagages dans les voitures d’accompagnement ; et si on pouvait ‘tourner’ de guidons en volants.

Nous avons donc appris, après notre arrivée sur le continent américain, que nous avions rendez-vous avec eux sept le 21 février 2013, dans l’après-midi, à l’entrée du parc des Torrès del Paine, au Chili… Un vrai cauchemar de randonneur ! Non seulement un lieu précis, mais quasiment une heure précise au milieu de nulle part, à des centaines de kilomètres de tout centre urbain. Nous qui voyageons toujours sans savoir où nous coucherons le surlendemain ! Comment être sûr d’être au rendez-vous ? Et s’il fait trop mauvais temps ? Et si une des motos crève ou bien est en panne ? Et si nous n’avons plus envie ? Nous ne sommes pas des chauffeurs de Shuttle/Navettes aéroport/chutes du Niagara ! Pour plus de sûreté, nous avions prévu quatre jours de marge… qu’une tempête nous a complètement mangés à Punta Arenas ! En outre, nous avons dû nous préparer psychologiquement au choc des rythmes : quant à nous, trois mois que nous étions partis sur les routes, et trois autres mois avant de rentrer en France… quant à eux, partis la veille de l’hiver parisien, des réservations d’avion pour la reprise de leurs activités en France les attendaient douze jours plus tard… et 2.200 km plus au nord. Le choc fut finalement largement aussi brutal que redouté, mais la joie des retrouvailles et des spectacles de la nature admirés en commun fut à la même hauteur.

Parce que les photos que vous allez voir dans l’album ci-joint sont celles de sites exceptionnels. Il y a d’abord la montagne ; la grande montagne ; celle que les meilleurs ‘Alpinistes’ (‘Andinistes’) du monde entier viennent tutoyer ; il y a des parois et des cimes ici dont l’histoire de la conquête n’a rien à envier à celles des faces Nord de l’Eiger ou des Grandes Jorasses : les ‘Tours’ du Payne, le Cerro Torre, le Fitz Roy notamment. Il y a ensuite cette merveille unique de la nature qu’est le gigantesque glacier ‘Perito Moreno’ se jetant – au rythme de 2 mètres par jour en moyenne – dans le lac Argentino sur un front de 5 kilomètres. Il y a enfin deux routes mythiques, que les motards du monde entier rêvent de parcourir au moins une fois dans leur vie : la ‘Ruta 40’, qui parcourt toute l’Argentine depuis la frontière bolivienne jusqu’au détroit de Magellan en longeant au plus près la cordillère des Andes ; elle suit plus au moins le chemin que le grand’père Jacques de Larminat (cf. Blog 12) a suivi en 1908/1909 à la recherche d’une estancia à acheter ; en ce début de 2013, il en restait quelques centaines de kilomètres en chaussée ‘consolidée’, c’est-à-dire en ‘ripio’. Et la ‘Carretera Australe’, dont le Général Pinochet lança la construction en 1986 : 1.250 km pour rejoindre par la route le port de Puerto Montt (41° S) à Villa O’Higgins (45° S), « le long » d’une côte de l’océan Pacifique qui ne cesse d’être découpée en profonds fjords et hautes montagnes couronnées de glaciers ; superbe, donc, mais d’autant plus rude qu’il y pleut toute l’année et que le ‘consolidé’ y domine largement…

Bonne lecture, donc, et n’oubliez pas de nous mettre des petits messages ; vous n’imaginez pas combien ils font plaisir !

Je vous rappelle que, pour les albums, il faut cliquer sur la légende de la photo en tête de l’article, et que si c’est Google+ qui s’ouvre au lieu de Picasa, il faut « Cliquer ICI pour revenir à Picasa » ! Mais vous connaissez maintenant la musique !

13 – La Patagonie des Lacs à Magellan

13 - La Patagonie des Lacs à Magellan

13 – La Patagonie des Lacs à Magellan

 

La Patagonie est loin de constituer un tout homogène ; elle est diverse tant par ses climats et sa végétation que par ses paysages : on y trouve le désert, la steppe, les forêts ‘alpines’ ou antarctiques, les rios, les lacs, les montagnes et les glaciers, les ‘alpages’, les champs et les fjords… Il y une Patagonie sèche et une Patagonie humide, plus ou moins glacées en hiver ou brûlante en été… L’unité de toutes ces régions, à part la difficulté d’y vivre, et donc sa densité extrêmement faible de population ? C’est le vent ! A la différence de ce qui se passe dans l’hémisphère nord, ici, dans l’hémisphère sud, soufflent toute l’année, mais surtout pendant l’été austral, dès le 40ème parallèle (soit la latitude de Madrid ou du sud de la Tasmanie) ceux que les marins nomment « les 40ème rugissants », qui se transforment en « 50ème hurlants » 10° plus au sud. Le Cerro de Los Pinos est situé sur le 40ème parallèle, et Punta Arenas, le point le plus austral de notre périple, sur le 53ème , alors qu’Ushuaia est sur le 56ème, latitude de… Copenhague dans l’hémisphère nord.

Dans les images ci-jointes, vous nous verrez descendre tous ces parallèles et traverser toutes ces Patagonies, traversant les déserts, longeant la côte Atlantique, rencontrant le vent, puis le froid en descendant toujours plus vers le Sud, jusqu’à la ‘Ruta del Fin del Mundo’ pour atteindre Punta Arenas, sur les bords du détroit de Magellan. Certains parlent de monotonie quand on descend par la route – goudronnée ! – n°3, mais nous ne nous y sommes jamais ennuyés, brutalement réveillés au guidon de nos motos par les violentes claques de vent reçues à chaque croisement de camions ou de bus ! Ma tête est pleine de calculs pour savoir s’il y aura du carburant à la prochaine station marquée sur la carte, mais beaucoup ont disparu, manifestement depuis des années… ll est tout à fait impossible de s’arrêter du tout, ne serait-ce que pour faire une courte pause, en-dehors d’une zone aménagée, car les bas côtés ne permettent pas de poser la moto en sécurité, menacées par le vent et le trafic, et il n’y a guère d’autres zones ‘aménagées’ que dans les stations services. Le soir, après l’étape, nous sommes tous deux frigorifiés et courbatus des bras et du dos d’avoir lutté pendant des heures contre le vent latéral… Les guanacos (sortes de lama) et les nandous (petites autruches locales) partagent les maigres pâturages de moutons et chevaux en liberté ; des estancias se devinent, de loin en loin, cachées dans un bosquet de peupliers, sous des ciels et lumières photogéniques, surtout lorsque des nuages cachent le soleil ; des jeux d’ombres et de lumières parcourent alors la steppe à grande vitesse, faisant et défaisant les mirages, et notre moral change au même rythme : le monde devient hivernal dès que le soleil se cache plus de quelques minutes, puis estival dès que nos blousons se réchauffent sous le soleil !

