All posts by Bapou

Véronique et Philippe PERRIN ont notamment travaillé pendant près de 25 ans en parcourant l'Afrique Noire, avant de s'épuiser en sédentaires à Paris en rêvant de découvrir d'autres parties du monde. A l'âge de la retraite, après avoir élevé leurs 5 enfants, ils ont décidé que leurs rêves deviendraient réalité.

12 – De Marmaris au Yunanistan, les Sept villes de l’Apocalypse

12 - de Marmaris au Yunanistan

12 – de Marmaris au Yunanistan

 

D’abord mille excuses pour les mises à jour tardives du blog. Mais, comme d’habitude, nous passons à côté de tant de merveilles que nous ne résistons que rarement à la tentation des les visiter … au lieu de prendre le temps de savourer un thé au soleil en faisant connaissance avec nos voisins de table ; nous nous retrouvons alors chaque soir avec entre 100 et 200 photos à trier … chacun ; et le jour a beau se coucher tôt, ce qui nous réserve théoriquement de longues soirées, entre la préparation des itinéraires, visites et étapes du lendemain, et les emails et Skype avec les proches, cela laisse peu de temps pour rattraper son retard. D’habitude, on s’arrête une journée complète sans visite tous les 8/10 jours pour vous donner de nos nouvelles ; mais là, depuis nos vacances de fin d’année, nous fonçons (neuf pays en onze jours, en comptant les 20 minutes passées à traverser l’enclave de Neum qui est le seul port de Bosnie-Herzégovine !), et nous sommes complètement déréglés ! Enfin, sachez que nous devrions être dans trois jours à Paris. Et rassurez-vous, l’intérêt, la beauté et le soleil que nous vous rapportons dans nos images peuvent être dégustés tranquillement pendant les encore longues et nombreuses soirées de l’hiver qui est loin d’être fini !
En nous retrouvant donc le 3 janvier à Güllük au bord de la mer Egée, nous avons choisi de remonter vers le Nord en faisant « l’intérieur de la côte » ; pour visiter notamment deux grands sites que nous n’avions pas encore vus – Pamukkale et Sardes. Nous n’avions plus ensuite qu’à franchir les Dardanelles et passer en Grèce du Nord pour y découvrir la patrie de Philippe et d’Alexandre de Macédoine. Vous verrez dans l’album ci-joint les belles images que nous ramenons notamment des sites de Stratonicée et Aphrodisias. C’est alors seulement que nous avons découvert que nous étions en train de visiter successivement les Sept Villes de l’Apocalypse, c’est-à-dire les sept villes d’Asie auxquelles l’apôtre Jean – très âgé, dernier survivant des Douze, après avoir écrit son évangile et ses lettres, après sa retraite à Patmos et sans doute installé dans la ‘maison de la Vierge’ à Ephèse, – adresse un message dans un genre florissant à l’époque : l’Apocalypse, sorte de révélation utile ( ?) pour les derniers temps. En effet, après avoir visité Ephèse, Smyrne et Pergame, nous avons successivement croisé sur notre route les quatre autres villes, c’est-à-dire : Laodicée (à côté de Denizli), Philadelphie (au cœur d’Alasehir), Sardes (à côté de Salihli) et Thyatire (dans Akhisar). C’est d’ailleurs en suivant, dans Akhisar, les panneaux nous promettant une ‘basilique St Jean’ et en nous demandant s’il pouvait s’agir de ‘notre’ 7ème ville, Thyatire, puis, les panneaux disparus, en nous perdant que nous nous sommes résolus à demander notre chemin ; il faut dire que Akhisar, 100.000 habitants, n’est pas franchement une ville où l’on risque de croiser des touristes ou des gens parlant autre chose que le turc ; eh bien un ‘Effendi’, devant nos difficultés à communiquer, au lieu de, comme tant d’autres fois, nous envoyer promener n’importe où, est monté dans sa voiture pour nous amener jusqu’à bon port. Et le crochet valait le détour : photos dans l’album ci-joint !
Entre ces sites historiques ou archéologiques, nous avons parcouru une Turquie loin des sentiers battus de la côte : paysages de cultures, de vignes, et de plaines à grandes céréales avec irrigation sophistiquée ; mais aussi des villages où les gens vivent manifestement dans une grande pauvreté, presque comme dans l’extrême est du pays, du côté de Kars. Plus au nord en Bithynie, ce sont d’immenses forêts de chênes verts et de pins maritimes, et des dizaines de kilomètres sans voir un village, avec de gros aménagements pour prévenir les incendies de forêts.
Les autres points forts de ces derniers jours passés en Turquie auront été, à nouveau, l’étonnant spectacle du détroit des Dardanelles, ainsi que les pathétiques cimetières militaires des champs de bataille de 1915, lorsque les alliés Anglais et Français ont tenté à tout prix, mais en vain, de forcer le passage par la voie terrestre à la suite de leur échec à réussir par la voie maritime (cf. précédent blog 10).
Pour accéder à l’album, vous savez qu’il vous faut cliquer sur l’image ci-dessous. Bonne lecture !

