Juste un petit mot à tous nos lecteurs pour leur indiquer que nous sommes rentrés à Paris le 4 février 2009, jour de la Ste Véronique. C’était urgent ; elle avait pris, avant le départ, un rendez-vous avec ses copines !
Après avoir récupéré nos bicyclettes à Burgos, nous sommes arrivés en train à Irun dans les heures qui ont suivi le passage de la tempête du 24 janvier, nous valant du vélo sous la pluie et le vent entre les troncs d’arbres et les tuiles cassées entre Fontarrabie et St Vincent de Tyrosse (photos ci-jointes !), où l’électricité n’est revenue que 8 jours après l’apocalypse.
Nous avons profité pendant 4 jours d’un repos que nous estimons bien mérité pour visiter Bordeaux, ville que nous ne connaissions pas du tout, et ce par une météo presque printanière.
Après être parvenus à prendre le TGV pour Tours avec nos bicyclettes, l’hiver nous y a violemment heurté avec une lumière glauque et une glaciale pluie verglaçante. Il m’a fallu des trésors d’optimisme pour nous empêcher d’acheter tout de suite des billets de train pour le TER de Blois !
Récompense éblouissante au lever du jour : non seulement « grand beau grand bleu » mais le froid a conservé le verglas d’hier, qui étincelle de mille cristaux accrochés aux haies comme aux fils, aux arbres comme aux prés. La féérie … et le froid, nous permettront d’avaler plus de 80 kms avant la tombée du jour. Nos derniers coups de pédales nous mènent aux Bichetières, perdues au milieu des bois de Chambord, où nous rejoint notre tante Christine de Larminat, et où nous laissons nos bicyclettes. Le lendemain, en train vers Paris, la campagne a retrouvé sa grisaille embrumée. Heureusement, nos cœurs sont encore chauds et lumineux de trois mois de vadrouille pour affronter le retour sur la table d’opération.
N’hésitez pas à nous laisser un commentaire avec vos coordonnées email si vous souhaitez nous poser des questions sur notre équipement et/ou notre itinéraire.
Eh bien nous y voilà, de l’autre côté de ce détroit, de ces « colonnes d’Hercule » qui ont marqué si longtemps le bout du monde civilisé, quand on arrivait de l’Est, c’est-à-dire de Tyr, Phocée, Carthage ou Rome. D’un côté, nous changeons de continent, non seulement géographique, mais aussi culturel. D’un autre côté, il s’agit toujours en fait de la même terre que l’Andalousie, avec le même climat et les mêmes cultures : le rocher de Gibraltar se voit parfaitement des remparts de Tanger, et le dépaysement n’est que très relatif : c’est l’avantage de notre voyage par voie de terre. D’autant plus que l’accueil proverbial des marocains a fonctionné dès le pied posé à Tanger.
Nous avons souhaité un temps d’acclimatation pour notre entrée au Maroc, avec deux premières nuits à Tanger ; nous avons pris le temps de visiter sa Casbah, ses grand et petit « Socco » (places de la médina) et son « vieux » quartier européen, en découvrant le thé à la menthe, les cireurs de chaussures … et les dealers qui infestaient le terrain vague jouxtant l’hôtel. Le site de cette ville internationale est superbe, et l’animation de ses rues fait oublier l’état de délabrement des immeubles coloniaux.
120 kms d’excellentes routes plus loin, ponctuées de jeunes gens brandissant des paquets de kif, et après une pause thé/café à Tetouan (300.000 habitants – ancienne capitale du Maroc espagnol), c’est Chefchaouen, capitale religieuse du Rif, qui nous accueillait pour une nouvelle escale pittoresque. Sa médina, accrochée aux pentes du Djebel Tissouka dont les 2000m étaient couverts de neige, est quasi intégralement – murs comme sols peinte dans une gamme de bleus les plus divers ; le spectacle vaut le détour ! Quand à l’accueil des chaouenis, il fait complètement oublier qu’il y a moins d’un siècle, tout chrétien qui y était surpris était empoisonné ; le premier qui en revint vivant était Charles de Foucault, qui s’était déguisé en rabbin !