Les photos ci-jointes racontent notre chute sur le ‘ripio’ en revenant d’une forêt d’arbres pétrifiés dans un désert coloré, les manchots de Magellan sur les plages de l’Atlantique, pourquoi nous avons renoncé à atteindre Ushuaia et la magie des glaciers suspendus des montagnes entourant Puerto Natales, situé sur la côte de l’océan Pacifique. Nous avons pris notre temps pour descendre, nous arrêtant souvent deux nuits de suite au même endroit pour nous imprégner de cette Patagonie sauvage, de ces habitants intrépides ‑ qu’ils soient descendants d’Indiens ou de colons Européens ‑ vivant dans des conditions d’isolement que nous autres Parisiens avons du mal à imaginer ; leurs maisons sont barricadées de bardages métalliques. Le dépaysement vient aussi de l’australité de la région : il faut s’habituer à ce qu’ici, ‘la lune ne ment pas’, c’est-à-dire que, au contraire de ‘notre’ lune en France, quand elle dessine un ‘C’, c’est bien qu’elle Croît, et un ‘D’, qu’elle Décroît ! Et à ce que, lorsque c’est le vent du Sud qui souffle, cela annonce le froid et le beau temps, à la différence du vent du Nord, qui apporte l’humidité de l’Equateur. Les chambres d’hôtel exposées au Nord ont le soleil toute la journée, et les glaciers, bien sûr, sont sur les faces Sud des montagnes, les plus difficiles à gravir. L’étoile Polaire a disparu depuis longtemps, et les ciels nocturnes, étincelants, sont dominés par la Croix du Sud et les nuages ‘de Magellan’. L’humidité revient dans le Sud dès que les Andes ont perdu suffisamment d’altitude pour laisser passer l’humidité de l’océan Pacifique, mais le vent gagne alors en puissance : toute la végétation y est tordue par le vent dominant du nord ouest. A Punta Arenas, où nous sommes restés bloqués 4 jours par un vent hurlant à plus de 120 km/h, nous avons pu visiter les nombreux musées qui racontent l’histoire de cette terre d’exception… vous en retrouverez quelques éléments dans les photos ci-jointes.

Bonne lecture !

 

Je vous rappelle aussi que parfois, en ouvrant l’album Picasa, c’est en fait Google+ qui s’ouvre, qui ne permet notamment pas de lire les légendes dont j’orne chaque photo. Il faut alors, dès l’ouverture, repérer en haut et au milieu de l’écran un bandeau jaune où il est écrit « Cliquer ICI pour revenir à Picasa ». (Attention, le message ne s’affiche pas très longtemps ; si vous ne le voyez pas, revenir en arrière d’une étape !). Il faut alors cliquer sur « ICI », et, miracle, tout l’album s’affiche sous forme de vignettes. Cliquer ensuite sur ‘Diaporama’ ; le Diaporama se lance alors avec la première photo…. puis faire comme le diaporama le propose : appuyer sur la touche F11 du clavier pour passer en ‘plein écran’… sur la touche Pause, et faire défiler soi-même ses photos à son rythme avec les flèches de direction du clavier.

12 – Au Cerro de los Pinos

12 - Le Cerro de los Pinos

12 – Le Cerro de los Pinos

 

 

 

Un des ‘clous’ de notre voyage en Argentine devait être la visite de l’héroïne de ‘Pionniers en Patagonie’ (Privat 2007, Préface de Jean Raspail), c’est-à-dire l’estancia familiale du Cerro de los Pinos… et il s’est trouvé que tout fut réuni pour que notre séjour y ait été comme un rêve éveillé ! L’album de photos ci-joint vous en donnera un petit aperçu : sous un ciel tout bleu et sans vent, nous avons eu la chance de croiser les quatre tantes Larminat, vivant depuis toujours sous le même toit dans ce petit bout de Patagonie ; le lodge Tipiliuke, plein à craquer de pêcheurs et chasseurs du monde entier venus titiller les truites du Chimehuin ou les hardes de cerfs ; la ‘Rural’, foire agricole de Junin de los Andes qui se tenait le week end où nous étions là et attire toute la jeunesse des estancias voisines ; Pierre et Marie-Thérèse de Larminat, et surtout Miguel et Isabelle de Larminat qui nous ont reçus avec une infinie disponibilité dans leur magnifique maison.

Tout commence dans les années 1900, lorsqu’autour de la table dominicale de la Hardonnière, en Sologne, le patriarche Jean de Larminat expose aux sept garçons nés de son premier mariage que l’avenir et la sécurité de la famille – le ‘colon’ était à l’honneur en ce temps là ‑ impose que certains d’entre eux aillent fonder un établissement Outre-mer. Après avoir longtemps débattu ensemble de la destination (l’Algérie ou le Maroc ? La Nouvelle Calédonie ?…), c’est Jacques, le 4ème, qui s’y colle ; il n’a pas 20 ans, et part, muni de lettres de créances, pour Buenos Aires. Il se fait engager dans une estancia pour apprendre le métier de ‘gaucho’, puis parcourt à cheval la Cordillère avec quelques compagnons jusqu’à la Terre de Feu, avant de fixer son choix au nord de la Patagonie, à quelques kilomètres de la frontière chilienne, dans la vallée du Chimehuin : ce sera le ‘Cerro de los Pinos’. Le courrier met 2 à 4 mois pour faire l’aller-retour… Jean lui envoie l’aîné, Etienne, qui est majeur et peut procéder, en 1909, à l’acquisition pardevant notaire à Santiago de Chili. André et Bernard suivront ; mais tous rentrent se battre en France pendant la 1ère guerre mondiale, et ces derniers y laisseront leur peau. A la fin de la guerre, Jean envoie alors François et Robert pour les remplacer, et chacun des frères ramène à tour de rôle une épouse de France… les quatre frères se marient en 1919, 1920, 1921 et 1924… aux tout débuts, frères et belles-sœurs doivent cohabiter dans la même maison, puis on achète du bois et on en construit de nouvelles, tout en plantant des arbres à tour de bras pour couper de vent infernal qui souffle toute l’année ; leur demi-sœur Paule a merveilleusement raconté dans son journal, dans un très elliptique style Larminat, la vie de l’estancia, où elle passa l’année 1925 : la traversée en bateau, le train jusqu’à Neuquen, la ‘voiture’ et les bœufs enfin pour arriver au Cerro ; les hommes toute la journée sur le campo ; les belles-sœurs au potager, au poulailler, et aux nombreux enfants, avec les accouchements, les maladies, les décès en bas âge, les célébrations, les intempéries, l’isolement… quelle cohabitation ! C’étaient vraiment des ‘pionniers’. Etienne enfin, fait un grand pas en décidant d’aller installer sa famille sur la rive gauche du Chimehuin : sérénité mais isolement seront le lot de son épouse Geneviève ; leur maison brûlera en 1968, et ils partiront à la retraite à Sierra de la Ventana. Quant à la toute première maison, elle brûla en 2005, avec toutes ses archives, et il n’en reste que la cuisine, où se tiennent donc toujours toute la journée quatre des filles du pionnier Jacques, aujourd’hui âgées de 78 à 90 ans. Véronique descend d’une tante Adèle de Larminat, sœur du patriarche Jean. Miguel et Pierre sont des petits fils de Jacques. Et la tante Elisabeth Laxague – la mère des 19 enfants ‑ est la fille du pionnier Etienne.

