14 – Des Deux Siciles aux Alpes |
Plus d’un mois déjà que nous sommes restés silencieux ! Mille excuses à nos lecteurs ! Nous avons franchi les Alpes par le tunnel du Fréjus (entre Turin et Grenoble) le 19 avril dernier pour rejoindre notre maison familiale de Biviers (Isère) ; nous y avons été fort occupés, pendant deux semaines de grand beau temps (enfin !), à reprendre nos activités de grands parents : attraper des essaims pour notre rucher, et profiter de nos petits enfants Elipot, ceux là même qui étaient venus nous rejoindre au Maroc deux mois plus tôt (cf. Blog 11 – Les terrains de jeux du Maroc). Nous sommes ensuite revenus à notre point de départ parisien lundi dernier 3 mai. 13.800 kms au compteur, moins fatigués que désorientés par ce nouveau mode de vie sédentaire. Nos montures sont également retournées à leurs courses citadines, à peine fatiguées, et Profil Honda à Vincennes s’en occupe ! Juste une chute à déplorer pour moi, à Biviers… sur un rond point engravillonné… heureusement sans gravité, mais c’est vexant, après tous ces kilomètres ; nos nombreux proches qui se sont retrouvés emmaillotés dans plâtre ou bandages en restant chez eux cet hiver prouvent qu’on est beaucoup plus prudents quand on voyage que quand on reste chez soi ! – Attends, là, tu nous embobines ? Cela fait trois semaines que vous êtes en France, et tu n’as pas trouvé le temps de nous donner des nouvelles ? On ne savait même pas si vous vous étiez perdus en Tunisie ou bien dans les mafias sicilienne, calabraise ou napolitaine ?! – Ben oui, euh, on a aussi découvert qu’on dispose aussi de beaucoup plus de temps quand on voyage que quand on reste chez soi ! Cette dernière partie du voyage aura d’ailleurs été très instructive sous bien d’autres aspects.
Par exemple d’abord les ferries. Les cabines y sont confortables ; nous n’y avons pas eu le mal de mer ; l’ambiance des ports est toujours très excitante ; on y rencontre souvent des gens intéressants ; c’est beaucoup moins fatiguant pour les montures comme pour les cavaliers ; et ce n’est pas si cher quand on compte tous ces avantages ! Lorsqu’il nous a fallu nous préparer à quitter la Sicile pour rejoindre Naples et la Campanie, alors que Véronique traînait depuis quelques jours un lumbago, et que nous avions décidé que nous n’aurions pas le temps de visiter la Calabre, Via-Michelin, pourtant toujours très optimiste, indiquait curieusement 6 heures pour 480 km d’autoroute, soit 80 km/h de moyenne. Renseignements pris, cet « autoroute » est en tellement mauvais état que même les routiers ne la prennent plus ; une « autostrada del mare » contourne le problème, par un ferry nocturne entre Messine et Salerne : une nuit de 8 heures au lieu de 2 jours d’autoroute, le calcul était vite fait ! Cela ouvre de nouvelles perspectives pour nos prochains voyages ! Sans compter qu’on touche du doigt qu’il y a pratiquement la même distance, toujours plus vers l’Est, entre Barcelone et la Sardaigne, qu’entre la Sardaigne et la Sicile ; nos ancêtres marins connaissaient bien ces distances !
Ensuite, se donner guère plus de deux semaines pour « visiter » Sardaigne, Sicile et Campanie oblige à passer à côté de beaucoup trop de trésors sans prendre le temps d’aller même y jeter un coup d’œil. Dès qu’on arrive dans une nouvelle ville où nous n’avons jamais mis les pieds, malgré la fatigue, dès les valises posées, on se précipite humer l’ambiance jusqu’à point d’heure ; mais dès le lendemain ou le surlendemain, il faut repartir. On se dit mollement qu’on reviendra… Il faut se faire une raison : il y a un temps pour se déplacer ; et un temps pour s’incruster. Et quand on se déplace, même avec toutes les commodités d’une moto, on ne peut pas « tout » voir ! Même si on pensait nous en être donné tout le temps nécessaire.
Enfin, bien sûr, il faut dire un mot de la découverte de ces terres placées au cœur de la Méditerranée, sur la route de la soie comme sur celle des croisades ; les Anciens les appelaient « La Grande Grèce » : Zénon était d’Elée, à côte de Naples ; Pythagore est mort à Metaponte, dans le golfe de Tarente, où il laissa son école prospérer, pas loin de Sybaris ; Archimède était de Syracuse en Sicile, où subsistent d’innombrables temples ou théâtres grecs. Les Phéniciens/Carthaginois, comme les Grecs, se sont installés sur les rivages de ces « Siciles », bientôt convoitées par des puissances plus terriennes comme les Romains d’abord, les Normands, Arabes, Aragonais ou Angevins ensuite : après les nécessités du commerce ou de la recherche de nouvelles terres, la région est devenue terre ou base de pillage d’où se contrôlait le commerce méditerranéen. Les cadets des grandes familles y allaient volontiers y chercher fortune, mettant leur épée au service d’un prince comme le Pape, l’Empereur, ou le Sultan de Constantinople. Toutes ces dynasties ont empilé des trésors artistiques pendant des siècles, dans des paysages lumineux plutôt rustiques ; le sous développement de la région, flagrant par rapport à l’Espagne, compose un ensemble très attachant, avec une joie de vivre débonnaire : heureusement qu’il nous faudra un jour le retraverser pour aller plus vers l’Orient !
A bientôt donc !