12 – de Marmaris au Yunanistan

11 – Dix jours à Rhodes

11 - Rhodes

11 – Rhodes

Nous nous retrouvons donc, Véronique, Catherine et moi-même, le soir du 22 décembre, après avoir fait le tour de la mer Egée en avion (cf légende dernière photo de l’album 10, ou 2ème de l’album ci-dessous), dans les étroites ruelles moyenâgeuses de la vieille ville de Rhodes transformées en torrents par une pluie battante, à essayer de trouver quelque restaurant ouvert … nous avions pourtant lu que les Grecs sortent dîner vers 21 h, mais là, tout le monde paraissait couché ? Vivent les vacances ! Le lendemain matin, le soleil semble revenu pour durer, et je pars à la recherche d’une boulangerie ; je rentre 1h30 plus tard, … les mains vides, après avoir traversé la vieille ville et fait le tour des fantastiques remparts ; il n’y a guère plus de monde dans les rues en ce matin lumineux que hier soir sous le déluge !? Nous sommes samedi 24 décembre, et tout semble fermé, au moins dans la vieille ville. Nous découvrirons dans les heures qui suivent que tout à Rhodes est fermé jusqu’au 27. Et, dans les jours suivants que, pendant toutes les fêtes de fin d’année, d’avant Noël jusqu’à après l’Epiphanie, on n’y trouve que quelques dizaines de touristes mal informés comme nous : la restauration, les boutiques, les hébergements et les musées sont fermés. Rhodes est une fantastique ville-musée qui nourrit les Rhodiens, mais ceux-ci prennent des vacances chaque année à ce moment, qui est notamment celui de la cueillette des olives. Alors quelque part, une fois la question de l’intendance réglée en allant nous approvisionner dans la ville neuve à l’extérieur des remparts, c’est extraordinaire : nous avons vraiment eu le sentiment de disposer de la ville pour nous seuls. Un matin cependant, en approchant de la ‘grande’ rue Socrate, il nous a semblé percevoir une certaine excitation, puis, en y prenant pied, nous nous sommes crus victimes d’une hallucination : tous les magasins étaient ouverts… et la rue était pleine de touristes ! Etait-ce des figurants d’un film qu’on venait tourner ? Avions-nous dormi pendant cinq mois ? Y avait-il une fête spéciale ? Non, c’était seulement un bateau de croisière qui faisait une escale de deux heures ; avant midi, la corne du cruiser MSC Magnifica faisait trembler les remparts, et Rhodes retombait dans son coma.
La célébrité de Rhodes dans l’Antiquité était son Colosse, une statue… colossale … de plus de 30 mètres de haut, faite d’une armature de bois revêtue de 20 tonnes de plaques de bronze. Un tremblement de terre la jeta à l’eau (certains disent qu’elle enjambait l’entrée du port là où sont aujourd’hui les ‘cerfs’ – Cf. album) en 225 BC, cinquante ans seulement après son achèvement ; elle avait tellement marqué les esprits qu’elle figurait parmi les Sept Merveilles du Monde. Erigée pour célébrer la victoire des Rhodiens sur Démétrios ‘Polyorcète’ (litt. ‘preneur de villes’), l’île en avait acquis la réputation d’être difficile à conquérir, tout en étant située au carrefour stratégique des mers Egée et Méditerranée sur la route de la Soie.
C’est ainsi que les Chevaliers de St Jean de Jérusalem, chassés de Terre Sainte après que les musulmans aient repris Jérusalem (1187) et St Jean d’Acre (1291) [il faut que je fasse attention à ce que je dis, je compte parmi mes lecteurs d’actifs membres de l’Ordre], achètent l’île à des Génois en 1309, pour y poursuivre leurs œuvres pieuses (accueil et soin des pèlerins en Terre Sainte) et militaires (chasser l’infidèle du tombeau du Christ). Les pèlerins se faisant rares puisque Jérusalem est retournée aux infidèles, les Chevaliers développent alors pendant deux siècles une ‘guerre de course’ contre l’infidèle qui est d’autant plus rémunératrice qu’ils récupèrent en outre les biens des Templiers après leur abolition en 1312. C’est ainsi qu’ils ont rapidement les moyens de transformer Rhodes en une place forte chrétienne équipée de toutes les techniques dernier cri pour résister aux tentatives des Turcs et Arabes pour transformer ces mers en lac musulman. Ils utilisent également leur trésor pour racheter les chrétiens captifs des infidèles.
C’est la quatrième tentative des Turcs qui sera la bonne. Nous sommes en 1522 ; la chrétienté est divisée par les querelles entre Pape, Charles Quint et François 1er ; ce dernier a même passé un traité avec le Sultan qui se nomme Suleiman le Magnifique. Il rassemble 200.000 hommes à Marmaris, qu’il charge sur 300 navires, alors que Rhodes compte 650 chevaliers et 7.000 hommes. Après avoir débarqué, il lui faudra quand même près de six mois pour contraindre le Grand Maître à un traité par lequel toutes les places que les Chevaliers possèdent dans la région (notamment Halicarnasse/Bodrum) sont évacuées ; en échange de quoi les Chevaliers peuvent repartir sains et saufs (il en reste… 160), avec leur trésor, leurs archives et leurs reliques chargés sur 30 navires. Ceux-ci se feront offrir l’île de Malte par Charles Quint en 1530. Chevaliers de St Jean, de Rhodes et de Malte sont donc les trois temps d’une même histoire.
Les Chevaliers de Rhodes nous ont laissé une ville théâtre, une ville spectacle incroyable derrière 4 kilomètres de remparts qui possèdent trois enceintes pratiquement partout. Ce ne sont que bastions, courtines, meurtrières, tours, portes et mâchicoulis restaurés avec goût. Ces fortifications enserrent une ville moyenâgeuse avec encore toutes ses fonctions : Palais des Grands Maîtres, Hôtels des Chevaliers (ils étaient regroupés par ‘nationalités’), Hôpital, fours collectifs, puits, églises, mosquées, magasins… en bref, tout ce qu’il faut pour soutenir un long siège avec 10.000 personnes à nourrir chaque jour ! L’île fut tellement stratégique pendant des siècles qu’elle ne revint à la Grèce qu’en 1947, après avoir appartenu aux Anglais, Allemands, Italiens, Ottomans…
Nous avons tous passé à Rhodes d’excellentes vacances, par une météo exceptionnelle. Une fois toute ma petite famille repartie à ses occupations en France, il me restait à revenir en Turquie récupérer la voiture laissée à Güllük, près de l’aéroport de Bodrum, et à y accueillir Bernard pour un retour en France prévu avant la fin du mois de janvier. J’espère que les images de l’album ci-joint vous donneront envie de découvrir cette ville magnifique.