Comment dire l’émotion qui nous a envahis à notre arrivée au Cerro, avec nos motos venant de Paris ! Tous les éléments du tableau étaient à leur place, sauf que nous étions dans la réalité : la pointe du Cerro dominant le paysage, les bras et méandres du Chimehuin scintillant au soleil, l’oasis de grands arbres au milieu de la steppe jaunie de Patagonie, les kilomètres de clôtures, les vaches avec de l’herbe jusqu’au poitrail, les maisons et hangars de bois, puis de pierre, avec les corrals aux chevaux, les jardins et massifs entourant chacune des maisons… et, personnages vivants dans ce tableau, des cousins et tantes nous accueillant comme de la famille !

Nous espérons que les photos de l’album ci-joint – n’en manquez pas les légendes ! ‑ vous donneront un peu une idée de l’incessant combat contre la nature qu’a été le travail de trois générations de pionniers !

La prochaine fois, nous vous raconterons notre longue descente de la Patagonie, quelques 3.000 km du Cerro jusqu’au parc chilien de Torrès el Paine : quelles immensités, d’une sauvagerie à la limite de la brutalité !

 

Je vous rappelle que, pour accéder à l’album de photos, il faut cliquer sur la légende de la photo en tête de l’article.

Je vous rappelle aussi que parfois, lorsque l’album ‘Picasa’ s’ouvre, Google+ propose ‘par défaut’ une présentation de l’album sous forme d’une ‘Galerie’, où on ne peut notamment pas lire les légendes dont j’orne chaque photo. Il faut alors, dès l’ouverture, repérer en haut et au milieu de l’écran un bandeau (près de la ‘barre de titres’ où s’affichent les liens ‘http://, etc…’) où il est écrit (en jaune) quelque chose comme « Cliquer ICI pour revenir à Picasa ». (Attention, le message ne s’affiche pas très longtemps ; si vous ne le voyez pas, revenir en arrière d’une étape !). Il faut alors cliquer sur « ICI », et, miracle, tout l’album s’affiche sous forme de vignettes. Cliquer ensuite sur ‘Diaporama’ ; le Diaporama se lance alors avec la première photo…. puis faire comme le diaporama le propose : appuyer sur la touche F11 du clavier pour passer en ‘plein écran’… sur la touche Pause, et faire défiler soi-même ses photos à son rythme avec les flèches de direction du clavier.

11 – En Patagonie !

11 - En Patagonie !

11 – En Patagonie !

 

 

 

 

C’est avec une certaine émotion que nous franchissons le cours des rios Colorado et Negro, qui marquent traditionnellement l’entrée dans un monde différent de tout ce que l’on connaît : la Patagonie. La région s’étend sur 2.500 km jusqu’au détroit de Magellan, et des Andes jusqu’à l’océan Atlantique, sur plus d’un million de km². Région mythique, fantasme de tous les explorateurs, habitée par des peuples Indiens depuis plus de 10.000 ans (35.000 pour les plus anciennes traces prouvées, du côté de Puerto Montt au Chili) … même aujourd’hui, avec l’immigration européenne, elle est à peine plus peuplée que la Sibérie (3,8 hab/km²). La région inspire le respect : à part sur la lune, c’est l’endroit le plus éloigné où l’espèce humaine est jamais venue… mais même la lune sans doute n’aura jamais autant fait travailler l’imagination des hommes. La Patagonie est traditionnellement une terre d’exil et de colonie. Au cours des siècles, une grande partie de sa population y est venue, attirée comme par un aimant, pour ses grands espaces loin de tout, où l’on pouvait espérer faire fortune et surtout y commencer un monde nouveau : les ancêtres des gens qui habitent ici ont pour la plupart quitté leur pays, pour de multiples raisons, afin de bâtir du neuf. Et une des particularités des gens qui habitent la Patagonie est d’avoir gardé un fort attachement pour leur patrie. Il y a quelque part, comme l’écrit justement Bruce Chatwin (‘En Patagonie’), quelque chose du mythe de l’agriculteur Caïn chez ces indomptables Patagons qui ont jeté l’ancre ici sur ces terres infiniment hostiles.

Parce que la nature y est hostile ! Ce n’est certes pas un désert de dunes et de sables comme en Arabie et au Sahara, mais il a lui aussi suscité d’immenses expériences humaines à défaut de spirituelles. Charles Darwin, lors de son voyage sur le ‘Beagle’ (1836) qui devait être si déterminant pour la conception de sa théorie de l’évolution des espèces, y fut irrésistiblement attiré par… tous les aspects effrayants et négatifs de ces immensités arides : « Les jours suivants, le paysage continua à rester extrêmement inintéressant ; (…) c’est le sceau de la stérilité qui a frappé tout ce pays (…). Mais, quand je me remémore des images de mes voyages, ce sont souvent les plaines de Patagonie qui reviennent ; pourtant, ces plaines sont de loin les plus abandonnées et inutiles que je connaisse… leurs caractéristiques sont uniquement négatives : sans habitations, sans eau, sans arbres, sans montagnes, elles n’ont que quelques plantes rabougries : comment alors – et il n’y a pas qu’à moi que cela arrive – ces immenses étendues arides ont-elles réussi à prendre à ce point possession de mon esprit ? »