Nous n’avions plus alors qu’environ 200 kms pour atteindre Fès, notre destination provisoire. Après la montagne boisée comme en Europe, la route descend plein sud dans la plaine où la terre et les oueds sont rouges de limons fertiles. Les routes sont presque aussi roulantes, n’eussent été la pluie qui les rend boueuses, et du gasoil sur la route pendant une dizaine de kilomètres – c’est comme du verglas , épreuves dont nous sommes sortis à peine émus, mais un peu crottés.
C’est à Fès en effet que, première ville « mythique » de notre périple autour du monde, nous souhaiterions jeter l’ancre jusqu’au printemps, nous donner le temps de découvrir le Maroc autrement que comme des touristes, y vivre « comme des expatriés ». Et de cette capitale royale, à l’incroyable médina dont les murs millénaires enferment quelque 150.000 habitants (Fès en compte un million …), nous espérons, si nous y trouvons un gîte accueillant pour un coût raisonnable, pouvoir explorer bien sûr le Maroc dans tous les sens avant de poursuivre vers l’est. Pour l’instant, nous avons commencé, à deux sur la même moto, des circonvolutions autour de la médina pour en prendre la mesure, les dénivelés, et l’inventaire des portes d’accès. Philippe tient le guidon, et Véronique la carte ; dialogue : lui « On va où ? » elle « à gauche » – Il va tout droit – elle « ??!! » (intraduisible) lui « je te demande ton avis et c’est moi qui décide où on va » ; on s’est beaucoup perdu ! Puis nous sommes lancés à pied, et avons trouvé une maison d’hôte pour deux nuits derrière les murs après trois nuits dans un hôtel de la ville européenne ; comme il pleut à verse depuis que nous sommes arrivés, et que le charme de la ville tient entre autres à l’ombre de ses cours et murs par gros soleil, cela semble un peu glauque de prime abord, mais l’hôtesse me fait penser à Véronique accueillant ses étrangères à la maison à Paris il n’y a pas si longtemps : une vraie Maman !
Là-dessus, Marie Noëlle et Christophe viennent de nous annoncer l’arrivée d’une petite Lea née le 18 décembre à Paris ; nous venons de trouver à caser nos motos dans un garage et sautons dans un avion pour venir lui souhaiter de vive voix bienvenue dans la famille Perrin.
Nous souhaitons à tous de joyeuses fêtes de fin d’Année !
Véronique, c’est ma copine ; depuis un peu plus de 37 ans. Ensemble, nous avons vécu en expatriés pendant 8 ans dans 5 pays différents d’Afrique Noire avant de devenir parisiens, moi « cadre » à Paris, Véronique mère de famille nombreuse. Puis, nécessité oblige, j’ai commencé des études de droit à 46 ans, prêté serment d’avocat à 49, et Véronique s’est reconvertie en assistante d’avocat. Pour fêter cela, nos amis m’ont offert un « permis moto » : une vraie révélation pour le scooteriste que j’étais depuis 12 ans ; quant à Véronique, elle passait également son permis à 51 ans. Nous sommes donc tous deux encore néophytes en la matière, et donc enthousiastes. Nos motos de 700cm3 sont de stricte série, tous les accessoires tirés de la boutique Honda sauf les valises alu (Hepco&Becker) et le phare longue portée (Touratech) ; poignées et gilet (Klan) chauffants bien sûr. Dix ans plus tard, chacun de nos 5 enfants dûment doté de diplôme voire de situation, notre devoir de parents accompli et de grands parents léger, Véronique a pu réaliser son rêve de m’emmener visiter l’Espagne, et moi, j’espère très bientôt, celui de retourner à Fquih ben Salah Maroc, là où j’ai vécu tout petit pendant 8 ans : c’est bien dans ce coin de la terre qu’il nous fallait commencer notre tour du monde !
Honnêtement, « partir » n’est techniquement pas compliqué ; mais les choses les plus simples ne sont pas nécessairement les plus faciles.