11 – Rhodes

10 – La Turquie de l’Ouest entre Antiquité et modernité : d’Ankara à Ephèse

10 - La Turquie de l'Ouest

10 – La Turquie de l’Ouest

Etonnante Turquie ! En quittant les ‘gecekondular’ d’Ankara (ces bidonvilles qui l’ont envahie jusqu’en son centre historique) sous une pluie battante, puis sous une tempête de neige sur l’autoroute d’Istanbul, nous avions l’impression d’être entrés dans la Turquie que nous avions en tête avant d’y être jamais venus, c’est-à-dire une Turquie sale et sous développée. Toujours sur cette autoroute moderne, le soleil revenu, nous nous arrêtons dans une station faire le plein avec un petit tour aux toilettes… et là… surprise inouïe… au-dessus de chaque urinoir… un écran de télévision branché sur une chaîne turque d’infos en continu ! Décidément, la Turquie s’était modernisée ! Et deux heures plus tard, en descendant vers Iznik (l’ancienne Nicée, celle du concile) alors que le soleil déclinait, nous retrouvions, au pied des collines couronnées de neige fraîche, des feuilles d’automne, des oliveraies en pleine récolte, et des lumières tout ce qu’il y a de plus méditerranéennes qui ne devaient plus nous quitter jusqu’en Grèce, avec les champs dorés hachurés de sombres cyprès, les bateaux de pêche colorés sur l’eau miroitante, les platanes (orientalis) et les vignobles à perte de vue.
Nous touchions du doigt que les Turcs en effet, depuis bientôt mille ans qu’ils se sont introduits en Anatolie, se sont appropriés tous les ingrédients de la culture grecque, de sa philosophie jusqu’à ses modes de vie – rappelez-vous que c’est par l’Islam que notre Moyen Age chrétien a connu les textes des grands philosophes grecs. En entrant sur les antiques terres de l’Ionie et du Royaume de Pergame bientôt devenues romaines, c’est bien sûr les restes grandioses de cette période que nous venions, comme tant de touristes, découvrir : vous verrez dans l’album ci-joint à quoi ressemblent aujourd’hui les grandes villes qu’étaient Ephèse, Smyrne ou Pergame. Mais, après six semaines passées en Turquie, c’est bien en terre turque que nous visitions ces ruines majestueuses qui sont la plupart du temps situées à proximité immédiates de merveilles de l’art ottoman. C’est pour cette raison que nous avons symboliquement retenu en page de garde de notre album de photos ces jeunes filles turques d’un village voisin venues s’amuser à danser dans le théâtre hellénistique de l’Asclépéion de Pergame : elles étaient à l’évidence chez elles !
Pour la première fois depuis le début de notre voyage, nous entrions dans une zone de grand tourisme. L’avantage évident est que chaque jour, nous avons du mal à choisir les monuments que nous allons visiter ; ils sont tous plus prometteurs les uns que les autres, sans parler de leurs complémentarités historiques ou artistiques. Un des inconvénients, surtout quand il fait beau temps, c’est le temps qu’il faut ensuite chaque soir pour trier toutes les photos… L’autre inconvénient, bien plus grave pour le type de voyage que nous avons entrepris, c’est que le contact avec les Turcs est bien plus difficile ; dans ces lieux touristiques, nous sommes… des touristes, plus que des ‘voyageurs’ au long cours ; les gens ne vous arrêtent plus dans la rue pour vous demander ce qu’on fait ici ; dans les hôtels ou les restaurants, le soir, il y a souvent d’autres touristes, etc… Nous regrettons le temps où nous partagions notre quotidien avec des VRP ou des ingénieurs en mission, avec tous les contacts humains et la découverte du pays ‘réel’ que cela représentait !
Il reste que nous avons ici aussi découvert la modernité et le dynamisme de ce pays. La Turquie n’a pas que des écrans de télévision dans ses toilettes ! Pour entrer dans les villes de Bursa (2 millions d’hab), ou Izmir (3 millions d’hab), il faut traverser d’immenses banlieues industrielles ou d’habitations, la plupart du temps propres, verdoyantes et pimpantes – rien à voir avec celles de Tabriz, Erevan, Tbilissi ou bien… Ankara ! Les transports en commun fonctionnent bien, les rues sont très propres pratiquement partout, les autoroutes sont presque aux normes françaises, les routes sont toujours excellentes et bien signalisées (ici comme dans l’est du pays, il y a des travaux routiers partout, où les routes à deux voies passent à 4, et les routes à 2×2 voies sont doublées d’autoroutes), et, sept jours sur sept, jusque tard dans la nuit, commerces et restaurants des centre ville sont ouverts. La Turquie ne semble guère avoir de problèmes syndicaux ; elle est juste ‘un peu beaucoup’ sur le pied de guerre avec la question kurde, sans que la nuisance n’atteigne celle que nous supportons en France avec la crainte des attentats islamistes.
Vous trouverez donc, en cliquant sur l’image ci-dessous, un album de photos qui vous emmène des fabricants séculaires des célèbres céramiques d’Iznik aux ruelles du bazar d’Izmir en passant par les mausolées ottomans et les caravansérails de Bursa ou le spectacle des cargos remontant le détroit des Dardanelles, sans oublier bien sûr les grands sites antiques de la région côtière comme Troie, Pergame, Ephèse, et bien d’autres dont vous n’aviez jamais entendu parler. Bonne lecture !

10 – La Turquie de l’Ouest

Bonus 5 Complainte de la Honda dans l’Ouest de la Turquie

Bonus 5 : Complainte de la Honda dans la Turquie de l'Ouest

Bonus 5 : Complainte de la Honda dans la Turquie de l’Ouest

Savez-vous ce qu’ont fait ces voyous patentés ?
Ils m’ont abandonnée pour Noël sur un quai
Pendant qu’ils se tiraient pour aller faire la fête
Philippe chez les Grecs et Bernard – c’est trop bête-
A Paris en avion, comme si j’existais pas !
J’en ai franchement marre de ces deux vieux ingrats.
Il faut que je vous conte un peu ma triste vie
Depuis cet Ankara où j’ai passé la nuit
Dans une capitale assez sale et minable
Indigne de la Turquie, limite désagréable.
Filant d’abord vers l’Ouest j’étais pleine d’espoir
Même s’il neigeait fort. Je ne suis pas couarde
Et je tenais la route entre les camions fous
Direction Istanbul. j’en voyais pas le bout.
D’un coup, sans crier gare on a pris vers le Sud
Pour aller voir ailleurs comme ils font d’habitude :
Les faïenciers d’Iznik, les soyeux de Bursa
Des villes fort jolies mais moi, comme un forçat
Je roulais sans arrêt quand d’un air solennel
Ils m’ont dit : « c’est l’Europe, voici les Dardanelles »
D’accord j’ai vu l’Europe, mais de l’autre côté
Ne sachant pas nager j’ai pas osé sauter
Et nous avons filé plein Sud d’abord vers Troie
Les deux andouilles montèrent dans le cheval de bois
Puis on s’est baladé le long d’la mer Egée
Il s’est mis à pleuvoir, je les ai protégés
A Ayvalik, Pergame, Ephèse et même Izmir
Pour voir des tas d’cailloux vieux à n’en plus finir.
Bernard a pris l’avion remplacé par Véro
La pluie a continué, pour le tourisme : zéro!
Puis nous avons atteint le port de Marmaris
Ils voulaient m’y laisser, victime expiatrice
Dans un parking sous douane jusqu’à l’année suivante
Abandonnant sans gêne leur fidèle servante.
Ces naïfs avaient cru aux horaires des ferries :
Quand ils sont arrivés, ben il était parti !
Comment aller à Rhodes retrouver leurs enfants ?
Heureusement j’étais là, et sans perdre de temps
Nous avons regagné Bodrum-aéroport
Où ils ont pu trouver un moyen assez fort :
Bodrum, puis Istanbul, puis Athènes, puis Rhodes
Le tour d’la mer Egée c’est un truc à la mode !
Trois mille kilomètres au lieu de cent cinquante
Voilà ce qui arrive lorsque quelqu’un me plante.
Célébrer Noël seule, c’était pas trop mon truc
Au milieu des pêcheurs dans le port de Güllük
Ça sentait le poisson, personne autour de moi,
J’y ai passé quinze jours sans bouger dans le froid.
Puis un soir arriva Philippe impromptu
Qui fit semblant de rien mais m’a bien reconnue
Puis Bernard débarqua et nous voilà partis
Vers le Nord pour – je crois – quitter vite la Turquie.
En passant par des coins comme Pamukkale
Et d’autres où personne n’était jamais allé.
Nous avons pris tout droit jusques aux Dardanelles
Traversées en ferry : que l’Europe était belle
Enfin jusqu’à la douane : après ce sont les Grecs
Et de mon expérience ce sont des drôles de mecs
Je vous en dirais plus une prochaine fois
Pour l’instant nous rentrons, peut-être bientôt chez moi.

Et toujours, les photos en cliquant sur l’image
Ce n’est pas très sorcier et ça vaut le voyage!