Dès la sortie de Bahia Blanca, nous abandonnons l’herbe de la Pampa pour entrer dans ces espaces stériles et surchauffés en traversant la ‘Plaine des Vents’, jouant avec les mirages sur une immense ligne droite de 250 km qui traverse une maigre steppe grise. Entre deux bras du fertile rio Negro, à Choele Choel se trouvent deux campos de cousins, d’environ 100 ha chacun, ceux des Stier et de Véronique Hary-de Larminat. Et comme m’expliquait Laurent Stier à Buenos Aires, pour le même prix, il vaut mieux un petit 100 ha irrigué par le rio Negro que 2.500 ha de steppe patagonne ! Mais il y a aussi de grandes et belles estancias, notamment lorsque la route s’élève doucement vers la chaîne des Andes, avec ses premiers volcans et ses premières taches blanches de névés en ce milieu de l’été ; il y a de l’eau partout ici, avec rivières, lacs et cascades. Fernando et Mercédès Lopez-Laxague nous accueillent à Aluminé, à quelques kilomètres de la frontière chilienne. Fernando y est gérant d’une estancia assez particulière, l’estancia Pulmari de quelques 112.000 ha ; il me fait beaucoup parler en espagnol, puis nous découvrons qu’il comprend mon français aussi bien que moi son espagnol ! Il m’explique que l’estancia appartient à l’Etat, plus précisément à trois entités aux intérêts divergents, et il doit se battre entre le gouverneur de la Province de Neuquen, celui de la Province de Buenos Aires et… l’Armée, sans parler du fait que le domaine contient une partie du Parc National Lanin et est limitrophe d’une frontière par laquelle passent de nombreux trafics… Entre le renouvellement des plantations de pins et eucalyptus, la préservation de la plus grande forêt d’araucarias du monde, la vie économique des villages mapuche, l’implantation des lodges et cabañas et la surveillance des touristes chasseurs, pêcheurs ou randonneurs, Fernando a tellement de travail qu’il doit rester la plus grande partie de son temps à son bureau d’Aluminé. Il est d’autant plus heureux de nous en faire faire le tour du propriétaire, nommant chaque gibier de poil ou plume et chaque arbre ou bambou par ses noms espagnol, mapuche et scientifique. Et nous arrivons pour assister à la très rare floraison des bambous, qui n’a lieu que tous les quarante ans !

Nous sommes en pleine Araucanie ici, le royaume éphémère du Périgourdin Orélie-Antoine 1er de Tounens (1860). Et une stèle non loin du lac Pulmari marque le lieu de la dernière bataille entre le Général Roca et les tribus mapuche (1884), clôturant ce que la tradition argentine appelle la ‘Conquête du Désert’. Comme l’explique Wikipedia : « Le nom même de la dite campagne rend compte de la manière dont les peuples autochtones étaient perçus à l’époque : comme des sauvages qu’il n’y avait qu’à exterminer puisque, malgré leur présence sur ces terres habitées, on appelait ces terres un désert. Roca, à la tête d’une puissante armée moderne et bien entrainée parvint à soumettre la Patagonie en venant à bout de la résistance tenace des peuples de l’ethnie mapuche, causant un nombre épouvantable de victimes. On estime que la guerre fut la cause directe de la mort de plus de 20 000 indigènes non combattants (femmes, enfants, vieillards). » Et comme en atteste la légende d’une gravure, vue au musée de la Patagonie de Bariloche, montrant des Indiens pillant une estancia (1890) : « Depuis des temps immémoriaux, la Pampa était habitée et dominée par des tribus sauvages qui vivaient du pillage sur les établissements situés au sud de Buenos Aires ». Véronique a longtemps travaillé, dans un domaine différent (l’antijudaïsme chrétien), sur le ‘devoir de mémoire’ et des déclarations de ‘repentance’ (la déclaration dite ‘de Drancy’), qui n’accusent pas nos pères. Elle pense que l’Argentine en est encore loin ! Et a beaucoup apprécié le travail effectué par nos cousins argentins envers les Mapuche !

La prochaine fois, nous vous parlerons de la magnifique estancia familiale du Cerro de los Pinos, fondée par nos oncles en 1909, aujourd’hui 20.000 ha sur les bords du Chimehuin. Que ceux qui n’ont pas la patience d’attendre se précipitent sur le passionnant ‘Pionniers en Patagonie’ de Miguel de Larminat !

Je vous rappelle que, pour accéder à l’album de photos, il faut cliquer sur la légende de la photo en tête de l’article.

OU sur le lien ci-dessous :

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Je vous rappelle aussi que parfois, lorsque l’album ‘Picasa’ s’ouvre, Google+ propose ‘par défaut’ une présentation de l’album sous forme d’une ‘Galerie’, où on ne peut notamment pas lire les légendes dont j’orne chaque photo. Il faut alors, dès l’ouverture, repérer en haut et au milieu de l’écran un bandeau (près de la ‘barre de titres’ où s’affichent les liens ‘http://, etc…’) où il est écrit (en jaune) quelque chose comme « Cliquer ICI pour revenir à Picasa ». (Attention, le message ne s’affiche pas très longtemps ; si vous ne le voyez pas, revenir en arrière d’une étape !). Il faut alors cliquer sur « ICI », et, miracle, tout l’album s’affiche sous forme de vignettes. Cliquer ensuite sur ‘Diaporama’ ; le Diaporama se lance alors avec la première photo…. puis faire comme le diaporama le propose : appuyer sur la touche F11 du clavier pour passer en ‘plein écran’… sur la touche Pause, et faire défiler soi-même ses photos à son rythme avec les flèches de direction du clavier.

10 – Dans la Sierra de la Ventana

10 - Dans la Sierra de la Ventana

10 – Dans la Sierra de la Ventana

 

La Sierra de la Ventana est la première sérieuse ondulation de terrain rencontrée quand on traverse la pampa en quittant Buenos Aires vers le Sud Ouest. La ‘Ruta 3’ qui vous emmène jusqu’à Ushuaia en longeant plus ou moins la côte Atlantique, file tout droit à travers la pampa, le long du chemin de fer qui date des années du président Bartolomeo Mitré (1860 ss). Elle coupe des pâturages, des marécages, ainsi et surtout que des champs de soja, maïs et sorgho qui s’étendent à l’infini des deux côtés de la route ; c’est que, si la pampa est encore une terre où s’élève la  célèbre viande argentine, le bétail est maintenant de plus en plus souvent relégué dans des unités de stabulation, la prairie ayant laissé la place à des cultures fourragères et industrielles. De loin en loin, annoncées par une haie rectiligne de beaux arbres, s’ouvre l’entrée d’une estancia, avec un portique de bois blanc, souvent entouré de corrals. Nous avons fait escale à Azul, au cœur de ce Far West, où les gros pickups sillonnent les pistes en laissant derrière eux un gros nuage de poussière… pas très confortable pour les motards !

