Qu’il est difficile de passer du mode « sédentaire » au mode « voyage ! La Tunisie s’est mise en quatre pour nous faciliter cette mue, pas encore bien cicatrisée.
Mon niveau de stress dans les trois semaines précédant notre départ a atteint un niveau que je n’avais pas connu depuis quinze ans, à la veille de mes examens pour devenir avocat, ou lors de mes premières plaidoiries délicates. Nuits d’insomnies à tourner et retourner dans la tête ce qu’on a pu oublier (du genre : mon passeport …) en même temps que toutes les catastrophes susceptibles de nous arriver dans ces pays réputés difficiles. Il a atteint son pic le matin du départ, une heure avant le rendez-vous du départ au « Vieux Belleville », en face de « La Mer à Boire », fermé pour cause de fêtes : une des valises de Véronique s’est cassée pendant son stockage, et ne peut être fixée sur la moto sans un bricolage à inventer tout de suite ; Véronique trouvera la solution… après nos adieux aux copains venus nous souhaiter bonne chance. Le lendemain matin, alors que nos motos voyagent toutes seules sur le train, le métro à 6h30 pour la Gare de Lyon est d’un glauque achevé, dans nos tenues de motards alourdies de ce qui ne tient pas dans les valises. Un Marseille sans soleil nous accueille, avec 10° de plus qu’à Paris, pour 48 heures passées entre nos amis Deschamps, la visite du Panier et du Vieux Port, ainsi qu’un dîner « du 31 », avec deux clients de notre hôtel autour du ‘meilleur couscous’ de la ville : dépaysement garanti, déjà ! C’est le lendemain matin, au PDDM – notre ferry part dans deux heures – que nous apprenons l’attentat d’Alexandrie… ambiance !
Sur le bateau « Méditerranée » (cela ne s’invente pas !) de la SNCM, alors même qu’il fait grand beau et que la mer est calme pour les 22 heures de traversée pour Tunis, prend tout son sens le mot « partir ». L’année dernière, il nous avait fallu 10 jours et 2.000 km pour quitter la France et nous habituer au mode « voyage » ; là, nous n’avions pas 20 km au compteur, et nous étions dans notre petite cabine, entourés de nos quelques affaires, soudain désœuvrés ; dépouillés ; cherchant à nous rendre disponibles au seul « présent » ; à ne pas nous laisser envahir par le souvenir de ceux qu’on laisse, par celui d’Yves et de Betty notamment, dont les infirmités précisément les forcent à vivre, eux aussi, pour autant que nous sachions, sans passé ni mémoire, sans projection dans le futur, dans le seul présent…. une façon de nous en sentir plus proches ? Partir, c’est vivre non pas sans passé, mais en distance avec lui : le présent qu’on laisse devient un passé distant ; vivre au présent, vivre en nomade, c’est ne pas se laisser envahir par la peur de ce qui va nous arriver et qu’on ne connaît pas ; c’est détricoter les passé/présent/avenir de notre vie sédentaire pour faire confiance au seul présent.
Paolo a démarré il y a deux ans une usine de mozzarella à Beni Khiar, ainsi qu’une autre de médicaments génériques, sans parler d’exportation d’huile d’olive vers la Chine ; il habite une villa à Nabeul (l’ancienne Neapolis des romains), à 70 km au sud de La Goulette, à côté d’Hammamet ; il nous accueille chaleureusement avec Chantal, ma cousine, que je n’ai pas vue depuis 15 ans, de quoi papoter pendant trois jours de la Tunisie comme de nos expatriations passées ! Une belle preuve du dynamisme industriel de la Tunisie, avant un petit couplet « pèlerinage » !
Mehdi Mrabet est directeur commercial du domaine viticole de Sidi Salem, aujourd’hui « Neferis », à quelques kilomètres de Grombalia, dans le Jebel Ressas ; associé avec des Siciliens, le domaine exporte 70% de sa production. Les grands parents de notre ami Christian de Rozières l’ont exploité jusqu’à l’Indépendance, et Mehdi cherchait à en reconstituer l’histoire, entre solidarités paternalistes et suspicion d’appartenance à la « Main Rouge », organisation terroriste de colons. La maison, aujourd’hui en ruines, où Christian à grandi ne se trouve qu’à quelques kilomètres ; elle est occupée par Dagbaji Hajili, célibataire, gardien de poules avec ses chiens : seule la vue éblouissante n’a pas changé !