Complainte de la Honda: Turquie de l’Ouest

9 – Les Turquies d’Ani à Ankara

9 - Les Turquies d'Ani à Ankara

9 – Les Turquies d’Ani à Ankara

Cette traversée de la Turquie orientale en hiver aura été d’une diversité inattendue ! Nous sommes passés sans transition des ruines désolées de l’ancienne capitale arménienne d’Ani (100.000 hab., dit-on, au tournant du précédent millénaire) à l’ambiance glacée d’Erzurum (-22°C le matin), ville universitaire de 500.000 hab. et surtout 70.000 étudiants située à 1.900 m. d’altitude…, puis dans les douceurs de l’ancienne capitale byzantine de Trébizonde (XIII – XVème s.) au bord de la mer Noire, avant de découvrir la fabuleuse Amasya, corsetée dans sa gorge dramatique, nécropole des Rois Mithridate du Pont qui régnaient de l’Anatolie jusqu’en Colchide et Crimée (III-Ier s. BC), puis ‘Dauphiné’ des Ottomans qui y envoyaient se former comme gouverneurs leurs futurs sultans. Poursuivant notre route vers l’Ouest, nous avons fait une escale ‘rafraîchissante’ (cf. album) à Bögazkale/Hattusha, la capitale des Hittites, avant de plonger dans une Ankara encore toute dédiée au culte d’Attatürk Mustapha Kemal. C’est pourquoi nous avons intitulé cette note ‘Les Turquies’, tant la diversité des héritages rencontrés nous a paru démentir la ‘turquéité’ du pays. Juste avant d’avoir à escalader le col de Zigana d’où les Grecs de Xénophon aperçurent enfin la mer (‘Thalassa ! Thalassa !’) après leur fameuse retraite (‘l’Anabase’ – IVème s. BC), se trouve la ville de Gümüshane ; lors des ‘Tanzimat’ (équivalent turc de la ‘perestroïka’ russe : pendant quarante ans – 1839-1876 l’empire ottoman essaie de se moderniser), le Sultan proclama non seulement la liberté de conscience, mais le droit pour tout citoyen ottoman de pratiquer librement la religion de son choix ; quelle ne fut pas la surprise des imams de voir se déclarer chrétienne la majorité crypto-chrétienne de la population de la ville conquise par les Ottomans depuis trois siècles ! Nous espérons que l’album de photos joint vous donnera un bon raccourci des merveilles croisées sur notre route.
Revenir en Turquie après nos semaines en Iran, Arménie et Géorgie nous fait également d’une certaine façon revenir dans un niveau de développement ‘européen’, nonobstant une grande pauvreté rencontrée dans les campagnes les plus reculées de l’extrême nord est du pays. Dès la frontière géorgienne passée, et nous retrouvons d’excellentes routes même dans les coins les plus reculés, des villes très propres, bien éclairées, au mobilier urbain que ne renierait pas Mr. Wilmotte, des commerces modernes et bien achalandés, des distributeurs de billets partout, des concessionnaires auto de toutes marques aussi bien équipés qu’en France et même une administration apparemment efficace quand nous avons cherché à régler nos problèmes de douane pour la voiture (à vérifier toutefois à Marmaris dans huit jours !). Une seule et paradoxale exception : la capitale Ankara, qui fait vraiment tache dans la modernité turque.
Revenir en Turquie, c’est surtout être immédiatement abordé dans la rue, non pas par des gens qui comme en Iran cherchent surtout un contact avec l’extérieur, mais par des passants sincèrement curieux de savoir qui nous sommes, d’où nous venons, où nous allons, si la Turquie nous plaît etc… Dès Kars, c’est un Turc, guide pour touristes, qui s’étonne d’en voir deux dans ces régions à cette époque ; à Erzurum, ce sont deux jeunes étudiantes qui nous accompagnent jusqu’à l’entrée du restaurant que nous cherchons ; à Trabzon, c’est Bogaçhan qui sort de sa boutique alors que nous admirons ses maquettes en vitrine, et qui nous y invite à boire le thé avec son oncle ; c’est encore Djamila et ses copines qui nous taquinent dans une boutique où nous cherchons en vain des cadeaux de Noël qui approche pour toute notre progéniture. En bref, c’est toute une tradition d’accueil de l’étranger si célébrée en terre d’islam que nous retrouvons avec plaisir. Quand cette tradition d’hospitalité se cumule enfin avec un raffinement général dans la politesse des gens, la cuisine ou le soin avec lequel les maisons sont aménagées, vous aurez compris que je rêve d’y revenir au printemps ou à l’automne avec une volée de motards pour profiter de son réseau routier exceptionnellement scénique ! Le seul ‘bémol’ d’importance à ce tableau idyllique : les anciennes églises chrétiennes qui n’ont pas été transformées en musées ou mosquées tombent en ruines et devront être rasées par salubrité publique si rien n’est fait dans la décennie qui vient.
Nous vous écrivons de Bursa, la première capitale des Ottomans, à quelques kilomètres de la mer de Marmara. Dans huit jours, les voyageurs que nous sommes prennent des vacances (enfin !) : Bernard rentre à Paris retrouver sa famille pour Noël ; et Philippe fait venir sa famille à Rhodes (Grèce) ; d’où les problèmes douaniers évoqués ci-dessus pour laisser la voiture en Turquie alors que nous n’avons pas pu obtenir de la faire mettre sur le Carnet de Passage en Douane. Ce n’est donc que début janvier que nous devrions vous raconter les merveilles des faïences d’Iznik, des soies de Bursa, des temples de Troie, Pergame ou Ephèse, le spectacle des Dardanelles et les oliviers de la mer Egée.
Pour tout savoir sur les merveilles que nous avons vues, vous savez qu’il faut cliquer sur l’image ci-dessous ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et joyeuses fêtes de fin d’année !