La Sierra de la Ventana se trouve dans la ‘Province de Buenos Aires’, qui s’étend jusqu’à Viedma, 1.000 km au sud de la capitale. Autour de la Sierra de la Ventana s’étend une ‘pampa sèche’ ; c’est dans cette région que nos cousins Laxague ont vécu près de 60 ans dans une estancia de 5.000 ha nommée ‘Dos de Mayo’, où André et Elisabeth (née de Larminat) ont élevé leurs 19 enfants. Dans la Sierra proprement dite habite notamment sa sœur, Thérèse de Larminat, dans la maison où leurs parents sont venus se réfugier en 1968 après l’incendie de leur maison dans l’estancia du Cerro de los Pinos, en Patagonie, 1.300 km plus à l’ouest, où elles avaient grandi. Un des fils d’Elisabeth, Michel, habite également avec sa famille à quelques kilomètres de Thérèse, et surtout de l’estancia de sa belle-famille, celle des Ruiz-Iñazu.

Dès notre arrivée à Bahia Blanca, le grand port à une centaine de kilomètres au sud de la Sierra de la Ventana, nous allons saluer tante Elisabeth, Amachi, encore entourée de cinq de ses enfants, bon pied bon œil du haut de ses 90 ans, l’œil vif et la question fusante : quel dommage que nous ne soyons pas venu avec Betty, la mère de Véronique, décédée il y a à peine plus d’un an !

Et dès 8h le lendemain matin, Bernard et Jacques Laxague nous emmènent parcourir leur domaine… Nous commençons par la visite de l’estancia ‘Dos de Mayo’… c’est la première fois qu’ils y reviennent depuis sa vente il y a quatre ans ! Quelle émotion pour eux comme pour nous ! Bernard connaît par cœur tous les chemins qui y mènent, à travers les pâturages et les champs de soja, bordés de très scéniques éoliennes, et de moins poétiques mais bien plus efficaces clôtures de fils électriques ; et nous voilà devant la barrière du ‘champ’ de 5.000 ha, avec son vieux panneau ‘Estancia Dos de Mayo’ et ses deux portes, l’une pour les voitures, l’autre pour le bétail. Après encore quelque kilomètres, voilà qu’au détour d’un virage apparaît sur une éminence la maison où ils sont nés et ont vécu avec leurs parents et leurs dix sept frères et sœurs. Je vous passe les détails de la visite, tout est dans l’album de photo ci-joint ; mais retenez que toutes les grandes maisons de ces estancias situées au bout du monde sont entourées de magnifiques jardins, avec d’immenses arbres de toutes essences venues de tous les coins du monde, de massifs de fleurs et de potagers capables d’assurer une véritable autarcie aux familles y vivant.

Nous en profitons pour aller visiter l’estancia voisine, San Miguel, 5.000 ha également, dont Bernard s’est occupé pendant 23 ans. Nous passons devant son ancienne maison, qui elle aussi a brûlé (!), entourée de hangars, corrals, éoliennes, citernes et machines agricoles ; quelques chevaux s’ennuient derrière une clôture ; il faut dire qu’aujourd’hui, les pions (‘peones’ en espagnol) sont de moins en moins nombreux, et beaucoup plus en voiture qu’à cheval. Quelques kilomètres plus loin apparaît le ‘Casco’, la maison du cousin Peter Laharrague, que nous avons le bonheur de croiser chez lui, ‘dans son champ’. Mais le programme de Bernard pour la journée est dément… il est déjà 13h, et nous sommes invités à déjeuner à une heure d’ici, dans le village de ‘Sierra de la Ventana’, chez Tante Thérèse, qui mène une vie heureuse entre ses aquarelles, son potager, et son artisanat mapuche. A 17h, nous croyons rentrer à Bahia Blanca, mais non, Bernard a reçu un coup de fil de son frère Michel, nous sommes attendus dans sa belle famille, chez les Ruiz-Iñazu, vers Tornquist, 50 km plus à l’ouest. Et là, pour couronner cette journée, dans une magnifique lumière de couchant, nous attendent deux attelages et une douzaine de cavaliers servants pour une grande promenade dans la Sierra ; allez regarder les images… nos yeux de Parisiens étaient comblés !

Epuisés par cette journée mémorables, nous cédons vite aux instances de Bernard qui souhaite que nous restions un jour de plus à Bahia Blanca : Amachi n’a même pas eu le temps de discuter sérieusement avec nous ! Et nous essayons de comprendre comment on peut accepter d’avoir 19 enfants, et les élever, de les nourrir et de les habiller : sa sœur ‘tante Pinette’ qui a passé sa vie à Dos de Mayo ; les placards pleins de bluejeans, de bottes, de chemises, qu’on ne remplace par du neuf qu’une fois complètement élimés ; le médecin qui vient vacciner toute la famille d’un coup, et le coiffeur itou ! Le cours Hattemer jusqu’à 8 ans, âge auquel on part en pension ; la chapelle où il y a confessions et messe tous les dimanches, les accoucheuses qui arrivent un peu tard. Et on parle français, bien sûr, dans ce monde qui jusqu’à l’adolescence, se limite à la pension aux estancias voisines. Et ce monde nous est si proche, vous pensez, des cousins français ! Et ce monde nous est si dépaysant, à nous, les Parisiens ! Quelle expérience ! Le jour du départ, Amachi viendra jusqu’à nos motos pour nous voir partir vers la Patagonie : merci Amachi pour cette belle leçon de vie !

 

Je vous rappelle que, pour accéder à l’album de photos, il faut cliquer sur le lien ci-dessous :

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Ou sur la légende de la photo en tête de l’article.