Partir à moto est certes légèrement plus compliqué qu’à pied ; comme on dispose de plus de place, on a en effet plus d’embarras pour trier l’indispensable ; mais on part pour 6 mois … la mécanique implique quelques pièces et outils … et à moto, pluie, vent ou froid exigent quelques protections encombrantes : le tout doit être comprimé dans moins de 100 litres environ (vérifiez le volume du coffre de votre voiture !). Le peu d’affaires facilite les arrivées et départs.
Le plus difficile est bien sûr de dénouer toutes les amarres qui nous retiennent à quai : c’est dans la tête qu’on s’est serré des nœuds ! Regarder, raconter dans ce blog, recevoir vos messages d’encouragement, c’est dénouer les attaches en les laissant respirer mais sans les rompre !
Ces dix derniers jours ont été éblouissants de paysages, de lumières et de couleurs dans les feux d’un été indien qui semble se télescoper avec le printemps (détails et commentaires dans l’album ci-joint !). Tolède, Cordoue (ah, les bains et massages « arabes » !), Séville (ah, le flamenco !), Grenade (cf. carte road book) : nous avons parcouru en 10 jours les chemins que la Reconquista mit 3 siècles à conquérir. Cette Espagne paraît bien plus chargée d’histoire que la France – elle a été romanisée deux siècles avant la Gaule, et le Califat Omeyyade d’Al Andalous a ajouté une couche d’exotisme incroyable d’équilibre – où les ors baroques de la Reconquista ont finalement eu pudeur à recouvrir toute trace de cette civilisation musulmane où les trois monothéismes ont cohabité dans une harmonie certaine pendant sept siècles. Si nous n’avons pas trouvé trace de moulins à vent dans la Mancha, pays de Don Quichotte, ni plus guère de cuir ouvragé à Cordoue, Véronique a failli craquer sur les crèches de Séville, ou, pour son 9ème petit enfant à naître avant Noël, des ensembles tricotés très 1950.
Nous avons quitté l’Andalousie par la montagne de Ronda, une ville coupée en deux par un coup d’épée, puis retrouvé la Méditerranée à Algésiras, qui fait face au rocher de Gibraltar par delà une baie où les dauphins batifolent. Ambiance de port animé que nous ne connaissons guère ; Véronique s’y sent très à l’aise, bien qu’un peu inquiète de franchir demain le détroit pour une Afrique musulmane.
A chaque fois, je me fais avoir ! Il m’avait dit : « mais non, cette fois, on part pour six mois, on aura tout notre temps », et « mais non, on part vers le Sud, la Méditerranée, il y fait toujours beau et chaud », ou encore « Tu n’as rien à préparer, je m’occupe de tout ».
Dès la frontière espagnole passée, pour notre première nuit à Barcelone, la réception nous demande bien sûr nos passeports. Lui : « je l’ai oublié à Paris ! ». Moi : « Mais non, cherche, il est sûrement quelque part ? ». Lui : « Non, non, je suis sûr, je l’ai laissé dans le tiroir du secrétaire jusqu’au dernier moment, et ne l’ai pas pris ». Moi : « Mais tu as besoin d’un passeport pour entrer au Maroc ?! » Lui : « Oui, je sais, j’ai tout préparé, mais j’ai oublié mon passeport ; il faut demander à Charlotte de nous l’envoyer par DHL avant l’entrée au Maroc, à Madrid, dans 2 jours ». Charlotte et Stoned squattent notre appartement avec leurs 4 garçons ; le passeport est effectivement dans le tiroir du secrétaire ; demain jeudi, elle le fera envoyer par DHL à la première heure à notre hôtel à Madrid. Il sera à l’hôtel vendredi matin. Philippe envoie un mail à l’hôtel la veille de notre arrivée, pour les prévenir. 700km plus loin (il m’en en aura fait faire 1000 en 3 jours … – on a tout le temps), et 10°C plus frais (on a carrément tourné le dos à la Méditerranée), l’hôtel nous confirme qu’ils ont bien reçu ce matin un courrier pour nous, mais qu’ils l’ont renvoyé, n’ayant personne à ce nom chez eux ; que c’est leur fils qui reçoit les mails, et qu’il ne les a pas prévenus ; qu’ils n’ont pas pensé à regarder le carnet des réservations ; que c’est la première fois que cela arrive ; qu’ils sont désolés, (tu parles !) d’autant plus qu’on est vendredi soir et que DHL est fermé samedi et dimanche. Il n’est que 17h30 ; ce n’est qu’à 18h qu’on saura si notre passeport est revenu au bureau de DHL. Et s’il est bien revenu, il faudra être au bureau DHL de l’aéroport Barajas (à 25 km) avant 20 h … sinon, ils pourront relivrer lundi, date à laquelle nous sommes supposés être entre Avila et Tolède … Nous partons à 18h45 vers l’aéroport sans avoir pu obtenir d’indications pour savoir où se trouve DHL ; après une course dans les embouteillages et les méandres des autoroutes de Barajas, nous finirons par trouver le « terminal de carga », serons devant le guichet de DHL à 20h05 … et réussirons à le récupérer. 5 jours plus tard, ce sera à lui de ricaner !