9 – Les Turquies d’Ani à Ankara

Bonus 4 Complainte de la Honda: Vaincre le nœud géorgien

Bonus 4 - Complainte de la Honda : Vaincre le noeud géorgien

Bonus 4 – Complainte de la Honda : Vaincre le noeud géorgien

C’est de routes d’hiver entre trois capitales
Erevan, Tbilissi, Ankara (la totale !)
Dont je vais vous parler en vers de mirliton.
Philippe comme Bernard sans considération
Pour mon âge avancé m’ont jetés sur des routes
Où l’on a échappé de peu à la déroute
J’y ai subi le pire plutôt que le meilleur
De la pluie, de la neige et en plus par ailleurs
Des chemins défoncés, de vastes nids de poules
Des descentes d’enfer, et des camions maboules.
L’Arménie tout d’abord je vous l’ai déjà dit
Entretient mal ses routes, c’est dit sans perfidie.
Çà plus tous mes ennuis, j’avais de l’allergie
Du coup j’étais heureuse de filer en Géorgie
Mais c’était sans compter sur mes deux occupants
Qui se sont ingéniés par neige et mauvais temps
A me faire grimper jusqu’à la frontière russe
Où même les camions voire les autobus
Se faisaient remorquer pour passer dans les cols.
Un autre jour on prit une piste agricole
Pendant des kilomètres pour voir un monastère
Perché sur un rocher au bord de la frontière
Avec les Azéris. Mais pourquoi un tel coin
Perdu et isolé. Dieu est-il donc si loin ?
Pour le vérifier, dans la neige abondante
J’ai du tracer la piste en montée et descente
Pour aller visiter les moines de Sapara
Des gens peu accueillants qui nous ont battu froid.
Au moment de quitter le pays des Géorgiens
Ce diable de Bernard est parti prendre un train
Une expérience riche (voir l’précédent Bonus)
Du départ sous la neige jusques au terminus.
Du coup nous sommes partis un peu tard en Turquie
Il neigeait, le blizzard au col d’llgar Dağı
Traversait le brouillard : des conditions de rêve !
Fallait que je m’accroche pour ne pas faire grève.
En arrivant à Kars, et pire à Erzurum
C’est du côté du froid qu’on atteignit le summum
Toute seule dans la rue il y faisait moins vingt
Et mes deux sbires de dire : “de quoi donc tu te plains ?
On a vu Ararat depuis Ani, grandiose
Et puis changé tes freins dans un garage virtuose”
Comme si ces attentions compensaient la démence
De ces routes glacées sur des plateaux immenses.
Enfin par un miracle on atteint la mer Noire
Qui est bleue comme le ciel (faut le voir pour le croire)
J’ai bien aimé Trabzon et tout le bord de mer
Mais on est repartis vers l’intérieur des terres
Au pays de Gordias celui du nœud gordien
(Vous aviez tous noté qu’il n’était pas Géorgien,
Même si ces pays sont un vrai sac de nœuds
Qui se tranchent par des guerres qu’ils font souvent entre eux)
Puis dans des ruines Hittites, puis vers la capitale.
Enfin on roule vers l’Ouest ça me semble normal
Mais après Ankara va savoir quelle route
Mes retraités vont prendre ? Vers le Sud sans doute
Puisqu’ils veulent à Rhodes aller passer Noël
Comme si c’était l’île où y coule le miel
Alors qu’en plein décembre ils vont attraper froid
On ferait mieux d’rentrer moi je n’attends que ça.

Pour les photos: cliquez sous les vaches!

Bonus 3: Chemin de fer en Géorgie

Bonus 3 : chemin de fer géorgien

Bonus 3 : chemin de fer géorgien

 

Quand on n’a pas de tête il faut avoir des jambes
Ou des roues, ou des rails, ou encore mieux l’ensemble
Pour aller par exemple chercher à Tbilissi
Un jour de neige intense son malheureux ordi
Que l’on a bêtement à l’hôtel oublié
Quand on vient d’arriver juste à Akhaltsikhe.
La toujours brave Honda s’apprêtait à foncer
Mais passant Borjomi la neige était tombée
Et Bernard fut prudent d’aller voir à la gare
S’il pouvait prendre un train qui partait sans retard.
Les bus étaient en rade et les taxis de même
Le train fut assailli aussitôt qu’il s’emmène
Par des jeunes étudiants, des mémés à bagages
Des quinquas fatigués, et des flics sans âge.
A ce propos un mot concernant les habits :
Tous sont vêtus de noir, les plus heureux de gris
Philippe en blouson rouge comme un diable pas sage
Fais tache de couleur dans ce morne paysage.
Nous quittâmes la gare à seize heure quarante
La neige tombait dru, la voie était en pente
Et suivait la vallée du fleuve Mtkvary
Qui passe à Khashuri, Gori et Tbilissi.
L’omnibus fit de même en s’arrêtant partout
Aux passages à niveau, près des ponts, dans des trous
Chargeant des passagers dans les wagons bondés
Qui se trouvaient debout, serrés voire entassés.
Cent cinquante kilomètres parcourus en cinq heures
Je n’vous dis pas comment ça sentait le bonheur !
Enfin – il faisait nuit depuis longtemps déjà –
Arriva Tbilissi où le train s’arrêta
La foule descendit sur les quais verglacés
C’était le terminus nous étions arrivés.
Féru de voies ferrées, j’ai filé dans l’métro
Pour regagner l’hôtel. Accueilli en héros
Pour avoir par ce temps atteint la capitale
Je fus reconnaissant de leur esprit loyal :
Ils avaient bien rangé mon ordi favori
Tout y était, et du coup j’y ai fort bien dormi.
A sept heures du matin derechef à la gare
Je reprenais le train l’esprit un peu hagard.
Cinq heures dans l’autre sens ce n’était pas le rêve
Et cinq heures c’est long quand la nuit fut si brève.
Des marchandes de beignets, de stylos, de loupiottes
Passaient et repassaient vendant leur camelote.
La neige tombait toujours et les mêmes arrêts
S’avéraient inutiles pour les rares passagers.
Les contrôleurs nombreux faisaient preuve de zèle
En vérifiant dix fois les tickets : irréel !
J’ai payé quatre Laris pour cet aller-retour
Soit un Euro cinquante, c’est un faible débours
Surtout au prix de l’heure ! Quoique si j’avais pu
Pour aller bien plus vite j’aurais pu payer plus.
Mademoiselle Honda était à Borjomi
Quand elle m’a retrouvé je crois qu’elle a souri
Elle vous racontera sous peu ses exploits mieux que bien
Elle voudrait les titrer « vaincre le nœud géorgien ».

Lien photos (cliquez sur la légende de l’image ci-dessus):

8 – Hiver encore en Géorgie !

8 - Hiver encore en Géorgie !

8 – Hiver encore en Géorgie !

 

