Cette traversée de la Turquie orientale en hiver aura été d’une diversité inattendue ! Nous sommes passés sans transition des ruines désolées de l’ancienne capitale arménienne d’Ani (100.000 hab., dit-on, au tournant du précédent millénaire) à l’ambiance glacée d’Erzurum (-22°C le matin), ville universitaire de 500.000 hab. et surtout 70.000 étudiants située à 1.900 m. d’altitude…, puis dans les douceurs de l’ancienne capitale byzantine de Trébizonde (XIII – XVème s.) au bord de la mer Noire, avant de découvrir la fabuleuse Amasya, corsetée dans sa gorge dramatique, nécropole des Rois Mithridate du Pont qui régnaient de l’Anatolie jusqu’en Colchide et Crimée (III-Ier s. BC), puis ‘Dauphiné’ des Ottomans qui y envoyaient se former comme gouverneurs leurs futurs sultans. Poursuivant notre route vers l’Ouest, nous avons fait une escale ‘rafraîchissante’ (cf. album) à Bögazkale/Hattusha, la capitale des Hittites, avant de plonger dans une Ankara encore toute dédiée au culte d’Attatürk Mustapha Kemal. C’est pourquoi nous avons intitulé cette note ‘Les Turquies’, tant la diversité des héritages rencontrés nous a paru démentir la ‘turquéité’ du pays. Juste avant d’avoir à escalader le col de Zigana d’où les Grecs de Xénophon aperçurent enfin la mer (‘Thalassa ! Thalassa !’) après leur fameuse retraite (‘l’Anabase’ – IVème s. BC), se trouve la ville de Gümüshane ; lors des ‘Tanzimat’ (équivalent turc de la ‘perestroïka’ russe : pendant quarante ans – 1839-1876 l’empire ottoman essaie de se moderniser), le Sultan proclama non seulement la liberté de conscience, mais le droit pour tout citoyen ottoman de pratiquer librement la religion de son choix ; quelle ne fut pas la surprise des imams de voir se déclarer chrétienne la majorité crypto-chrétienne de la population de la ville conquise par les Ottomans depuis trois siècles ! Nous espérons que l’album de photos joint vous donnera un bon raccourci des merveilles croisées sur notre route.
Revenir en Turquie après nos semaines en Iran, Arménie et Géorgie nous fait également d’une certaine façon revenir dans un niveau de développement ‘européen’, nonobstant une grande pauvreté rencontrée dans les campagnes les plus reculées de l’extrême nord est du pays. Dès la frontière géorgienne passée, et nous retrouvons d’excellentes routes même dans les coins les plus reculés, des villes très propres, bien éclairées, au mobilier urbain que ne renierait pas Mr. Wilmotte, des commerces modernes et bien achalandés, des distributeurs de billets partout, des concessionnaires auto de toutes marques aussi bien équipés qu’en France et même une administration apparemment efficace quand nous avons cherché à régler nos problèmes de douane pour la voiture (à vérifier toutefois à Marmaris dans huit jours !). Une seule et paradoxale exception : la capitale Ankara, qui fait vraiment tache dans la modernité turque.
Revenir en Turquie, c’est surtout être immédiatement abordé dans la rue, non pas par des gens qui comme en Iran cherchent surtout un contact avec l’extérieur, mais par des passants sincèrement curieux de savoir qui nous sommes, d’où nous venons, où nous allons, si la Turquie nous plaît etc… Dès Kars, c’est un Turc, guide pour touristes, qui s’étonne d’en voir deux dans ces régions à cette époque ; à Erzurum, ce sont deux jeunes étudiantes qui nous accompagnent jusqu’à l’entrée du restaurant que nous cherchons ; à Trabzon, c’est Bogaçhan qui sort de sa boutique alors que nous admirons ses maquettes en vitrine, et qui nous y invite à boire le thé avec son oncle ; c’est encore Djamila et ses copines qui nous taquinent dans une boutique où nous cherchons en vain des cadeaux de Noël qui approche pour toute notre progéniture. En bref, c’est toute une tradition d’accueil de l’étranger si célébrée en terre d’islam que nous retrouvons avec plaisir. Quand cette tradition d’hospitalité se cumule enfin avec un raffinement général dans la politesse des gens, la cuisine ou le soin avec lequel les maisons sont aménagées, vous aurez compris que je rêve d’y revenir au printemps ou à l’automne avec une volée de motards pour profiter de son réseau routier exceptionnellement scénique ! Le seul ‘bémol’ d’importance à ce tableau idyllique : les anciennes églises chrétiennes qui n’ont pas été transformées en musées ou mosquées tombent en ruines et devront être rasées par salubrité publique si rien n’est fait dans la décennie qui vient.
Nous vous écrivons de Bursa, la première capitale des Ottomans, à quelques kilomètres de la mer de Marmara. Dans huit jours, les voyageurs que nous sommes prennent des vacances (enfin !) : Bernard rentre à Paris retrouver sa famille pour Noël ; et Philippe fait venir sa famille à Rhodes (Grèce) ; d’où les problèmes douaniers évoqués ci-dessus pour laisser la voiture en Turquie alors que nous n’avons pas pu obtenir de la faire mettre sur le Carnet de Passage en Douane. Ce n’est donc que début janvier que nous devrions vous raconter les merveilles des faïences d’Iznik, des soies de Bursa, des temples de Troie, Pergame ou Ephèse, le spectacle des Dardanelles et les oliviers de la mer Egée.
Pour tout savoir sur les merveilles que nous avons vues, vous savez qu’il faut cliquer sur l’image ci-dessous ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et joyeuses fêtes de fin d’année !
9 – Les Turquies d’Ani à Ankara |