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9 – Pause à Buenos Aires

9 - Pause à Buenos Aires

9 – Pause à Buenos Aires

 

 

Quel plaisir que cette pause dans cette magnifique capitale qu’est Buenos Aires (‘BsAs’ pour les intimes), après près de 5.000 km de motos dans la chaleur étouffante du sud du Brésil ! Laurent et Claire Stier nous avaient prêté leur appartement de Belgrano, très agréable et bien situé, pendant qu’ils étaient en vacances dans leur ‘champ’ de 100 ha sur les bords du rio Négro, à la frontière de la Patagonie. Et non seulement nous avions la chance que leur fils Philippe s’y trouvait pour nous initier aux particularités de la vie des Porteños, mais la ‘chance’ a voulu (!) qu’une semaine après notre arrivée, le frère de Laurent, Hugues, s’étant cassé la jambe en moto dans son champ, Laurent a dû interrompre ses vacances ; nous avions perdu l’espoir de croiser ces cousins éloignés découverts en France il y a trois ans, et les voilà condamnés à revenir en plein été dans la capitale pour notre plus grande joie.

Buenos Aires est une ville à l’urbanisme très organisé, mariant les immenses avenues bordées d’immeubles modernes, de parcs et jardins avec les petits quartiers intimes, aux rues pavées irrégulièrement, aux petites maisons colorées. Chacun des quartiers que nous avons visités avait son charme propre, qu’on ne pouvait s’empêcher de comparer aux plus célèbres quartiers de Paris : Recoleta avec Victor Hugo, Florida avec Montparnasse, Palermo avec la Butte au Cailles, La Boca avec Montmartre, Puerto Madero avec Bercy et l’avenue de France, etc… Chaque jour donc, après le travail quotidien pour répondre aux emails, trier nos photos, préparer les prochains blogs, travailler sur quelques aquarelles et consulter guides, cartes et … annuaire Larminat pour nos prochaines escales, nous partions avec l’une ou l’autre des motos à la découverte d’un nouveau quartier.

Le ‘Grand Buenos Aires’ est aujourd’hui une agglomération de plus de 13 millions d’habitants, qui représentent plus de 30% de la population d’Argentine concentrés sur moins de 5 % de sa superficie. Une première fondation aux débuts du XVIème siècle doit se replier devant le succès des attaques indiennes. A l’époque, la ville européenne ayant prospéré était Asuncion, la capitale actuelle du Paraguay, loin à l’intérieur des terres sur le rio Paraguay ; et l’intégralité du commerce devait passer par le Pérou, 3.000 km plus au nord, ne laissant guère que la contrebande pour animer économiquement cette région. Ce n’est que lorsque les Portugais commencent à menacer la région, à la fin du XVIIIème s. que Buenos Aires est promue capitale de la Vice Royauté du Rio de la Plata. Quelques années plus tard, Napoléon occupe l’Espagne… et les Argentins déclarent leur indépendance ! Depuis les années 1830, avec le général de Rosas, la tradition de gouvernants autoritaires est bien ancrée ici, même si elle s’est teintée d’un fort populisme avec le général Perón (1946-1974), dont la famille Kirchner poursuit l’épopée actuellement : ayant déjà fait faillite au début des années 2000 (banques et caisses de retraite ont notamment été pillées par l’Etat…), le pays n’a toujours pas résolu son insolvabilité internationale, et fuit la mise en place de mesures de redressement en nourrissant le peuple de subventions et en faisant tourner la planche à billets… Depuis quatre semaines seulement que nous avons besoin de changer du peso, son cours a déjà perdu 10%…, au plus grand dam des salariés et assistés qui voient les prix monter au même rythme sans que leurs salaires suivent. D’où des ‘émeutes de la faim’ (on vient piller les supermarchés) et des ‘piquetes’ (les chômeurs bloquent les routes) sous l’œil bienveillant d’une police hostiles aux industriels et commerçants.

Lorsque Claire et Laurent ont dû revenir chez eux, ‘chez nous’ (!), c’est donc à bâtons rompus que tous les jours nous les avons assaillis de questions sur tous les sujets possibles et imaginables. Il faut dire que Claire, 13ème d’une famille de 19 enfants, et dont la sœur aînée Marie Pincemin en a elle-même 14, ‑ leur mère, 90 ans, ‘Amachi’ pour eux, ‘Tante Elisabeth Laxague’ pour nous, nous attend à Bahia Blanca ‑ avait du pain sur la planche pour nous faire comprendre qui était où et faisait quoi et pourquoi en Argentine ! Laurent, de son côté, chef d’une entreprise de croissanterie avec ses deux frères, était bien placé pour me renseigner sur les particularités de l’économie argentine dont je donne de plus amples détails dans les légendes des photos ci-jointes ! Après une semaine de ce régime, nous commencions à percevoir les champs de forces agitant l’Argentine aussi bien que les 72 petits enfants d’Amachi, et les Stier devaient être heureux de nous voir filer vers le Sud : « vous allez voir, Buenos Aires, ce n’est pas l’Argentine ; dans le Sud, vous allez être émerveillés ». Et effectivement ! Nous allons essayer de faire en sorte que vous n’attendrez pas trop longtemps le trop succinct résumé de tout ce que nous avons vécu dans la Sierra de la Ventana, nos premiers contacts en Patagonie, et la découverte de ce petit paradis qu’est l’estancia Larminat au ‘Cerro de los Pinos’.

 

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8 – Les chaleurs tropicales du Brésil et des Misiones

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8 – Au Brésil et Misiones

 

 

 

Nous étions un peu inquiets en abordant la frontière brésilienne, comme avant chaque frontière bien sûr (avons-nous bien tous les papiers nécessaires ?), mais aussi à cause de la circulation sur les routes et de la sécurité dans cet immense pays. Et puis le douanier nous chante la Marseillaise en découvrant que nous sommes Français ! La tension baisse d’un coup… et nous voilà sur les routes brésiliennes ! Nous remontons vers le Nord, donc vers l’Equateur, et il fait de plus en plus chaud et humide ; sur les monotones lignes droites de plusieurs dizaines de kilomètres, nos cuirs nous font mieux cuire que dans un hammam ; çà fume, le vent de la course rafraîchit un peu, mais il faut s’arrêter pour boire souvent : l’évaporation de la transpiration, c’est notre climatisation ! C’est la saison des pluies, ici, et donc, quoi qu’on fasse, nous savons que nous arriverons trempés comme des serpillères à l’étape. Soit qu’il aie fait beau, et donc chaud (jusqu’à 40° du côté de Joinville), par liquéfaction intérieure. Soit que nous ayons croisé une cataracte tropicale, et donc rincés par liquéfaction extérieure… Et Véronique assure comme un chef, aussi bien dans le trafic un peu dément des routes brésiliennes… que lorsque l’orage suivant de près la canicule, ce sont visière et lunettes qui s’embuent d’un coup ! J’en profite pour un petit couplet sur les odeurs… Il y a, certes, celle que nous dégageons le soir à l’étape… il y a surtout celle de la terre humide retournée par les bulldozers qui travaillent partout ici, par les fleurs des arbres de la forêt qui borde les routes, par les champs et les pâturages, les silos, les scieries, les tanneries… un festival pour nos narines enthousiastes… Ah, tous ces pauvres automobilistes dans leurs cabines climatisées qui ne savent pas les merveilles qu’ils traversent !