La Géorgie a la forme géographique d’une selle : une large plaine s’étend de la mer Noire aux steppes qui redescendent vers la mer Caspienne en Azerbaïdjan. Cette plaine est bordée au Sud par le Caucase arménien des Monts Ararat (5.165m) et Aragats (4.090m), et au Nord par le Grand Caucase des Monts Elbrouz (5.642m : c’est le point culminant de l’Europe !) et Kazbek (5.033m). Ses capitales religieuse et politique, Mtskhéta et Tbilissi, sont situées sur le versant Est, aux débouchés ouest et est de la gorge empruntée par la rivière Koura (Mktvari en géorgien). La partie ouest du pays (Imérétie), au bord de la mer Noire, est l’ancienne Colchide des Grecs qui y avaient un comptoir (Poti) dès le Vème s. BC ; ses orpailleurs donnèrent naissance au mythe de Jason, des Argonautes et de la Toison d’Or. La partie est du pays, anciennement connue sous les noms d’Ibérie (rien à voir avec l’Espagne !) et d’Albanie (là non plus !), constitua très tôt le royaume indépendant de Kartlie, qui se convertit au christianisme dès le IVème s., et qui fit, sous la dynastie arméno-géorgienne des Bagratides (IX-XIème s.), l’unité du pays plus ou moins dans ses limites actuelles.
Lorsque la Russie d’Alexandre 1er décide de poursuivre son expansion vers le Caucase, elle mettra dix ans (1803-1812) à frayer la voie d’une « route militaire stratégique » nord-sud à travers les sommets du Grand Caucase… malgré l’opposition acharnée – qui dure encore aujourd’hui ! cf. les révoltes tchétchène et ingouche des populations qu’elle traverse ; la route franchit le Caucase par le ‘Col de la Croix’ (2.379m) en passant au pied du Mt Kazbek, et constitue toujours le principal axe routier reliant la Russie à ses voisins du Sud. Autant dire que lorsque nous sommes redescendus vers la Russie sur le versant Nord du très enneigé Col de la Croix (cf. photos des semi-remorques dans la pente…), nous nous sentions loin de la Géogie de Tbilissi… Eh bien pas du tout !
Alors que nous nous décidions, l’heure tournant trop vite, à ré-escalader le col vers le Sud, nous faisons une dernière halte auprès de la petite église de Sioni, perchée devant des parois emplâtrées de poudreuse ; un jeune homme, Erikli, nous aborde en anglais, puis en français… il venait de passer trois années en Belgique, et était en ‘discernement’ auprès de son ‘parrain’, pope géorgien. J’en profite pour essayer de savoir à quelle sorte ‘d’orthodoxie’ appartient l’Eglise géorgienne ; rapidement dépassé par mes questions, il appelle son parrain, et nous poursuivons la conversation au chaud dans la cure autour d’un jus de pêche. L’Eglise géorgienne est autocéphale ; elle est ‘grecque’ ; son ‘Katholikos’ est à Mtskhéta… mais quand j’essaie d’en savoir plus sur les ‘différences avec les catholiques’, très vite, le prêtre s’empourpre : il y a plein de différences ! Je tâte le terrain sur les subtilités du ‘filioque’ (notre St Esprit ‘procède du Père et du fils’, le leur que du Père) et de la ‘Theotokos’ (leur Vierge n’a ‘que porté’ Dieu, n’en est pas la ‘Mère’), mais il ricane sur notre église qui prétend être ‘catholique’ (‘universelle’) : ce qui est sûr, c’est que nous ne sommes pas ‘orthodoxes’ (‘dans la doctrine vraie’) ! Et quand j’évoque successivement les églises monophysite, syriaque, nestorienne, copte, assyrienne, à chaque fois tombe la sentence : hérétique ! Les ‘catholiques’ faisaient à l’évidence partie du lot ! C’est alors que je me suis rappelé que, quand Jean Paul II est venu célébrer en Arménie le 1.700ème anniversaire de sa conversion au christianisme, il avait fait l’escale de Tbilissi sans avoir pu même être reçu par le Katholikos de Mtskhéta… Cette anecdote pour rappeler que, si le Katholikosat de Mtskhéta semble disposer d’immenses ressources, et que les églises géorgiennes sont pleines de démonstrations de piété qui nous ont paru proches de la superstition, il s’agit d’une église ‘nationale’, au sens où l’on ne peut guère être un bon Géorgien si l’on n’appartient pas à l’Eglise géorgienne ; d’où l’âpreté avec laquelle les Géorgiens renâclent à restituer aux ‘étrangers’ les églises qui leur appartenaient avant la prise de pouvoir des Soviétiques. Dans ses difficultés avec ses voisins, et notamment avec la Russie (orthodoxe !) avec laquelle elle a été en guerre violente il y a trois ans, l’Eglise est aujourd’hui un ciment national nécessaire à l’identité du peuple.
L’autre trait qui nous aura marqué en Géorgie, c’est un dynamisme proche de celui que nous avions constaté en Turquie, même si le pays est très loin d’avoir rattrapé ce voisin : la plupart des magasins sont ouverts jusqu’à 21h, et les petits commerces jusqu’à minuit passé, les distributeurs de billets délivrent au choix des US $ ou des Laris (GEL), il y a de nombreux bâtiments neufs proches du somptuaire, de nombreuses voitures neuves, une vie culturelle et sociale intense, tout le monde semble ‘faire des affaires’… (la principale ressource en devises serait le commerce de voitures d’occasion !), en bref, nous sommes bien loin de l’Iran ou de l’Arménie. Parmi les explications proposées, nous avons retenu pêle-mêle : Pt Saakachvili est assisté d’un gouvernement extrêmement jeune (nombre de ministres ont moins de 35 ans), qui a mis en évidence un lien entre le libéralisme et la disparition de la corruption ; les Géorgiens ont construit des dizaines de commissariats de police flambant neufs et fait quasiment disparaître l’insécurité, les impôts et taxes sont très faibles par rapport à chez nous… Dernière raison, sans doute la plus importante : à la différence des deux voisins précités, les Géorgiens semblent ne pas faire de fixation sur les problèmes religieux (pour l’Iran) ou politique (pour l’Arménie) ; ils donnent l’impression de vouloir aller de l’avant pour montrer quelque part aux Abkhazes et aux Ossètes qu’ils ont eu tort de préférer la Géorgie à la Russie ! Il reste cependant bien sûr une grande misère dans les campagnes ; il y a toujours des mendiants aux portes des églises, ou des vendeuses de cierges qui donnent l’impression de n’avoir guère d’autres ressources pour survivre ; cela contraste avec la grande prospérité des monastères.
La météo nous ayant offert quelques heures de soleil à Tbilissi mais aussi beaucoup de temps gris, et encore plus de neige, nous avons louché rapidement sur un anticyclone paraissant coincé sur l’Anatolie ; au lieu donc de filer nous baigner sous les palmiers de la mer Noire, nous sommes retournés en direction du mont Ararat en remontant la rivière Koura que nous aurons finalement pu longer de la frontière azerbaïdjanaise à frontière turque. Bon choix ! Le Djavakh était bien au bord de l’anticyclone ; et les inaccessibles Sapara et Vardzia valaient à elles seules le voyage en Géorgie ! Bien sûr, nous avons un peu écourté notre programme ; mais nous avons aussi lu qu’il n’y a rien à voir à Poti, que les maisons ne sont pas chauffées à Batum, et qu’à Kutaisi, les mafias continuent leurs trafics du fond de leurs prisons ! Nous reviendrons quand nous pourrons aller à Tskhinvali en Ossétie et Sokhoumi en Abkhazie !
Pour plus de détails, vous savez qu’il faut cliquer sur la légende de la petite photo en-tête de l’article ; elle vous donne accès à un ‘Album Picasa’ dont les photos sont abondamment légendées : Bonne lecture ! Et merci d’avance pour vos encouragements !

