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11 – En Patagonie !

11 - En Patagonie !

11 – En Patagonie !

 

 

 

 

C’est avec une certaine émotion que nous franchissons le cours des rios Colorado et Negro, qui marquent traditionnellement l’entrée dans un monde différent de tout ce que l’on connaît : la Patagonie. La région s’étend sur 2.500 km jusqu’au détroit de Magellan, et des Andes jusqu’à l’océan Atlantique, sur plus d’un million de km². Région mythique, fantasme de tous les explorateurs, habitée par des peuples Indiens depuis plus de 10.000 ans (35.000 pour les plus anciennes traces prouvées, du côté de Puerto Montt au Chili) … même aujourd’hui, avec l’immigration européenne, elle est à peine plus peuplée que la Sibérie (3,8 hab/km²). La région inspire le respect : à part sur la lune, c’est l’endroit le plus éloigné où l’espèce humaine est jamais venue… mais même la lune sans doute n’aura jamais autant fait travailler l’imagination des hommes. La Patagonie est traditionnellement une terre d’exil et de colonie. Au cours des siècles, une grande partie de sa population y est venue, attirée comme par un aimant, pour ses grands espaces loin de tout, où l’on pouvait espérer faire fortune et surtout y commencer un monde nouveau : les ancêtres des gens qui habitent ici ont pour la plupart quitté leur pays, pour de multiples raisons, afin de bâtir du neuf. Et une des particularités des gens qui habitent la Patagonie est d’avoir gardé un fort attachement pour leur patrie. Il y a quelque part, comme l’écrit justement Bruce Chatwin (‘En Patagonie’), quelque chose du mythe de l’agriculteur Caïn chez ces indomptables Patagons qui ont jeté l’ancre ici sur ces terres infiniment hostiles.

Parce que la nature y est hostile ! Ce n’est certes pas un désert de dunes et de sables comme en Arabie et au Sahara, mais il a lui aussi suscité d’immenses expériences humaines à défaut de spirituelles. Charles Darwin, lors de son voyage sur le ‘Beagle’ (1836) qui devait être si déterminant pour la conception de sa théorie de l’évolution des espèces, y fut irrésistiblement attiré par… tous les aspects effrayants et négatifs de ces immensités arides : « Les jours suivants, le paysage continua à rester extrêmement inintéressant ; (…) c’est le sceau de la stérilité qui a frappé tout ce pays (…). Mais, quand je me remémore des images de mes voyages, ce sont souvent les plaines de Patagonie qui reviennent ; pourtant, ces plaines sont de loin les plus abandonnées et inutiles que je connaisse… leurs caractéristiques sont uniquement négatives : sans habitations, sans eau, sans arbres, sans montagnes, elles n’ont que quelques plantes rabougries : comment alors – et il n’y a pas qu’à moi que cela arrive – ces immenses étendues arides ont-elles réussi à prendre à ce point possession de mon esprit ? »

Dès la sortie de Bahia Blanca, nous abandonnons l’herbe de la Pampa pour entrer dans ces espaces stériles et surchauffés en traversant la ‘Plaine des Vents’, jouant avec les mirages sur une immense ligne droite de 250 km qui traverse une maigre steppe grise. Entre deux bras du fertile rio Negro, à Choele Choel se trouvent deux campos de cousins, d’environ 100 ha chacun, ceux des Stier et de Véronique Hary-de Larminat. Et comme m’expliquait Laurent Stier à Buenos Aires, pour le même prix, il vaut mieux un petit 100 ha irrigué par le rio Negro que 2.500 ha de steppe patagonne ! Mais il y a aussi de grandes et belles estancias, notamment lorsque la route s’élève doucement vers la chaîne des Andes, avec ses premiers volcans et ses premières taches blanches de névés en ce milieu de l’été ; il y a de l’eau partout ici, avec rivières, lacs et cascades. Fernando et Mercédès Lopez-Laxague nous accueillent à Aluminé, à quelques kilomètres de la frontière chilienne. Fernando y est gérant d’une estancia assez particulière, l’estancia Pulmari de quelques 112.000 ha ; il me fait beaucoup parler en espagnol, puis nous découvrons qu’il comprend mon français aussi bien que moi son espagnol ! Il m’explique que l’estancia appartient à l’Etat, plus précisément à trois entités aux intérêts divergents, et il doit se battre entre le gouverneur de la Province de Neuquen, celui de la Province de Buenos Aires et… l’Armée, sans parler du fait que le domaine contient une partie du Parc National Lanin et est limitrophe d’une frontière par laquelle passent de nombreux trafics… Entre le renouvellement des plantations de pins et eucalyptus, la préservation de la plus grande forêt d’araucarias du monde, la vie économique des villages mapuche, l’implantation des lodges et cabañas et la surveillance des touristes chasseurs, pêcheurs ou randonneurs, Fernando a tellement de travail qu’il doit rester la plus grande partie de son temps à son bureau d’Aluminé. Il est d’autant plus heureux de nous en faire faire le tour du propriétaire, nommant chaque gibier de poil ou plume et chaque arbre ou bambou par ses noms espagnol, mapuche et scientifique. Et nous arrivons pour assister à la très rare floraison des bambous, qui n’a lieu que tous les quarante ans !