Il a bien essayé de me prévenir que la météo n’était pas bonne ; et que l’Escorial, Ségovie et Avila étaient en altitude. Et j’ai eu beau lui dire que dès que je verrai de la neige, je ne bougerai plus, on ne se refait pas. L’Escorial était magnifique en couleurs d’automne. Au puerto de Guadarrama (1511m), on voyait bien que la neige n’était pas loin, mais la route était vraiment belle … et sèche. A Ségovie, il a commencé par me faire faire un tour, à moto, de la ville piétonne, avec des lacets sur de petits pavés dans des rues pentues à 40% et à peine assez larges pour les motos ; il faisait un froid de « gueux » le soir pour visiter l’Aqueduc romain et les églises romanes. Le lendemain matin, il bruinait fort, et, entre les bourrasques, on voyait bien que la neige tombait là où on était hier. Après plusieurs cafés en ville, la neige tombait sur Ségovie, et l’heure tournait. Il m’a alors fait m’habiller de tout ce qu’on a de disponible contre la pluie et le froid … et, 70 km plus loin, on est arrivé sur une vue superbe d’Avila, dans ses remparts sur fond de Sierra enneigée. Le lendemain, le Puerto de Paramera (1395m), bien que sous la neige avec un vent à décorner des toros furiosos, n’était qu’une formalité car la route, bien que blanchie par le sel (et non pas le verglas comme je l’ai cru), était sèche, n’empêche que j’ai serré les fesses ou plutôt les genoux pour un motard. Dès le col passé, nous redescendions vers des lumières et des couleurs d’automne, et la température reprenait 10°.
Cela fait maintenant deux jours entiers que nous sommes à Tolède, dans un hôtel au cœur de la vieille ville médiévale, à deux pas de la cathédrale ; il y a tant de beautés à découvrir, entre les passés wisigoth, arabe, juif et surtout catholique, de ce catholicisme qui encore ce matin, fait décorer la cathédrale d’une banderole affichant « pour Dieu et pour l’Espagne, avec nous la Vierge vaincra » !
On s’y sent tellement bien que ce matin, j’ai cherché en vain dans toute notre petite chambre mon sac à main. Mon sac rouge, que je porte toujours en bandoulière ; celui dans lequel je range entre autres tous les doubles de mes papiers ; et puis d’ailleurs aussi, hier soir, les originaux, et nos espèces … Depuis le temps que je dis à Philippe qu’il fasse plus attention à ses papiers ! Mais il n’y a rien à faire, le sac n’est pas dans la chambre … je l’avais laissé hier soir sur la chaise du restaurant, et ce matin, le restaurateur me l’a rendu avec le sourire … et l’intégralité de son contenu. Ouf !
Un voyage initiatique qu’il disait ! Si les voyages forment la jeunesse, nous avons encore beaucoup à apprendre ! J’ai eu trop peur pendant une heure ! J’en suis à peine remise !
Merci à tous ceux qui pensent à nous ; n’hésitez pas à continuer à nous abreuver de nouvelles de chez vous ; vous voyagez avec nous.
Demain matin, nous partons sur l’Andalousie, plein Sud, vers Cordoue. On devrait vous écrire à nouveau avant de passer Gibraltar.
Hasta luego !