7 – Hiver précoce en Arménie

7 - Hiver précoce en Arménie

7 – Hiver précoce en Arménie

 

Nous savions bien que l’Arménie est au cœur du Caucase, pays de hautes montagnes, avec trois cols de plus de 2.500 mètres entre la frontière sud, sur l’Arax, et la capitale Erevan ; celle-ci, au pied du Mont Ararat (5.165m), n’est qu’à 1.000 mètres d’altitude, mais le lac Sevan, au cœur du pays, deux fois plus grand que le Léman, est à 1.900 mètres. Et nous comptions sur un automne tardif pour traverser ces régions … hélas ! L’hiver est arrivé avec un bon mois d’avance sur l’année dernière ; la neige est tombée en abondance au-dessus de 1.500 mètres pendant le mauvais temps que nous avions rencontré fin octobre autour d’Ardébil en Iran, puis est retombée dix jours plus tard, un maigre soleil faisant de rares apparitions : pas bon pour les photos, tout çà ! (Vous verrez malgré tout quelques images exceptionnelles dans l’album ci-joint !) Pas bon pour la voiture non plus ! Alors que je m’étais absenté cinq jours en France pour enterrer ma chère Betty – la chaleur du bain familial m’a paru d’une autre planète ! – Bernard se faisait en effet percuter par une antique Lada aux pneus lisses sur le verglas, chauffard sans permis ni assurance… (plus de détails sur ‘Bonus n°2 – Complainte de la Honda’) … occasion de découvrir l’honnêteté et la gentillesse des Arméniens ; nous en aurons été quittes pour quatre jours de retard, l’épreuve de nos reins dans une Lada 4×4 de location pendant deux jours… et une taxe pour retard à la douane de sortie de Bagralashan / Sadakhlo vers la Géorgie !
Il nous faut maintenant vous parler un peu de cet étonnant pays de paradoxes, de montagnes, d’églises et de monastères, de friches industrielles, de pauvreté des campagnes et de richesses clinquantes dans la capitale Erevan, toujours dans la dépendance de l’ancien colonisateur russo-soviétique, toujours derrière le rideau de fer de la guerre froide, ayant célébré en 2001 avec Jean Paul II le 1.700ème anniversaire de sa conversion au christianisme, mais célébrant cette année – avec notre Pt Sarkozy le … 20ème anniversaire de son indépendance. Bastion avancé de l’Occident en Asie, l’Arménie ne fait guère plus de 400 km dans sa plus grande longueur, mais trouve le moyen d’y être assiégée : 85% de ses frontières sont fermées – toutes celles avec les peuples turcs et elle est en guerre sur les 2/3 d’entre elles !
C’est pourquoi, par maints côtés, l’Arménie nous fait penser à Israël : l’encerclement par ses ennemis (aussi bien mental que géographique), la part d’un génocide dans sa fondation récente comme état moderne (même notion de ‘foyer national’), sa jeunesse certes, mais son ancienneté historique, sa diaspora, sa susceptibilité, sa volonté dissimulée d’extension, son mépris de ses ennemis, le parapluie d’une grande puissance nucléaire, comme la ‘chasse’ aux traces de sa présence chez ses ennemis… Mais autant celle-ci est connue et fait parler, autant celle-là est méconnue.
Le territoire d’origine des Arméniens, dans une partie duquel l’Histoire les a contraints à revenir à l’issue de la 1ère guerre mondiale, est situé en marge des grands empires qui se sont succédés en Perse et en Anatolie. Lorsque ces empires seront au faîte de leur puissance, l’Arménie en sera une province ; lorsque ceux-ci s’affaibliront, les seigneurs arméniens constitueront des royaumes plus ou moins indépendants, et plus ou moins étendus. C’est ainsi qu’elle fut une satrapie de l’Empire perse des Achéménides (Cyrus le Grand et Darius – VIème s. BC), sous suzeraineté séleucide (les Grecs d’Alexandre le Grand) puis romaine, avant d’être partagée entre Parthes et Romains au IVème s. EC., chaque nouvelle suzeraineté – notamment lors des invasions arabes du VIIème s. EC, puis mongoles des XIIème et XIVème s. EC entraînant son lot de ravages et de guerres de religion. Ce que je n’ai pas trop compris, c’est sous quelle suzeraineté le territoire actuel de l’Arménie se trouvait entre le IXème et le XIVème s., parce que c’est pendant cette période qu’ont été fondés la majorité des églises et monastères les plus beaux que nous ayons visités ; je crains que cela soit sous la suzeraineté du calife de Bagdad – je pense que les Bagratides (IX-XIème s.) payaient tribu aux Abbassides même s’ils se faisaient aider par les Byzantins –, mais aucune des remarquables notices disposées sur les sites (en arménien, russe, anglais… et français) ne le mentionnent ; ils ne doivent pas en être trop fiers : puisse un lecteur Arménien éclairer ma lanterne ! En revanche, il est sûr que les Arméniens ont su constituer un vrai royaume indépendant avec les Artaxiades de Khor Virap avant l’arrivée des Romains en 180 BC, ou les Arsarcides du 1er au IVème s. EC autour des lacs de Van (aujourd’hui en Turquie), Sevan et Ourmiah (aujourd’hui en Iran) ; et les Arméniens rêvent toujours de cette « Grande Arménie » ! Après la dure sujétion des turcs Seldjoukides, les Arméniens réussirent par ailleurs pendant deux siècles (XII-XIVème) à profiter des croisades pour créer une ‘Petite Arménie’ en Cilicie – et leur dernier prince fut un … Lusignan du Poitou !.
Ils passèrent ensuite sous le joug ottoman, fort léger jusqu’à la fin du XIXème s. : les commerçants et banquiers arméniens travaillèrent pendant des siècles dans tout l’Empire (il s’étendait d’Alger au Yémen, de l’Egypte jusqu’à la Serbie), cette notion d’empire incluant par définition la suzeraineté sur des peuples différents aux religions différentes. Leur statut se détériora lorsque les Ottomans – en quasi faillite devinrent la proie des appétits européens : les chrétiens Grecs et Arméniens étaient évidemment des ‘agents de l’Occident’ : le Sultan Abdulhamid les laissa massacrer en 1895/98, les ‘Jeunes Turcs’ à nouveau en 1909. Aussi, quand le Tsar orthodoxe écrasa les Ottomans en 1915 et avança jusqu’au milieu de l’Anatolie, les Arméniens virent en lui un sauveur … et les Ottomans décidèrent, en plein hiver, de déporter l’ensemble des populations arméniennes de l’Empire vers des camps de concentration dans les déserts de Syrie, le tout dans des conditions effroyables puisqu’il s’agissait ‘d’ennemis de l’intérieur’ : ce fut le génocide arménien. Puis la catastrophe des traités de Sèvres (1920 – non ratifié) et de Lausanne (1923). Les Arméniens ne furent guère plus gâtés sous le joug soviétique entre 1920 et 1989, malgré quelques personnalités arméniennes de l’entourage de Staline (notamment les frères Mikoyan, dont l’un fut l’inventeur du Mig, et l’autre longtemps ministres des affaires étrangères) : Staline découpa des frontières absurdes dans la Transcaucasie, dont la région souffre encore aujourd’hui (question du Karabakh), permettant par exemple l’expulsion de tous les Arméniens du Nakhitchevan, les Azéris y éliminant toute trace de la présence millénaire des Arméniens dans la région ; et encore aujourd’hui, en Turquie même, le travail d’éradication des traces historiques des Arméniens se poursuit sur des bases juridiques fragiles.
Il reste que les Arméniens ont gagné la guerre du Karabakh (1989-94) et ont été le premier pays du bloc soviétique à entrer en économie libérale. Nous avons pu rencontrer deux personnalités qui comptent dans l’économie de l’Arménie : d’abord M. Gishyan, arménien… d’Arménie (si, si, cela existe ! Il n’y a pas que des Arméniens de la diaspora pour être entrepreneur ici !), fondateur-président d’une participation du Crédit Agricole qui est la plus importante banque d’Arménie ; et M. Duthoit, expatrié ici depuis trois ans, qui a créé le réseau de téléphonie d’Orange : il y a des affaires qui marchent en Arménie ! Si les Arméniens n’ont guère de ressources naturelles à part le Cuivre et le Molybdène leur principale ressource est la taille du diamant importé de Russie et réexporté à Anvers – et si le flux migratoire est toujours largement négatif, beaucoup d’entre eux restent au pays avec leur gentillesse pour vous accueillir… de préférence entre printemps et automne !
Nous avons plein d’autres choses à vous dire sur l’Arménie… prenez le temps de les découvrir sur les légendes des photos ci-jointes auxquelles vous accédez en cliquant sur la légende de la petite photo en-tête de l’article.
A bientôt… de Géorgie !