Les Etats que nous traversons – Rio Grande do Sul, Santa Catarina, Parana (au total 26 M. d’hab pour 600.000 km²) – sont très européanisés ; ils ont été colonisés par des Européens venus d’Europe centrale dont l’industrie et l’élevage n’avaient que peu besoin de main d’œuvre ; il n’y a donc par ici pratiquement pas de métis ou mulâtres… et relativement peu de Portugais. Même les communautés de pêcheurs de la presqu’île de Porto Belo viennent des Açores depuis le XVIIIème siècle ; s’il y avait des tribus indiennes à l’arrivée des Européens, les bandes armées des Bandeirantes ont bien fait le ménage aux XVII et XVIIIème s. ; on ne trouve plus que quelques ‘réserves’ d’Indiens Guarani en allant vers Iguaçu et le Paraguay. Les villes de Pelotas (0,35 M d’hab.), Porto Alegre (1,5 M d’hab.) ou Curitiba (1,8 M d’hab) sont essentiellement européennes, et… peuplés d’Européens venus du Nord ou du Centre de l’Europe ; rien à voir avec l’Argentine ou l’Uruguay, peuplées d’une immigration majoritairement italienne et espagnole. L’ambiance s’en ressent dès l’entrée au Brésil : le soir, à la tombée de la nuit, quand nous sortons nous dégourdir les jambes après la douche pour trouver un endroit ou dîner, les rues sont vides, quelques gens font encore la queue à la station d’autobus pour rentrer chez eux, des bureaux ont encore la lumière allumée : ici, on bosse ! Ici, on célèbre d’ailleurs les Bandeirantes ! Nulle part au Brésil nous n’avons croisé le ‘paseo’ du soir, où jeunes et vieux traînent dans les rues et sur les squares pour faire la fête. Ne cherchez sans doute pas plus loin pourquoi le poids économique du Brésil écrase aujourd’hui celui de l’Argentine… Mais pour nous voyageurs, il faut dire que nous préférons les pays qui font le ‘paseo’ ! Quel bonheur de le retrouver dès Puerto Iguazu, en entrant en Argentine ! Sans compter que les commerces y sont ouverts 7j/7 !

Vous verrez dans l’album de photo ci-joint quelques images du paradis qu’a été pour nous l’escale de Noël à Porto Belo, dans la maison de mon cousin Bertrand Côte, sur la plage de Zimbros : grande maison de vacances, posée sur la plage au milieu des maisons de pêcheurs, un peu comme devait être Saint Tropez dans les années 40 : une cohabitation bonhomme entre les pêcheurs Açoréens et la vague touristique, le sable blanc, la forêt vierge, la mer, les casiers à moules et huitres, le ski nautique, les tas de fesses, cuisses et ventres rougis par le soleil… les paysages nous rappelant un peu une île comme Anjouan, aux Comores. Bertrand est un de ces incorrigibles aventuriers des affaires, au Nigéria dès ses 24 ans, puis éleveur de bétail au Paraguay, avant d’émigrer au Mato Grosso do Sul ; sa femme Françoise est une cavalière émérite de concours hippiques, qui l’aide à gérer leur fazenda du Mato Grosso do Sul ; leur fils Marius, 19 ans, poursuit ses études en Grande Bretagne. Leur accueil nous permit de nous reposer de nos premiers 2.000 kms, et de terminer notre ‘mue’ de croisiéristes à motards : grasses matinées, ballades, aquarelles et blog ; quel Noël ‘en famille’ ! Cette cousinade, éloignée tant par le sang que par la distance, a révélé nos mêmes atomes crochus d’expatriés, autant que, semble-t-il, des qualités communes descendant sûrement des familles de la Brosse, Chaper ou Perrier, n’est-ce pas Bertrand ?!

Mais il fallait bien repartir ! Les chutes d’Iguaçu nous attendaient ! Nous y passerons deux jours entiers, sans trouver le temps d’aller visiter les magasins duty free du Paraguay voisin ; vous verrez dans l’album de photos joint ce festival d’eaux et de forêts !

La dernière étape avant notre retour à Buenos Aires nous laissera un souvenir impérissable. Marc, Toya et leurs trois enfants habitent une charmante maison de brique et bois à Candelaria, petite ville de campagne dans l’Etat argentin de Misiones, et vont bientôt déménager dans leur nouvelle maison de Posadas. Neveux éloignés du côté de Véronique, ils nous ont accueillis … le 31 décembre… comme des proches, avec chaleur et simplicité, malgré les coupures d’eau et d’électricité, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Marc travaille d’arrache pied sur un projet de production de ‘stevia’, cette plante dont la feuille est un édulcorant naturel promis à remplacer un jour l’aspartam ; Toya est expert comptable ; ils gagnent leur vie tous deux en indépendants, à la maison : quel exemple de courage et d’esprit d’initiative … puissent-ils faire fortune avec leur projet !

Je ne vous parle pas en détail de l’intéressante visite que Marc nous a emmené faire dans les ruines de deux des ‘Réductions jésuites du Paraguay’ proches de chez eux ; l’essentiel est dans l’album ci-joint. Mais il faut croire que cette terre des ‘Misiones’ fertilise aussi l’inventivité de ses habitants : quelle magnifique utopie fut l’histoire de ces ‘Réductions’ !

C’est donc de chez ces jeunes Pincemin que nous sommes entrés en 2013. Le surlendemain, après 1.100 km de lignes droites par une température presque printanière, nous entrions dans l’immense banlieue de Buenos Aires, où Felipe nous attendait dans l’appartement de ses parents Claire et Laurent Stier. Quel plaisir que d’y séjourner ‘comme des Portenos’ ! Nous vous raconterons cela la prochaine fois.

En attendant, tous nos meilleurs vœux pour la nouvelle année !

Pour accéder à l’album de photos, cliquez sur le lien ci-dessous :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/8AuBresilEtMisiones?authuser=0&feat=directlink

Ou sur la photo ci-dessus (la carte), puis sur sa vignette ou sa légende.

