Véronique, c’est ma copine ; depuis un peu plus de 37 ans. Ensemble, nous avons vécu en expatriés pendant 8 ans dans 5 pays différents d’Afrique Noire avant de devenir parisiens, moi « cadre » à Paris, Véronique mère de famille nombreuse. Puis, nécessité oblige, j’ai commencé des études de droit à 46 ans, prêté serment d’avocat à 49, et Véronique s’est reconvertie en assistante d’avocat. Pour fêter cela, nos amis m’ont offert un « permis moto » : une vraie révélation pour le scooteriste que j’étais depuis 12 ans ; quant à Véronique, elle passait également son permis à 51 ans. Nous sommes donc tous deux encore néophytes en la matière, et donc enthousiastes. Nos motos de 700cm3 sont de stricte série, tous les accessoires tirés de la boutique Honda sauf les valises alu (Hepco&Becker) et le phare longue portée (Touratech) ; poignées et gilet (Klan) chauffants bien sûr. Dix ans plus tard, chacun de nos 5 enfants dûment doté de diplôme voire de situation, notre devoir de parents accompli et de grands parents léger, Véronique a pu réaliser son rêve de m’emmener visiter l’Espagne, et moi, j’espère très bientôt, celui de retourner à Fquih ben Salah Maroc, là où j’ai vécu tout petit pendant 8 ans : c’est bien dans ce coin de la terre qu’il nous fallait commencer notre tour du monde !
Honnêtement, « partir » n’est techniquement pas compliqué ; mais les choses les plus simples ne sont pas nécessairement les plus faciles.
Partir à moto est certes légèrement plus compliqué qu’à pied ; comme on dispose de plus de place, on a en effet plus d’embarras pour trier l’indispensable ; mais on part pour 6 mois … la mécanique implique quelques pièces et outils … et à moto, pluie, vent ou froid exigent quelques protections encombrantes : le tout doit être comprimé dans moins de 100 litres environ (vérifiez le volume du coffre de votre voiture !). Le peu d’affaires facilite les arrivées et départs.
Le plus difficile est bien sûr de dénouer toutes les amarres qui nous retiennent à quai : c’est dans la tête qu’on s’est serré des nœuds ! Regarder, raconter dans ce blog, recevoir vos messages d’encouragement, c’est dénouer les attaches en les laissant respirer mais sans les rompre !
Ces dix derniers jours ont été éblouissants de paysages, de lumières et de couleurs dans les feux d’un été indien qui semble se télescoper avec le printemps (détails et commentaires dans l’album ci-joint !). Tolède, Cordoue (ah, les bains et massages « arabes » !), Séville (ah, le flamenco !), Grenade (cf. carte road book) : nous avons parcouru en 10 jours les chemins que la Reconquista mit 3 siècles à conquérir. Cette Espagne paraît bien plus chargée d’histoire que la France – elle a été romanisée deux siècles avant la Gaule, et le Califat Omeyyade d’Al Andalous a ajouté une couche d’exotisme incroyable d’équilibre – où les ors baroques de la Reconquista ont finalement eu pudeur à recouvrir toute trace de cette civilisation musulmane où les trois monothéismes ont cohabité dans une harmonie certaine pendant sept siècles. Si nous n’avons pas trouvé trace de moulins à vent dans la Mancha, pays de Don Quichotte, ni plus guère de cuir ouvragé à Cordoue, Véronique a failli craquer sur les crèches de Séville, ou, pour son 9ème petit enfant à naître avant Noël, des ensembles tricotés très 1950.
Nous avons quitté l’Andalousie par la montagne de Ronda, une ville coupée en deux par un coup d’épée, puis retrouvé la Méditerranée à Algésiras, qui fait face au rocher de Gibraltar par delà une baie où les dauphins batifolent. Ambiance de port animé que nous ne connaissons guère ; Véronique s’y sent très à l’aise, bien qu’un peu inquiète de franchir demain le détroit pour une Afrique musulmane.
Joyeux Noël à tous !