Bonus 2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan

Bonus2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan.

Bonus2 : Complainte de la Honda sur la route du Nord de la Caspienne à Erevan.

 

 

 

En quittant Anzali nous devions aller
Dans un très beau village dénommé Masuleh
Mais la route inondée glissait vers les torrents
Et par une exception mes passagers prudents
Décidèrent d’éviter ces forces surhumaines
Pour filer vers le Nord le long de la Caspienne.
Vers le Nord ! Astara pour être plus précis
Là où il y a la douane avec les Azéris.
Je me suis dit ça y est cette bande de fripons
Veulent me ramener directo au Japon
C’est toujours comme ça en période de crise
On dit aux étrangers faites donc vos valises
Et rentrez donc chez vous, vous serez beaucoup mieux
On n’a plus les moyens et vous êtes trop vieux !
Depuis des kilomètres on longeait des rizières
Nous étions en Asie bien loin de nos arrières.
Ah j’en menais pas large. Pour moi l’Azerbaïdjan
Est un pays étrange où sans doute les gens
Sont des types accueillants, mais des questions de terrains
Font qu’ils sont en bagarre avec les Arméniens.
Heureusement, miracle, nous avons pris la route
Le long de la frontière qui va vers l’Ouest sans doute
Mais grimpe comme une échelle vers des plateaux glacés
Il y avait de la neige partout sur la contrée.
Nous devions faire étape dans la ville d’Ardebil
Et l’agence de voyage a eu l’idée débile
De nous caser au loin dans des genres bungalows
Le vase a débordé ! Philippe a dit : « c’est trop »
Les quatre ont décidé d’aller au centre-ville
Dans un hôtel sympa qui plaisait bien aux filles
Et de virer Fahrad notre guide incapable
Non sans lui refiler un rhume abominable !
A nous la liberté ! Mieux vaut finalement
Etre seuls, que mal accompagnés en Iran.
Ardebil c’était bien, j’étais dans un parking
Pendant qu’ils achetaient des tapis au feeling.
Au moment de partir la neige était tombée
Et les routes incertaines pour ne pas dire fermées.
Ils ont donc décidé de passer par Tabriz
Où hélas dans des rues où l’on n’y voyait guère
Bernard m’a écorchée sur un poteau l’derrière.
Ils m’ont rafistolée mais mon charme antérieur
A quand même baissé du côté postérieur.
De Tabriz nous avons filé très vite vers l’Arax
Un de ces fleuves mythiques où pleins de gens furax
Se sont battus encore dans des guerres d’amplitude
Entre sauvages du Nord et sauvages du Sud.
C’est encore aujourd’hui un drôle de périmètre
Il y a quatre pays en cinquante kilomètres
Tous plus ou moins en guerre, et aucun n’est copain
Pour des raisons variées avec tous ses voisins.
Enfin on est passé. En 3 heures de douanes
Nous étions Arméniens, au fin fond des montagnes.
L’Arménie c’est joli du côté paysage
Mais alors côté routes il faut voir le passage
Ce n’est que bosses et trous comme si ce pays
N’avait rien fait depuis que les Russes sont partis.
C’est pauvre, c’est sauvage, plein d’églises jolies
Leur langue est plus complexe que de parler Farsi
Et fallait voir comment mes patrons à l’étape
S’expliquaient pour trouver avec ce handicap
Un logis pour la nuit chez des gens sympathiques
Car du côté hôtels c’est peau de balle et bernique.
J’ai compris seulement – quand en vue d’Erevan –
Ce que nous fichions là : à cause des deux volcans
Qui se nomment Ararat et dont on fait le tour.
Suis-je bête c’est le titre de leur blog mis à jour !
Je commence à comprendre le sens de ce voyage
Ah ces sexygénaires ! Ils ne font pas leur âge !
L’Arménie c’est pour moi un vilain souvenir
J’ai d’abord vu les filles puis Philippe partir
Il me restait Bernard décidé à rouler
Tout autour d’Erevan sans savoir où il allait
Vu qu’il y a peu d’panneaux et encore illisibles
Sans son navigateur ce fut parfois terrible.
C’est le 13 novembre que le pire arriva.
Ce chiffre porte malheur tout le monde sait ça.
J’avais avec succès répondu au challenge
De grimper dans la neige et il était aux anges
Quand visitant un bled dénommé Noratus
Une espèce de Lada plus cotée à l’Argus
Est venue se frotter à ma carrosserie
Une aile et la portière en furent bien flétries.
Le gars sans assurance, la foule se massait
Mon chauffeur pas trop fier tenta de négocier.
Un vague carrossier proposa ses services
Et Bernard me laissa à l’ouvrier novice
Craignant bien sûr le pire mais vraiment comment faire ?
Il fallait réparer pour nous tirer d’affaire.
Je ne vous dirais pas les jours que j’ai passés
Moitié déshabillée dans un garage glacé
Mais bon c’est l’aventure et je craignais le pire :
Être pillée, volée et vendue à des sbires.
Au final le gredin m’a rendue, présentable.
Ça semble professionnel, c’est loin d’être minable
Je vais pouvoir rouler c’est le plus important.
Philippe est de retour, alors vite en avant
Quittons donc l’Arménie, ses églises et couvents
Allons voir la Géorgie si c’est très différent.

Je suis sollicitée par des fans amusés
Qui veulent que je leur dise impressions et pensées
Et bien soit, vous aurez, écrit sans amertume,
Mon petit commentaire au niveau du bitume.