7 – En Uruguay

7 - En Uruguay

7 – En Uruguay

 

Le lendemain de notre départ de Zarate, nous sommes devant le petit port vieillot de Montevideo (1,5 M d’hab), ‑ ‘la VIème montagne d’Est en Ouest quand on entre dans le Rio de la Plata’ (MONTE VI EO) ‑, coincé entre un cimetière de bateaux, l’énorme immeuble en béton de la douane et la tour futuriste d’Antel, la société locale de téléphone. Cela fait tout juste quatre semaines que nous sommes montés à bord du Grande Buenos Aires, et nous y avons pris nos aises ; il nous faut refaire un paquetage qui tienne sur les motos, enfiler nos bottes et cuirs, descendre les 12 étages avec nos sacs et valises, puis retrouver nos motos dans la cale… c’est facile… elle est vide. Ce qui est moins facile, c’est de constater que la moto de Véronique refuse de démarrer, et que la mienne a la roue arrière crevée. Je finis par remonter les deux motos jusqu’à la porte de la cale ; le switch général était sur OFF… l’émotion sans doute… pour la première ; pour la seconde, Hervé me prête le compresseur portatif de son camping car, et c’est celui du navire qui refait le plein d’air, en espérant que le pneu tiendra jusqu’au premier réparateur trouvé en ville. Une heure plus tard, nous sommes dans la circulation en ville ; ‘pinchazo’, c’est comme çà qu’on dit crevaison ici à un motard qui roule à côté de nous ; c’est un avocat, qui nous guide chez un réparateur à quelques blocs de là. Une demi-heure plus tard, nous sommes à la recherche d’un hôtel ; le premier conseillé par Petit Fûté, soi-disant toujours plein, nous offre une chambre vieillotte et charmante, en haut d’un vieil ascenseur des années trente ; le Wifi capte fort bien dans la chambre ; le luxe, quoi ! Nous faut-il vraiment repartir dès demain sur la route ? Nous n’avons même pas visité la ville ! Après un dîner sur une place où un orchestre entraîne les convives de tous âges dans des sambas plutôt sages, ambiance très ‘paseo’, nous décidons que notre ‘mue’ de l’état de croisiériste à celui de routard nécessite au moins un jour de plus.

On nous a décrit l’Uruguay comme ‘la Suisse de l’Amérique latine’. Et effectivement, la vieille ville regorge de banques différentes, logées dans des immeubles cossus, à l’architecture pompeuse ; ses distributeurs de billets proposent au choix le peso ou le dollar, lequel est accepté partout. Quant à la sécurité, nous avons fait l’expérience de son statut de parmi les 30 villes les plus sûres du monde : j’ai oublié à deux reprises mon sac à dos en ville, sans parler des clés sur le contact de ma moto pendant plusieurs heures… il va vraiment nous falloir reprendre des habitudes de routard ! Toute la ville marie les styles architecturaux les plus éclectiques, du Haussmannien pur jus au délire de béton sorti tout droit de l’imagination d’un auteur de bandes dessinées. Et pourtant, pour la première fois depuis le début de nos voyages, aucun sentiment de dépaysement, ou plus précisément, il est dépaysant de constater que, si loin de chez nous, les gens qui nous entourent sont à l’évidence tous européens, chrétiens, blancs, avec pratiquement les mêmes us et coutumes que nous.

L’Uruguay est un petit pays (3,5 M d’hab) qui n’est pas seulement étonnant par son architecture : créé avec la permission des Anglais comme tampon entre les empires espagnols et portugais, se vantant d’être le premier pays d’Amérique du Sud ayant mis en place la démocratie, il a subi la guérilla urbaine des Tupamaros avant d’élire il y a quelques années l’un d’entre eux comme Président. Au début de ce mois, l’Assemblée Nationale y a voté à une très forte majorité le ‘mariage pour tous’ en débat chez nous.

Sur l’excellente route de Colonia de Sacramento, nous faisons le détour par la ‘colonie Nueva Helvetia’ ou ‘Colonia Suiza’, qui maintient les traditions de ses créateurs en 1862 : si on y parle espagnol, les rues portent des noms germaniques, la forme du chalet suisse y estµ très répandue, et on y fabrique du fromage pour toute la sous région.

Nous tenions à faire le crochet par Colonia de Sacramento pour sa vieille ville ; et elle valait effectivement le détour de 400 km : première implantation européenne sur cette côte (1680), par les Portugais tenant à faire appliquer le décret papal de Tordesillas (1494) qui partageait les terres à découvrir entre les deux empires selon un méridien qui leur attribuait cette région, les Espagnols de Buenos Aires réagirent immédiatement. S’ensuivirent des décennies de guerre jusqu’à l’indépendance en 1830. Colonia, par sa position stratégique, en était le premier enjeu. Elle en garde les charmes d’une ville de garnison du XVIIIème s., agrémentés de merveilleuses automobiles des années 30 entretenues avec amour par les locaux.

Les 700 km qui nous séparent alors de la frontière brésilienne sont avalés en deux jours. Les pâturages succèdent aux plages, les laiteries aux fronts de mer pour baigneurs, les auberges de jeunesse à 80US$ la nuit aux cabanes en bois hippies à 90US$ : c’est que c’est le début des vacances d’été ici, et que les plages, très Sea Sex & Sun, sont prises d’assaut par des touristes venus de toute la région, et notamment d’Argentine. Nous transpirons beaucoup sous nos cuirs quand il fait beau avec 34°, nous sommes trempés quand c’est l’orage tropical à 28°, quoi qu’il arrive, à l’arrivée, nous sommes à tordre ! Véronique assure, même quand la ‘nationale 10’, qui longe la côte, se termine par 40 km de piste, puis par un bourbier devant lequel il faut faire demi tour ; et tout autant quand l’asado (en français : ‘barbecue’) convivial du ‘El Diablo Tranquilo’  de Punto del Diablo, très ‘auliounidizlove’, promis pour 21 h n’arrive qu’à 23h alors que nous avons encore 400 km de route pour le Brésil le lendemain : ils sont gentils, tous ces jeunes routards, et très causants, en n’importe quelle langue !

Nous vous écrivons d’une magnifique plage sauvage de sable blanc bordée de bateaux de pêche où nous sommes depuis quatre jours ; nous sommes à 300 km au Sud de Curitiba, chez Bertrand et Françoise Côte. C’est le paradis.

On vous raconte çà au prochain chapitre ! En attendant, ce soir, c’est Noël sous les tropiques, le premier que nous passons sans aucun de nos enfants depuis 40 ans.

Nous vous souhaitons à tous un joyeux Noël, ainsi qu’une heureuse, sainte et fertile année 2013 !

 

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