Nous sommes en pleine Araucanie ici, le royaume éphémère du Périgourdin Orélie-Antoine 1er de Tounens (1860). Et une stèle non loin du lac Pulmari marque le lieu de la dernière bataille entre le Général Roca et les tribus mapuche (1884), clôturant ce que la tradition argentine appelle la ‘Conquête du Désert’. Comme l’explique Wikipedia : « Le nom même de la dite campagne rend compte de la manière dont les peuples autochtones étaient perçus à l’époque : comme des sauvages qu’il n’y avait qu’à exterminer puisque, malgré leur présence sur ces terres habitées, on appelait ces terres un désert. Roca, à la tête d’une puissante armée moderne et bien entrainée parvint à soumettre la Patagonie en venant à bout de la résistance tenace des peuples de l’ethnie mapuche, causant un nombre épouvantable de victimes. On estime que la guerre fut la cause directe de la mort de plus de 20 000 indigènes non combattants (femmes, enfants, vieillards). » Et comme en atteste la légende d’une gravure, vue au musée de la Patagonie de Bariloche, montrant des Indiens pillant une estancia (1890) : « Depuis des temps immémoriaux, la Pampa était habitée et dominée par des tribus sauvages qui vivaient du pillage sur les établissements situés au sud de Buenos Aires ». Véronique a longtemps travaillé, dans un domaine différent (l’antijudaïsme chrétien), sur le ‘devoir de mémoire’ et des déclarations de ‘repentance’ (la déclaration dite ‘de Drancy’), qui n’accusent pas nos pères. Elle pense que l’Argentine en est encore loin ! Et a beaucoup apprécié le travail effectué par nos cousins argentins envers les Mapuche !

La prochaine fois, nous vous parlerons de la magnifique estancia familiale du Cerro de los Pinos, fondée par nos oncles en 1909, aujourd’hui 20.000 ha sur les bords du Chimehuin. Que ceux qui n’ont pas la patience d’attendre se précipitent sur le passionnant ‘Pionniers en Patagonie’ de Miguel de Larminat !

Je vous rappelle que, pour accéder à l’album de photos, il faut cliquer sur la légende de la photo en tête de l’article.

OU sur le lien ci-dessous :

https://picasaweb.google.com/113501550221338298900/11EnPatagonie?authuser=0&feat=directlink

Je vous rappelle aussi que parfois, lorsque l’album ‘Picasa’ s’ouvre, Google+ propose ‘par défaut’ une présentation de l’album sous forme d’une ‘Galerie’, où on ne peut notamment pas lire les légendes dont j’orne chaque photo. Il faut alors, dès l’ouverture, repérer en haut et au milieu de l’écran un bandeau (près de la ‘barre de titres’ où s’affichent les liens ‘http://, etc…’) où il est écrit (en jaune) quelque chose comme « Cliquer ICI pour revenir à Picasa ». (Attention, le message ne s’affiche pas très longtemps ; si vous ne le voyez pas, revenir en arrière d’une étape !). Il faut alors cliquer sur « ICI », et, miracle, tout l’album s’affiche sous forme de vignettes. Cliquer ensuite sur ‘Diaporama’ ; le Diaporama se lance alors avec la première photo…. puis faire comme le diaporama le propose : appuyer sur la touche F11 du clavier pour passer en ‘plein écran’… sur la touche Pause, et faire défiler soi-même ses photos à son rythme avec les flèches de direction du clavier.