Neuf mois après avoir visité Barcelone, qui tire son nom de la famille carthaginoise « Barca » (Hannibal, Hasdrubal, …), il était très émouvant de se trouver au cœur de l’empire punique ; s’il ne reste pas grand-chose de Carthage, la ville de Kerkouane en revanche, au Nord du cap Bon, donne une idée de la douceur de vivre ici deux siècles avant JC. Les Romains quant à eux ont notamment laissé la ville de Dougga, d’un état exceptionnel dans la campagne verdoyante de la haute Mejerda, suffisamment loin de la côte (100 km de Tunis) pour que ses pierres n’en aient pas été pillées. Il faut dire que la position géographique de la Tunisie est incomparable. A la charnière des deux bassins méditerranéens, comme la Sicile, elle en a connu un peu les mêmes vicissitudes, des conquêtes byzantines, goths, arabes et ottomanes, en passant par la guerre de « course » (Barberousse) et les croisades (St Louis y est décédé), et chaque envahisseur y a laissé de nombreuses traces visibles tant sur les sites qu’au musée du Bardo, malheureusement fermé à 80% suite à des travaux d’agrandissement.
L’incontournable visite au village de Sidi Bou Saïd, le St Tropez local, le tour dans la médina et sa moquée Zitouna (VIIIème siècle), où enseigna Ibn Khaldoun (XVIème), les cafés déjà très « turcs » au Grand Café du Théatre se sont déroulés sous une météo obstinément printanière, qui nous change de l’année dernière !
Demain, nous filons vers le Sud, Sousse, Kairouan, Sfax, Djerba, en passant récupérer chez Paolo la pièce pour réparer la valise de Véronique. Sauf imprévu de dernière minute, nous devrions entrer en Libye dimanche prochain, pays sans apparemment de grandes facilités avec l’Internet : notre prochaine mise à jour du blog devra probablement attendre notre arrivée à Alexandrie, fin janvier.
D’ici là, continuez à nous abreuver de nouvelles de France ; s’il ne nous est pas forcément facile de mettre en ligne une mise à jour, nous pouvons malgré tout récupérer vos emails et commentaires sur le blog, qui nous sont précieux pour le moral !
En cliquant sur la légende de la petite photo en tête de l’article (“2 – Beau temps en Tunisie”) vous accédez à l’Album PICASA avec toutes les photos pour réchauffer l’hiver parisien !
Je fais un copier/coller car j’ai posté dans le mauvais chapitre….
Merci Philippe et Véro pour toutes ces photos qui me rappellent mon enfance bien sur et mon voyage (retour aux sources 46 après en 2007 avec ma mère et mes frère et sœurs)
Le premier chapitre est écrit, on attendra la suite avec impatience depuis Alexandrie
On vous embrasse.
Christian
salut les remps! je me suis régalée de vous lire et de voir ces photos aux couleurs incroyables ; à partager votre échappée libre, on se sent pousser des ailes !
big big hugs à tous les deux
charlotte
merci de nous envoyer du soleil et de belles couleurs qui nous changent de notre grisaille parisienne ! Nous sortons du théâtre du Rond Point des Champs Elysées où nous avons été avec J.Louis, M.Noëlle, M.Annic et Martial entre autres et nous n’avons pas été au restaurant…on attend votre retour pour faire le diner de filles !
Très bonne année à tous 2, continuez à nous étonner !
Bonjour à vous,
Plein de belles images, déjà de beaux souvenirs, vos aventures Volume 2 se présentent vraiment bien. En tous cas, vu d’ici, ça a l’air carrément réussi.
C’est drôle aussi pour nous aussi les résidents, on a vite repris l’habitude de vous lire, de se promener autour de la grande eau à travers vos yeux et votre prose. C’est comme si cela était normal, et en fait il n’y pas de raison pour que cela ne soit pas.
Demain, tous vos enfants parisiens se retrouvent (avec leur valeur ajoutée) au resto et sans enfant pour l’anniversaire de Magali. On pensera à vous!
A bientôt et bonne route,
Cédric
Bravo et merci pour ces nouvelles rassurantes, profitez en bien et continuez à nous faire voyager… de mon coté, vivement la retraite!!
Bon vous m’avez fait aller lire des nouvelles sur la politique houleuse de la Tunisie, je suppose que ca rajoute du piment a vos aventures! Moi j’aime toujours lire vos petites notes philosophiques sur “l’état d’âme du voyageur”. A plus au téléphone!
Bisous